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Législation communautaire en vigueur
Document 397D0811
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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]
397D0811
97/811/CE: Décision de la Commission du 9 avril 1997 concernant les aides accordées par la France aux secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 334 du 05/12/1997 p. 0025 - 0036
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 9 avril 1997 concernant les aides accordées par la France aux secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (97/811/CE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a), après avoir mis les parties intéressées en demeure de présenter leurs observations conformément à ces articles, considérant ce qui suit:
I Par lettre de sa représentation permanente auprès de l'Union européenne du 26 mars 1996, la France a notifié à la Commission les «mesures expérimentales de baisse des charges sociales en faveur des secteurs du textile, de l'habillement et du cuir-chaussure». La France a décidé d'appliquer aux secteurs industriels susvisés, en plus des mesures d'allégement général des charges prises en juin 1995, une suppression de la totalité des charges sociales patronales pour les salaires correspondant au SMIC (salaire minimum garanti, dont le niveau est fixé par l'État), et un allégement dégressif pour les salaires allant jusqu'à 1,5 fois le SMIC. Par lettre du 31 mai 1996 (1), la Commission a informé la France de l'ouverture de la procédure prévue par l'article 93 paragraphe 2 du traité au sujet des mesures susmentionnées. Lors de la notification, l'objectif poursuivi par l'allégement des charges était la création d'emplois et, en particulier, l'embauche des jeunes dans les quatre secteurs concernés. Cet objectif devait être également poursuivi par des engagements souscrits par les branches professionnelles concernées en matière de réduction du temps de travail et l'encouragement du temps partiel. Aucune précision n'était donnée quant au contenu de ces engagements. Pour l'ensemble des quatre secteurs concernés, l'allégement de charges sociales vise à encourager l'embauche de 7 000 jeunes chômeurs et le maintien de 35 000 postes de travail. Les 7 000 postes susmentionnés constituent une création nette d'emplois, tandis que les 35 000 autres sont des postes qui ne seront pas supprimés dans les deux années suivant l'entrée en vigueur du dispositif. Pour rappel, les secteurs concernés prévoient, en l'absence de dispositif, une perte de 60 000 postes de travail sur cette même période. Il s'agit donc bien d'un ralentissement du nombre de licenciements. Les motifs pour lesquels l'ouverture de la procédure a été décidée sont les suivants: - étant donné que l'allégement des charges sociales n'est pas accordé à l'ensemble des entreprises nationales, il s'agit d'aides sectorielles. Or, la Commission émet systématiquement des doutes sur ce type d'aides, à cause de leurs répercussions sur le plan économique et concurrentiel, surtout lorsqu'il s'agit de secteurs connaissant des échanges intracommunautaires importants, - même dans le domaine des aides à la création d'emplois, la Commission doit adopter une attitude stricte face aux aides sectorielles afin de prévenir en temps utile toute escalade en la matière et, au-delà de cela, la mise en question de la notion même de marché intérieur au sein de la Communauté. À ce sujet, les lignes directrices concernant les aides à l'emploi (2) permettent d'autoriser des aides sectorielles au maintien ou à la création nette d'emplois uniquement dans un nombre limité de circonstances particulières, qui ne semblaient pas correspondre aux mesures proposées, - suite au manque d'informations complètes de la part de la France, la Commission ne disposait pas d'éléments précis démontrant la nécessité d'un traitement préférentiel de ces secteurs vis-à-vis des autres secteurs de l'économie française, ni vis-à-vis des secteurs concurrents dans les autres États membres. La réponse de la France à la lettre de la Commission est parvenue le 16 juillet 1996. À l'examen de cette réponse, il est apparu que l'objectif de la mesure d'allégement des charges, tout en étant destiné à la création d'emplois, visait en fait à compenser, partiellement ou totalement selon les cas, les surcoûts liés à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, engendrés par les accords de branches susmentionnés. Selon la France, le dispositif ainsi conçu serait financièrement neutre dans le sens où il ne comporterait pas d'avantage pour les entreprises. Cela a conduit la Commission à élargir, par décision du 2 octobre 1996 (3), le champ de cette procédure afin de tenir compte des informations nouvelles et plus complètes que la France lui avait adressées. La Commission a informé la France de cette nouvelle décision par lettre du 15 octobre 1996. Les motifs qui ont conduit la Commission à adopter cette seconde décision peuvent être résumés comme suit: - les charges qui découlent pour les entreprises d'accords conclus entre les partenaires sociaux d'un secteur déterminé, que ce soit en vue du réaménagement du temps de travail ou avec d'autres contenus, et qui se traduisent par des majorations salariales ou des congés rémunérés non exigés par la réglementation commune constituent des charges qui auraient dû normalement être supportées par leurs budgets. En conséquence, tout allégement, direct ou indirect, de ces charges consenti par les autorités publiques pourrait constituer une aide d'État interdite en principe par l'article 92 paragraphe 1, - de plus, il résulte d'une jurisprudence constante que l'article 92 paragraphe 1 ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit les aides en fonction de leurs effets. Dans le cas présent, il est vraisemblable que l'allégement des charges sociales place les entreprises de ces secteurs dans une situation plus favorable que celle de leurs concurrents qui auraient réalisé des aménagements du temps de travail, ou d'autres mesures semblables, sans l'appui de l'État. En principe, le caractère compensatoire des avantages consentis aux entreprises par rapport aux accords conclus par celles-ci n'est pas de nature à exclure a priori la qualité d'aide de ces avantages, - la neutralité du dispositif en question, avancée par la France, n'est pas clairement démontrée. D'une part, certains éléments du calcul de l'aide et du surcoût suscitent des interrogations susceptibles de modifier le résultat final obtenu. D'autre part, le calcul de l'impact du dispositif ne tient pas compte d'autres effets induits comme, par exemple, l'amélioration de l'efficacité des entreprises due à une meilleure adaptation du temps de travail aux exigences du secteur, notamment au caractère saisonnier et cyclique de sa production. Les observations de la France sont parvenues à la Commission respectivement le 16 juillet 1996, pour celles afférentes à l'ouverture de la procédure, et le 5 décembre 1996 pour ce qui concerne la décision du 2 octobre 1996. Des informations supplémentaires sont parvenues à la Commission le 17 février 1997. Ces dernières répondent notamment à la lettre de la Commission adressée le 30 janvier 1997 au sujet de la méthode d'évaluation de l'impact net du dispositif d'allégement. Par ailleurs, des réunions techniques entre les services de la Commission et ceux des ministères français concernés ont eu lieu le 1er août 1996 à Bruxelles et le 21 janvier 1997 à Paris. Les communications de la Commission relatives aux deux décisions susmentionnées mettant les autres États membres et les tiers en demeure de présenter leurs observations à ce sujet ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes, respectivement, le 17 juillet 1996 (4) et le 26 novembre 1996 (5). Suite à la première publication, sept associations d'industriels du secteur textile-habillement ont adressé leurs réactions à la Commission. Le gouvernement de l'Allemagne, celui des Pays-Bas, celui du Royaume-Uni ainsi que les autorités de la région flamande de Belgique ont également réagi à cette publication. Suite à la seconde publication, deux autres associations professionnelles ont fait parvenir leurs observations à la Commission. Les gouvernements de l'Autriche et des Pays-Bas ont également adressé les leurs. Conformément à la procédure, les observations des tiers (toutes contraires au dispositif en cause) ont été transmises à la France pour commentaires, respectivement, le 16 octobre 1996 et le 24 janvier 1997. Les réponses de la France sont parvenues à la Commission le 21 novembre 1996 et le 17 février 1997.
II Les observations de la France à l'ouverture de la procédure sont reprises dans la décision susmentionnée du 2 octobre 1996. La position que la France a exprimée à la suite de cette décision peut être résumée comme suit: - en premier lieu, la France conteste la position de la Commission selon laquelle la nature de la mesure envisagée a été modifiée entre le moment de la notification, le 27 mars 1996, et celui où la France a répondu à l'ouverture de la procédure par la Commission. L'objectif poursuivi par les mesures expérimentales en question a toujours été et reste celui de la défense de l'emploi par le biais de l'aménagement du temps de travail. À aucun moment, l'objectif final du dispositif n'a été changé; seules les modalités de mise en oeuvre ont été précisées en tenant compte du résultat des négociations entre partenaires sociaux et, donc, des engagements pris par les entreprises en matière d'aménagement du temps de travail, - la France conteste également le fait que tout allégement de charges sociales puisse se voir conférer la qualification d'aide d'État. En effet, les accords collectifs conclus entre le patronat et les syndicats ont imposé aux entreprises un dépassement des obligations légales en matière de rémunération des heures supplémentaires. L'aboutissement de tels accords ne démontre pas l'absence de réticences d'un grand nombre d'entreprises à supporter les nouvelles obligations. La France considère que tout accompagnement des efforts des entreprises pour lutter contre le chômage ne peut être qualifié d'emblée d'aide d'État faussant la concurrence, dès lors que ces efforts peuvent se traduire, malgré l'accompagnement, par un surcoût pour les entreprises par rapport à la situation dans laquelle elles se conformeraient strictement à leurs obligations légales. En réponse à une objection de la Commission en ce sens, la France affirme qu'elle n'a pas connaissance de cas où d'autres États membres auraient mené une politique d'aménagement du temps de travail similaire sans l'appui de l'État, - la France a apporté un certain nombre de précisions techniques sur les modalités de calcul de l'impact net du dispositif (allégement des charges contre surcoûts liés à l'aménagement du temps de travail). À la lumière de ces précisions, elle conclut toujours à la neutralité financière du dispositif: les grandes entreprises ne bénéficient pas en définitive d'allégements des charges, car les coûts de l'aménagement du temps de travail y sont plus importants. Les autres entreprises entre 50 et 500 travailleurs bénéficient d'un allégement «net» qui reste sous le seuil dit de minimis, soit 100 000 écus sur trois ans [environ 650 000 francs français (FF)]. Selon sa méthode de calcul, la France chiffre l'impact net du dispositif mis en place comme suit: 1) pour le textile-habillement (6): >EMPLACEMENT TABLE> 2) pour le cuir-chaussure (7): >EMPLACEMENT TABLE> Comme le montrent ces deux tableaux, la France a adapté le coût théorique de l'aménagement du temps de travail en fonction des effectifs affectés à la production: 77,9 % pour l'industrie textile et 80,8 % pour les secteurs cuir-habillement. Or, pour raisonner en termes de coût du travail, la Commission a indiqué qu'il fallait prendre en compte non pas les personnes affectées par ce dispositif mais la masse salariale relative à ces personnes. La France a donc présenté des nouveaux résultats sur base du critère de la masse salariale relative au personnel concerné par cet aménagement et a conclu que ce chiffre ne devrait pas différer significativement de celui des effectifs affectés à la production, tout en affirmant qu'une évaluation précise de cette masse salariale ne peut être réalisée, - la France souligne enfin que le mécanisme envisagé n'apporte pas nécessairement de gains de compétitivité pour les entreprises. Elle insiste sur le caractère potentiel et difficilement mesurable de ces gains qui ne pourraient apparaître qu'à moyen ou long terme alors que le dispositif ne s'étend que sur dix-huit mois. Les chiffres avancés par la Commission (12 à 13 % de gains de compétitivité grâce au dispositif) relèvent d'une évaluation sommaire, antérieure à l'élaboration définitive du dispositif et correspondant à une hypothèse sur le long terme pour de très petites entreprises dont la totalité des effectifs seraient rémunérés en deçà de 1,5 fois le SMIC.
III Dans le cadre de la procédure, la Commission a reçu quinze réactions, toutes négatives, provenant aussi bien d'États membres que d'associations d'entrepreneurs du secteur. Onze réactions sont parvenues à la Commission suite à la publication de la lettre informant la France de l'ouverture de la procédure. Au-delà d'un soutien général à la position de la Commission sur cette affaire, ces observations insistent sur le fait que, dans tous les États membres, les quatre secteurs concernés connaissent le même type de difficultés; certains ayant dû supporter des réductions d'effectifs nettement plus importantes qu'en France. Dans pratiquement tous les États membres ces secteurs ont dû entreprendre de douloureuses restructurations en vue de retrouver une certaine compétitivité, et cela s'est fait sans aides publiques sectorielles spécifiques. Un grand nombre de réactions insistent sur le fait que la majorité des entreprises concernées - celles de moins de 50 travailleurs - bénéficient en tout état de cause d'une aide inférieure au seuil de minimis et que, dans des industries où la très grande majorité des firmes a une dimension très petite, même une aide inférieure à ce seuil peut avoir des effets dévastateurs pour les concurrentes. En effet, les entreprises des autres États membres n'ont pas les moyens financiers de réagir à l'aide française. Les réactions reçues par la Commission après la publication au Journal officiel des Communautés européennes de la lettre à la France relative à la décision du 2 octobre 1996 sont au nombre de quatre. Le gouvernement néerlandais se limite à réitérer la position négative qu'il avait déjà exprimée lors de l'ouverture de la procédure. Le gouvernement autrichien, de son côté, fait part à la Commission de la mise en oeuvre, en Autriche, d'un dispositif similaire d'aménagement du temps de travail négocié entre organisation patronales et syndicales du secteur textile. Le dispositif en question a été réalisé sans l'aide des autorités publiques étant donné que les gains de productivité issus de l'aménagement du temps de travail ont été suffisamment élevés pour compenser les coûts liés à l'introduction d'horaires plus flexibles. Une association grecque du secteur de l'habillement considère que le gain moyen de l'aide en pourcentage de la masse salariale est nettement supérieur à ce qu'affirme la France. Pour preuve, cette association a fait parvenir à la Commission un article de presse (Journal du textile n° 1472 du 28 octobre 1996) où une entreprise de plus de 100 personnes affirme que, grâce à l'allégement des charges mis en place par la France, elle a pu gagner 8 % du volume de sa masse salariale, ce qui lui a permis de diminuer son prix de revient. Enfin, une association italienne du secteur textile-habillement estime que les coûts de l'aménagement du temps de travail sont le fruit d'une négociation libre et autonome engagée et conclue par les entrepreneurs du secteur et qu'ils ne doivent donc pas être compensés. Comme il a été dit plus haut, la France a été invitée à commenter toutes les observations reçues. En ce qui concerne la première série de onze observations, la France a expliqué, dans sa lettre du 19 novembre 1996, que: «les précisions qu'elle a apportées durant l'été au dispositif objet du 93.2 modifient en grande partie le fondement de ces observations. De ce fait, le 93.2 modifié prenant en compte ces précisions et bientôt publié au Journal officiel, amène les autorités françaises à ne pas formuler de commentaires sur ces observations.» En ce qui concerne les commentaires à la seconde série de quatre observations des tiers, la France réitère que le dispositif envisagé est original et neutre et donc qu'il n'affecte pas la concurrence. Elle rétorque que les allégements de charges ont permis: «d'initier à nouveau une dynamique de négociations collectives (jusqu'alors bloquées) dans laquelle l'État a un rôle d'orientation et d'encouragement.» Pour ce qui est de son éventuelle sous-évaluation du gain moyen de l'aide en pourcentage de la masse salariale, la France rappelle qu'il est indispensable, pour évaluer l'impact du dispositif d'allégement des charges, de prendre en considération simultanément le gain tiré du dispositif et son coût. Alors que les gains réels à long terme sont difficilement chiffrables, les gains directs du dispositif sont facilement calculés et anticipés par les entreprises. En revanche, les coûts, même s'ils sont immédiats, sont moins perceptibles. Enfin, la France répond que la comparaison ne peut être faite entre la mesure française et celles qui ont été mises en oeuvre en Autriche sans l'aide de l'État parce que les gains de compétitivité qui en découlent compensent largement les coûts de cet aménagement. En effet, le dispositif français est massif et de courte durée, tandis que le dispositif autrichien est étalé dans le temps et est appliqué sur base volontaire. En outre, le plan français comporte un traitement très avantageux pour les salariés.
IV Les secteurs concernés, textile, habillement, cuir et chaussure, bien que différents quant à leur taille (si l'on additionne la production des quatre secteurs, le textile et l'habillement représentent 86 % de ce total, la chaussure 9 % et l'industrie du cuir 5 %), ont des caractéristiques similaires et ont connu une évolution comparable lors des dernières années. De plus, tant ces caractéristiques que l'évolution des secteurs sont assez semblables entre elles quand on examine la situation des différents États membres. Tous sont composés en majorité de petites et moyennes entreprises, tous sont confrontés à une forte pression concurrentielle tant à l'intérieur de la Communauté que de la part de pays à bas salaire, principalement de l'Asie du Sud-Est. Cette concurrence est essentiellement présente au niveau des produits de basse et moyenne gamme, en ce qui concerne les pays asiatiques et au niveau des produits haut de gamme entre les États membres. Ces quatre secteurs sont concentrés en un certain nombre d'États membres, presque toujours les mêmes. La ventilation de l'importance de la production par État membre en 1993 était la suivante: >EMPLACEMENT TABLE> Dans le secteur du cuir, le critère du chiffre d'affaires classe la France en cinquième position avec une part de 5,24 %. Tous ces secteurs (tous États membres confondus) ont connu durant les dix dernières années une baisse sensible, voire très importante, de l'emploi, notamment dans le textile et le cuir. Cela est la conséquence des efforts de productivité qui ont été consentis pendant cette période, mais aussi de la mauvaise conjoncture économique et de la pression concurrentielle des pays tiers. Au niveau de la Communauté, la production (en prix courants) a augmenté fortement dans le textile et la chaussure, tandis que dans les deux autres secteurs elle a augmenté jusqu'à la moitié des années quatre-vingt pour diminuer ensuite. Par contre, la production à prix constants montre une diminution dans tous les secteurs. À l'exception du secteur du cuir et du textile (dans ce dernier cas, seulement si la mesure est exprimée en valeur), les autres secteurs connaissent, tous États membres confondus, depuis un nombre plus ou moins grand d'années un déficit commercial croissant avec le reste du monde. Pour ce qui est des échanges communautaires (en valeur), la part de la France dans le total de ces échanges peut être chiffrée comme suit (8): >EMPLACEMENT TABLE> Au cours de la procédure, la Commission a collecté d'autres données. C'est ainsi que selon une association professionnelle française du secteur textile, en 1995, les cinq plus grands clients de l'industrie textile française ont été d'autres États membres. À eux cinq, ils ont totalisé 51 % des exportations françaises dans ce domaine (9). Au premier semestre 1996, la Communauté était destinataire de 62 % des exportations françaises de textile-habillement et fournissait 52 % des importations (10).
V La Commission estime que la lutte pour l'emploi est une priorité essentielle dans la Communauté et que le succès de cette lutte passe par la nécessité d'une meilleure intégration des politiques macro-économiques et des politiques industrielles des États membres, lesquels, ainsi que la Commission, doivent faire preuve d'imagination et d'audace dans la recherche de solutions nouvelles pour vaincre ce fléau que constitue le chômage. L'adoption du Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi en 1993 s'inscrit dans ce contexte et confirme le caractère absolument prioritaire de ces objectifs pour la Commission. À de nombreuses reprises, la Commission a pris des initiatives concrètes en faveur de l'emploi. Elle a notamment adopté un encadrement sur les aides aux quartiers urbains défavorisés (11), les lignes directrices en matière d'aides à l'emploi, ainsi qu'une communication sur l'emploi et le contrôle des aides d'État (12) qui expliquent clairement quels types d'interventions publiques sont acceptables pour créer ou maintenir des emplois sans fausser la concurrence entre les États membres. La Commission estime qu'en veillant de façon permanente à ce que les États membres ne règlent pas leurs problèmes de chômage en aggravant ceux de leurs partenaires, elle fait montre du caractère prioritaire qu'elle accorde à la création nette d'emploi et à la préservation durable de l'emploi au sein de la Communauté. Les remarques de la Commission sur le dispositif en cause ne portent d'ailleurs pas sur les objectifs poursuivis par la France en matière de création d'emplois (des jeunes notamment) mais sur les modalités par lesquelles elle veut atteindre ces objectifs et sur les effets de ces choix. Par ailleurs, il convient de rappeler que si les Conseils européens récents ont recommandé à la fois l'allégement des charges sur les bas salaires et le partage du travail afin de créer des emplois, cela ne peut pas se faire selon les modalités incompatibles avec le traité.
VI Il convient de noter que, lors de l'ouverture de la procédure, la Commission avait rappelé à la France l'effet suspensif de l'article 93 paragraphe 3 du traité et attiré son attention sur la communication de la Commission du 24 novembre 1983 ainsi que sur les lettres envoyées à tous les États membres les 4 mars 1991, 22 février et 30 mai 1995, qui rappelaient que toute aide octroyée illégalement est susceptible de faire l'objet d'une demande de remboursement. En outre, la Commission avait demandé à la France d'informer, dans les plus brefs délais, les firmes concernées de l'ouverture de la procédure et du fait qu'elles pourraient avoir à rembourser toute aide illégalement perçue. Or, la Commission constate que, malgré l'effet suspensif susmentionné, la France a tout de même mis en oeuvre le dispositif d'allégement des charges sociales. Ce dispositif est entré en vigueur le 1er juin 1996 pour le secteur du textile-habillement et le 1er juillet pour le secteur cuir-chaussure. De ce fait, la France a rendu illégales les aides en question et exposé les entreprises bénéficiaires de celles-ci à un possible remboursement en cas d'incompatibilité. Quant à la mesure elle-même, lors de la notification, les interventions publiques envisagées étaient présentées comme une «mesure à objectif horizontal, temporaire dans sa phase d'expérimentation aux secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure». Il était également précisé qu'il s'agissait d'un dispositif en faveur de la création d'emploi et de la réduction du temps de travail. Pour bénéficier de l'allégement, il fallait que les branches professionnelles signent des engagements collectifs en termes de création d'emplois, soit directement (embauche de jeunes), soit indirectement (négociations sur la réduction du temps de travail), et de ralentissement du rythme des licenciements. Les entreprises de plus de cinquante travailleurs auraient en outre souscrit des engagements spécifiques avec l'État. À l'examen de la réponse de la France à la lettre de la Commission annonçant l'ouverture de la procédure, il est apparu que l'allégement des charges prévu pour ces quatre secteurs visait surtout à compenser, partiellement ou totalement selon les cas, les surcoûts liés à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, engendrés par les accords de branches susmentionnés. Cela a amené la Commission à élargir, le 2 octobre 1996, le champ de la procédure. Dans sa réponse à cette deuxième décision, la France, tout en reconnaissant la nécessité d'informer les tiers des nouveaux éléments qu'elle a apportés à la Commission, a contesté le fait que la nature de la mesure notifiée ait été modifiée. À aucun moment, selon la France, l'objectif final du dispositif n'a été modifié et, malgré les nouvelles précisions, l'objectif poursuivi par ces mesures expérimentales reste celui de la défense de l'emploi par le biais de l'aménagement du temps de travail. À la lumière des informations qui lui ont été communiquées par la France, et notamment des conventions-cadres signées entre l'État et les branches professionnelles concernées, la Commission peut accepter que l'objectif principal de la mesure est la défense de l'emploi. Elle ne peut néanmoins pas accepter les moyens choisis pour y parvenir.
VII Il convient de rappeler que l'article 92 paragraphe 1 du traité déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Les mesures d'allégement en question sont destinées à exempter partiellement les entreprises de quatre secteurs industriels spécifiques des charges pécuniaires découlant de l'application normale du système de prévoyance sociale. La Commission considère que les charges qui découlent pour les entreprises d'accords conclus entre les partenaires sociaux d'un secteur déterminé, que ce soit en vue du réaménagement du temps de travail ou avec d'autres contenus et qui se traduisent par des majorations salariales ou des congés rémunérés non exigés par la réglementation commune, constituent des charges qui auraient dû normalement être supportées par leurs budgets. Que ces charges découlent du fait que les accords conclus entre partenaires sociaux imposent aux entreprises des obligations allant au-delà de ce qui est prévu par la loi ne modifie pas cette approche. La Commission estime donc que c'est l'intervention même de l'État dans ce contexte qui constitue par sa nature même et dans sa totalité une aide d'État. En effet, selon la pratique constante de la Commission, que la Cour a rappelée dans une récente affaire (13), sont qualifiées d'aides les interventions étatiques en faveur de certaines entreprises ou productions, même si ces interventions servent à financer des coûts assumés volontairement par l'entreprise concernée (14). La France, dans le cadre de la procédure et en réponse à des remarques similaires à celles reprises ci-dessus avancées par des tiers, a indiqué qu'il était nécessaire de relancer le processus de dialogue et de négociations collectives qui était bloqué, car l'enjeu représenté par la politique d'aménagement du temps de travail et ses répercussions sur l'emploi sont suffisamment importants pour justifier une intervention de l'État. Toujours selon la France, les allégements de charges ont permis, en venant compenser les coûts que représentent pour les entreprises l'aménagement du temps de travail, de relancer une dynamique de négociations collectives dans laquelle l'État joue un rôle d'orientation et d'encouragement. La Commission ne remet donc pas en cause l'objectif recherché, c'est-à-dire la création d'emplois et l'embauche des jeunes, mais ce type d'initiative (apport de fonds publics) destiné à débloquer lesdites négociations collectives, alors que les mêmes aménagements se font ou devront se faire dans d'autres États membres par des accords de branches sans soutien public. Étant donné que la notion d'aide recouvre les avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise (15), la mesure en question constitue une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, et ce même si cet allégement est destiné à compenser un surcoût accepté par les entreprises grâce à l'apport de l'État. Par ailleurs, selon la Cour (16), ni le caractère fiscal d'une mesure de défiscalisation des charges sociales, ni son but social éventuel, ni le fait que l'industrie nationale serait désavantagée, en l'absence de défiscalisation, par rapport à ses principaux concurrents, ne suffisent à exclure l'application de l'article 92 paragraphe 1 du traité. À plusieurs reprises, la France a fait valoir que le dispositif d'allégement des charges en question est un dispositif général dont elle a décidé la mise en place à titre expérimental dans toutes les branches industrielles pour lesquelles le pourcentage des salariés à rémunération inférieure à 1,5 fois le SMIC est supérieur à 70 % des effectifs. Or, dans la pratique, le dispositif en question ne concerne que les quatre secteurs susvisés et uniquement pour une durée de dix-huit mois ce qui donne à penser à la Commission que l'on se trouve devant une intervention ponctuelle visant à résoudre des problèmes non moins conjoncturels. La France n'a pas démontré que l'allégement des charges dans les quatre secteurs en question est justifié par la nature et l'économie du système général de prévoyance sociale. Quant à la nécessité affirmée par la France de procéder par étapes dans ce domaine, d'abord de façon expérimentale et ensuite de façon plus générale, à la fois pour vérifier la validité de l'approche et à cause de moyens financiers limités, la Commission a déjà exprimé sa position à ce sujet dans sa décision 80/932/CEE (17). Cette position a été reprise dans la décision 96/542/CE (18) que la Commission a adoptée à l'égard des «mesures expérimentales de soutien de la production et de l'emploi dans le secteur de la chaussure en Italie». La nature expérimentale n'enlève rien au caractère sectoriel du dispositif. Des interventions publiques destinées à financer de tels coûts, volontairement assumés par les entreprises, auraient pu échapper à la qualification d'aide uniquement en l'absence de discrimination, notamment à caractère sectoriel. Il résulte d'une jurisprudence constante que l'article 92 paragraphe 1 ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit les aides en fonction de leurs effets. Il est donc nécessaire de vérifier si le dispositif mis en place fausse la concurrence et affecte les échanges entre les États membres. Dans le cas présent, l'allégement des charges sociales place les entreprises de ces secteurs dans une situation plus favorable que celle de leurs concurrents qui réalisent ou devront réaliser à l'avenir des aménagements du temps de travail, ou d'autres mesures semblables, sans l'appui de l'État. Ces considérations s'appliquent également d'une façon plus générale à l'égard des entreprises qui, dans d'autres États membres, procéderaient, sans aides publiques, à des efforts de rationalisation de la production pour faire face à la concurrence internationale. Compte tenu des difficultés d'adaptation que connaissent les secteurs du textile, de l'habillement, de la chaussure et du cuir dans toute la Communauté, et de la forte concurrence tant intracommunautaire qu'extracommunautaire, l'aide est également susceptible d'altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. De plus, étant donné que les entreprises communautaires des secteurs concernés connaissent à peu près toutes des problèmes semblables, le risque que les aides contribuent à transférer les problèmes d'un État membre à un autre est évident. Les nombreuses réactions négatives reçues dans ce cas le confirment. À ce sujet, il suffit de rappeler que dans le secteur de l'habillement, le coût de la main-d'oeuvre peut aller jusqu'à 80 % des coûts de production. Il est aisé d'imaginer qu'une altération des coûts de main-d'oeuvre peut avoir des conséquences non négligeables par le biais du plan appliqué par la France. Il est significatif que, selon un des tiers intervenus dans le cadre de la procédure, le montant annuel de l'aide (2,1 milliards de FF dont environ 40 % bénéficierait à l'industrie textile) serait supérieur aux bénéfices annuels de l'industrie textile allemande dans son ensemble. Dans l'arrêt du 2 juillet 1974, affaire 173/73, Italie/Commission (19), la Cour de justice a estimé que, compte tenu du fait que le dégrèvement des charges sociales a pour effet de réduire les coûts de main-d'oeuvre, et puisque l'industrie qui bénéficie de ces aides est en concurrence avec les entreprises des autres États membres, la réduction des coûts de production de cette industrie par le dégrèvement des charges sociales affecte nécessairement les échanges entre les États membres. Cette position confirme l'analyse de la Commission dans la même affaire qui avait estimé que, dans un marché où le volume des échanges est substantiel, toute aide, quelque soit son montant ou son intensité, fausse ou menace de fausser la concurrence normale du moment où les sociétés bénéficiaires reçoivent une aide d'État dont leurs concurrents ne bénéficient pas. Dès lors, il faut considérer que les mesures d'allégement des charges prévues par le «Plan textile» tombent dans le champ d'application de l'article 92 paragraphe 1 du traité. Pour les raisons énoncées ci-dessus, la Commission considère que l'apport de fonds publics en faveur des secteurs susvisés constitue par sa nature même et dans sa totalité une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité. Il n'y a donc pas lieu d'examiner dans le détail les calculs présentés. Il suffit de relever, à titre subsidiaire que, pour conclure à la neutralité du dispositif en cause, la France se base sur des données statistiques propres et que la plupart du temps ces données sont des moyennes (20), soit au niveau du secteur concerné, soit au niveau de l'industrie française dans son ensemble. À cela s'ajoute que certaines informations concernant les secteurs cuir et habillement ont été communiquées à la Commission sous forme d'aggrégats et que pour le secteur de la chaussure elles font tout simplement défaut. Affirmer dans ces conditions la neutralité du dispositif en question s'avère un exercice extrêmement aléatoire. Par exemple, un tiers intervenu lors de la procédure a signalé le cas d'une entreprise textile française (21) de plus de 100 travailleurs qui estime avoir pu gagner, grâce à l'allégement des charges en question, 8 % du volume de la masse salariale, ce qui lui aurait permis de diminuer son prix de revient. Une autre source (22) fait état d'une réunion, le 23 janvier 1997, de l'observatoire mis en place en France pour assurer le suivi du plan textile où un premier bilan chiffré des mesures a été réalisé. Selon cette source, les entreprises adhérant au plan ont pu bénéficier d'allégements de charges sur les bas salaires équivalant à une baisse moyenne de 10 à 12 % de l'ensemble de la masse salariale. Même si des gains moyens de l'ordre de 10 à 12 % de l'ensemble de la masse salariale peuvent sembler trop importants, ces données révèlent une variabilité considérable autour des moyennes indiquées dans les tableaux qui précèdent. Cela donne à penser qu'il existe un nombre important d'entreprises dont la structure salariale est fort différente des moyennes susmentionnées et pour lesquelles le gain de l'aide est nettement plus élevé. En outre, la Commission constate que la France n'a pas inclus dans ses calculs les effets directs de cet aménagement, notamment les gains de compétitivité, ce qu'elle aurait dû faire. Or, il est raisonnable de penser qu'une nouvelle organisation du travail dans le sens d'une meilleure adaptation des ressources des entreprises aux conditions et caractéristiques du marché permet une augmentation de l'efficacité de l'entreprise. Cela est un effet direct du dispositif qui ne serait aucunement critiquable s'il n'était induit par une intervention étatique entrant dans le champ d'application de l'article 92 paragraphe 1 du traité. Ainsi, dans le cadre d'un dossier de restructuration d'une entreprise textile de 248 travailleurs, actuellement examiné par la Commission (aide d'État N 731/96 «la Lainière de Roubaix»), la France affirme que l'application du plan textile permettra des gains de compétitivité d'environ 5 % grâce à une meilleure utilisation de l'outil de production (donc un gain de productivité). Cela semble également confirmer les résultats de l'expérience autrichienne où les gains de compétitivité compensent largement les coûts de l'aménagement du temps de travail. En tout état de cause, la Commission estime qu'en raison du caractère aléatoire des données disponibles, qui ne sont pas toujours représentatives de la situation réelle des entreprises, et de la non-prise en compte de l'ensemble des éléments affectant les entreprises (gains de l'allégement des charges, coûts de l'aménagement du temps de travail et gains de compétitivité découlant de cet aménagement), la neutralité du dispositif français ne peut être démontrée.
VIII Compte tenu des motifs développé-ci dessus, la Commission considère que l'allégement des charges sur les salaires ne dépassant pas 1,5 fois le SMIC, tel qu'il est appliqué, constitue une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité. Il convient donc d'examiner si cette aide peut bénéficier de l'une des dérogations prévues par l'article 92 du traité. Les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 2 ne s'appliquent pas puisqu'il ne s'agit ni d'aides octroyées aux consommateurs individuels, ni d'aides destinées à remédier aux effets des catastrophes naturelles ni enfin, d'aides destinées à compenser les désavantages liés à la division de l'Allemagne. La dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point a) n'est pas d'application étant donné que la mesure en cause est destinée à la totalité du territoire français. La dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point b) ne s'applique pas non plus parce que la France n'a pas démontré que l'allègement des charges sociales des entreprises des secteurs en question est nécessaire pour remédier à une grave perturbation de l'économie française. La dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point d) ne peut être envisagée puisque l'aide n'a pas pour effet de promouvoir la culture et la conservation du patrimoine. D'ailleurs, à aucun moment la France n'a invoqué les dérogations susmentionnées, puisqu'elle a toujours soutenu que la nature de la mesure et l'objectif poursuivi sont la défense de l'emploi par l'aménagement du temps de travail. L'aide en question est un aide sectorielle destinée au maintien et à la création d'emplois. Elle doit donc être examinée à la lumière des lignes directrices concernant les aides à l'emploi (ci-après dénommées: «les lignes directrices») afin de déterminer si la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) est applicable. En ce qui concerne les aides au maintien de l'emploi (23), qui s'apparentent à des aides au fonctionnement, elles ne pourront être autorisées par la Commission que dans les cas de catastrophes naturelles ou événements exceptionnels, dans les régions pouvant bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point a), dans le cadre du sauvetage ou de l'élaboration d'un plan de restructuration ou de reconversion d'une entreprise en difficulté. Des aides au maintien de l'emploi peuvent être accordées par le biais de mesures générales. À aucun moment, la France n'a démontré que les aides envisagées pouvaient correspondre aux cas de figure qui viennent d'être énumérés. L'aide ne peut donc pas être autorisée sur base des lignes directrices. En ce qui concerne les aides à la création d'emplois, au point 23 de ses lignes directrices la Commission énonce que: «Quant aux aides à la création d'emploi limitées à un ou plusieurs secteurs sensibles, en situation de surcapacité ou en crise, celles-ci présentent également des caractéristiques qui, en général, ne permettent pas à la Commission de leur accorder le préjugé favorable qu'elle réserve aux aides à la création d'emplois ouvertes à l'ensemble de l'économie. De telles aides sectorielles constituent, en effet, un avantage en faveur du ou des secteurs concernés qui améliorent leur position concurrentielle par rapport aux entreprises des autres États membres. En effet, des aides qui réduisent les coûts salariaux au bénéfice de l'ensemble d'un ou de plusieurs secteurs productifs ont pour effet de diminuer les coûts de production de ces secteurs, ce qui leur permet d'améliorer leur part de marché au détriment de leurs concurrents communautaires tant au niveau de l'État membre concerné qu'à celui des exportations intra- et extracommunautaires, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler quant à la détérioration de l'emploi dans lesdits secteurs des autres États membres. Dès lors, l'effet protecteur de telles aides pour le ou les secteurs en cause, particulièrement dans les secteurs en crise, et ses implications négatives sur l'emploi dans les secteurs concurrents des autres États membres l'emporte généralement sur l'intérêt commun lié aux mesures actives de réduction du chômage et ces aides ne pourront normalement faire l'objet d'une appréciation positive de la part de la Commission quant à leur compatibilité avec le marché commun.» Comme il découle du point 23 des lignes directrices, même dans le domaine des aides à la création d'emplois, la Commission estime nécessaire d'adopter une attitude stricte face aux aides sectorielles afin de prévenir en temps utile toute escalade en la matière et, au-delà de cela, la mise en question de la notion même de marché intérieur. Aucune information démontrant que les quatres secteurs concernés ne font pas partie des types de secteurs visés au point 23 susmentionné n'a été fournie, dans le cadre de la procédure, par la France. Les quatre secteurs en question connaissent une situation de crise et de surcapacité dans l'ensemble de la Communauté. Bien plus, ces secteurs doivent être considérés comme sensibles au regard des lignes directrices. En effet, l'ensemble des producteurs communautaires subit une très forte pression exercée par les importations de pays tiers, la situation de l'emploi est difficile dans ces secteurs dans tous les États membres, les échanges intracommunautaires sont importants et jouent un rôle capital en tant que source d'approvisionnement et de débouché pour les quatre secteurs français en question. Ces aides ne peuvent donc être reconnues comme facilitant le développement dès lors que l'aide est appréciée d'un point de vue communautaire et non du point de vue d'un État membre déterminé. En effet, la mesure sectorielle peut entraîner une modification de l'équilibre existant entre les États membres alors que tous connaissent des problèmes similaires. Selon le même point 23 des lignes directrices, «la Commission pourra cependant réserver une approche plus favorable aux aides à la création de postes de travail supplémentaires lorsque ceux-ci sont afférents à des créneaux ou sous-secteurs en croissance, particulièrement porteurs d'emplois.» À nouveau, aucune information susceptible de montrer que les quatre secteurs concernés répondent à cette description n'a été apportée. En outre, il ne s'agit pas de certaines activités mais de quatre secteurs dans leur totalité. Cette position négative de la Commission à l'égard des aides à l'emploi ciblées sur certains secteurs a d'ailleurs été rappelée dans sa communication relative au contrôle des aides d'État et à la réduction du travail (24). Il convient de rappeler que, dans sa communication relative aux aides de minimis (25), la Commission a considéré que le montant maximal de 100 000 écus sur une période de trois ans constitue un seuil d'aide au-dessous duquel l'article 92 paragraphe 1 du traité peut être considéré comme inapplicable et l'aide n'est plus soumise à l'obligation de notification préalable en vertu de l'article 93 paragraphe 3. La Commission a toutefois précisé les conditions d'application de cette règle, telles que celles relatives au contrôle qui doit assurer que le cumul de différentes aides accordées à un même bénéficiaire au titre d'aide de minimis respecte le seuil fixé, ou telles que celles relatives à la conversion en équivalent-subvention des aides accordées autrement que sous la forme de subventions. Cette règle de minimis intéresse en priorité les petites et moyennes entreprises, mais s'applique quelle que soit la taille des entreprises bénéficiaires. Dès lors, les aides en question ne peuvent bénéficier des dérogations prévues par les lignes directrices et sont donc incompatibles avec le traité, pour la partie non couverte par la règle de minimis. En outre, la France, en mettant en oeuvre ces aides malgré l'effet suspensif de l'article 93 paragraphe 3 du traité, avant que la Commission ne se soit prononcée à leur sujet, à rendu ces aides illégales. Ces aides sont donc incompatibles également avec le bon fonctionnement de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Enfin, la Commission considère que les aides illégales et incompatibles avec le marché commun doivent faire l'objet d'une récupération de façon à supprimer leur effet économique et à revenir à la situation antérieure, A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier L'allégement des charges sociales patronales institué dans le cadre du «Plan textile» par l'article 99 de la loi n° 96/314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et par le décret n° 96/572 du 27 juin 1996 relatif à la réduction dégressive sur les cotisations patronales de sécurité sociales des entreprises des secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure, constitue, pour la partie non couverte par la règle de minimis, une aide illégale dans la mesure où il a été mis en oeuvre avant que la Commission ne se soit prononcée à son sujet, conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 3 du traité. Il est en outre, pour la partie non couverte par le règle de minimis, qui a fixé un seuil de 100 000 écus sur trois ans, incompatible avec le marché commum conformément aux dispositions de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord EEE et ne peut bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité et à l'article 61 paragraphes 2 et 3 de l'accord EEE.
Article 2 La France prend les mesures appropriées pour mettre fin dans délai à l'octroi de l'allégement visé à l'article 1er dans la mesure où le montant total de l'allégement en question n'est pas couvert par la règle de minimis mentionnée audit article. La France prend les mesures appropriées pour assurer la récupération des aides illégalement versées au sens de l'article 1er. Le remboursement s'effectue conformément aux procédures et aux dispositions de la loi française, avec un intérêt jusqu'à la date de remboursement effectif, calculé à taux égal à la valeur en pourcentage à cette date du taux de référence servant au calcul de l'équivalent-subvention net des aides régionales à la France.
Article 3 La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.
Article 4 La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 9 avril 1997. Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission
(1) JO C 206 du 17. 7. 1996, p. 8. (2) JO C 334 du 12. 12. 1995, p. 4. (3) JO C 357 du 26. 11. 1996, p. 5. (4) Voir note de bas de page (1). (5) Voir note de bas de page (3). (6) Il est surprenant de noter que l'entreprise moyenne de chacune des catégories d'entreprises concernées emploie un nombre identique de travailleurs tant dans le textile-habillement que dans le cuir-chaussure. Par ailleurs, la Commission remarque que les données relatives aux effectifs affectés à la production sont différentes dans le textile et l'habillement, ce qui devrait normalement donner un coût estimé de l'aménagement du temps de travail différent. (7) Les données sur les effectifs affectés à la production n'étant pas disponibles pour le secteur de la chaussure, la Commission ne voit pas comment le coût estimé de l'aménagement du temps de travail a pu être calculé pour ce secteur. (8) Source: Eurostat. (9) Statistiques de l'Association Textiles de France, 22 juillet 1996. (10) Source: L'industrie textile, n° 1280, octobre 1996. (11) JO C 146 du 14. 5. 1997, p. 6. (12) JO C 1 du 3. 1. 1997, p. 10. (13) Arrêt de la Cour, du 26 septembre 1996, dans l'affaire Kimberly Clark Sopalin, C-241/94, Recueil 1996, p. I-4551. (14) En outre, dans sa décision 80/932/CEE, du 15 septembre 1980, relative au système de fiscalisation partielle des contributions patronales au système d'assurance contre la maladie en Italie (JO n° L 264 du 8. 10. 1980, p. 28), la Commission avait établi que si les conditions générales dans lesquelles les entreprises exercent leur activité sont susceptibles de varier d'un pays de la Communauté à l'autre, un État membre ne peut cependant isoler un élément particulier de ces conditions générales et compenser par des aides les coûts supplémentaires qui en résultent à ce titre pour ces entreprises par rapport à leurs concurrentes dans les autres États membres. (15) Arrêt de la Cour, du 15 mars 1994, dans l'affaire Banco Exterior de España, C-387/92, Recueil 1994, p. I-877. (16) Arrêt de la Cour, du 2 juillet 1974, dans l'affaire Italie/Commission, C-173/73, Recueil 1974, p. 709. (17) Voir note de bas de page (14). (18) JO L 231 du 12. 9. 1996, p. 23. (19) Voir note de bas de page (16). (20) Ce qui a pour conséquence d'atténuer les effets des mesures décrites, et ne donne pas une image exacte de la réalité des entreprises françaises concernées. (21) Journal du textile n° 1472 du 28 octobre 1996. (22) Le Monde du 25 janvier 1997. (23) Lignes directrices, point 22. (24) JO C 1 du 3. 1. 1997, p. 10. (25) JO C 68 du 6. 3. 1996, p. 9.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
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