|
Législation communautaire en vigueur
Document 398D0277
Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 11.60.40.20 - Droits anti-dumping ]
398D0277
98/277/CE: Décision de la Commission du 16 avril 1998 concernant la non-abrogation par les États-Unis de leur loi antidumping de 1916, arrêtée conformément aux dispositions du règlement (CEE) nº 3286/94 du Conseil
Journal officiel n° L 126 du 28/04/1998 p. 0036 - 0039
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 16 avril 1998 concernant la non-abrogation par les États-Unis de leur loi antidumping de 1916, arrêtée conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 3286/94 du Conseil (98/277/CE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil du 22 décembre 1994 arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (1), modifié par le règlement (CE) n° 356/95 (2), et notamment ses articles 13 et 14, après consultation du comité consultatif, considérant ce qui suit:
A. PROCÉDURE (1) Le 10 janvier 1997, la Commission a été saisie d'une plainte en application de l'article 4 du règlement (CE) n° 3286/94 (ci-après dénommé «le règlement»). La plainte a été déposée par Eurofer, la Confédération européenne des industries sidérurgiques, au nom de ses membres. (2) La plaignante faisant valoir que la loi antidumping américaine de 1916 (3) (ci-après dénommée «la loi de 1916») est incompatible avec plusieurs dispositions de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après dénommé «accord OMC») et de ses annexes et que la non-abrogation par les États-Unis de cette législation avait des effets commerciaux défavorables pour ses membres et risquait d'en avoir d'autres encore à l'avenir. Cela étant, la plaignante demandait à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour convaincre les États-Unis d'abroger cette loi de 1916. (3) La plainte contenait à première vue des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure communautaire d'examen conformément à l'article 8 du règlement. En conséquence, une telle procédure a été engagée le 25 février 1997 (4). (4) À la suite de l'ouverture de la procédure communautaire d'examen, la Commission a procédé à une enquête approfondie des points de fait et de droit. À partir des constatations de cette enquête, la Commission a tiré les conclusions indiquées ci-dessous.
B. CONSTATATIONS EN CE QUI CONCERNE L'EXISTENCE D'UN OBSTACLE AU COMMERCE (5) La loi antidumping américaine de 1916 est toujours en vigueur et applicable à l'importation et à la vente à l'intérieur des États-Unis de tout produit étranger, quelle que soit son origine, y compris les produits originaires de pays membres de l'OMC. La loi de 1916 est reprise dans les recueils de lois des États-Unis parallèlement avec la loi sur les tarifs de 1930 qui comprend les dispositions d'application américaines des dispositions antidumping multilatérales. (6) La loi de 1916 interdit à la fois l'importation des marchandises et leur vente sur le marché des États-Unis lorsque leur prix est inférieur à celui pratiqué dans le pays d'origine ou dans d'autres pays étrangers vers lesquels ces marchandises sont exportées. La loi est libellée de la manière suivante: «il est illicite, pour toute personne important ou contribuant à importer des marchandises d'un pays étranger aux États-Unis, d'importer ou de vendre ou de faire importer ou vendre communément et systématiquement ces marchandises aux États-Unis à un prix substantiellement inférieur à la valeur marchande ou au prix de gros effectif de ces marchandises, observé, au moment de leur exportation aux États-Unis, sur les principaux marchés de leur pays de production ou d'autres pays étrangers vers lesquels elles sont communément exportées, la valeur marchande ou le prix de gros étant majoré d'un montant représentant les frais de transport, les droits de douane et autres impositions ou dépenses nécessairement afférents à l'importation et à la vente de ces marchandises aux États-Unis, et ce à condition qu'un tel acte ou que de tels actes soi(en)t accompli(s) dans l'intention de détruire une industrie aux États-Unis ou de lui porter préjudice ou de faire obstacle à l'établissement d'une industrie aux États-Unis ou de restreindre ou monopoliser une partie du commerce de ces marchandises aux États-Unis.» Toute violation de la loi conduit à un triple dédommagement à la demande de la partie lésée, ainsi qu'à l'imposition de sanctions pénales (amende et/ou emprisonnement) aux responsables. (7) La pratique réglementée par la loi de 1916 correspond à celle décrite à l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après dénommé «GATT 1994») et dans l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après dénommé «Accord antidumping OMC»). (8) Plusieurs aspects de la loi antidumping américaine de 1916 sont inconciliables avec les règles commerciales multilatérales. (9) S'agissant de l'article VI du GATT 1994 et de l'accord antidumping OMC, la Commission estime que les violations concernent en particulier, mais non exclusivement, les dispositions suivantes: - article VI, paragraphe 1, points a) et b), du GATT 1994 et articles 2, paragraphe 1, et 2, paragraphe 2, de l'accord antidumping OMC, dans la mesure où ces dispositions privilégient avant tout le prix effectif dans le pays d'exportation en tant que critère pour le calcul de la valeur normale, alors que les critères indiqués dans la loi de 1916 sont tout à fait interchangeables, - article VI, paragraphe 1, du GATT 1994 et article 2, paragraphe 1, de l'accord antidumping OMC, dans la mesure où ces dispositions font de l'introduction des produits dans le commerce d'un autre pays une condition préalable indispensable des pratiques de dumping, alors qu'en vertu de la loi de 1916, les ventes effectives sur le marché américain ne sont pas nécessaires et qu'une simple offre de prix émanant d'une société étrangère est considérée comme suffisante, - article VI, paragraphe 2, du GATT 1994, disposition qui précise que les droits antidumping constituent la seule parade possible aux pratiques de dumping, alors que la loi de 1916 prévoit le recours au triple dédommagement et aux amendes et/ou à l'emprisonnement, - article I de l'accord antidumping OMC, disposition qui impose la réalisation d'une enquête (laquelle doit obéir à toute une série de règles procédurales) avant l'institution de droits antidumping, alors que les mesures prévues par la loi de 1916 s'appliquent immédiatement et sans enquête, - article VI du GATT 1994 et article III de l'accord antidumping OMC, dans la mesure où ces dispositions définissent et qualifient la notion de «préjudice important», alors que la loi de 1916 s'appuie sur un critère de préjudice non qualifié, - article VI du GATT 1994 et article IV de l'accord antidumping OMC, dans la mesure où ces dispositions imposent des obligations permanentes en ce qui concerne l'industrie nationale à l'origine de la plainte, alors qu'une action au titre de la loi de 1916 peut être engagée par toute partie privée. (10) Le maintien en vigueur de la loi de 1916, même après la transposition des résultats du cycle de l'Uruguay dans l'ordre juridique interne des États-Unis par la loi relative à l'accord du cycle de l'Uruguay et après l'entrée en vigueur de l'accord OMC et de ses annexes constitue une violation de l'article XVI, paragraphe 4, de l'accord OMC aux termes duquel «chaque membre assurera la conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu'elles sont énoncées dans les accords figurant en annexe.» (11) Les violations susrappelées évaluées à l'aune de l'article XVI, paragraphe 4, de l'accord OMC et de l'intérêt potentiel des exportateurs de la Communauté pour le produit en question confèrent un locus standi (droit d'intenter une action) à la Communauté européenne. (12) En outre, la loi de 1916 dans la mesure où elle conduit à l'application de disciplines plus sévères à la vente des produits importés à bas prix qu'à la vente des produits nationaux pourrait également être contestée sur la base d'autres dispositions de l'OMC telles que l'article III, paragraphe 4, du GATT 1994. (13) L'existence et l'applicabilité simultanées de la loi de 1916 et de la loi américaine de 1930 sur les tarifs douaniers qui regroupent les dispositions législatives antidumping américaines conventionnelles offrent à l'industrie américaine une protection supplémentaire allant au-delà de la protection autorisée par les règles de l'OMC. (14) Dans ces circonstances, la Commission estime que les allégations de la plaignante sont fondées et que la non-abrogation par les États-Unis de leur loi antidumping de 1916 constitue un obstacle au commerce au sens de l'article 2, paragraphe 1, du règlement, c'est-à-dire «une pratique commerciale adoptée ou maintenue par un pays tiers au regard de laquelle le droit d'intenter une action est consacré par les règles commerciales internationales.» (15) La Commission estime néanmoins que la référence aux fondements juridiques susrappelés n'exclut pas le recours à toute autre disposition pertinente de l'accord OMC ou des accords qui y sont annexés qui pourrait être utilisée dans des procédures devant l'OMC.
C. CONSTATATIONS CONCERNANT LES EFFETS COMMERCIAUX DÉFAVORABLES (16) Dans sa plainte, Eurofer indiquait qu'une action en justice avait été engagée aux États-Unis, au titre de la loi de 1916, par un producteur d'acier local à l'encontre de la filiale américaine d'un de ses membres qui importait, prétendument, des produits à des prix de dumping en provenance de pays autres que les États membres de la Communauté européenne. (17) L'action en justice actuellement pendante aux États-Unis, qui en est encore au tout début de la procédure, a déjà entraîné des frais de justice considérables pour la défenderesse et perturbe ses activités de distribution aux États-Unis. Ces frais ne manqueront pas d'augmenter au fil de la procédure. (18) Si la défenderesse était jugée responsable en vertu de la loi de 1916, elle devrait payer des dommages qui compromettraient sa viabilité. Actuellement, les dommages réclamés s'élèvent à 90 millions de dollars des États-Unis et la société américaine à l'origine de la plainte a toujours la possibilité de revoir ses prétentions à la hausse en ajoutant le montant des importations réalisées après l'introduction de sa demande. En plus des frais de justice, l'action en justice en cours exerce donc un autre effet commercial défavorable, effectif et direct, faisant obstacle à l'activité commerciale de la défenderesse. (19) Il y a donc de solides raisons de penser que d'autres actions en justice au titre de la loi de 1916 pourraient être intentées contre divers importateurs d'acier, notamment à l'occasion de l'importation de produits communautaires. Cela rendrait très difficile la distribution des produits communautaires aux États-Unis. (20) En outre, la loi de 1916 n'est pas limitée aux produits sidérurgiques. Les producteurs américains de n'importe quel produit peuvent donc décider d'y recourir, ce qui aurait une incidence potentiellement illimitée sur l'économie de la Communauté. (21) Dans ces circonstances, la Commission estime que les allégations de la plaignante sont fondées et que la non-abrogation par les États-Unis de leur loi antidumping de 1916 a des effets commerciaux défavorables au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement.
D. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ (22) Pour la Communauté qui s'est engagée elle-même à respecter des obligations identiques, il est extrêmement important de veiller à ce que ses partenaires au sein de l'OMC s'acquittent entièrement de leurs propres obligations. (23) Plus particulièrement, le maintien en vigueur de la loi de 1916 soulève la question d'une des disciplines horizontales les plus importantes introduites par l'OMC, à savoir l'obligation pour les membres de mettre leur législation en conformité avec leurs engagements multilatéraux. (24) Le champ d'application très large de la loi de 1916 et son caractère manifestement protectionniste qui aboutissent à accorder à l'industrie nationale américaine une protection allant au-delà de celle qu'autorisent les règles de l'OMC justifient que la Communauté engage une action en vue d'éviter que d'autres secteurs industriels américains décident de profiter de l'existence de la loi de 1916, ce qui pourrait compromettre les exportations de l'industrie communautaire dans son ensemble.
E. CONCLUSIONS ET MESURES À PRENDRE (25) L'enquête a mis en évidence qu'il n'y avait pas d'autre solution possible que l'abrogation de la loi de 1916 pour éliminer les effets commerciaux défavorables, réels et potentiels, causés par son maintien en vigueur. (26) L'accord OMC et ses annexes ont été mis en oeuvre aux États-Unis grâce à l'adoption de la loi relative à l'accord du cycle de l'Uruguay [Uruguay Round Agreement Act (URAA)] de 1994. Cette dernière qui constitue l'unique instrument d'application de l'accord OMC aux États-Unis ne concerne pas la loi de 1916. En outre, cette loi prévoit spécifiquement que le droit américain l'emporte sur les dispositions de l'OMC. Il n'y a donc aucun moyen, même pas celui de la procédure contentieuse privée, permettant aux États-Unis de garantir le respect des engagements qu'ils ont souscrit devant l'OMC en matière de dumping lorsque la loi de 1916 est en conflit avec lesdits engagements. (27) Dans ces circonstances, il est de l'intérêt de la Communauté d'engager une procédure de règlement de différend devant l'OMC, DÉCIDE:
Article premier 1. Le maintien en vigueur de la loi antidumping de 1916 des États-Unis d'Amérique (5) est inconciliable avec les obligations que ce pays a souscrites en vertu de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce et constitue un «obstacle au commerce» au sens de l'article 2 du règlement (CE) n° 3286/94. 2. La Communauté entamera une action contre les États-Unis d'Amérique conformément au mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends et aux autres dispositions pertinentes de l'OMC afin d'obtenir l'élimination de cet obstacle au commerce.
Article 2 La présente décision est applicable à partir du jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Fait à Bruxelles, le 16 avril 1998. Par la Commission Leon BRITTAN Vice-président
(1) JO L 349 du 31. 12. 1994, p. 71. (2) JO L 41 du 23. 2. 1995, p. 3. (3) «Act of September 8, 1916, 39 Stat. 756». Le titre VIII de cette loi est repris dans les articles 71 à 74 du United States Code. (4) JO C 58 du 25. 2. 1997, p. 14. (5) «Act of September 8, 1916, 39 Stat. 756». Le titre VIII de cette loi est reproduit dans les articles 71 à 74 du United States Code.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
|