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Document 398D0538
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398D0538
98/538/CE: Décision de la Commission du 17 juin 1998 relative à une procédure ouverte en vertu de l'article 86 du traité CE (IV/36.010-F3 - Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato) [notifiée sous le numéro C(1998) 1437] (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 252 du 12/09/1998 p. 0047 - 0066
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 17 juin 1998 relative à une procédure ouverte en vertu de l'article 86 du traité CE(IV/36.010-F3 - Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato) [notifiée sous le numéro C(1998) 1437] (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (98/538/CE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment ses articles 3, paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, vu les demandes, au sens de l'article 3 du règlement n° 17, présentées respectivement par les entreprises R.J. Reynolds Tobacco GmbH et R.J. Reynolds Tobacco Company SAE, par l'entreprise Rothmans International BV et par l'entreprise International Tobacco Company, tendant à faire constater que l'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato a enfreint l'article 86 du traité, vu la décision de la Commission, du 27 février 1997, d'ouvrir une procédure dans le cas d'espèce, après avoir donné à l'entreprise intéressée la possibilité de présenter ses observations sur les griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99/63/CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et positions dominantes, considérant ce qui suit:
PREMIÈRE PARTIE
LES FAITS
I. L'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato (1) L'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato (ci-après: «AAMS») est un organisme, intégré à l'administration financière de l'État italien, qui, outre différentes activités administratives, exerce également une activité de production, d'importation, d'exportation et de distribution en gros de tabacs manufacturés. (2) En vertu de l'article 45 de la loi n° 907 du 17 juillet 1942 (3), l'AAMS jouit du droit exclusif de fabriquer du tabac manufacturé sur le territoire de l'État. L'AAMS exerce actuellement ce droit par le biais de vingt et un établissements de production qui emploient environ 7 500 personnes. Dans ces établissements, l'AAMS produit non seulement des cigarettes de marques dont elle est propriétaire, mais également des cigarettes de marques appartenant à l'entreprise Philip Morris. À cette fin, l'AAMS a conclu avec cette entreprise, au cours des dernières décennies, des accords de fabrication sous licence concernant, en particulier, les marques Marlboro, Muratti Ambassador, Mercedes et Diana. En 1995, l'AAMS a fabriqué environ 54 millions de kilogrammes de cigarettes, dont 40 millions de kilogrammes sous ses propres marques et 14 millions de kilogrammes sous les marques Philip Morris. (3) En outre, l'AAMS exerce des activités d'importation, d'introduction par le biais d'achats intracommunautaires, de distribution et de vente de tabacs manufacturés. La capacité de distribution de l'AAMS se chiffre à 102 millions de kilogrammes de cigarettes par an.
II. Les produits et leur distribution en Italie
1. Les produits (4) Les produits visés par la présente procédure sont les cigarettes; (sont par conséquent exclus les autres tabacs manufacturés comme les cigares, les cigarillos, les tabacs hachés et les tabacs à priser). En 1995, les ventes légales de cigarettes en Italie se sont chiffrées à 90 millions de kilogrammes. Il s'agissait de cigarettes fabriquées en partie (environ 54 millions de kilogrammes) en Italie par l'AAMS et en partie (environ 36 millions de kilogrammes) dans d'autres États membres. Au cours des dernières années, les parts de marché des différents producteurs ont été les suivantes: >EMPLACEMENT TABLE>
2. La distribution des produits en Italie (5) L'importation en Italie et le commerce de gros des cigarettes provenant des autres États membres ont été «admis», c'est-à-dire libéralisés, par la loi n° 724 du 10 décembre 1975 (4), qui dispose en son article 1er que, par dérogation à l'article 45 de la loi n° 907/42 précitée, l'importation par le biais de dépôts de distribution n'appartenant pas à l'administration des monopoles d'État est autorisée, à condition toutefois que la création de ces dépôts ait été autorisée par l'administration des finances et que les produits importés figurent déjà au tarif des prix de vente des cigarettes. Les critères et modalités relatifs à l'autorisation de création des dépôts, de même que les modalités à observer pour la circulation des produits importés, ont été précisés par différents décrets du ministère des finances, et notamment par le décret ministériel du 26 juillet 1983. Cependant, jusqu'à présent toutes les cigarettes de provenance communautaire ont été importées en Italie par l'AAMS, qui se charge également de leur distribution en gros sur la base d'accords passés avec les producteurs extérieurs souhaitant vendre leurs cigarettes sur le territoire italien. (6) La loi n° 1293 du 22 décembre 1957 (5) arrête l'organisation des services de distribution et de vente des articles soumis à monopole et, donc, des cigarettes. En vertu de cette loi, ces services sont fournis par: a) les inspections de secteur; b) les dépôts; c) les bureaux de vente des dépôts; d) les entrepôts de vente en gros; e) les détaillants. (7) Les inspections de secteur (ci-après: les «inspections») supervisent les services de distribution et de vente. Conformément aux dispositions édictées par la direction générale de l'AAMS, les inspections organisent ces services et veillent à leur bon fonctionnement (article 2 de la loi n° 1293/57). Les inspections font partie de l'AAMS qui y délègue ses propres fonctionnaires, lesquels exercent l'autorité disciplinaire sur le personnel de l'ensemble des services et des organes subordonnés, sur les responsables d'entrepôts et sur les détaillants. (8) Les dépôts d'articles soumis à monopole (ou organes de distribution primaire - ci-après: les «dépôts») ont pour tâche de recevoir les articles en question, de les stocker et de les distribuer pour la vente (article 3, paragraphe 1, de la loi n° 1293/57). Ils se chargent de recouvrer la taxe sur les ventes desdits articles, ainsi que toutes les recettes revenant à l'AAMS, et de les verser au Trésor (article 3, paragraphe 2, de la loi n° 1293/57). Ils font partie de l'AAMS et sont gérés par des fonctionnaires de celle-ci. À l'heure actuelle, il existe vingt et un dépôts. Les bureaux de vente des dépôts prélèvent les produits stockés des dépôts, contre paiement du montant correspondant, et les vendent aux détaillants autorisés. À titre exceptionnel, ils peuvent également fournir les entrepôts de vente en gros pour le compte des dépôts (article 4, premier alinéa, de la loi n° 1293/57). Afin de pouvoir s'acquitter de leur tâche, ils reçoivent une dotation à titre de dépôt (article 4, paragraphe 2, de la loi n° 1293/57). (9) Les entrepôts de vente en gros (ou organes de distribution secondaire - ci-après: les «entrepôts») prélèvent les articles en question des dépôts et des bureaux de vente des dépôts, contre paiement du montant correspondant, et les vendent aux détaillants autorisés. Leur exploitation est confiée à des particuliers qui reçoivent une dotation à titre de dépôt et qui doivent déposer une caution (article 5, paragraphes 1 et 2, de la loi n° 1293/57). Leur rémunération est fonction du poids conventionnel des articles vendus (article 5, paragraphe 3, de la loi n° 1293/57). La gestion des entrepôts est régie par le décret présidentiel n° 1074 du 14 octobre 1958 (6), par un cahier des charges spécifique et par les instructions émanant de l'AAMS. À l'heure actuelle, il existe environ 600 entrepôts. (10) Les débits d'articles soumis à monopole (ci-après: les «détaillants») se procurent les cigarettes auprès des entrepôts et les stockent afin de les vendre au public. On distingue les débits de tabac ordinaires et les débits spéciaux. Les débits d'État ont été supprimés par la loi n° 198 du 13 mai 1983. Les débits de tabac ordinaires sont donnés en concession ou en gérance à des particuliers pour une durée n'excédant pas neuf ans (article 19 de la loi n° 1293/57). Ils «sont institués au moment et à l'emplacement jugés utiles et opportuns par l'administration dans l'intérêt du service» (article 21 de la loi n° 1293/57) et sont classés en débits de tabac de première et deuxième catégorie en fonction du revenu, constitué par les remises sur les tabacs et sur les produits dérivés du tabac. Les débits de tabac spéciaux sont institués pour satisfaire à des exigences particulières du service de vente au détail, et peuvent même avoir un caractère temporaire lorsque les conditions pour procéder à l'institution d'un bureau de tabac ordinaire font défaut (article 22 de la loi n° 1293/57). L'administration peut en outre autoriser la vente d'articles soumis à monopole dans des établissements publics, des lieux de rencontre et des coopératives de vente. À cette fin, elle délivre une autorisation spéciale connue sous le nom de «petite licence» (article 23 de la loi n° 1293/57). Tous les détaillants sont tenus de verser à l'administration une redevance annuelle proportionnelle à leurs revenus et une redevance annuelle supplémentaire forfaitaire (article 26 de la loi n° 1293/57). Ils sont rétribués par voie de «remises», c'est-à-dire des commissions fixes dont le montant est établi par décret du ministre des finances, en accord avec le ministre du Trésor, après consultation du conseil d'administration des monopoles d'État (article 24 de la loi n° 1293/57). Lors de l'achat, le détaillant paie le montant correspondant au prix de l'article, diminué du montant de la remise. La gestion des débits de tabac est régie par le décret présidentiel n° 1074/1958 précité, par un cahier des charges spécifique et par les instructions émanant de l'AAMS. À l'heure actuelle, il existe environ 58 000 détaillants et les établissements publics détenteurs d'une «petite licence» avoisinent les 18 000. (11) Même si les cigarettes de provenance communautaire étaient introduites directement en Italie par des opérateurs autres que l'AAMS et, de ce fait, envoyées dans des entrepôts de commerce de gros autres que les siens, la vente au public n'en resterait pas moins soumise à monopole. Par conséquent, pour vendre leurs cigarettes au public, les éventuels importateurs autres que l'AAMS devraient dans tous les cas avoir recours aux débits de tabac décrits ci-dessus.
III. Comportement de l'AAMS (12) La conduite de l'AAMS qui fait l'objet de la présente procédure concerne: - le contrat type de distribution conclu par l'AAMS avec certaines entreprises productrices de cigarettes, en vertu duquel ces dernières chargent l'AAMS d'introduire sur le territoire italien et de distribuer en gros les cigarettes qu'elles fabriquent dans un autre État membre, - certains comportements unilatéraux de l'AAMS concernant les cigarettes fabriquées dans un autre État membre et introduites par la suite en Italie.
1. Le contrat type de distribution (13) L'AAMS a mis au point un contrat type pour la distribution en gros en Italie (ci-après: le «contrat de distribution») des cigarettes fabriquées dans un autre État membre par une autre entreprise productrice (ci-après: l'«entreprise étrangère»). Dans ce contexte, l'AAMS transmet pour signature le contrat de distribution à l'entreprise étrangère qui a manifesté l'intention de lui confier la distribution de ses cigarettes en Italie. L'AAMS propose le même contrat de distribution à toutes les entreprises étrangères. La dernière version dudit contrat a été mise au point fin 1993. Le contrat a une durée de cinq ans et vient à échéance le 31 décembre 1998. (14) Le texte du contrat de distribution est défini de façon unilatérale par l'AAMS et la seule possibilité pour les entreprises étrangères de conclure le contrat est de l'accepter tel quel. Les circonstances dans lesquelles le contrat de distribution le plus récent a été renouvelé (fin 1993/début 1994) démontrent que les entreprises étrangères n'ont aucune possibilité de négocier les différentes clauses du contrat ni de proposer des modifications qui tiennent compte de leur point de vue et de leurs intérêts. À cette fin, il est utile de rappeler que, par lettre du 10 novembre 1993, R.J. Reynolds Tobacco GmbH et R.J. Reynolds Tobacco Company SAE (ci-après «Reynolds») a transmis à l'AAMS une «liste d'observations plus spécifiques que nous souhaiterions discuter avec vous en vue de leur insertion ultérieure dans ce contrat sous forme de clauses». L'AAMS n'a donné aucune suite à cette lettre et s'est bornée à présenter à Reynolds, par lettre du 28 décembre 1993, un nouveau contrat de distribution qui ne tient pas compte des propositions que Reynolds formulait. Par la suite, le 7 janvier 1994, l'AAMS a communiqué à Reynolds qu'elle suspendrait la distribution et la vente de ses cigarettes si elle ne recevait pas l'acceptation formelle du contrat de distribution. De même, les lettres envoyées par British American Tobacco (Deutschland) Export GmbH (ci-après «BAT») contenant des propositions relatives au renouvellement du contrat, sont restées sans réponse. Enfin, les demandes présentées par Rothmans International BV (ci-après «Rothmans») en vue d'engager une discussion sur la possibilité d'apporter certaines modifications au contrat de distribution ont connu le même sort. En fait, en guise de réponse aux demandes de discussion présentées par Rothmans dans sa lettre du 12 novembre 1993, l'AAMS s'est contentée de lui transmettre, le 21 décembre 1993, le texte d'un nouveau contrat qui ne tenait nullement compte de ses propositions en lui demandant «de bien vouloir lui faire parvenir . . . son accord pour procéder à la distribution des produits [de Rothmans] conformément aux dispositions contractuelles prévues dans le projet de contrat . . . afin d'éviter toute discontinuité dans la distribution . . .» Par la suite, le 7 janvier 1994, l'AAMS a communiqué à Rothmans qu'elle avait «étudié avec soin lesdites demandes», ajoutant que «malgré toute sa bonne volonté, il n'a pas été possible de les intégrer aux dispositions du contrat déjà communiqué à votre société, contrat approuvé par ailleurs par notre conseil d'administration. Le projet de contrat soumis à l'approbation de votre société doit, par conséquent, être considéré comme définitif . . . nous attendons réception de votre exemplaire du contrat dûment signé . . . faute de quoi l'administration sera contrainte de suspendre la distribution et la vente des marques produites par votre société.» Confrontée à une telle prise de position, Rothmans a répondu le 10 janvier 1994 à l'AAMS en lui annonçant son intention de signer le nouveau contrat. Elle ajoutait toutefois: «Nous tenons néanmoins à manifester notre regret qu'il n'ait pas été possible d'insérer dans le contrat, ni même de discuter avec vous, les points mentionnés dans notre lettre du 12 novembre 1993». (15) Les clauses les plus importantes du contrat de distribution peuvent se résumer comme suit: a) l'entreprise étrangère confie à l'AAMS la distribution en gros et au détail en Italie de ses marques de cigarettes indiquées en annexe au contrat (article 1er, paragraphe 1); b) la liste des marques de cigarettes indiquées en annexe au contrat est mise à jour par l'AAMS en conséquence et conformément aux dispositions administratives prises par l'autorité compétente en ce qui concerne les nouvelles inscriptions au barème des prix de vente (article 1er, paragraphe 2); c) l'AAMS, après inscription au barème, autorise l'entreprise étrangère à introduire, deux fois par an, de nouvelles marques sur son propre circuit de distribution (article 1er, paragraphe 3); d) l'entreprise étrangère doit à l'AAMS une rémunération pour distribution, calculée pour chaque marque sur la base de paramètres qui tiennent compte des quantités vendues (article 7 et annexe C). Pour les cigarettes, la rémunération est fixée par tranches, en fonction du chiffre annuel des ventes pour chaque marque, exprimé en kilogrammes (kg): >EMPLACEMENT TABLE> e) le paiement des cigarettes a lieu sur présentation d'une facture mensuelle par l'entreprise étrangère pour les quantités cédées par les dépôts aux entrepôts. À cette fin, l'AAMS met à la disposition des intéressés, dans les dix premiers jours et dans tous les cas au plus tard le 15 du mois suivant, un tableau récapitulatif pour chaque marque et pour chaque dépôt. Elle donne ensuite à l'agent comptable l'ordre de paiement des cigarettes, dans les vingt-cinq jours à compter de la date de réception de la facture émise par l'entreprise étrangère (article 9); f) lors de la première introduction de nouvelles marques, les quantités importées ou introduites par le biais d'achats communautaires ne peuvent excéder 5 000 kg de cigarettes (annexe B, paragraphe 5). Pour les introductions suivantes, sur une période de douze mois, l'AAMS présentera un bon de commande correspondant aux ventes du mois précédent (annexe B, paragraphe 6); g) l'AAMS s'engage à commander à l'entreprise étrangère les quantités nécessaires pour assurer la continuité de l'approvisionnement des organes de distribution primaire et secondaire en fonction de la demande effective de marché (article 2, paragraphe 1); h) les quantités mensuelles nécessaires pour remplir les objectifs susmentionnés sont fixées en application des règles suivantes: - à la date de début du contrat et au début de chaque année civile suivante, le montant des stocks dans les entrepôts est déterminé sur la base de la moyenne mensuelle des ventes de l'année précédente rapportée à un certain nombre de mois, à savoir deux mois pour les marques dont les ventes mensuelles n'excèdent pas 500 000 kg et un mois pour les autres (annexe B, paragraphe 1), - l'entreprise étrangère doit formuler des demandes de distribution mensuelles correspondant aux quantités vendues le mois précédent (annexe B, paragraphe 2), - dans le cas où l'entreprise étrangère souhaite faire distribuer des quantités de cigarettes supérieures à celles mentionnées ci-dessus (la quantité supplémentaire ne pouvant toutefois excéder 30 % de la commande mensuelle autorisée pour chaque marque), leur niveau doit être fixé d'un commun accord avec l'AAMS en tenant compte des capacités objectives de réception de cette dernière et de l'évolution prévisible de la demande (article 2, paragraphe 5), - lorsque l'entreprise étrangère introduit des quantités supplémentaires de cigarettes, elle doit payer à l'AAMS une majoration de 600 LIT par kg, calculée sur la quantité totale introduite durant le mois de référence (article 2, paragraphe 6); i) les quantités de cigarettes commandées par l'AAMS doivent être fournies par l'entreprise étrangère sur la base de plans mensuels de répartition entre les dépôts de l'AAMS, convenus à chaque fois entre les deux entreprises (article 2, paragraphe 2); j) l'entreprise étrangère doit fournir les cigarettes dans les types d'emballage prévus par les dispositions en vigueur. De plus, les cigarettes doivent porter, imprimé en longueur sur le tube, le poinçon Monital (article 4, paragraphe 1); k) l'AAMS peut effectuer des expertises et des analyses quantitatives sur des échantillons qu'elle prélève sur les cigarettes importées (article 5, paragraphe 1). Aux fins de ces expertises, l'entreprise étrangère est tenue de payer chaque année un montant forfaitaire, pour chaque emballage de chaque marque (article 5, paragraphe 2); l) l'entreprise étrangère a le droit de nommer un représentant en Italie, qui est autorisé à visiter les dépôts, les entrepôts et les débits de tabac (article 10, paragraphes 1 et 2). Pour l'exercice de cette activité, le représentant de l'entreprise étrangère peut recourir à des agents (article 10, paragraphe 4). Le mandat du représentant et des agents doit être communiqué à l'AAMS (article 10, paragraphe 5); m) l'entreprise étrangère et l'AAMS s'engagent toutes deux à s'abstenir de toute activité de promotion et de publicité des cigarettes auprès des grossistes et des détaillants. En cas de manquement réitéré et de responsabilité avérée de l'entreprise étrangère ou d'un de ses agents, l'entreprise étrangère ne pourra effectuer les visites si elle ne remplace pas au préalable l'agent concerné (article 10, paragraphe 6); n) l'entreprise étrangère s'engage à fournir à l'AAMS des cigarettes qui ne contreviennent pas aux lois en vigueur en la matière en Italie. En cas de manquement à cette obligation, l'entreprise étrangère est tenue de retirer les cigarettes, en prenant à sa charge les frais liés au retrait et toute responsabilité dérivant de la commercialisation du produit (article 11); o) l'AAMS est habilitée à restituer à l'entreprise étrangère les cigarettes dont l'état n'est pas irréprochable pour cause de stockage prolongé ou d'avarie. En pareil cas, les frais liés à de telles restitutions sont à la charge de l'entreprise étrangère (article 13, paragraphes 5 et 6); p) l'AAMS s'engage à maintenir la neutralité de son propre système de distribution, à tout moment et à tous les niveaux dudit système, à l'égard de tous les produits en distribution, nationaux et étrangers, quelle que soit leur notoriété ou leur importance, et assure la distribution desdits produits dans les différents points de vente conformément aux exigences du marché (article 12); q) la durée du contrat de distribution est de cinq ans (article 15, paragraphe 1). Toutefois, si l'entreprise étrangère décide d'assurer elle-même, directement ou indirectement, la distribution en gros de ses propres cigarettes en Italie, chaque partie au contrat pourra résilier le contrat de distribution moyennant un préavis de trois mois (article 15, paragraphe 2).
2. Les comportements unilatéraux concernant les cigarettes introduites en Italie (16) Au cours des dernières années, certains comportements de l'AAMS ont eu une incidence directe sur la situation en Italie des cigarettes fabriquées dans un autre État membre et introduites par la suite en Italie. Ces comportements peuvent être regroupés comme suit: a) refus de l'AAMS d'augmenter les quantités importées et distribuées dans le cadre du contrat de distribution; b) interventions de l'AAMS auprès des entrepôts tendant à favoriser les marques de l'AAMS aux dépens des marques concurrentes; c) interventions de l'AAMS auprès des détaillants tendant à favoriser les marques de l'AAMS aux dépens des marques concurrentes. (17) Comme indiqué au considérant 15, point h), troisième et quatrième tirets, les entreprises étrangères ont la possibilité de demander à l'AAMS d'augmenter les quantités destinées à être mises sur le marché italien, jusqu'à concurrence de 30 % de la commande mensuelle autorisée. Toutefois, cette augmentation est subordonnée à l'accord de l'AAMS. Sur la base des documents mentionnés et joints en annexe à la communication des griefs, il apparaît que différents cas se sont produits dans lesquels l'AAMS a refusé son accord sans fournir de motif valable. En 1995, l'AAMS a refusé à quatre reprises les augmentations, à concurrence de 30 % des quantités de cigarettes Amadis, demandées par Reynolds. En avril 1996, l'AAMS a refusé d'accorder les augmentations, à concurrence de 30 % des quantités de cigarettes Lord, demandées par Rothmans. En août 1996, l'AAMS a refusé d'accorder les augmentations, à concurrence de 30 %, demandées par Rothmans pour ses marques de cigarettes. En août 1996, l'AAMS a refuser d'accorder les augmentations, à concurrence de 30 %, des quantités de cigarettes Barclay, Barclay UL, Kim Menthol, Lucky Strike 10'S, demandées par BAT. Ces refus ont provoqué une baisse des stocks à des niveaux inférieurs à ceux prévus par le contrat de distribution. (18) L'AAMS exerce une activité de coordination et de contrôle constants des activités de distribution des entrepôts. Selon l'AAMS, ce contrôle a pour but de lui permettre l'évaluation des besoins réels du marché et des flux d'approvisionnement. Toutefois, à diverses reprises, l'AAMS a donné aux entrepôts des instructions leur enjoignant de réduire leurs commandes de cigarettes introduites en Italie et/ou d'augmenter leurs commandes de cigarettes de l'AAMS, en brandissant contre eux la menace d'une procédure disciplinaire, au cas où ils n'obtempéreraient pas. À cet égard, de nombreux exemples peuvent être cités: - en janvier 1990, Reynolds s'est adressée à l'AAMS pour signaler que de nombreux dépôts avaient réduit de façon répétée les fournitures de certaines marques de cigarettes destinées aux entrepôts, - en octobre 1993, une inspection a envoyé une lettre aux entrepôts relevant de sa compétence les informant que pour certaines cigarettes de marques étrangères et, dans certains cas, pour toutes les cigarettes étrangères, elle avait constaté l'existence de «stocks excessifs par rapport aux besoins du marché». Pour ce motif, l'inspection a chargé l'entrepôt local «d'effectuer un contrôle ponctuel des demandes d'approvisionnement visant à assurer un meilleur équilibre des stocks et une gestion plus rationnelle des dotations» accordées aux entrepôts, - à une date indéterminée, une autre inspection a envoyé une lettre aux entrepôts relevant de sa compétence dont le texte est presque identique à celui cité ci-dessus; - en janvier 1994, une inspection de l'AAMS a envoyé une lettre aux entrepôts relevant de sa compétence leur imposant, «afin de maintenir, sinon d'accroître - dans la mesure du possible - les parts de marché des produits appartenant aux marques de l'AAMS», de «respecter le quota de vente indiqué ci-après». L'inspection a par ailleurs ajouté: «Il va de soi que l'augmentation du chiffre des ventes des produits étrangers devra s'accompagner d'une augmentation proportionnelle des ventes des produits nationaux. Des ventes exceptionnelles de produits non nationaux devront de toute façon être compensées dans les deux mois suivants, et ultérieurement, de manière à ce que l'entrepôt en question obtienne, à la fin de l'année 1994, dans le respect de la part de marché indiquée précédemment, le résultat suivant . . .»; - en mars 1994, une inspection a envoyé une lettre aux entrepôts relevant de sa compétence les invitant à engager tous leurs efforts pour atteindre les objectifs de vente (produits nationaux par rapport aux produits étrangers) qu'elle avait elle-même fixés dans une note précédente, - en février 1995, une inspection de l'AAMS a envoyé une lettre à un entrepôt dans laquelle elle affirmait qu'un détaillant avait effectué un prélèvement de cigarettes étrangères qui paraissait «élevé par rapport au prélèvement total de l'ensemble des produits et même supérieur aux quantités prélevées pour les articles de grande consommation». Pour cette raison, l'inspection en question a décidé qu'à compter de ce moment, les cigarettes étrangères concernées ne seraient fournies que dans des quantités correspondant au pourcentage de vente de l'entrepôt destinataire de la lettre, - en juillet 1995, une inspection de l'AAMS a envoyé une lettre à un entrepôt lui communiquant qu'il ressortait des contrôles qu'elle avait effectués que, dans certains cas, cet entrepôt avait commandé à un dépôt des quantités de produits étrangers «normalement achetés en quantités plus petites, excédant de loin le chiffre des ventes», - en novembre 1995, une inspection de l'AAMS a envoyé une lettre à un entrepôt l'invitant à réduire le niveau des stocks des produits étrangers «et à les ramener au niveau strictement indispensable pour faire face aux nécessités de fonctionnement de l'ensemble». (19) L'AAMS exerce également une activité de contrôle constant de l'activité commerciale des détaillants, étant donné qu'elle est en mesure de connaître leurs choix en matière d'approvisionnement, grâce à un système de formulaires standardisés. Divers exemples montrent que l'AAMS a exercé cette activité de contrôle en vue de favoriser les cigarettes qu'elle produit elle-même. À cet égard, on peut mentionner que: - en mars 1995, un inspecteur de l'AAMS a reproché à plusieurs détaillants d'avoir prélevé, à partir du mois de novembre 1994, des quantités de cigarettes étrangères qui pouvaient se comparer aux ventes mensuelles de pratiquement tout le secteur. Pour ce motif, cet inspecteur a considéré que les détaillants en cause favorisaient la promotion des cigarettes susmentionnées et enfreignaient ainsi le principe de neutralité dans la distribution des produits, - en février 1995, une inspection de l'AAMS a communiqué à un détaillant que «la quantité minimale des articles de monopole que vous devrez conserver en stock de façon permanente dans le débit de tabac que vous gérez . . . a été déterminée», - en février 1995, une inspection de l'AAMS a communiqué à un détaillant qu'elle avait constaté qu'il avait passé une commande de cigarettes étrangères anormalement élevée tant par rapport au volume total de ses commandes que par rapport au volume des produits de grande consommation, - en avril 1996, une inspection de l'AAMS a suspendu la fourniture de cigarettes à un détaillant au motif que ce dernier non seulement n'avait pas contribué comme il aurait dû à la vente des cigarettes nationales mais avait même favorisé abusivement la diffusion de cigarettes d'un producteur concurrent.
DEUXIÈME PARTIE
ÉVALUATION JURIDIQUE
A. ARTICLE 86 DU TRAITÉ (20) L'article 86 du traité interdit à toute entreprise jouissant d'une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, toute pratique consistant à abuser de cette position dominante, susceptible d'affecter le commerce entre les États membres. Afin de déterminer si l'article 86 du traité est applicable en l'espèce, il convient d'analyser si les conditions énumérées dans ledit article sont réunies.
I. L'entreprise (21) L'AAMS est une entité qui exerce une activité économique de nature industrielle (production de tabacs manufacturés) aussi bien que commerciale (vente en gros des tabacs manufacturés). Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (7), elle doit donc être considérée comme une entreprise au sens des articles 85 à 90 du traité. Le fait que l'AAMS soit dépourvue d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État n'affecte pas cette conclusion. Bien que la personnalité juridique de l'État soit unique, au regard de l'ordre juridique italien chaque ministère et chaque administration autonome est un sujet de droit distinct et doté, par conséquent, de la capacité d'ester en justice de manière indépendante (legitimatio ad causam). Il convient de rappeler que, à ses fins, l'administration autonome peut se servir d'un appareil administratif qui, sans cesser d'appartenir à l'État, se caractérise toutefois par une autonomie poussée dans son organisation (autonomie de gestion, autonomie de décision, autonomie du patrimoine et autonomie budgétaire). Le fait que l'État italien ait conféré à l'AAMS une série de compétences impliquant l'exercice de pouvoirs publics n'exclut pas que les règles de concurrence communautaires soient applicables au comportement de l'AAMS dans le cadre de l'exercice de ses activités d'entreprise (production de biens et prestations de services) (8).
II. Les marchés en cause (22) Afin d'établir si l'AAMS occupe une position dominante au sens de l'article 86 du traité, il est nécessaire avant tout de définir les marchés en cause, c'est-à-dire les secteurs économiques et les zones géographiques dans lesquels doit être évalué le pouvoir économique de l'AAMS vis-à-vis des concurrents et des clients.
1. Les marchés de produits et de services (23) Du point de vue des produits et des services, il convient de distinguer trois marchés. Le premier d'entre eux est constitué par un ensemble de produits, tandis que les deux autres correspondent à des activités de prestation de services. (24) En premier lieu, il y a le marché des cigarettes produites en Italie ou dans d'autres États membres, et destinées à être distribuées et vendues sur le territoire italien afin de satisfaire la demande des fumeurs (ci-après: le «marché des cigarettes»). Sur ce marché opèrent différents producteurs de cigarettes, qui se font concurrence et cherchent à attirer le plus grand nombre possible de consommateurs vers les produits de leurs propres marques et à fidéliser les consommateurs déjà conquis. (25) Il y a ensuite le marché des services relatifs à la distribution et à la vente en gros des cigarettes susmentionnées (ci-après: le «marché de la distribution en gros»). Sur ce marché, l'AAMS prélève les cigarettes sur les lieux de production (ou, dans le cas de cigarettes produites à l'étranger, aux frontières), les garde dans ses propres dépôts et les distribue aux entrepôts ou, par le biais des bureaux de vente des dépôts, aux détaillants. Les entrepôts assurent la garde des cigarettes et procèdent à leur vente aux détaillants autorisés. (26) Il y a enfin le marché des services relatifs à la vente au détail des cigarettes (ci-après: le «marché de la distribution au détail»). Sur ce marché opèrent environ 58 000 détaillants autorisés et 18 000 établissements publics détenteurs d'une «petite licence». (27) Il est évident que bien que ces marchés soient distincts, ils se caractérisent par un degré élevé d'interdépendance, de sorte que le comportement adopté sur l'un d'eux peut entraîner des conséquences sensibles sur les autres. Cela vaut particulièrement pour le marché des cigarettes, étant donné que la situation concurrentielle des opérateurs économiques y est largement influencée par le traitement réservé à leurs produits dans le cadre des activités exercées sur les marchés de la distribution en gros et au détail.
2. Les marchés géographiques (28) Du point de vue géographique, les marchés définis aux points 24, 25 et 26 correspondent au territoire italien. En effet, à la lumière de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (9) (ci-après: «la communication de la Commission»), ce territoire doit être considéré comme distinct des territoires des autres États membres pour les motifs suivants: - les préférences des fumeurs italiens sont différentes de celles des fumeurs des autres États membres (voir point 46 de la communication de la Commission). Il convient de noter, à cet égard, que les marques de l'AAMS ont une part de marché très élevée en Italie (42,1 %), alors qu'elles sont pratiquement absentes des autres États membres. De plus, les marques de Philip Morris détiennent une part de marché plus élevée en Italie que dans les autres États membres, - les prix de vente au détail des cigarettes diffèrent sensiblement de ceux pratiqués dans les autres États membres, - afin de satisfaire aux exigences imposées par la réglementation italienne actuellement en vigueur, tout fabricant étranger souhaitant vendre ses produits en Italie est tenu d'emballer les cigarettes dans des paquets portant les mises en garde nécessaires (par exemple: «Le tabac nuit gravement à la santé.») en italien. Il convient de tenir compte de ce motif de différenciation du marché, quand bien même il trouve son origine dans un texte réglementaire (voir point 50 de la communication de la Commission), - il n'existe pas d'activité d'importation et/ou d'exportation effectuée par des sujets autres que les producteurs (en d'autres termes, il n'existe pas d'importation parallèle de cigarettes).
3. Conclusions concernant les marchés en cause (29) Sur la base de ce qui précède, il convient de conclure que les marchés à prendre en considération dans la présente affaire sont les suivants: - le marché italien des cigarettes, - le marché italien de la distribution en gros, - le marché italien de la distribution au détail.
III. La position de l'AAMS sur les marchés en cause
1. La position de l'AAMS sur le marché italien des cigarettes (30) Le marché italien des cigarettes se caractérise par l'existence d'un duopole constitué par Philip Morris et par l'AAMS (qui détiennent environ 94 % de ce marché) et par la présence d'autres entreprises qui détiennent des parts de marché que l'on peut qualifier de marginales, mais qui ont des positions plus importantes dans d'autres États membres. Cette situation existe depuis au moins dix ans. Il convient toutefois de souligner que si la part de marché globale des duopoles est restée pratiquement inchangée (dans tous les cas supérieure à 90 %), la part de marché de Philip Morris a augmenté de façon constante et sensible au cours des dernières années, en même temps que celle de l'AAMS diminuait à peu près dans les mêmes proportions. Philip Morris est par conséquent la seule entreprise qui ait bénéficié des replis successifs de l'AAMS, tandis que les autres entreprises ont conservé globalement une part de marché stable.
2. La position de l'AAMS sur le marché italien de la distribution en gros (31) En ce qui concerne le marché de la vente en gros, il convient tout d'abord de rappeler que l'Italie a adopté une législation libéralisant les activités d'importation et de distribution en gros des cigarettes (10). Toute entreprise satisfaisant aux exigences de la législation en vigueur peut par conséquent entreprendre une activité de distribution en gros des cigarettes sur le territoire italien. Dans ce contexte, un producteur communautaire de cigarettes pourrait créer son propre réseau de distribution ou recourir aux services d'une entreprise de distribution en gros opérant déjà sur le territoire italien. Toutefois, aucun de ces producteurs n'a jusqu'à présent fait usage de ces possibilités et tous ont préféré continuer de recourir au réseau de distribution de l'AAMS pour distribuer leurs propres produits en Italie. Dans l'analyse de ce choix, il convient de ne pas perdre de vue que, pour les entreprises étrangères, il est très difficile économiquement de créer un réseau propre indépendant de distribution en gros qui soit suffisamment étendu et ramifié. De plus, il n'existe pas actuellement d'entreprise exerçant une activité de distribution en gros (autre que l'AAMS) qui pourrait éventuellement être chargée de ces activités, pas plus que n'existent les conditions économiques susceptibles d'amener des entreprises italiennes à se lancer sur ce marché en mettant à profit la possibilité que leur offre la législation en vigueur. Il faut enfin rappeler la particularité du système de distribution italien dans le secteur des cigarettes (très vaste pouvoir de contrôle de l'AAMS sur l'activité exercée par les entrepôts et les détaillants, habitude profondément ancrée chez eux d'avoir l'AAMS pour interlocuteur commercial exclusif, etc.). Force est donc de conclure que les entreprises étrangères n'ont pas disposé (et ne disposent toujours pas) d'une solution de rechange valable qui leur permettrait d'effectuer un autre choix et que, par conséquent, l'AAMS est un «partenaire obligatoire» pour ces entreprises. Actuellement, l'AAMS est donc le seul opérateur présent sur le marché italien des ventes en gros de cigarettes et il s'ensuit qu'elle détient une position de monopole de fait. Au cours de la procédure, l'AAMS a fait valoir l'argument selon lequel, depuis le 1er janvier 1993, les entreprises étrangères ont la possibilité de confier la distribution en gros de leurs cigarettes aux nombreux opérateurs commerciaux titulaires des entrepôts fiscaux, qui sont actuellement utilisés pour la commercialisation des autres produits soumis à accises (et dont le régime administratif et comptable est semblable à celui des cigarettes) (11). En réponse à ces arguments, il convient de souligner que les titulaires d'entrepôts fiscaux qui désireraient exploiter la possibilité, prévue par la législation en question, de distribuer également des cigarettes se heurteraient à des obstacles économiques infranchissables. Tout d'abord, la réglementation italienne exige que les tabacs manufacturés soient conservés dans des locaux séparés de ceux destinés à l'entreposage des autres produits soumis à accises (par exemple les alcools), ce qui obligerait par conséquent les intéressés à réaliser des investissements substantiels. De plus, les acheteurs potentiels de cigarettes (à savoir, les détaillants) se distinguent nettement des clients des autres produits soumis à accises (par exemple, dans le cas des alcools, les détaillants dans le secteur de la distribution alimentaire). Il faudrait donc créer une nouvelle structure de transport et de distribution qui n'offrirait d'ailleurs pas de synergie de fonctionnement avec la structure de distribution existante. Il convient enfin de tenir compte du fait que la part de marché détenue par les producteurs étrangers (à l'exception de Philip Morris, qui est lié à l'AAMS par des contrats de licence) est extrêmement faible (environ 7 %) et ne constitue donc pas une incitation économique suffisante pour les entreprises qui souhaiteraient se lancer dans cette activité de distribution en gros des tabacs en concurrence avec l'AAMS. Il est évident, à cet égard, que les détaillants n'auraient aucun intérêt à se fournir auprès d'un grossiste différent, si ce dernier n'était en mesure de leur fournir qu'une partie minime des cigarettes dont ils ont besoin. Il y a donc lieu de conclure que l'AAMS occupe une position dominante, au sens de l'article 86 du traité, sur le marché italien de la distribution en gros des cigarettes.
3. La position de l'AAMS sur le marché italien de la distribution au détail (32) En ce qui concerne le marché de la vente au détail, il faut souligner que l'État italien a interdit à l'AAMS la vente au détail directe des cigarettes. L'AAMS conserve en revanche le pouvoir administratif exclusif de délivrer les autorisations d'exploiter les débits de tabac. Toutefois, la délivrance de ces autorisations ne constitue pas l'exercice d'une activité d'entreprise puisque: - elle correspond à l'exercice d'un pouvoir public consistant à délivrer des autorisations administratives ayant le caractère d'une concession qui habilite à l'exercice de la vente des cigarettes, - le fait que la vente au détail soit subordonnée à la délivrance d'une autorisation par l'AAMS ne suffit pas à prouver que cette dernière contrôle économiquement les détaillants. Par conséquent, l'AAMS n'exerce pas sur eux un contrôle de facto qui les priverait de leur autonomie de comportement sur le marché. Les détaillants constituent donc des entreprises autonomes par rapport à l'AAMS, tant du point de vue juridique que commercial, et sont en concurrence entre eux. La conclusion qui en découle est que l'AAMS n'est pas présente sur le marché de la vente au détail des cigarettes (12).
IV. Les abus de position dominante (33) Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (13), la notion d'exploitation abusive est une notion objective qui implique le fait, pour une entreprise en position dominante sur un marché où sa seule présence affaiblit déjà la concurrence, d'agir sur la structure dudit marché de manière à restreindre la concurrence y existant encore ou à éviter son intensification, en recourant à des moyens autres que ceux mis en oeuvre pour garantir une concurrence normale entre produits ou services, fondée sur les prestations des opérateurs économiques.
1. Les contrats de distribution (34) Comme indiqué au considérant 31, l'AAMS occupe une position dominante sur le marché de la distribution en gros des cigarettes, où elle est le seul opérateur présent. Dans ce contexte, les entreprises étrangères ont systématiquement choisi de recourir à l'AAMS pour la distribution de leurs cigarettes en Italie. Compte tenu des éléments indiqués au considérant 31, la décision prise par les entreprises étrangères de recourir à l'AAMS pour la distribution de leurs propres cigarettes en Italie et de conclure à cette fin un contrat de distribution, apparaît fondée sur des raisons d'ordre économico-commercial bien compréhensibles. Toutefois, il ressort de l'examen du contrat de distribution actuellement applicable que certaines clauses confèrent à l'AAMS un véritable droit de contrôle et, lorsque l'AAMS le juge opportun, d'intervention au regard de nombreux choix de l'entreprise étrangère dans des domaines qui doivent être considérés comme essentiels pour la liberté concurrentielle de cette dernière. De cette façon l'AAMS peut, en se prévalant des clauses du contrat de distribution, limiter les initiatives concurrentielles des entreprises étrangères sur le marché italien, et protéger ainsi les ventes de ses propres marques. Or, lesdites clauses ont été imposées par l'AAMS, puisque c'est elle qui rédige unilatéralement le texte du contrat de distribution, les entreprises étrangères n'ayant d'autre choix que d'accepter le contrat ou de renoncer à recourir aux services de l'AAMS pour la distribution de leurs produits en Italie. Compte tenu de la situation d'extrême dépendance dans laquelle elles se trouvent vis-à-vis de l'AAMS, les entreprises étrangères ont dû accepter intégralement les clauses imposées par l'AAMS, quitte à manifester leur mécontentement. En conclusion, l'AAMS a exploité sa position dominante sur le marché de la distribution en gros des cigarettes pour faire figurer dans le contrat de distribution des clauses qui lui permettent de contrôler les initiatives concurrentielles des entreprises étrangères et éventuellement de s'y opposer afin de protéger ses propres ventes.
1.1. Les clauses relatives à l'introduction de nouvelles marques de cigarettes sur le marché
1.1.1. La clause relative au délai d'introduction de nouvelles marques de cigarettes sur le marché (35) L'article 1er, paragraphe 3, du contrat de distribution prévoit que l'AAMS peut permettre aux entreprises étrangères d'introduire de nouvelles marques deux fois par an seulement. Cette clause limite les possibilités de l'entreprise étrangère de lancer de nouvelles marques de cigarettes sur le marché italien au moment qu'elle considère le plus opportun. À cet égard, il convient de souligner que la saison exerce une forte influence sur les ventes de certaines marques de cigarettes. Une entreprise étrangère peut donc parfaitement avoir un intérêt particulier à introduire une marque à une date déterminée sans être obligée d'attendre le moment de l'année où l'AAMS décidera de se prononcer sur la question conformément à la disposition susmentionnée. Par ailleurs, dans l'hypothèse où un producteur souhaiterait lancer une nouvelle marque de façon simultanée dans l'ensemble de la Communauté, son introduction tardive en Italie l'oblige, sans que cela soit en rien justifié, à modifier sa stratégie et peut nuire à sa compétitivité. Il convient donc de considérer que l'imposition de la clause limitant à deux fois par an la possibilité d'introduire en Italie de nouvelles marques restreint la capacité concurrentielle de l'entreprise étrangère et constitue donc un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
1.1.2. La clause relative au plafonnement du volume des cigarettes de marques nouvelles introduites sur le marché (36) Le cinquième paragraphe de l'annexe B du contrat de distribution dispose que le volume des cigarettes de marques nouvelles introduites sur le marché ne peut excéder 5 000 kilogrammes, et le sixième paragraphe dudit article prévoit que, durant la première année, les commandes présentées par l'AAMS doivent correspondre à celles du mois précédent. Il convient de rappeler à cet égard qu'un producteur doit avoir la possibilité de déterminer librement les conditions et les modalités relatives au lancement d'un nouveau produit, y compris le volume de produits à introduire sur le marché au moment du lancement. La disposition en question du contrat prive l'entreprise étrangère de cette possibilité. (37) Il apparaît également que ledit volume est tout à fait insuffisant par rapport aux exigences concernant le lancement d'un produit nouveau sur le marché italien. En fait, la commande minimale (pour chaque marque) que peut présenter un détaillant étant d'une cartouche, il s'ensuit qu'un tiers seulement des détaillants pourra recevoir les nouvelles cigarettes (autrement dit 25 000 détaillants sur 75 000 environ) au moment du lancement. En revanche, il convient de souligner que les cigarettes de l'AAMS et celles fabriquées sous licence ne sont pas soumises au plafonnement quantitatif susmentionné (14). Par conséquent, les cigarettes des entreprises étrangères font à cet égard l'objet d'une discrimination par rapport à celles produites par l'AAMS et cela sans que la moindre justification puisse en être donnée (15). En réalité, le but d'une telle disposition est de faire obstacle au lancement de nouvelles cigarettes étrangères ou, à tout le moins, de réduire l'impact de leur lancement sur le marché. Il en découle une diminution de la capacité concurrentielle de l'entreprise étrangère, puisque la clause fixe arbitrairement à un niveau extrêmement bas les quantités qui peuvent être mises sur le marché au moment du lancement d'un nouveau produit. Une telle disposition doit être considérée comme ayant un effet particulièrement restrictif dans le cas où l'entreprise étrangère décide de lancer une nouvelle version (par exemple «light» ou «ultra light») d'une marque déjà bien diffusée, puisqu'il est probable, en pareille hypothèse, que les consommateurs répondraient en en demandant des quantités importantes. Pour ces motifs, force est de conclure que la disposition qui plafonne le volume des produits pouvant être mis sur le marché au moment de leur lancement et au cours de l'année suivante, constitue une restriction sérieuse de la capacité concurrentielle de l'entreprise étrangère et, à ce titre, un abus au sens de l'article 86 du traité.
1.2. Les clauses relatives à la base mensuelle d'introduction des cigarettes sur le marché
1.2.1. La clause relative au plafonnement mensuel du volume de cigarettes mis sur le marché (38) L'annexe B, paragraphe 2, du contrat de distribution dispose que les quantités de cigarettes de l'entreprise étrangère destinées à être mises sur le marché italien doivent être proportionnelles aux quantités vendues le mois précédent. Cette clause restreint la liberté de l'entreprise étrangère de décider du volume des produits destinés à la commercialisation. L'entreprise étrangère se voit de ce fait privée de la possibilité d'agir de manière concurrentielle sur le marché italien et d'en exploiter pleinement les possibilités. Il faut donc en déduire que cette clause vise à protéger la position des cigarettes de l'AAMS sur ce marché et qu'elle est effectivement de nature à permettre une telle protection. (39) La clause en question ne semble pas justifiée par des exigences objectives de protection d'éventuels intérêts économiques et/ou commerciaux légitimes de l'AAMS. Avant tout, il convient de rappeler que la capacité de distribution de l'AAMS est de l'ordre de 102 millions de kilogrammes de cigarettes par an et qu'elle excède donc, de loin, les besoins effectifs du marché italien (environ 90 millions de kilogrammes). Par conséquent, l'AAMS dispose à l'heure actuelle d'un réseau de distribution surdimensionné qui lui permettrait de répondre favorablement à d'éventuelles demandes d'augmentation des quantités à distribuer que lui présenteraient les entreprises étrangères, sans avoir à renforcer ses structures de distribution. En outre, la clause en question ne semble pas justifiée par la nécessité de garantir une correspondance entre les quantités de cigarettes étrangères introduites sur le réseau de distribution de l'AAMS et la capacité d'absorption effective du marché, comme l'AAMS l'avait soutenu lors de la procédure. À cet égard, il convient de souligner que l'entreprise étrangère n'a aucun intérêt à introduire sur ce réseau des quantités de cigarettes supérieures à celles que le marché peut effectivement absorber. En effet, l'entreprise étrangère a l'obligation de retirer, à ses propres frais, passé un délai donné, tous les stocks de cigarettes invendues conservés dans les dépôts de l'AAMS (article 10 du contrat de distribution). De plus, lorsque ses cigarettes restent longtemps en stock chez les entrepositaires, l'entreprise étrangère doit les remplacer par d'autres de production plus récente. Il faut enfin souligner que les cigarettes produites par l'AAMS, sous ses propres marques ou sous licence, ne sont pas soumises à semblable limitation et qu'elles jouissent, de ce fait, d'un avantage concurrentiel sensible par rapport aux cigarettes produites à l'étranger. (40) Pour ces motifs, il convient de considérer que l'imposition de ladite clause constitue un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité, même si elle comporte une possibilité partielle de dérogation.
1.2.2. La clause relative au relèvement du plafond de commercialisation mensuel des cigarettes (41) L'article 2, paragraphe 5, du contrat de distribution prévoit que l'entreprise étrangère peut demander à l'AAMS d'augmenter les quantités de cigarettes mises sur le marché italien. Cette possibilité est toutefois soumise à une triple limitation. En premier lieu, l'augmentation est subordonnée au consentement de l'AAMS. En deuxième lieu, ne peuvent être autorisées que des augmentations n'excédant pas 30 % de la «commande mensuelle permise» (elle-même proportionnelle aux ventes du mois précédent). En troisième lieu, l'autorisation d'augmentation fait naître une obligation, à la charge de l'entreprise étrangère, de payer une majoration de la redevance de distribution calculée non pas sur la base des quantités «supplémentaires», mais sur l'ensemble des cigarettes vendues (article 2, paragraphe 6, du contrat de distribution). Ces dispositions portent gravement atteinte à la liberté concurrentielle de l'entreprise étrangère. En effet, le producteur doit être libre de fixer la quantité de produits qu'il entend commercialiser. La nécessité d'obtenir le consentement de l'AAMS pour pouvoir augmenter les quantités a manifestement pour objet de restreindre les possibilités de vente des cigarettes étrangères. La limitation des augmentations à 30 % de la «commande mensuelle permise» pénalise lourdement la capacité concurrentielle de l'entreprise étrangère en l'empêchant de s'adapter pleinement à la demande sur le marché italien. Ses effets sont particulièrement néfastes dans le cas de cigarettes dont les ventes ont un caractère saisonnier fortement marqué. Il se peut, par exemple, que l'entreprise étrangère ne puisse ainsi satisfaire la demande d'une marque de cigarette particulièrement vendue pendant les mois d'été et qu'elle doive se contenter d'augmenter de 30 % les quantités moyennes vendues durant les mois les moins propices. Enfin, l'obligation, en cas d'augmentation, de payer à l'AAMS une redevance supplémentaire, calculée sur l'ensemble des quantités vendues, ne semble en aucune façon justifiable. À cet égard, il est à noter que la redevance de distribution est structurée de telle manière que son montant diminue graduellement au fur et à mesure qu'augmentent les quantités vendues (par exemple, pour la tranche de vente annuelle comprise entre 1 et 3 millions de kilogrammes, la redevance est de 3 400 LIT par kilogramme, tandis que pour la tranche des ventes annuelles supérieures aux 3 millions de kilogrammes, elle est de 2 900 LIT par kilogramme). La même logique voudrait qu'une augmentation des quantités vendues entraîne une diminution de la redevance de distribution et non pas une majoration comme le prévoient les dispositions en question. Il semble donc évident que ces dispositions sont dictées par la seule volonté d'empêcher l'entreprise étrangère d'augmenter, dans la mesure requise par le marché, les quantités vendues sur le marché italien, et qu'elles sont effectivement de nature à produire cet effet. (42) D'après l'AAMS, la clause en question serait justifiée en premier lieu par la nécessité d'éviter un risque financier excessif découlant du paiement de quantités de cigarettes étrangères supérieures aux exigences du marché. À cet égard, l'AAMS souligne que, conformément au contrat de distribution, elle doit, au plus tard le quinze de chaque mois, communiquer à l'entreprise étrangère les quantités de cigarettes ayant quitté ses dépôts et que, dans les vingt cinq jours à compter de la date de réception de la facture établie par l'entreprise étrangère, elle doit émettre l'ordre de paiement. En pratique, donc, l'AAMS est obligée, aux termes du contrat, de procéder au paiement des cigarettes étrangères dans les cinquante jours suivant leur sortie des dépôts. L'AAMS poursuit en affirmant que, compte tenu du fait qu'elle n'est payée qu'au moment où le détaillant achète lesdites cigarettes à l'entrepôt, elle court le risque de devoir avancer des sommes pour une période importante. À cet égard, on fera observer que l'AAMS n'a pas fourni d'éléments concernant la durée moyenne pendant laquelle les cigarettes restent dans les entrepôts, mais qu'elle a seulement fait valoir un risque général de durée excessive de stockage (16). En revanche, durant les auditions, l'entreprise Rothmans a indiqué que la durée moyenne de rotation du stock est de vingt jours et que, de ce fait, l'AAMS n'encourt en général aucun risque financier, mais qu'elle bénéficie au contraire d'un avantage financier d'environ trente jours (puisqu'elle attend vingt jours pour encaisser et cinquante environ pour payer). Par ailleurs, on doit supposer que les entrepositaires adoptent une ligne de conduite commerciale rationnelle et, par conséquent, qu'ils n'effectuent pas habituellement des achats de cigarettes étrangères destinées à rester longtemps en stock. Il y a lieu de considérer, au contraire, qu'ils effectuent leurs achats auprès des dépôts en fonction des demandes réelles provenant des détaillants, de sorte que le risque d'un stockage trop long (avec le risque financier que cela comporte pour l'AAMS) doit en règle générale être exclu. (43) En second lieu, l'AAMS affirme que la clause en question serait justifiée par la nécessité d'éviter certaines conséquences économiques négatives. En réalité, selon elle, le fait que l'entreprise étrangère retire à ses propres frais les cigarettes restées trop longtemps en stock dans les dépôts n'empêche pas qu'elle ait à supporter certaines charges financières, comme par exemple les dépenses encourues pour le transport ferroviaire de la frontière italienne jusqu'au dépôt, pour le déchargement des wagons, pour l'entreposage et la gestion des stocks. Toutefois, l'AAMS n'a donné aucune indication chiffrée sur l'importance de ces charges financières. La clause apparaît disproportionnée par rapport à l'objectif à atteindre. Les parties pourraient en effet prévoir des mesures de substitution non restrictives visant à prendre en compte les dépenses effectivement encourues par l'AAMS pour les cigarettes qui sont restées invendues dans ses dépôts et qui ont donc été retirées par l'entreprise étrangère. Enfin, les parties pourraient insérer dans le contrat des mesures analogues visant à rembourser les dépenses effectivement encourues par l'AAMS lorsque les entrepôts conservent des stocks de cigarettes invendues (hypothèse qui reste marginale pour les motifs indiqués au considérant 42). (44) Il ressort de ce qui précède que la clause susmentionnée du contrat de distribution concernant la possibilité d'augmenter les quantités de cigarettes étrangères distribuées sur le marché italien, restreint considérablement les possibilités concurrentielles de l'entreprise étrangère, et de ce fait, constitue un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
1.3. Les clauses relatives à la présentation des cigarettes et à leur contrôle
1.3.1. La clause relative à l'apposition du poinçon Monital sur les cigarettes (45) L'article 4 du contrat de distribution oblige l'entreprise étrangère à apposer le poinçon Monital (abréviation de «Monopoles italiens») sur chaque cigarette destinée à la vente sur le marché italien. Cette obligation ne semble pas justifiée par la nécessité de distinguer les cigarettes du marché légal de celle du marché de contrebande. À cette fin, il suffit en effet d'appliquer sur chaque paquet de cigarettes la marque prévue à l'article 4 de la loi n° 724/1975, puisque les cigarettes ne peuvent être vendues à l'unité. De plus, cette obligation constitue une forme de promotion de l'AAMS réalisée à travers le produit d'un concurrent. Enfin, cette obligation peut créer un doute dans l'esprit du consommateur sur l'identité du producteur des cigarettes en cause. Il convient par conséquent de conclure que l'imposition de la clause en question constitue un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
1.3.2. La clause relative aux contrôles des cigarettes (46) Les contrôles prévus à l'article 5 du contrat de distribution ne peuvent être considérés comme nécessaires pour assurer le respect de la réglementation en vigueur et, par conséquent, leur imposition par l'AAMS ne peut être justifiée. Par voie de conséquence, l'AAMS ne peut exiger de l'entreprise étrangère un paiement forfaitaire, pour chaque emballage de chaque marque, en rémunération de ces contrôles. Il convient avant tout de noter que l'article 11 du contrat de distribution impose à l'entreprise étrangère de fournir à l'AAMS des cigarettes qui ne contreviennent pas à la réglementation italienne en la matière. Or, cette réglementation est la transposition de la directive 89/622/CEE du Conseil (17), modifiée par la directive 92/41/CEE (18), sur l'étiquetage des produits du tabac, et de la directive 90/239/CEE du Conseil (19) sur la teneur maximale en goudron des cigarettes, qui ont notamment pour objectif l'élimination des obstacles aux échanges intracommunautaires et, par conséquent, l'élimination de la nécessité de contrôles. En outre, de tels contrôles ne peuvent être justifiés par la nécessité de protéger l'AAMS d'une responsabilité éventuelle pour avoir distribué des cigarettes non conformes à la réglementation en vigueur. En effet, selon la loi italienne n° 224 du 24 mai 1988 transposant la directive 85/374/CEE du Conseil (20) sur la responsabilité du fait des produits défectueux, le distributeur n'est responsable que dans le cas où le producteur ne peut être identifié. En réalité, il semble que ces contrôles aient eu pour effet de retarder de manière injustifiée le lancement de nouvelles marques de cigarettes étrangères sur le marché italien, aucune nouvelle marque ne pouvant être commercialisée avant que l'AAMS n'ait terminé ses contrôles. L'imposition de la clause obligeant l'entreprise étrangère à se soumettre aux contrôles de l'AAMS et à payer un montant forfaitaire pour ces contrôles constitue donc un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
2. Les comportements unilatéraux concernant les cigarettes importées
2.1. Les refus d'autoriser le relèvement du plafond de commercialisation mensuel des cigarettes importées (47) L'AAMS a refusé, à diverses reprises, d'accorder aux entreprises étrangères les relèvements des plafonds de commercialisation des cigarettes importées qu'elles demandaient (voir considérant 17). Ce comportement a eu pour effet d'empêcher les entreprises étrangères de mettre sur le marché italien le volume de cigarettes qu'elles jugeaient opportun et a affaibli par là leur situation concurrentielle. Conformément au contrat de distribution, l'AAMS a le droit de refuser toute augmentation supérieure à 30 % de la commande mensuelle permise, tandis qu'en dessous de ce seuil (c'est-à-dire pour les augmentations de 0,1 % à 30 %), l'AAMS a la faculté d'accepter ou non les demandes. Les refus de l'AAMS mentionnés ci-dessus concernaient des demandes d'augmentation admissibles en vertu du contrat (voir considérant 17). Dans les observations sur la communication des griefs qu'elle a présentées, l'AAMS affirme que les refus susmentionnés n'étaient pas injustifiés parce que: a) en ce qui concerne Reynolds, au 30 juin 1983, 1984, 1985 et 1986, pour une part de marché de 1,9 %, 1,4 %, 1,5 % et 1,6 % respectivement, les réserves dans les dépôts de l'AAMS étaient de 3,47 %, 1,78 %, 1,60 % et 1,79 % respectivement; b) en ce qui concerne Rothmans, au 30 juin 1983, 1984, 1985 et 1986, pour une part de marché de 2,4 %, 2,1 %, 1,9 % et 1,8 % respectivement, ces réserves étaient de 3,7 %, 2,87 %, 2,95 % et 3,06 % respectivement du total des cigarettes présentes dans les dépôts de l'AAMS. On fera observer, à cet égard, que la comparaison entre les parts de marché d'une entreprise étrangère et le pourcentage des produits de ladite entreprise par rapport à l'ensemble des stocks conservés dans les dépôts est dénuée de toute pertinence pour ce qui est de la justification du comportement de l'AAMS. Ce qu'il importe en réalité de vérifier, c'est si les stocks conservés dans les dépôts de l'AAMS étaient en mesure de satisfaire la demande effective du marché pour une marque déterminée de cigarettes (et non pas pour l'ensemble des marques d'une entreprise étrangère déterminée) durant une période déterminée de l'année. L'AAMS n'a fourni aucun élément susceptible de permettre d'effectuer une telle évaluation. Il peut toutefois être utile de rappeler que le contrat de distribution lui-même prévoit que les stocks de cigarettes (d'une marque déterminée dont les ventes mensuelles sont inférieures à 500 000 kilogrammes) conservés dans les dépôts doivent être égaux au double de la moyenne mensuelle des ventes (de cette même marque) au cours de l'année précédente (annexe B du contrat de distribution). Il y a lieu de considérer que cette clause (qui n'est pas mise en cause dans la présente décision) correspond à une logique commerciale normale en matière de gestion des stocks et qu'elle peut servir de paramètre d'évaluation de l'admissibilité des demandes d'augmentation présentées par les entreprises étrangères. Les données fournies par l'AAMS ne permettent pas de faire de distinction entre les différentes marques de chaque entreprise étrangère. Toutefois, il ressort des données de l'AAMS relatives à l'ensemble des marques que les stocks conservés dans ses dépôts étaient inférieurs à ceux prévus par le contrat de distribution et donc que les demandes d'augmentation étaient justifiées. Par conséquent, le refus d'accorder aux entreprises étrangères les relèvements du plafond demandés constitue un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
2.2. Les comportements à l'égard des entrepôts (48) L'AAMS exerce, par l'entremise de ses propres inspections, un contrôle de l'activité des entrepôts. À diverses occasions, les inspecteurs de l'AAMS ne se sont pas bornés à exercer les pouvoirs de contrôle conférés à l'AAMS par la réglementation en vigueur, mais ont adopté des comportements tendant précisément à favoriser les cigarettes nationales et à restreindre les ventes des cigarettes importées (voir considérant 18). Étant donné que de pareils comportements ne rentrent pas dans le cadre des pouvoirs publics de contrôle des entrepôts que la réglementation en vigueur confère à l'AAMS, ils constituent des actes d'entreprise. Le fait que ces comportements se produisent sous le couvert d'actes administratifs, loin d'autoriser une conclusion différente, tendrait plutôt à en aggraver le caractère abusif. (49) L'effet restrictif de ces comportements a été particulièrement important dans les cas où l'AAMS a imposé aux entrepôts le respect de véritables quotas de vente applicables respectivement aux cigarettes de l'AAMS et à celles des entreprises étrangères. De tels comportements ne sont imposés par aucune réglementation actuellement en vigueur ni par aucune disposition contractuelle. Ils sont au contraire en contradiction flagrante avec l'article 12 du contrat de distribution, qui établit le principe de la neutralité du système de distribution. (50) Par conséquent, de tels comportements à l'égard des entrepôts constituent des abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
2.3. Les comportements à l'égard des détaillants (51) L'AAMS exerce, par le truchement de ses propres inspecteurs, un contrôle sur le comportement des détaillants. À diverses reprises, les inspecteurs de l'AAMS ne se sont pas bornés à exercer les pouvoirs conférés à l'AAMS par la réglementation en vigueur, mais ont adopté un comportement tendant spécifiquement à favoriser les cigarettes de l'AAMS et à limiter les ventes des cigarettes importées (voir considérant 19). Dans ces circonstances, les inspecteurs de l'AAMS n'ont pas agi dans l'exercice de leur pouvoir de surveillance sur les concessionnaires et débits de tabac (21), mais ont agi à seule fin de favoriser spécifiquement les activités d'entreprise de l'AAMS au détriment de ses concurrents. De tels comportements sont manifestement étrangers aux pouvoirs publics conférés à l'AAMS et constituent par conséquent des actes d'entreprise ayant pour but d'accroître les ventes de cigarettes de l'AAMS par rapport à celles des entreprises étrangères. Que les comportements en question revêtent la forme d'un acte administratif n'affecte en rien cette conclusion. (52) L'effet anticoncurrentiel de tels comportements a été particulièrement important dans le cas où l'AAMS a imposé à un détaillant d'acheter des quantités minimales de cigarettes nationales ou a, sans motif, jugé excessives les quantités de cigarettes étrangères demandées par ce détaillant. De tels comportements ne sont imposés par aucune réglementation actuellement en vigueur ni par aucune disposition contractuelle. Ils sont au contraire en contradiction flagrante avec l'article 12 du contrat de distribution, qui établit le principe de la neutralité du système de distribution. (53) Par conséquent, de tels comportements à l'égard des détaillants constituent des abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.
3. Conclusions relatives aux abus de position dominante (54) Il ressort de ce qui précède que l'AAMS, profitant de sa position dominante sur le marché de la distribution en gros des cigarettes, a mis en oeuvre une série de comportements abusifs tendant à protéger et renforcer sa position sur le marché des cigarettes, en recourant à des moyens autres que ceux sur lesquels repose la concurrence normale.
V. Le préjudice porté aux échanges entre États membres (55) Les comportements décrits ci-dessus visent spécifiquement à entraver l'introduction, la distribution et la vente en Italie de cigarettes fabriquées dans les autres États membres et remplissent donc manifestement la condition relative au commerce entre États membres.
B. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 17 (56) En vertu de l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité, elle peut obliger les entreprises à y mettre fin. Il apparaît donc justifié d'obliger l'AAMS à mettre fin aux infractions qui sont encore en cours à l'heure actuelle, et à adopter les mesures nécessaires afin d'empêcher la continuation ou la répétition des infractions constatées (22).
I. La cessation des infractions en cours à l'heure actuelle (57) Afin de déterminer quelles sont les infractions encore en cours, il convient de tenir compte des mesures adoptées par l'AAMS durant l'instruction de l'affaire et après l'ouverture de la procédure. L'AAMS a communiqué à la Commission, par lettre du 10 octobre 1997, une modification du contrat type de distribution consistant dans la suppression de la clause limitant à deux fois par an la possibilité d'introduire de nouvelles marques de cigarettes [article 1er, paragraphe 3 du contrat - voir considérant 15 b) de la présente décision] et de celle imposant l'apposition du poinçon Monital sur les cigarettes [article 4 paragraphe 1 du contrat - voir considérant 15 j) de la présente décision]. Cette modification a été communiquée aux entreprises étrangères le 22 septembre 1997. (58) Sur la base de ce qui précède, l'AAMS devra modifier les autres clauses abusives du contrat de distribution, à savoir les clauses mentionnées au considérant 15 points f), h) et k), de manière à éliminer les aspects abusifs indiqués aux considérants 36 à 44 et au considérant 46.
II. Mesures visant à empêcher la poursuite ou la répétition des infractions (59) Afin de permettre à la Commission de s'assurer qu'il a été mis fin à l'infraction constatée et qu'elle n'est plus susceptible de continuer, il convient d'imposer à l'AAMS de transmettre sans délai à la Commission les nouveaux contrats de distribution, modifiés conformément aux indications données au considérant 58. (60) En ce qui concerne les comportements unilatéraux mentionnés au considérant 17, il convient d'imposer à l'AAMS de ne pas adopter à l'avenir, à l'égard des entreprises étrangères, des mesures ayant un effet équivalent aux comportements en question. Dans ce contexte, il est opportun que l'AAMS, durant une période de trois ans à compter de la date de notification de la présente décision, transmette à la Commission, dans les deux mois suivant l'expiration de chaque année civile, un rapport indiquant pour l'année précédente les quantités de cigarettes étrangères distribuées par l'AAMS, ainsi que tout refus éventuel (total ou partiel) de distribuer lesdites cigarettes. (61) En ce qui concerne les comportements unilatéraux mentionnés aux considérants 18 et 19, il convient de prendre acte de certaines mesures adoptées par l'AAMS pendant l'instruction et à la suite de l'ouverture de la procédure. En premier lieu, il convient de rappeler que, par lettre du 25 juillet 1997, l'AAMS a transmis à la Commission copie d'une circulaire envoyée le 16 juin 1997 par la direction générale de l'AAMS à toutes ses inspections. Dans cette lettre, l'AAMS invitait tout d'abord tous les inspecteurs à «s'abstenir d'initiatives qui puissent constituer une infraction au . . . principe de neutralité . . . tant à l'égard des tabacs de production nationale que des tabacs étrangers.» De plus, l'AAMS a interdit «toutes les initiatives visant de quelque manière que ce soit à influer sur les demandes des détaillants, ne serait-ce qu'en fixant d'avance un niveau pour les stocks de roulement des produits, pratique incompatible avec l'obligation des détaillants d'aligner leurs commandes sur la demande des consommateurs.» Enfin, l'AAMS a obligé toutes ses inspections à porter à la connaissance de la direction générale de l'AAMS toutes les instructions «concernant la commercialisation des tabacs manufacturés qu'elles entendent donner tant aux entrepôts qu'aux détaillants de produits soumis à monopole.» En second lieu, il convient de signaler que, par lettres du 25 juillet et du 10 octobre 1997, l'AAMS a communiqué à la Commission que, par voie de circulaire du 18 avril 1997, elle a supprimé l'obligation imposée au détaillant de contribuer au développement des ventes de tabacs fins de production nationale, qui était prescrite auparavant par l'article 15, paragraphe 4, du cahier des charges régissant les marchés publics relatifs à l'exploitation des débits de produits soumis à monopole (23). Cette obligation a été remplacée par la disposition suivante: «Le détaillant est tenu de garantir qu'il fera preuve de neutralité dans la vente des tabacs tant nationaux qu'étrangers, ainsi que dans leur exposition, qui doit avoir lieu dans les conditionnements habituellement présents dans les commerces» (article 14, paragraphe 4, du nouveau cahier des charges). Cette nouvelle disposition a été rappelée dans la circulaire du 16 juin 1997 susmentionnée. Par voie de circulaire du 24 septembre 1997, la direction centrale de l'AAMS a envoyé à toutes ses inspections le texte du nouveau cahier des charges régissant les marchés publics pour l'exploitation des débits de produits soumis à monopole, qui prévoit diverses modifications, parmi lesquelles celle rappelée ci-dessus. Cette circulaire dispose en outre que: «Afin que tous les détaillants de produits soumis à monopole soient informés du nouveau texte joint en annexe, Messieurs les directeurs des Inspections pourvoiront à en reproduire autant d'exemplaires qu'il y a de débits desservis par les entrepôts relevant de leur secteur, en chargeant les responsables des entrepôts d'en remettre un à chaque détaillant contre accusé de réception.» De plus, par voie d'une autre circulaire datée du 24 septembre 1997, l'AAMS a communiqué aux inspections le texte du nouveau cahier des charges régissant les marchés publics pour l'exploitation des débits de produits soumis à monopole (24). Le nouveau texte supprime l'obligation de contribuer à la promotion des tabacs fins de production nationale, à laquelle étaient soumis jusque là les entrepôts, et sanctionne le principe de la neutralité de la distribution. De plus, cette circulaire oblige les inspecteurs à transmettre le nouveau texte aux entrepôts relevant de leur secteur. Compte tenu de ce qui précède, il ne semble pas nécessaire d'imposer à l'AAMS des mesures spécifiques visant à garantir que les comportements abusifs mentionnés aux considérants 18 et 19 ne se reproduiront pas.
C. ARTICLE 15 DU RÈGLEMENT N° 17 (62) Lorsque, de propos délibéré ou par négligence, les entreprises commettent une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité, la Commission, en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, peut leur infliger des amendes de 1 000 écus au moins et de 1 000 000 d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par l'entreprise en question. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci. L'infraction doit être imputée à l'AAMS qui, bien qu'elle soit dépourvue de personnalité juridique propre, est une entreprise au sens de l'article 86 du traité. Il convient en outre d'observer que l'AAMS jouit de l'autonomie d'organisation (notamment en ce qui concerne son patrimoine) et est un sujet de droit distinct (voir à ce propos le considérant 21). Dans la présente affaire, il convient de sanctionner par une amende le comportement de l'AAMS. Dans le but de déterminer le montant de l'amende, il faut prendre en considération la gravité de l'infraction, sa durée ainsi que l'existence éventuelle de circonstances aggravantes et/ou atténuantes.
I. La gravité de l'infraction (63) En vue d'évaluer la gravité de l'infraction, il faut prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché et l'étendue du marché géographique en cause.
1. La nature de l'infraction (64) Les infractions à l'article 86 du traité commises par l'AAMS s'insèrent dans une politique visant spécifiquement à entraver, systématiquement et gravement, l'accès des producteurs concurrents au marché italien des cigarettes et à limiter leurs possibilités d'expansion dans ledit marché. (65) Les comportements contraires aux dispositions de l'article 86 du traité ont été mis en oeuvre délibérément par l'AAMS. En effet, par de tels comportements, celle-ci visait spécifiquement à entraver gravement l'accès des producteurs concurrents au marché italien des cigarettes. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, à plusieurs occasions, certaines entreprises étrangères ont expressément attiré l'attention de l'AAMS sur le fait que de nombreuses clauses du contrat de distribution étaient contraires aux règles de concurrence communautaires.
2. L'impact concret sur le marché (66) Afin d'évaluer l'impact concret que l'infraction a eu sur le marché, il est nécessaire de prendre en considération deux éléments: l'existence de mesures étatiques restrictives et l'évolution du marché italien des cigarettes. (67) En premier lieu, il convient de considérer que les difficultés d'accès (et de développement) dans le marché italien rencontrées par les entreprises étrangères doivent, en grande partie, être imputées à des mesures adoptées par l'État italien au cours de la période en cause. À ce propos, il faut souligner que: - pendant plusieurs périodes, le ministre des finances italien a omis d'adopter les décrets pour les inscriptions au tarif des nouvelles marques de cigarettes demandées par les entreprises étrangères (en particulier, dans la période entre 1992 et 1997, aucun décret d'inscription au tarif de cigarettes étrangères n'a été adopté) et, par conséquent, ces nouvelles marques n'ont pas pu être introduites sur le marché italien (25). Ces omissions de la part de l'État ont de fait rendu inutiles et privé d'effet concret les clauses relatives à l'introduction de nouvelles marques dans le marché [voir considérant 15, points c) et f)] pendant les périodes en question, - pendant toute la période durant laquelle les infractions ont été mises en oeuvre, les revendeurs étaient obligés, par l'article 15 du cahier des charges, à contribuer au développement des ventes des tabacs fins de production nationale (26). Il faut estimer que, dans ce cas également, l'influence négative de cette mesure étatique sur les ventes des cigarettes étrangères a partiellement neutralisé celle des clauses contractuelles, - jusqu'en août 1993, l'Italie n'avait pas conformé sa réglementation aux dispositions communautaires concernant la fixation des prix de vente au public des tabacs manufacturés importés (27). Jusqu'à cette date, la réglementation italienne ne permettait pas aux entreprises étrangères de fixer librement les prix de vente au détail de leurs cigarettes et, par conséquent, constituait un élément limitant les capacités concurrentielles desdites entreprises. Cette réglementation était donc aussi de nature à faire obstacle au développement des ventes dans le marché italien des cigarettes importées, puisqu'elle enlevait aux entreprises étrangères la liberté de fixer le prix de vente de leurs propres cigarettes à un niveau conforme à leur stratégie de marché. (68) En deuxième lieu, il convient de souligner qu'au cours de la période pendant laquelle l'infraction a été commise, les parts de marché de l'AAMS ont diminué de manière constante et très sensible. Malgré l'existence de cette infraction et des mesures étatiques restrictives susmentionnées, l'AAMS n'a donc pas réussi à inverser la tendance négative des ventes de ses propres cigarettes sur le marché italien. Tout au plus, les comportements en cause peuvent avoir produit l'effet de ralentir la chute des parts de marché de l'AAMS qui, en leur absence, aurait pu être encore plus significative.
3. L'étendue du marché géographique en cause (69) Il faut considérer que les effets anti-concurrentiels des comportements en cause sont localisés dans un seul État membre, l'Italie.
4. Conclusion concernant la gravité de l'infraction (70) Sur la base de ce qui précède, il apparaît que les comportements en cause, d'un côté, correspondent à des infractions ayant une nature et un objet particulièrement anticoncurrentiels et, de l'autre côté, ont eu un impact concret sur le marché qui a été relativement réduit et limité à un seul État membre. Compte tenu de la présence de ces divers éléments, il faut conclure que lesdits comportements correspondent à une infraction grave. (71) Eu égard à l'exigence de fixer le montant de l'amende, en fonction de sa gravité, à un niveau suffisamment dissuasif en vue d'exclure toute répétition des comportements d'infraction, il est approprié de fixer un montant de 3 000 000 d'écus.
II. La durée de l'infraction (72) Les actuels contrats types de distribution produisent leurs effets depuis le 1er janvier 1995 et viendront à échéance le 31 décembre 1998. Les clauses abusives de tels contrats ont un contenu identique à celui des clauses correspondantes des précédents contrats types de distribution, conclus au début de 1985 et venus à échéance le 31 décembre 1993. À leur tour, les contrats types de distribution de 1985 reproduisaient les clauses des contrats types précédents (qui ne sont toutefois pas pris en considération aux fins de la présente décision). Par conséquent, il faut estimer que l'infraction dure depuis plus de treize ans (autrement dit, depuis avant 1985). En outre, les comportements abusifs unilatéraux (voir considérants 16 à 19) s'étalent sur sept années (de 1990 à 1996). (73) Il résulte de ce qui précède, que l'infraction est de longue durée, et il apparaît donc approprié d'imposer une majoration de 100 % (c'est-à-dire de 3 000 000 d'écus) au montant fixé en fonction de la gravité.
III. Le montant de base de l'amende (74) Il en résulte donc que le montant de base de l'amende doit être de 6 000 000 d'écus.
IV. Circonstances aggravantes et atténuantes (75) Il n'existe pas de circonstances aggravantes ou atténuantes pouvant justifier respectivement une augmentation ou une diminution du montant de base susmentionné.
V. Le montant de l'amende (76) Pour ces motifs, le montant de l'amende relative aux infractions constatées par la présente décision doit être de 6 000 000 d'écus, A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier En exploitant sa position dominante sur le marché italien de la distribution en gros des cigarettes, l'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato («AAMS») a mis en oeuvre des comportements abusifs visant à protéger sa position sur le marché italien des cigarettes en violation de l'article 86 du traité, sous la forme des clauses imposées dans les contrats de distribution visées à l'article 2 et des pratiques unilatérales visées à l'article 3.
Article 2 Les clauses imposées abusivement par l'AAMS dans les contrats de distribution sont les suivantes: a) clause relative à la fixation d'un délai pour l'introduction des nouvelles marques de cigarettes sur le marché (article 1er, paragraphe 3), b) clause relative au plafonnement des quantités de nouvelles cigarettes pouvant être introduites sur le marché (annexe B, paragraphes 5 et 6), c) clause relative au plafonnement des quantités de cigarettes pouvant être mises sur le marché chaque mois (annexe B, paragraphe 2), d) clause relative au relèvement du plafond de commercialisation mensuel des cigarettes (article 2, paragraphes 5 et 6), e) clause relative à l'apposition du poinçon Monital sur les cigarettes (article 4), f) clause relative au contrôle des cigarettes (article 5).
Article 3 Les pratiques unilatérales abusives mises en oeuvre par l'AAMS sont les suivantes: a) refus d'autoriser le relèvement du plafond de commercialisation mensuel des cigarettes, demandé par des entreprises étrangères conformément aux contrats de distribution; b) comportements, à l'égard des entrepôts et des détaillants, visant à favoriser les cigarettes nationales et à limiter la vente des cigarettes étrangères;
Article 4 L'AAMS est tenue de mettre immédiatement fin aux infractions visées aux articles 2 et 3, si ce n'est déjà fait. En particulier, l'AAMS modifie les clauses des contrats de distribution encore en vigueur mentionnées à l'article 2, de manière à en éliminer les aspects abusifs constatés dans la présente décision. Elle communique les nouveaux contrats de distribution à la Commission.
Article 5 L'AAMS s'abstient de poursuivre ou de répéter les comportements visés aux articles 2 et 3, et s'abstient de tout comportement ayant un effet équivalent. L'AAMS, durant une période de trois ans à compter de la date de notification de la présente décision, transmet à la Commission, dans les deux mois suivant l'expiration de chaque année civile, un rapport indiquant pour l'année précédente, les quantités de cigarettes étrangères distribuées par l'AAMS, ainsi que tout refus éventuel (total ou partiel) de distribuer lesdites cigarettes.
Article 6 Pour les comportements visés aux articles 2 et 3, l'AAMS se voit infliger une amende de 6 000 000 d'écus. L'amende doit être versée dans les trois mois à compter de la notification de la présente décision, en écus, au compte de la Commission des Communautés européennes n° 310-0933000-43, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles. Après l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement exigibles au taux calculé le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, par la Banque centrale européenne, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,75 %.
Article 7 L'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato, Piazza Mastai, 11, I-00153 Rome est destinataire de la présente décision. La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité.
Fait à Bruxelles, le 17 juin 1998. Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission
(1) JO 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63. (3) Loi sur le monopole des sels et des tabacs, voir Journal officiel de la République italienne (GURI) n° 199 du 28. 5. 1942. (4) GURI n° 4 du 7. 1. 1976. (5) GURI n° 9 du 13. 1. 1958. (6) GURI n° 308 du 22. 12. 1958. (7) Arrêt du 16 juin 1987 dans l'affaire 118/85, Commission/Italie, Recueil 1987, p. 2599. (8) Voir arrêt de la Cour de justice du 20 mars 1985 dans l'affaire 41/83, Italie/Commission, Recueil 1985, p. 873. (9) JO C 372 du 9. 12. 1997, p. 5. (10) Article 1er de la loi n° 724/1975. (11) Le décret législatif du 31 décembre 1992, et converti en loi n° 427 du 29 octobre 1993, a transposé dans l'ordre juridique italien la directive 92/12/CEE du Conseil (JO L 76 du 23. 3. 1992, p. 1), modifiée en dernier lieu par la directive 96/99/CE (JO L 8 du 11. 1. 1997, p. 12), sur le régime de circulation intracommunautaire des produits soumis à accises. (12) Voir l'arrêt de la Cour de Justice du 14 décembre 1995 dans l'affaire C-387/93, Banchero, Recueil 1995, p. I-4663. (13) Arrêt du 13 février 1979 dans l'affaire 85/76, Hoffmann-La Roche/Commission, Recueil 1979, p. 461, point 91 des motifs. (14) Au cours de la procédure, des exemples récents de lancement de nouvelles marques de cigarettes par l'AAMS ont été fournis: en juin 1996, premier mois de lancement, l'AAMS a vendu 33 217 kilogrammes de cigarettes de la marque MS E. Slim et en juillet 1996, premier mois de lancement, l'AAMS a vendu 35 543 kilogrammes de cigarettes de la marque MS personal. Ces quantités sont environ sept fois supérieures au maximum permis pour les cigarettes étrangères. (15) Au cours de la procédure, il a été souligné que les cigarettes de l'AAMS sont distribuées d'office, dès le premier mois de lancement, à tous les entrepôts et à tous les détaillants. (16) L'AAMS se borne à signaler que «des produits peuvent rester longtemps en stock dans le circuit de distribution (c'est-à-dire dans les entrepôts eux-mêmes) avant d'arriver au détaillant, c'est-à-dire avant le moment où l'administration perçoit auprès des débitants de tabac le prix de la vente des produits.» (17) JO L 359 du 8. 12. 1989, p. 1. (18) JO L 151 du 11. 6. 1992, p. 30. (19) JO L 137 du 30. 5. 1990, p. 36. (20) JO L 210 du 7. 8. 1985, p. 29. (21) Selon l'AAMS, le pouvoir de surveillance «est un pouvoir qui consiste exclusivement dans le contrôle de la conformité de l'exercice de la vente au détail, avec les règles que l'acte de concession. . . leur impose». (22) Dans son arrêt du 6 mars 1974 dans les affaires jointes 6 et 7/73, Commercial Solvents/Commission, Recueil 1974, p. 223, la Cour de justice a établi que la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'ordonner des mesures propres à garantir l'efficacité de ses propres décisions, en imposant aux entreprises d'exécuter des actes spécifiques (point 45 des motifs). (23) Il convient de souligner que le cahier des charges régissant les marchés publics pour l'exploitation des débits de produits soumis à monopole est une mesure étatique et ne rentre pas dans le cadre de la présente procédure. Toutefois, la modification de ce cahier des charges est prise en considération ici à titre d'élément utile afin d'évaluer s'il est nécessaire d'imposer à l'AAMS des mesures spécifiques visant à garantir que les comportements abusifs constatés ne se reproduiront pas. (24) Voir la note 23. (25) À ce propos, il faut rappeler que la réglementation italienne exige, en tant que condition sine qua non pour la commercialisation en Italie d'une nouvelle marque de cigarettes la publication au GURI d'un décret du ministre des finances qui insère lesdites marques dans des tableaux (article 2 de la loi n° 825 du 13 juillet 1965, concernant le régime d'imposition fiscale sur les produits objet du monopole d'État, modifié par l'article 27 du décret-loi n° 331 du 30 août 1993, converti en loi n° 427 du 29 octobre 1993, GURI n° 225 du 29. 10. 1993, et par l'article 9 de la loi n° 76 du 7 mars 1985, GURI n° 65 du 16. 3. 1985. Il faut donc considérer que le respect d'une telle procédure est une condition nécessaire pour la commercialisation de nouvelles marques de cigarettes. (26) Voir le considérant 61 et la note 23. (27) Article 5 de la directive 72/464/CEE du Conseil du 12. décembre 1972 concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés, JO L 303 du 31. 12. 1972, p. 1 (cette matière est actuellement réglée par l'article 9 de la directive 95/59/CE du Conseil, JO L 291 du 6. 12. 1995 p. 40). Jusqu'en août 1993, la réglementation italienne (article 2 de la loi n° 825/65) établissait que «l'insertion de chaque produit soumis au monopole fiscal dans les tarifs . . . et ses modifications sont effectués par décret du ministre des finances, en relation avec les prix demandés par les fournisseurs pour les marchandises importées, après avoir consulté le conseil d'administration des monopoles d'État, et en relation avec les prix proposés par ce même conseil d'administration pour les autres marchandises.» La Cour de justice des Communautés européennes a déclaré que l'Italie avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 5 de la directive 72/464/CEE en maintenant ladite réglementation puisque cette dernière ne prévoyait pas expressément et n'impliquait pas clairement l'obligation pour l'autorité administrative compétente de respecter dans les conditions et les limites prévues par la directive, le principe de libre détermination par les fabricants et par les importateurs des prix maximaux des tabacs manufacturés importés en Italie (arrêt du 28 avril 1993, affaire C-306/91, Recueil 1993, p. I-2133). En vue de rendre conforme sa législation audit arrêt, l'Italie a adopté le décret-loi n° 331/93 dont l'article 27, en modifiant l'article susmentionné de la loi n° 825/65, dispose que «les prix de vente au public et les modifications y afférentes sont établis en conformité avec les prix demandés par les fabricants et les importateurs.»
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Document livré le: 11/03/1999
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