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Législation communautaire en vigueur

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Document 397D0014

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


397D0014
97/14/CE: Décision de la Commission du 17 juillet 1996 concernant l'aide accordée à la Compagnie Générale Maritime dans le cadre d'un plan de restructuration (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 005 du 09/01/1997 p. 0040 - 0047



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 17 juillet 1996 concernant l'aide accordée à la Compagnie Générale Maritime dans le cadre d'un plan de restructuration (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (97/14/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
vu l'accord instituant l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a),
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions des articles susmentionnés, et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:

LES FAITS

I
Par l'intermédiaire de rapports de presse, à partir de juillet 1993, la Commission a appris que les autorités françaises avaient accordé une aide totalisant 700 millions de francs à la compagnie d'État «Compagnie Générale Maritime» (CGM) et à la société mère «Compagnie Générale Maritime et Financière» (CGMF). Par lettre du 13 août 1993, les services de la Commission ont demandé des informations sur la situation et des explications sur tout montant d'aide octroyé. Cependant, les réunions bilatérales officielles et les échanges de correspondance n'ont pas permis d'apporter des réponses complètes.
En novembre 1994, les autorités françaises ont informé la Commission que la CGM avait accéléré sa restructuration et s'était retirée des services maritimes d'Extrême-Orient. En échange, le gouvernement français avait accordé une aide additionnelle de 1 550 millions de francs.
En dépit des assurances répétées des autorités françaises que la justification requise concernant l'aide serait donnée, ces dernières n'ont pas dissipé les doutes de la Commission sur la compatibilité de l'aide avec le marché commun et la Commission, par décision du 31 octobre 1995, a décidé l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CE à l'encontre du gouvernement français.
Ladite procédure a été élargie par décision du 20 décembre 1995 pour inclure un montant additionnel d'aide que le gouvernement français a porté à l'attention de la Commission pour examen. Les deux décisions ont été publiées au Journal officiel le 28 février 1996 (1).
En réponse à cette publication, des commentaires ont été reçus du gouvernement britannique et de deux sociétés - la première, concurrente de la CGM sur l'itinéraire des Antilles françaises; l'autre, précédemment partenaire de la CGM dans le cadre d'un consortium desservant les îles de l'océan Indien. Les autorités françaises ont également fourni des commentaires et des informations par écrit et lors des réunions bilatérales, dont la plus récente en date du 3 juillet 1996.

II
La CGM a principalement exploité des services de transport de ligne dans un environnement international hautement compétitif, impliquant les principales compagnies de navigation des États membres et des pays tiers. À la fin des années 1980, la CGM a développé une stratégie globale pour fournir des services maritimes conteneurisés autonomes est-ouest au travers d'investissements dans le domaine commercial, logistique et des technologies de l'information. En dépit de l'amélioration de productivité, les taux de fret sont tombés et les résultats de fonctionnement étaient insuffisants pour couvrir les coûts du développement. La Commission a pris acte de cette situation, dans ses orientations de 1989, comme récession prolongée.
Au regard de l'endettement croissant et de l'augmentation des pertes d'exploitation, la CGM a entamé le processus de restructuration en mai 1992. Elle s'est mise d'accord avec son actionnaire, les autorités françaises, sur les éléments d'une approche cohérente de restructuration physique et financière pour rétablir la viabilité de la compagnie. La compagnie s'est retirée en conséquence des services déficitaires de l'Amérique du Nord et a adopté un plan de restructuration, approuvé par les autorités françaises en octobre 1992, qui ont identifié trois secteurs d'intervention:
i) la réduction des dettes par la vente des actifs, y compris les actions et les biens immobiliers
Depuis juillet 1992, la CGM a cédé ses intérêts dans différentes filiales du groupe et vendu des biens immobiliers et des navires.
ii) les changements structurels pour améliorer l'efficacité et réduire des coûts
La CGM a créé des filiales et des partenariats pour améliorer l'efficacité commerciale et la transparence de la comptabilité. Sept nouvelles filiales ont été établies, le 28 décembre 1992, dont l'exploitation a débuté le 1er mai 1993. Trois filiales maritimes distinctes ont été chargées du secteur des transports maritimes de ligne:
- CGM Sud, couvrant les services maritimes en Amérique latine,
- CGM Orient, pour l'Extrême-Orient,
- CGM Tour du Monde, couvrant des services entre l'Europe et les îles du Pacifique via différents ports américains et asiatiques.
Quatre agences CGM, au Havre, à Marseille, Bordeaux et Dunkerque, ont été converties en filiales de manutention et la CGM a cherché des partenaires pour l'exploitation de leurs lignes régulières et leurs agences portuaires.
La CGM s'est également retirée des services déficitaires, y compris ceux de l'Amérique du Nord et de l'Extrême-Orient. Le chiffre d'affaires annuel a été réduit de plus de 7,1 milliards de francs par an à 3,8 milliards de francs (1995-1996).
iii) un plan de réduction de la flotte et du personnel ainsi que des frais d'exploitation
La flotte de la CGM a été reimmatriculée dans le registre Kerguelen (Terres australes et antarctiques françaises - TAAF), ce qui a permis à la société de réaliser des économies annuelles de l'ordre de 50 millions de francs.
Le nombre des effectifs a été réduit de 3 529 (à la fin de 1991) à 1 576 (à la fin de 1996). Les pertes d'emplois ont affecté à la fois les marins et les administrateurs dans la compagnie.
Le nombre de navires exploités par la CGM a été réduit de 25 à 16 navires et il est envisagé que la société ne dispose que de 15 navires à la fin de 1996, parmi lesquels 9 seront exploités par la CGM et 5 autres affrétés.

III
Les autorités françaises ont confirmé que la restructuration avait coûté, jusqu'à présent, 2 050 millions de francs au total qui ont été payés par tranche à la CGM, sans autorisation de la Commission. Un versement supplémentaire de 1 125 millions de francs est envisagé, plus un montant de 148 millions de francs qui se rapporte au transfert du contrat de crédit-bail afférent à l'immeuble aujourd'hui occupé par le siège social de la CGM; de cette dernière tranche, un montant de 250 millions de francs a été accordé, en juin 1996, alors que la CGM était confrontée à une crise aiguë de trésorerie, avec des dettes à honorer immédiatement. L'aide a été liée aux mesures prises par la CGM dans le contexte de sa restructuration:
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IV
Dans le cadre de l'ouverture de la procédure, la Commission a identifié les principales questions qu'elle a considéré étant restées sans réponse. Elles concernaient les points suivants:
a) les critères d'attribution des aides déjà octroyées;
b) les détails du plan de restructuration et comment envisageait-on de restaurer la viabilité dans le cadre d'un programme final d'aide étatique?
et
c) comment et quand les autorités françaises envisageaient-elles d'achever la privatisation de la CGM?
L'élargissement de la procédure a concerné les mesures envisagées par les autorités françaises relatives à une dotation en capital de 1 125 millions de francs (173 millions d'écus) pour la CGMF, société mère de la CGM, qui elle-même souscrirait à une augmentation de capital de la CGM.
Il a été également prévu que la CGMF prendrait à sa charge le siège social de la CGM. Comme souligné par les autorités françaises à l'occasion d'une réunion bilatérale, en date du 21 novembre 1995, le montant de cette dotation complémentaire s'inscrivait dans la ligne de l'action de restructuration de la CGM, entreprise depuis 1992, et visait à faciliter le transfert de l'entreprise publique au secteur privé.
Selon les mêmes autorités, le montant de cette dotation a été déterminé en tenant compte de deux éléments:
- la nécessité de traiter l'endettement de la CGM afin de parvenir à une structure financière permettant à l'entreprise de retrouver la viabilité et la rentabilité requises pour un transfert au secteur privé,
- le transfert préalable à la CGMF de l'immeuble partiellement occupé par le siège social de la CGM ainsi que le contrat de crédit-bail correspondant, et ce afin de répondre aux attentes des acquéreurs potentiels.
Lors de la réunion susmentionnée, la Commission a obtenu certains éclaircissements sur les modalités et le calendrier de la procédure de privatisation envisagée. Cette procédure a débuté lorsque la CGM a été incluse dans la liste des sociétés devant être privatisées, aux termes de la loi du 14 juillet 1993. Compte tenu de l'objectif de transférer dans les meilleurs délais la CGM au secteur privé, le gouvernement français a souligné la nécessité d'engager au plus tôt la procédure de privatisation en procédant à un appel d'offres public, le choix des acquéreurs et les conditions de la cession étant déterminés sur avis conforme de la Commission française de privatisation.
L'objectif recherché par le gouvernement français est de céder l'ensemble des actions de la CGM détenues par la CGMF, le cas échéant après cession par la CGM à un ou plusieurs acquéreurs distincts de tout ou partie de ses activités de manutention portuaire en métropole. Cette opération devrait conduire à doter la CGM d'un actionnariat privé, lui permettant de développer une stratégie commerciale normale. Il a été précisé qu'aucune discrimination, de quelque nature qu'elle soit, ne frapperait les candidats repreneurs en raison de leur nationalité.

V
Trois parties ont présenté leurs observations sur l'aide d'État à la CGM dans le cadre de la procédure selon l'article 93 paragraphe 2 du traité.
i) Le gouvernement britannique
Le gouvernement britannique a accueilli favorablement la décision d'ouvrir la procédure, considérant que l'aide d'État avait été utilisée pour subventionner des opérations inefficaces, protégeant par là-même la CGM des forces du marché et faussant sérieusement la concurrence entre les entreprises établies au sein de l'UE. Les autorités britanniques étaient d'accord sur l'évaluation de la Commission visant à démontrer que le plan de restructuration était insuffisant puisqu'il n'a pas envisagé clairement le moment du retour à la viabilité de la CGM. Les mêmes autorités ont considéré notamment que les aides d'État ont permis à la CGM de réduire ses tarifs au-dessous des frais d'exploitation afin d'éliminer la concurrence sur la ligne des Antilles françaises. Une fois la concurrence éliminée, la CGM aurait immédiatement procédé à une augmentation de ses tarifs. Le gouvernement britannique a identifié un certain nombre de questions soulevées dans le cadre de l'enquête approfondie menée par la Commission et a conclu que, à moins que le gouvernement français n'ait agi comme un investisseur du marché ayant entièrement évalué les différentes options possibles, l'aide devrait être déclarée incompatible avec le marché commun.
ii) Un concurrent de la CGM sur la ligne des Antilles
Un concurrent de la CGM sur la ligne des Antilles fait état de comportements prétendus anticoncurrentiels de la part de la CGM. Cependant, les services de la Commission responsables n'ont trouvé aucune preuve de telles pratiques et notamment de tarifs prédateurs (qui auraient conduit la CGM à pratiquer des tarifs au-dessous du coût variable moyen).
iii) Un concurrent de la CGM sur les lignes de l'océan Indien
Un concurrent de la CGM sur les lignes de l'océan Indien a considéré que, sur un marché hautement concurrentiel, l'octroi d'aide visant à couvrir des déficits de gestion a protégé la CGM contre les forces du marché et que la CGM ne devrait pas être autorisée à utiliser l'aide pour accéder à de nouveaux marchés ou pour rester sur les marchés existants dont elle aurait dû se retirer en l'absence d'aide.
Cette situation était particulièrement préoccupante au regard de la situation dans l'océan Indien du Sud où un consortium a récemment disparu depuis le retrait du concurrent. Il a été suggéré qu'une décision de la CGM de continuer l'exploitation de cette ligne impliquerait un investissement significatif dans les agences, le personnel et les navires.
iv) La réponse des autorités françaises
Les autorités françaises ont présenté leurs observations sur ces remarques, insistant sur le fait que toute l'aide payée et à venir est liée à la restructuration et à la privatisation de la société. Sur les commentaires spécifiques reçus, les autorités françaises ont formulé les observations suivantes:
en ce qui concerne la ligne des Antilles, les autorités françaises considèrent que l'aide a toujours été versée chaque fois qu'une étape de la restructuration était réalisée. La CGM n'a pas pratiqué des tarifs qui lui auraient permis une exploitation en dessous des coûts et l'exploitation de la ligne a toujours été, au fil des ans, rentable. La hausse des taux de fret, en avril 1996, aurait été possible en raison de la plus grande demande et de l'amélioration de la qualité des services fournis par la CGM;
pour l'océan Indien, les autorités françaises affirment que le consortium en question avait engendré des profits et que l'exploitation du service a été restructurée récemment (cofinancé par deux sociétés) de sorte que des profits commerciaux puissent être attendus à l'avenir. Le marché s'est développé régulièrement au cours de la dernière décennie (de 65 000 à 82 000 EVP au cours des dix dernières années jusqu'en 1995) et les autorités françaises considèrent que la CGM, utilisant la capacité de navire disponible dans le cadre d'un accord d'affrètement, dispose du personnel et de la compétence nécessaires pour opérer sur la ligne de façon rentable et que la CGM ne devrait pas être confrontée à des restrictions par rapport à la présente situation.

VI
Les services de la Commission ont lancé un appel d'offres et ont sélectionné un consultant pour fournir une évaluation des structures financières de la CGM ainsi que pour évaluer la proportionnalité économique du paquet d'aide envisagée par le gouvernement français. Le consultant a examiné tous les documents appropriés mis à disposition par les autorités françaises et les plaignants et a questionné le personnel cadre. Le rapport final conclut que:
a) les paiements effectués dans le cadre du plan social pour réduire la main-d'oeuvre sont en conformité avec des opérations de restructuration similaires importantes;
b) le niveau de l'endettement à la fin de 1995 avait été réduit à 40 % du niveau de 1991 (4 904 millions de francs réduit à 2 000 millions de francs). Comme la réduction de 2 904 millions de francs dépasse l'aide accordée dans ce but (1 586 millions de francs), il peut être confirmé que la réduction de l'endettement a constitué une partie fondamentale de la stratégie de restructuration de la CGM;
c) les coûts attribués au retrait des services ont été réalistes;
d) la CGM devrait être rentable à l'avenir et, avec l'augmentation totale de capital proposée, peut être considérée comme viable.

APPRÉCIATION JURIDIQUE

VII
Selon l'article 92 paragraphe 1 du traité, les aides accordées par un État membre ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou la production de certaines marchandises, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres sont incompatibles avec le marché commun.
Pour être compatible avec le marché commun, l'aide en question devrait bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 1. La seule dérogation possible semblerait être celle envisagée à l'article 92 paragraphe 3 point c) («aide destinée à faciliter le développement de certaines activités économiques . . . quand elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun»).
Deux documents fixant les orientations concernant les aides d'État (pour les compagnies maritimes de la Communauté et pour la réorganisation des entreprises en difficulté) élaborent cette disposition dans des contextes concernant le paquet d'aide à la CGM.
Les orientations de 1989 concernant l'examen des aides d'État en faveur des compagnies maritimes de la Communauté (2) ont reconnu que la prolongation de la récession dans le commerce mondial et les excédents de capacité de transport maritime avaient entraîné des difficultés pour les flottes communautaires. Beaucoup de problèmes ont été associés aux régimes fiscaux et de main-d'oeuvre auxquels sont assujettis les opérateurs communautaires, y compris l'impôt sur le revenu et les charges de sécurité sociale pour les marins et l'impôt sur les sociétés. Les aides ont donc été considérées comme acceptables dans la mesure où elles participent au soutien du développement des flottes communautaires et la notion «d'intérêt commun» a été définie en termes de maintien des navires sous pavillon communautaire et de maintien, dans une proportion la plus élevée possible, de gens de mer de la Communauté à bord de ces navires.
En même temps, l'aide doit être proportionnelle à l'objectif poursuivi (la Commission a précisé que serait établi un plafond basé sur la différence entre les coûts d'exploitation enregistrée entre les navires battant pavillon communautaire et les navires des pays tiers), transparente, provisoire et de préférence dégressive.
Des lignes d'orientation ont été données sur les différents types d'aides que la Commission pourrait autoriser. L'aide au fonctionnement en particulier a été considérée être dans l'intérêt commun de la Communauté, inter alia, quand elle est directement liée à un plan de restructuration considéré comme compatible avec le marché commun.
La compatibilité d'un plan de restructuration avec le marché commun devrait, donc, être évaluée sur la base de l'approche générale de la Commission concernant la réorganisation des entreprises en difficulté. A cet égard, la Commission a fixé un certain nombre de conditions dans ses lignes directrices (3), qui doivent toutes être remplies:
- restauration de la viabilité à long terme,
- prévention des distorsions indésirables de la concurrence au moyen de l'aide,
- respect de la proportionnalité entre les coûts et les avantages de la restructuration,
- mise en oeuvre effective du programme de restructuration et respect des conditions,
- contrôle par la Commission au moyen de rapports annuels.

VIII
Dans le cadre de l'ouverture de la procédure, la Commission a indiqué que, à ce stade, les autorités françaises n'avaient pas démontré que l'aide était une partie nécessaire d'un plan de restructuration complet conçu pour restaurer la viabilité. Bien que le personnel ait été réduit, il n'est pas apparu qu'une stratégie coordonnée vers le rétablissement de la viabilité ait été développée. D'une façon générale, l'aide avait été octroyée en réaction à la situation financière délicate dans laquelle la société est venue à se trouver plutôt que comme outil pour le développement et l'amélioration de la performance économique. L'aide a semblé, en fait, avoir protégé la CGM des forces du marché.
Les problèmes de la société proviennent principalement des décisions de gestion, telles que la nouvelle stratégie adoptée en 1989, de la surcapacité excessive enregistrée sur certaines lignes (particulièrement sur les services Amérique du Nord et sur l'Extrême-Orient, où la CGM enregistrait de lourdes pertes) et de la faiblesse du dollar. Cela a abouti à des niveaux plus élevés de la dette (stabilisée à 2 500 millions de francs en 1990, mais atteignant 5 000 millions de francs à la fin de 1992) qui ne pourraient pas être épongés par les résultats d'exploitation.
Les plans de restructuration de la CGM élaborés par les autorités françaises ont identifié des secteurs de réduction de coûts, envisageant le retrait progressif de la société des activités déficitaires et réduisant progressivement ses actifs, la main-d'oeuvre et la capacité. L'objectif des autorités nationales est de privatiser la société à l'automne, puisqu'elles considèrent que les conditions du marché sont actuellement favorables. Au regard du nombre des manifestations d'intérêt sur le marché, on peut considérer cette évaluation comme correcte.
L'alternative au soutien de l'État conduisant à la restructuration de la CGM aurait été la liquidation de la société. Cependant, pour des raisons politiques, les autorités françaises n'ont pas considéré cette option.

IX

L'intérêt commun de la Communauté
La principale question qui se pose concernant l'aide à la CGM est de savoir si l'octroi de l'aide est dans l'intérêt commun. En ce qui concerne les transports maritimes, l'intérêt commun serait servi par des mesures visant à maintenir les navires sous pavillon de la Communauté et par l'embauche d'une proportion aussi élevée que possible de gens de mer de la Communauté à bord de ces navires. À ce jour, les subventions ont permis à la CGM de continuer à exploiter des navires sous pavillon français et à maintenir l'emploi des marins de la Communauté.
De plus, l'aide à la restructuration doit:
i) restaurer la viabilité à long terme
Les plans de restructuration doivent permettre de reconstituer la viabilité à long terme dans un calendrier et sur la base d'hypothèses raisonnables. L'amélioration de la viabilité doit principalement résulter des mesures internes contenues dans le plan de restructuration et devrait impliquer l'abandon des activités structurellement déficitaires.
La CGM a considérablement réduit ses opérations (46 % du bilan et 55 % des effectifs) et sa capacité (31 %) pendant la période 1992-1996. Elle se concentre maintenant sur les activités principales et rentables: les autorités françaises, qui avaient initialement calculé une perte de 23 millions de francs pour 1996, ont désormais révisé leur estimation entre 40 millions de francs de pertes et 4 millions de francs de bénéfice, avec un chiffre d'affaires de 3 800 millions de francs; les estimations de bénéfice à venir sont de 25 à 65 millions de francs pour 1997 et de 70 à 105 millions de francs pour 1998 sur la base de la poursuite du fonctionnement actuel de la CGM. Les améliorations de rentabilité concerneraient une réduction progressive des coûts de l'emploi des gens de mer (en raison de l'expiration des accords, conclus avec les syndicats, à la fin de 1996, et du recrutement progressif de gens de mer étrangers, à moindre prix, sur les navires de la CGM), d'autres restructurations pour les cadres du siège social et au sein des différentes agences (on imagine qu'un acheteur n'aurait pas besoin de maintenir toute l'organisation de la CGM puisque certaines parties comme l'administration feraient double emploi avec ses propres services), le retour anticipé des chargements de bananes sur la ligne des Antilles françaises ainsi que la réduction du niveau de l'endettement devant être épongé. Une privatisation réussie garantira que la société se comporte dorénavant d'une manière commerciale.
La CGM a considérablement contribué à réaliser sa restructuration par l'utilisation des produits de la cession de ses actifs (1 360 millions de francs). L'aide a été utilisée pour réaliser la restructuration physique et financière de la CGM. La première partie s'est concentrée sur les aspects sociaux, les activités commerciales et les actifs non essentiels à la société. La dernière tranche de l'aide achève la restructuration financière, en laissant à la société un niveau d'endettement comparable à celui des autres sociétés du secteur qui peut être épongé de façon adéquate au moyen d'une exploitation normale.
Les prévisions de l'OCDE font état d'une croissance de l'ordre de 8 % du commerce mondial et d'une surcapacité sur certaines lignes de transports maritimes. Il ressort des investigations menées par les consultants indépendants que la CGM opère dans des secteurs où la société pourrait encore tirer avantage de ces développements dès 1998, voire plus tôt. Sur la base des prévisions actuellement disponibles, la CGM devrait faire des bénéfices dès 1997 et on pourrait alors conclure que la viabilité de la société a été restaurée au moyen de l'aide.
ii) éviter une distorsion indésirable de la concurrence au moyen de l'aide
Une condition à l'aide à la restructuration est que les mesures prises soient dans toute la mesure du possible sans effet sur les concurrents. Cela doit particulièrement être le cas lorsqu'il existe une capacité de production excessive sur le marché de la CE concerné desservi par le bénéficiaire; par contre, lorsqu'il n'y a pas d'excès structurel de capacité de production, la Commission n'exigera pas, en principe, de réduction de capacité en échange de l'aide. Cependant, il faut que l'aide soit uniquement utilisée dans le but de rétablir la viabilité du bénéficiaire et qu'elle ne lui permette pas de développer sa capacité de production au cours de la mise en oeuvre du plan de restructuration.
À cet égard, les consultants indépendants ont confirmé que la ligne sur les Antilles françaises (le commerce de banane) et les intérêts d'outre-mer français (DOM/TOM), y compris les îles de l'océan Indien et celles du Pacifique, constituent les activités principales de la CGM. La restructuration de la société rentre donc dans la définition de la notion «d'intérêt commun», en partie puisque la CGM s'est retirée des lignes actuellement excédentaires et en partie parce que la société une fois privatisée devra affronter les pressions normales du marché et la stratégie commerciale répondra alors entièrement aux conditions du marché. En outre, il n'y a aucune preuve de capacité excessive structurelle sur les lignes actuellement exploitées par la CGM.
En ce qui concerne les plaintes spécifiques reçues pour la ligne des Antilles, la Commission ne dispose pas des éléments de preuve suffisants pour engager une recherche formelle sur les allégations concernant un comportement anticoncurrentiel conformément à l'article 86 du traité sur l'exploitation abusive de position dominante.
Sur la question de l'utilisation de l'aide en vue de favoriser le développement du marché, la Commission doit considérer que la CGM est déjà impliquée dans les liaisons maritimes avec les îles par l'intermédiaire d'une participation, encore à ce jour, dans un consortium. La Commission veillera à ce que la CGM n'utilise pas la tranche finale de l'aide pour développer des activités nouvelles ou déficitaires sur ces itinéraires en imposant des conditions.
iii) proportionnalité entre les coûts et les avantages de la restructuration
Le montant et l'intensité de l'aide doivent être limités au strict minimum requis pour permettre la restructuration et doivent être liés aux avantages escomptés du point de vue de la Communauté. Par conséquent, le bénéficiaire de l'aide devrait apporter une contribution significative avec ses propres ressources au plan de restructuration et la société ne devrait pas recevoir d'avance de trésorerie qui puisse être utilisée de façon agressive et en faussant les activités du marché.
L'aide accordée correspond au minimum nécessaire pour permettre à la CGM de retrouver une position de viabilité et de rentabilité compatible avec un transfert au secteur privé. Elle a été fournie pour satisfaire les besoins réels de la CGM afin d'atteindre les objectifs fixés pour la restructuration. De plus, il a été confirmé que le niveau de l'aide totale envisagée par le gouvernement français est le minimum nécessaire pour réaliser la viabilité de la CGM et permettre la privatisation envisagée: l'aide établit une structure financière adéquate pour la société, mais ne lui donne pas un surplus de trésorerie. Comme cela a déjà été mentionné ci-dessus, la CGM a également utilisé le produit de la cession des actifs, s'élevant à 1 360 millions de francs, pour soutenir la restructuration.
L'aide est provisoire. Ayant été accordée au cours de la période 1993-1996, aucune autre aide n'est envisagée après la privatisation.
iv) mise en oeuvre effective du programme de restructuration et respect des conditions
Le plan de restructuration complet adopté pour la société en 1992 prévoyait un retour à la viabilité à travers l'adoption de mesures spécifiques. Ce plan a été suivi et le retour à la viabilité réalisé.
La Commission n'a pas établi de conditions dans la mesure où ledit plan n'a pas été soumis à son approbation.
v) contrôle par la Commission au moyen de rapports annuels
Il est prévu que l'évolution d'un plan de restructuration soit contrôlée par la Commission. Dans ce cas, un rapport sera soumis à la Commission avant le 1er février 1997, au plus tard.

X
En conclusion, un montant d'aide de 2 050 millions de francs a été versé et un autre montant évalué à 1 125 millions de francs est encore envisagé, après quoi la société sera privatisée. À l'heure actuelle, sur le montant global prévu de 1 125 millions de francs, un premier versement de 250 millions de francs a déjà été effectué, en juin 1996, pour régler les dettes immédiates. En outre, les autorités françaises contribuent, à concurrence d'un montant de 148 millions de francs, au transfert à la CGMF de l'immeuble occupé par le siège social de la CGM ainsi que du contrat de crédit-bail correspondant (après la réévaluation reflétant la récession des prix de l'immobilier), de sorte que l'opération soit neutre en ce qui concerne la CGM.
Il n'a pas été démontré que l'aide ait entraîné une distorsion de la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun: par contre, il a pu être vérifié que l'intervention de l'État a soutenu un effort de restructuration radical et de retour à la viabilité d'une compagnie maritime de la Communauté employant à bord de ses navires des gens de mer de la Communauté.
En outre, les autorités françaises se sont engagées à procéder à la privatisation de la CGM d'une façon transparente.

XI

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
De façon générale, la Commission rappelle que, en vertu de l'article 93 paragraphe 3 du traité, elle doit être préalablement informée de toute opération susceptible de comporter des éléments d'aides d'État.
De plus, les États membres sont tenus de ne pas mettre en oeuvre des mesures d'aides d'État avant une décision finale de la Commission. La Commission regrette que le gouvernement français n'ait pas respecté l'effet suspensif de l'article 93 paragraphe 3 et que l'aide ait été accordée illégalement à la CGM,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
1a. L'aide à la restructuration, fournie à la CGM sous forme d'augmentations de capital dans la période 1992-1996, est illégale et constitue une infraction au titre de l'article 93 paragraphe 3 du traité. L'aide peut, cependant, être considérée comme compatible avec les règles du marché commun, conformément au point c) de l'article 93 paragraphe 3 du traité, si le gouvernement français se conforme aux conditions fixés au paragraphe 2 du présent article.
1b. L'aide supplémentaire à la restructuration proposée à la CGM sous forme d'augmentation de capital supplémentaire en 1996 est également considérée comme compatible avec le marché commun conformément au point c) de l'article 92 paragraphe 3 du traité, si le gouvernement français se conforme aux engagements et aux conditions fixés au paragraphe 2 du présent article.
2. Les autorités françaises se conforment aux conditions et engagements suivants:
- la CGM se limite, jusqu'à l'achèvement de la privatisation, à opérer sur ses lignes actuelles,
- la CGM se limite, jusqu'à l'achèvement de la privatisation et en ce qui concerne l'océan Indien, à opérer à une échelle de capacité comparable à celle desservie dans le cadre du consortium. Celle-ci est établie à 9 000 EVP aller/retour sur base annuelle,
- les autorités françaises fournissent à la Commission un rapport, après la privatisation ou, au plus tard, le 1er février 1997. Ce rapport comprend le détail des lignes où opère la CGM, sa capacité de transport sur ces lignes, et les résultats d'exploitation, de sorte que la Commission puisse vérifier que l'aide n'a pas été utilisée pour soutenir des comportements agressifs sur le marché ou des activités déficitaires. Le rapport comprend également des détails de la procédure conduisant à la privatisation, pour que la Commission puisse veiller à ce que les objectifs financiers fixés pour la société soient atteints,
- la CGM ne doit pas, avant l'achèvement de la privatisation, appliquer des tarifs, sur quelque ligne que ce soit, qui puissent s'avérer ne pas couvrir totalement les coûts additionnels d'exploitation: le rapport qui doit être soumis doit, donc, inclure les détails des résultats d'exploitation pour tous les services couverts par la CGM, soit au moyen de l'utilisation de sa propre capacité de navires, soit au moyen d'accords d'affrètement jusqu'à la date de l'achèvement de la privatisation,
- aucune aide supplémentaire n'est accordée à la CGM et toutes les aides octroyées sont utilisées afin d'assurer la restructuration physique et financière de la compagnie,
- le plan de restructuration de la CGM est entièrement mis en oeuvre, comme convenu avec la Commission.

Article 2
La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 17 juillet 1996.
Par la Commission
Neil KINNOCK
Membre de la Commission

(1) Décision 96/C58/06 de la Commission, JO n° C 58 du 28. 2. 1996, p. 4 et décision 96/C58/07 de la Commission, JO n° C 58 du 28. 2. 1996, p. 6.
(2) Annexe I des «Mesures financières et fiscales concernant les opérations de transport avec les navires enregistrés dans la Communauté», doc. SEC(89) 921 final du 3. 8. 1989.
(3) «Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté», JO n° C 368 du 23. 12. 1994, p.12.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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