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Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 395D0354

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 08.40 - Concentrations ]


395D0354
95/354/CE: Décision de la Commission, du 14 février 1995, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (Affaire n° IV/M.477 - Mercedes-Benz/Kässbohrer) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 211 du 06/09/1995 p. 0001 - 0029



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 14 février 1995 relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (Affaire n° IV/M.477 - Mercedes-Benz/Kässbohrer) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi) (95/354/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1) (ci-après dénommé «règlement sur les concentrations»), et notamment son article 8 paragraphe 2,
vu l'accord EEE, et notamment son article 57 paragraphe 1,
vu la décision prise par la Commission, le 14 octobre 1994, d'engager la procédure dans cette affaire,
après avoir consulté le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises,
considérant ce qui suit:
(1) La présente procédure porte sur le projet d'acquisition de Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH (Kässbohrer), Ulm, par Mercedes-Benz AG (Mercedes-Benz), Stuttgart.
(2) Par décision du 5 octobre 1994, la Commission a ordonné la suspension partielle de l'opération de concentration notifiée jusqu'à l'adoption d'une décision finale conformément aux dispositions de l'article 7 paragraphe 2 et de l'article 18 paragraphe 2 du règlement sur les concentrations.
(3) Par décision du 14 octobre 1994, la Commission a constaté que le projet de concentration faisait naître des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun. Elle a donc engagé la procédure prévue à l'article 6 paragraphe 2 point c) du règlement sur les concentrations.
(4) Après un premier avis du comité consultatif pris le 9 janvier 1995, la Commission a adressé aux intéressés, le 16 janvier 1995, la communication prévue à l'article 18 du règlement sur les concentrations pour poursuivre l'investigation des faits. Le 27 janvier 1995, une audition a été organisée avec les entreprises parties à la concentration et avec des tiers, au cours de laquelle de nouveaux éléments de preuve ont été produits. Le 10 février 1995, le comité consultatif a examiné le projet de décision ci-après.

I. LES PARTIES
(5) Mercedes-Benz est une filiale de Daimler-Benz AG. L'entreprise construit des voitures particulières, des camions, des autobus/autocars et des éléments d'automobiles. Kässbohrer est une entreprise familiale qui construit des autobus/autocars et des véhicules spéciaux à usage commercial.

II. LE PROJET
(6) Le projet constitue une concentration au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b) du règlement sur les concentrations.
(7) Mercedes-Benz acquiert l'entreprise Kässbohrer tout entière en en achetant toutes les parts. Les contrats entre les parties obligent Kässbohrer à vendre diverses activités qui ne sont pas liées à la construction d'autobus/autocars et que l'entreprise n'aura pas déjà cédées avant l'acquisition. Sur la base des contrats conclus, les activités à céder concernent la construction de véhicules pisteurs (Pistenbully), de véhicules citernes, de camions silos et de camions de transport de voitures. Kässbohrer s'est désengagé, par ailleurs, d'une entreprise commune créée avec Iveco et a cédé les activités de Aabenraa Karosseriefabrik A/S à Volvo, ainsi que l'entreprise Bilcon A/S qui est rachetée par ses salariés (management-buy-out).

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(8) Le chiffre d'affaires réalisé par Mercedes-Benz et Kässbohrer au niveau mondial dépasse le seuil de 5 milliards d'écus (groupe Daimler-Benz: 50,473 milliards d'écus; Kässbohrer: 0,91 milliard d'écus, pour l'exercice 1993). Pour chacune des deux entreprises, le chiffre d'affaires total dégagé dans la Communauté est supérieur à 250 millions d'écus. Aucune d'elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre. La concentration revêt donc une dimension communautaire au sens de l'article 1er du règlement sur les concentrations.

IV. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

A. LE MARCHÉ DE PRODUITS EN CAUSE
(9) Les autobus/autocars se caractérisent par les types d'activité de transport auxquels ils sont destinés. Les autobus urbains, par exemple, servent au transport de personnes pendant quelques minutes ou en tout cas pendant une courte période de temps, et il doit être facile d'y monter et d'en descendre. Pour leur part, les autocars de tourisme transportent des personnes sur de grandes distances, les voyageurs passant des heures et même des jours entiers dans le véhicule. L'image des autocars de tourisme est celle du confort et de l'espace, qui passe avant celle de l'accessibilité.
(10) Comme les besoins des types d'activité de transport diffèrent, les autobus/autocars sont des produits très hétérogènes, allant des autobus urbains surbaissés pour le transport public local dans les agglomérations aux luxueux autocars de très grand tourisme à deux étages, de quinze mètres de long, avec de nombreuses catégories intermédiaires telles que les autobus urbains en partie surbaissés, les autocars à usage suburbain et interurbain et les autocars de transport régional (les deux catégories étant dénommées ci-après «autocars de ligne»), les autocars mixtes de ligne ou d'excursion et, enfin, les autocars de tourisme à un étage pour les grands voyages. Cette liste n'est pas du tout exhaustive, car il y a encore d'autres types d'autobus/autocars spécialisés. Qui plus est, les modèles peuvent s'obtenir en différentes dimensions. L'hétérogénéité est donc grande et la demande très diversifiée, car l'opérateur va acquérir l'autobus/autocar dont l'aménagement répond à ses besoins.
(11) Par le fait de la diversification, l'éventail des prix des types d'autobus/autocars est aussi très large. En Allemagne, les prix se situent entre environ 350 000 marks allemands pour un autobus urbain ou un autocar de ligne standardisé et plus de 700 000 marks allemands pour les autocars de tourisme les plus chers.
(12) Dans leur notification, les parties à la concentration avaient soutenu qu'il y avait un marché de produits en cause pour les autobus/autocars. Elles faisaient notamment observer que les statistiques administratives d'immatriculation n'opéraient pas de distinction entre les différents types de véhicules. Dans sa pratique décisionnelle, la Commission avait elle-même jusque-là considéré (voir considérant 14 ci-après) qu'il y avait deux marchés à distinguer: le marché des autobus de transport public, d'une part, et celui des autocars de tourisme, comprenant les autocars de ligne, d'autre part. Dans la suite de la procédure, les parties ont fait valoir que les autocars de ligne que la Commission avait définis séparément étaient pour partie dérivés d'autocars de tourisme et pour partie d'autobus urbains et relevaient donc, soit du marché des autocars de tourisme, soit d'un marché des autocars de ligne servant au transport urbain et interurbain.
(13) Nous ne saurions suivre les parties quand elles fondent leur argumentation sur l'existence d'un marché uniforme pour tous les autocars/autobus de huit tonnes et plus. Il est évident qu'un autobus urbain surbaissé comportant un grand nombre de places debout ne peut être considéré pour le demandeur comme interchangeable avec un autobus de tourisme à deux étages, doté de toilettes, d'une installation vidéo et d'une cuisine. Entre ces deux extrêmes, il y a, comme nous l'avons déjà vu, une large gamme de catégories intermédiaires dont les principes de construction et l'aménagement sont modulés en fonction des services auxquels les véhicules sont destinés. D'une manière générale, les exigences techniques et les critères d'aménagement qui définissent le confort de la conduite et le confort pour les passagers augmentent avec la durée des trajets pour lesquels le véhicule est principalement conçu. Ces exigences augmentent quand le véhicule est affecté à des activités touristiques plutôt qu'à des services de ligne. Étant donné les plus grandes exigences en matière de confort et les coûts plus élevés qu'elles occasionnent et donc l'hétérogénéité qui s'ensuit, l'argument des parties selon lequel il n'y a qu'un seul marché de produits en cause ne peut être admis. Le fait qu'il soit difficile de circonscrire avec précision les marchés pour une large gamme de produits très différenciés ne peut avoir pour conséquence de renoncer à toute délimitation même s'il n'y a à l'évidence pas toujours de possibilité de substitution entre certains produits.
(14) En 1990 et en 1991, la Commission avait considéré dans deux décisions qu'il y avait deux marchés à distinguer: le marché des autobus de transport public et celui des autocars de tourisme (2). Les investigations de la Commission dans la présente procédure, qui ont été axées sur le marché allemand, ont cependant fait apparaître qu'il y avait maintenant, du moins en ce qui concerne l'offre en Allemagne, trois segments de marché, chacun d'eux formant un marché de produits en cause. Compte tenu des différences fonctionnelles liées à la destination des véhicules et des principes de commercialisation des offreurs, il y a lieu de distinguer, du côté de la demande, les trois segments suivants:
a) Autobus urbains
Les autobus urbains servent au trafic public local dans les agglomérations. Ils ont le plus souvent un plancher bas sans marche et sont équipés de davantage de portes que les autocars pour faciliter la montée et la descente. Les principaux acheteurs en sont les villes et les communes.
b) Autocars de ligne
Les autocars de ligne servent au transport rural et interurbain. Ils ne sont habituellement pas aménagés de manière très coûteuse. Du point de vue technique, ils n'ont généralement pas de plancher surbaissé et sont équipés de moteurs nettement plus puissants. Les principaux acheteurs en sont les entreprises publiques régionales d'autocars ainsi que des opérateurs privés qui exploitent des services de ligne sur la base d'une concession. Différents acheteurs publics sont aussi acheteurs d'autobus urbains.
c) Autocars de tourisme
Les autocars de tourisme sont conçus pour les activités de loisir, à savoir pour l'essentiel les voyages sur de grands parcours. Ils sont généralement plus élevés de plancher que les autocars de ligne, avec un aménagement relativement coûteux qui comporte souvent la climatisation, des toilettes et la télévision pour agrémenter les longs trajets. Les principaux acheteurs en sont les opérateurs privés de voyages touristiques et de voyages affrétés.
(15) Cette répartition du marché des autobus/autocars en trois segments se retrouve dans les prospectus de tous les offreurs. Elle a, au demeurant, aussi été considérée comme appropriée par la majorité des constructeurs interrogés par la Commission comme aussi par les exploitants, c'est-à-dire les demandeurs. Elle est aussi conforme à la classification du règlement CEE-ONU (Commission économique pour l'Europe des Nations-Unies) n° 36 portant harmonisation de dispositions relatives à la construction de véhicules de transports publics, qui comprend trois catégories d'autobus/autocars définies comme suit.
«2.1.1. "Kraftomnibus" (catégorie I): véhicule conçu et équipé pour servir aux transports urbains et interurbains, qui comprend des places assises et des places debout et qui est aménagé de façon à pouvoir transporter des passagers sur des trajets comportant beaucoup d'arrêts.
2.1.2. "Kraftomnibus für Zwischenortsverkehr" (catégorie II): véhicule conçu et équipé pour les transports interurbains qui, sans comporter de places particulièrement destinées aux passagers debout, peut malgré tout transporter de tels passagers sur de courts trajets.
2.1.3. "Reiseomnibus" (catégorie III): véhicule conçu et équipé pour de longs voyages, qui est aménagé pour assurer tout le confort nécessaire à des passagers assis et ne transporte pas de passagers debout.»
(16) L'argumentation des parties, qui veut que les autocars de ligne relèvent, selon le véhicule dont ils sont techniquement dérivés, soit du marché des autobus urbains, soit de celui des autocars de tourisme, ne peut être fondée sur leur interchangeabilité du côté de la demande. En effet, selon les demandeurs allemands, les autocars de ligne ne peuvent être remplacés par les autocars de tourisme dont ils sont dérivés, car ceux-ci ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier des subventions publiques consenties aux autocars de ligne. Il y a ainsi lieu de citer la liste des critères régissant l'acquisition de véhicules (Kriterienkatalog für die Fahrzeugbeschaffung) qui s'appliquent dans le Land de Rhénanie-Westphalie. En vertu de ce texte, les véhicules affectés aux services de ligne doivent présenter diverses caractéristiques concernant l'aménagement afin de pouvoir transporter des passagers debout, mais ils doivent de surcroît au moins comporter une double porte et ne pas avoir un empattement supérieur à 860 millimètres. La dernière caractéristique citée est tout à fait exclue pour les modèles d'autobus qui seront affectés au segment des autocars de tourisme défini plus loin. Dans un document stratégique soumis à la Commission, Mercedes-Benz a d'ailleurs lui-même procédé à une répartition du marché entre les autocars de tourisme, les autocars de ligne et les autobus urbains et mis en évidence les différentes conditions-cadres prévalant dans chacun des segments. Il y a en tout état de cause lieu de retenir l'argument de la dérivation technique avancé par les parties pour les autocars de ligne, qui revêt de l'importance pour apprécier la substituabilité du côté de l'offre sur l'ensemble du marché des autobus/autocars.
(17) Cette délimitation du marché des autobus/autocars en trois segments n'implique pour autant pas que les frontières entre les segments sont rigides. Au contraire, il y a des relations de substitution qui rendent ces frontières fluctuantes comme il ressort du tableau de la gamme de production de Mercedes-Benz et de Kässbohrer figurant ci-après.
>EMPLACEMENT TABLE>
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(18) L'analyse fait apparaître le chevauchement des segments des autobus urbains et des autocars de ligne, notamment en ce qui concerne les véhicules surbaissés. Les autocars de ligne surbaissés se distinguent des autobus urbains surbaissés par un empattement plus élevé et un moteur plus puissant. Ils peuvent, le cas échéant, aussi servir aux transports urbains où la technique du surbaissage joue maintenant un très grand rôle. Selon les informations fournies par la Verband Deutscher Verkehrsunternehmen (ci-après dénommée «VDV»), 77 % de tous les autobus urbains acquis en Allemagne en 1994 étaient surbaissés. Il y a également lieu de signaler à cet égard que la part des véhicules surbaissés dans le segment des autocars de ligne a déjà atteint 12 % en 1994 et que la fédération VDV s'attend à ce qu'elle passe à 50 %. Les chevauchements entre le segment des autobus urbains et celui des autocars de ligne vont donc s'amplifier à l'avenir.
(19) Il y a de même des chevauchements importants entre le segment des autocars de ligne et celui des autocars de tourisme. Un des facteurs majeurs en est la propension des opérateurs privés à de plus en plus utiliser le même modèle de véhicule pour les services de ligne, pour les activités de tourisme et pour les services d'excursion. La gamme de produits indiquée montre bien que les constructeurs cherchent à répondre à cette évolution. Alors que l'autocar de ligne Mercedes 0405NÜ et l'autocar de ligne Kässbohrer S215NR ne conviennent que pour des services de ligne, les véhicules 0408 et S215UL peuvent dans une certaine mesure aussi servir à des activités de tourisme et d'excursion. D'une manière générale, les autocars mixtes 0408, 0404RH-K, S215RL et S215HR se prêtent à un double mode d'utilisation. Ils sont au départ conçus pour cela. Ils remplissent les exigences moyennes de confort des activités de tourisme et d'excursion pour le conducteur et les passagers. Ils remplissent par ailleurs aussi les exigences de rentabilité et offrent les caractéristiques propres aux services de ligne.
(20) Sur la base de ces considérations, il apparaît d'une manière générale que, tout en relevant d'un segment donné, les autocars/autobus peuvent de plus en plus être affectés à des types de services différents. Cela est particulièrement vrai chez les opérateurs privés. En Allemagne, d'après les informations fournies par la Bundesverband deutscher Omnibusunternehmen e.V. (ci-après dénommée «BDO»), 90 % des opérateurs privés exploitent à la fois des services de ligne et des services de tourisme et d'excursion. La moitié à peu près des opérateurs privés interrogés par la Commission ont indiqué qu'ils affectaient les autocars/autobus de leur parc aussi bien à des services de ligne qu'à des services de tourisme et d'excursion. Cette double utilisation des véhicules est sans doute plus courante encore chez les petits opérateurs ne comptant qu'un petit nombre d'autobus/autocars, qui n'ont pas été interrogés.
(21) Il y a aussi lieu de considérer que, dans le domaine des autobus/autocars, la substituabilité du côté de l'offre n'est pas négligeable (supply-side substituability). Cela est particulièrement vrai pour les autocars de ligne qui sont pour partie dérivés des autobus urbains et pour partie des autocars de tourisme, comme les parties le font valoir à juste titre. Du point de vue technologique, les barrières à l'entrée sur le marché des autocars de ligne pour un constructeur d'autobus urbains ou d'autocars de tourisme sont relativement faibles. Les différents types de véhicules peuvent, d'une manière générale, être construits dans la même usine sur les mêmes machines et ils ont de surcroît beaucoup d'éléments qui leur sont communs. Dès lors qu'il fabrique plusieurs types de véhicules, l'offreur peut assez facilement passer d'un type de production à l'autre. La plupart des grands constructeurs (Volvo, Scania, Mercedes-Benz, Renault, Iveco) offrent ainsi une gamme de production complète. Pour le constructeur qui n'opère pas déjà dans le segment, il est en revanche plus difficile de se mettre à produire des autocars de ligne à cause des coûts de développement importants qu'il devra supporter.
(22) Le chevauchement des différents segments de marché du côté de la demande et la substituabilité du côté de l'offre ne sont au demeurant pas suffisants pour fonder l'hypothèse d'un marché de produits uniformes pour tous les autobus/autocars, car, comme nous l'avons déjà vu, le marché ainsi défini présente des solutions de continuité encore assez importantes. Les frontières fluctuantes entre les segments et la substituabilité du côté de l'offre relativisent néanmoins la position concurrentielle des offreurs sur les différents marchés de produits en cause. Pour apprécier les effets de la concentration, il n'est pas possible de considérer ces segments de marché isolément. Il y a au contraire aussi lieu de prendre en compte les conditions de concurrence et la position des offreurs sur le marché tout entier.

B. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE DE RÉFÉRENCE
(23) Les constructeurs d'autobus/autocars de l'Europe de l'Ouest sont particulièrement puissants sur leurs marchés nationaux. Pour les plus grands d'entre eux, des parts de marché avoisinant, voire dépassant 50 % ne sont pas inhabituelles: c'est ainsi que Renault détient une part de 66 % en France, Iveco une part de 54 % en Italie et de 47 % en Espagne, Leyland (Volvo) une part de 47 % au Royaume-Uni et, enfin, Volvo une part de 48 % dans les pays scandinaves. L'Allemagne, qui compte quatre offreurs avec des parts de marché se situant entre 14 et 35 %, est actuellement le seul pays à présenter une structure d'offre relativement équilibrée.
(24) Les modèles demandés diffèrent dans une certaine mesure selon les États membres. En effet, les transports publics sont beaucoup plus développés dans la partie septentrionale et centrale de l'Europe que dans le sud. On y trouve aussi une tradition plus ancrée des grands voyages. Le segment des autocars de ligne, notamment sous leur forme standardisée, est particulièrement développé en Allemagne et dans les pays du Benelux. Par ailleurs, l'aménagement varie dans une certaine mesure également. Les opérateurs allemands exigent habituellement un aménagement plus sophistiqué que la plupart des acheteurs des autres pays européens.
(25) Alors que les entreprises qui opèrent à l'échelle de l'Europe ont besoin de connaître les structures de prix dans les différents États membres pour mettre au point leur stratégie commerciale, les comparaisons de prix entre pays ne constituent pas un paramètre approprié pour délimiter le marché géographique de référence. Les comparaisons de prix sont rendues difficiles par la disparité des modes d'aménagement des véhicules. À cela s'ajoutent les conditions et remises habituelles sur le marché: la reprise de l'autobus/autocar usagé à l'achat d'un nouveau véhicule, par exemple. Mercedes-Benz et Kässbohrer appliquent au départ des prix bruts uniformes dans l'Europe de l'Ouest. Les écarts entre les rabais consentis - les remises que Kässbohrer accorde, par exemple, en Allemagne sont de 10 % inférieures à celles consenties à l'étranger (environ [. . .] % (3) contre environ [. . .] % sur les prix de barème) - tiennent aux différences dans les structures d'exploitation, selon les indications fournies par les entreprises à l'audition. Il est de la sorte peu aisé de déterminer le prix d'achat réel et donc de comparer statistiquement les prix. Selon les participants au marché entendus par la Commission, il y a malgré tout une transparence des prix à l'intérieur d'un même État membre; c'est au demeurant le cas en Allemagne. Selon des constructeurs, les écarts de prix entre des pays comme la Belgique, les Pays-Bas, la France et l'Allemagne sont essentiellement imputables à des différences dans le mode d'aménagement.
(26) Les véhicules automobiles sont soumis dans chaque État membre à une réception par type. Beaucoup de spécifications techniques varient d'un pays à l'autre (volant à droite au Royaume-Uni, trappe de sortie sur le toit en Belgique et aux Pays-Bas, garnitures de siège incombustibles et dispositif de freinage en France, sortie de secours arrière en Italie, chauffage en Suède, etc.). La disparité des exigences techniques freine dans une certaine mesure les importations parallèles et facilite la mise en oeuvre d'une politique de prix différenciée selon les pays. Les parties invoquent un règlement sur les réceptions communautaires par type entré en vigueur en Allemagne le 1er janvier 1995 (transposition de la directive communautaire 70/156/CEE). S'il s'applique en théorie à tous les véhicules, contrairement aux indications des parties, le règlement ne joue aucun rôle pour les autobus/autocars car il n'y a pas encore de directive communautaire en la matière. La directive communautaire en la matière est prévue pour 1997/1998 mais ne sera applicable qu'à l'issue d'une phase de transition de quatre à cinq ans. Divers aspects techniques des autobus/autocars ont, il est vrai, déjà été harmonisés dans le cadre de directives communautaires applicables aux véhicules à moteur.
(27) Enfin, les parties et les concurrents ont confirmé qu'un constructeur prenait en compte les différentes normes nationales au moment où il mettait au point un nouveau modèle. Les exigences des clients diffèrent pourtant plus encore que les réglementations nationales. Même si elles demandent du temps et, dans une certaine mesure, entraînent des coûts de conception, les procédures de réception ne constituent pas un obstacle majeur à l'entrée sur le marché. La disparité des dispositions techniques à l'intérieur de l'Espace économique européen n'apparaît donc pas en soi suffisamment importante pour conclure à l'existence de marchés nationaux.
(28) Comme nous le verrons plus loin, les marchés des autobus urbains, des autocars de ligne et des autocars de tourisme présentent pourtant toute une série de caractéristiques qui portent à considérer que les marchés en question sont encore délimités sur une base nationale. Le marché des autobus urbains en particulier apparaît encore essentiellement national. Bien que la directive communautaire sur la passation des marchés publics ait fait croître le nombre de marchés attribués à l'échelle de l'Europe par des adjudicateurs publics et ait commencé à élargir le marché géographiquement, les comportements d'achat réels des pouvoirs publics demeurent encore marqués par la préférence nationale dans ce secteur et n'ont pas changé, d'une manière générale, le caractère national du marché en cause. Il en est actuellement encore de même en ce qui concerne les marchés des autocars de ligne et des autocars de tourisme, même si on y décèle des signes d'ouverture et ce sur le marché des autocars de tourisme en particulier. Quoi qu'il en soit, les deux marchés présentent, du moins en Allemagne, des particularités qui justifient de les considérer pour le moment encore comme des marchés nationaux ainsi que nous allons le voir ci-après.
Allemagne
(29) Comme dans d'autres États membres, le marché des autobus/autocars en Allemagne est marqué par la présence d'offreurs nationaux puissants (Mercedes-Benz, Kässbohrer, MAN, Neoplan). Les quatre principaux offreurs nationaux ont totalisé une part de marché avoisinant 95 % en 1993.
a) Importations
(30) Les importations d'autobus/autocars en Allemagne ont été jusqu'ici plutôt réduites, notamment en ce qui concerne les autobus urbains et les autocars de ligne. La part des véhicules importés au cours des dernières années a augmenté mais se situe encore à un niveau absolu faible. La part de marché (ventes) des autobus/autocars étrangers (plus de 8 tonnes) est passée de 2,2 % (88 véhicules) en 1989 à 3,3 % (177 véhicules) en 1991, à 5,0 % (345 véhicules) en 1993 et, enfin, à 5,6 % en 1994 (320 véhicules) (cette donnée étant extrapolée à partir des résultats de janvier à novembre). Pour les autocars de tourisme, la part de marché a même atteint 10,3 % (autobus urbains: 3,5 %; autocars de ligne: 1,1 %). La progression particulièrement nette en 1991/1992 s'explique par la forte demande émanant des nouveaux Länder à la suite de la réunification du pays. En 1994, le nombre d'autobus/autocars étrangers vendus est retombé à 320 environ. Ce recul ( 7 %) a cependant été relativement moins grand que celui du marché tout entier ( 18 %). Les offreurs étrangers ont ainsi déjà manifestement pris pied en Allemagne ou à tout le moins dans certaines régions. Les importations atteignent pour le moment à peine 5 % du marché en volume, mais il s'agit, rappelons-le, d'un phénomène très récent en Allemagne et les progressions annuelles ont été fortes.
(31) La proportion relativement faible des importations en Allemagne s'explique par la vive concurrence déjà décrite entre plusieurs constructeurs allemands performants qui offrent une large gamme de produits dans tous les segments (voir considérants 49 et suivants). Les offreurs allemands, avec une part de production axée sur les exportations de l'ordre de 30 %, sont aussi de loin les plus gros exportateurs de l'Union européenne. Cependant, il ressort de l'audition des parties et des fédérations allemandes d'opérateurs privés et publics que tous les gros fabricants étrangers peuvent depuis peu offrir les produits demandés sur le marché allemand.
(32) La structure concurrentielle du marché garantissait aux demandeurs allemands dans le passé un bon rapport qualité-prix qui satisfaisait leurs besoins. Les acheteurs n'étaient pas particulièrement portés à changer leurs préférences pour des constructeurs allemands et des composants allemands et à renoncer à des relations clients-fournisseurs de plus en plus étroites. Ces barrières immatérielles à l'entrée délimitaient ainsi le marché du point de vue géographique. Elles sont décrites ci-après de même que les barrières matérielles. Elles seront analysées au fond dans le chapitre qui apprécie l'opération sous l'angle de la concurrence [voir point C.III.3. c) ci-après], car leur portée est décisive pour déterminer les effets du projet de concentration sur la structure de la concurrence en Allemagne et dans l'Espace économique européen.
b) Barrières matérielles à l'entrée (tangible barriers)
(33) Du point de vue de l'acheteur, une condition importante pour acquérir un autobus/autocar est l'existence d'un réseau d'ateliers d'entretien et de réparation du constructeur concerné. Tous les constructeurs allemands déjà cités disposent d'un tel réseau. De gros offreurs étrangers, qui sont en même temps constructeurs de véhicules utilitaires (Volvo, Renault, Scania et Iveco), possèdent un réseau comparable pour les camions et pourraient, sans engager trop de frais, l'ouvrir aux autobus/autocars [voir point C.III.3. c) ci-après]. Les constructeurs étrangers non intégrés, qui veulent pénétrer le marché allemand, peuvent faire appel aux réseaux de services de leurs sous-traitants et n'ont plus qu'à supporter les coûts nécessaires à la création d'un réseau d'ateliers contractuels, coûts qui sont au demeurant relativement faibles.
(34) Dans le cadre de l'enquête de la Commission, les prix et conditions de reprise des autobus/autocars usagés à l'achat d'un véhicule neuf ainsi que les coûts de transfert (switching costs ou coûts à supporter pour la formation, les outils et les stocks de pièces de rechange en cas de changement de fournisseur) sont apparus comme constituant des obstacles pour de nouveaux entrants et en particulier pour des entrants étrangers (voir pour le détail considérants 91 et suivants). Il s'agit dans l'un et l'autre cas de facteurs de coûts qui, d'après les investigations de la Commission, ne revêtent qu'une importance relative aux yeux des offreurs et des demandeurs.
c) Barrières immatérielles à l'entrée (intangible barriers)
(35) Si les barrières matérielles à l'entrée indiquées précédemment peuvent se chiffrer et sont surmontables en effectuant les investissements nécessaires pour qui veut entrer sur le marché, il y a sur le marché des autobus/autocars, et en particulier sur les marchés des autocars de ligne et de tourisme, deux barrières immatérielles qui ne se justifient pas uniquement par des considérations économiques et techniques. Il s'agit des relations de plus en plus étroites entre clients et fournisseurs et de la fidélité à la marque qui ont, dans le passé, entravé l'entrée d'offreurs étrangers (voir considérants 82 et suivants). Des barrières comparables existent aussi dans d'autres États membres comme la France, le Royaume-Uni et l'Italie.
(36) Les relations poussées entre clients et fournisseurs revêtent une importance particulière pour les acheteurs privés qui sont pour la plupart des petites et moyennes entreprises. Pour les clients publics, les relations personnelles jouent un moins grand rôle. L'une et l'autre catégories d'acheteurs ont jusqu'ici privilégié les marques allemandes. Pour les autocars de tourisme, le choix est en partie dicté par des considérations d'image dans le jeu de la concurrence touristique.
d) Effets des directives communautaires relatives à la passation des marchés publics
(37) Depuis le 1er mars 1994, les opérateurs d'autobus/autocars allemands, qui relèvent du champ d'application de la directive communautaire sur la passation des marchés publics dans les secteurs dits exclus (directives 90/531/CEE et 93/38/CEE du Conseil, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications), doivent attribuer leurs marchés à l'intérieur de l'Espace économique européen par voie d'adjudication publique. La directive 90/531/CEE a été transposée dans le droit allemand (Verordnung über die Vergabe für öffentliche Aufträge vom 22. 2. 1994 - VgV); il reste encore à transposer la directive 93/38/CEE. Il s'agit en l'occurrence non seulement des pouvoirs publics et des entreprises publiques mais également d'adjudicateurs privés bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs, tels les opérateurs privés de réseaux d'autobus ayant obtenu les autorisations nécessaires (concessions). L'acquisition de nouveaux autobus/autocars est soumise aux procédures d'adjudication lorsque le marché égale ou dépasse 400 000 écus; lorsque le montant total égale ou dépasse 750 000 écus, les achats doivent faire l'objet d'un avis de marché publié une fois par an au moins au Journal officiel des Communautés européennes.
(38) La directive relative à la passation des marchés publics citée ne revêt d'intérêt dans la présente affaire que pour les autobus urbains et les autocars de ligne. Avant l'entrée en vigueur de la réglementation allemande (VgV), les adjudicateurs publics allemands n'avaient aucune obligation de prendre en considération les offres de véhicules de constructeurs étrangers. Un nombre sans cesse croissant d'adjudicateurs publics se mettent maintenant à acheter des autobus/autocars étrangers. Cette tendance a été confirmée, exemples à l'appui (voir considérant 97), à l'audition des parties par la fédération VDV. Elle porte à penser que la directive va produire des effets dans un avenir proche. Même si les conditions juridiques d'une procédure de passation de marché ouverte à tous les offreurs sont désormais réunies, les préférences marquées jusqu'ici pour des constructeurs allemands et la proportion encore faible des importations, notamment dans le secteur des autocars de ligne, amènent encore à postuler l'existence d'un marché allemand distinct.
Autriche
(39) Dans le secteur des autobus/autocars, l'opération de concentration a une portée moins grande en Autriche qu'en Allemagne. La part de marché agrégée de la nouvelle unité ne devrait pas dépasser 11 % pour les autobus urbains. Mercedes-Benz n'est pas du tout présente sur le marché des autocars de ligne en Autriche alors que Kässbohrer y occupe une part de marché de 12 % environ. En revanche, sur le marché des autocars de tourisme, la part de marché agrégée atteint un niveau comparable à celui occupé sur le marché allemand (60 %). Pour diverses raisons, toutefois, l'Autriche ne constitue pas un marché distinct de celui de l'Allemagne pour les autocars de tourisme. En effet, les importations à partir de l'Allemagne sont élevées et les réseaux de distribution et de services après-vente des constructeurs sont comparables aux réseaux allemands. En ce qui concerne l'aménagement des véhicules, les exigences des acheteurs autrichiens ne diffèrent pas sensiblement de celles des clients allemands. Il n'importe au demeurant pas de savoir si l'Allemagne et l'Autriche constituent ou non un seul et même marché pour toutes ces raisons. L'appréciation de l'opération de concentration sour l'angle de la concurrence, qui portera uniquement sur le marché allemand, ne serait pas différente si le marché géographique de référence englobait à la fois l'Allemagne et l'Autriche (voir point C ci-après).
Conclusions concernant le marché géographique
(40) Il y a lieu de circonscrire à l'Allemagne le marché géographique de référence pour les autobus urbains sur la base de la faiblesse des importations et des comportements d'achat à ce jour des opérateurs publics dans ce secteur. Les marchés des autocars de ligne et des autocars de tourisme apparaissent plus ouverts à l'échelle de l'Espace économique européen. Il se caractérisent néanmoins par toute une série de barrières à l'entrée, plus ou moins importantes, pour les offreurs étrangers. Il y a en particulier lieu de relever les relations clients-fournisseurs et la fidélité à la marque sur les deux segments. Ces facteurs vont ralentir l'ouverture du marché allemand même si la progression des importations témoigne d'un plus grand intérêt des acheteurs allemands pour des constructeurs non allemands.
(41) En définitive, la Commission considère qu'il y a encore à l'heure actuelle des disparités dans les conditions de concurrence entre l'Allemagne et les autres pays de l'Espace économique européen. Si certains signes donnent à penser que les marchés deviennent plus internationaux, notamment sur le segment des autocars de tourisme, l'évolution sera longue. Le marché allemand apparaît encore marqué par la préférence nationale. Compte tenu des barrières matérielles et immatérielles à l'entrée décrites, il semble logique d'axer l'appréciation du projet de concentration sous l'angle de la concurrence sur le marché allemand et de prendre en considération les effets de l'ouverture de ce marché dans l'analyse des effets de l'opération (voir point C ci-après).

C. APPRÉCIATION SOUS L'ANGLE DE LA CONCURRENCE
(42) Étant donné les différences qui existent ainsi objectivement entre les autobus urbains, les autocars de ligne et les autocars de tourisme et les conditions particulières de concurrence qui règnent actuellement en Allemagne, l'appréciation de l'opération sous l'angle de la concurrence devra au départ porter sur les trois segments en Allemagne. Les trois marchés de produits en cause étant voisins, il est aussi nécessaire de prendre en compte les interactions entre les marchés et le chevauchement des marchés. La puissance concurrentielle d'un constructeur sur chacun des marchés de produits ne peut raisonnablement être appréciée qu'en prenant également en compte sa position sur le marché tout entier.

I. Le marché européen des autobus/autocars
(43) En 1993, les ventes à l'intérieur de l'Espace économique européen ont porté sur 19 250 véhicules au total (environ 6 900 en Allemagne, 3 400 en France, 2 200 au Royaume-Uni, 1 300 respectivement en Italie et en Espagne, moins de 650 dans les autres pays). Le marché en volume est resté relativement constant à l'échelle de l'Europe depuis 10 ans. Le plus gros segment est celui des autobus urbains (en 1993: 41 %), suivi des autocars de tourisme (35 %) et des autocars de ligne (24 %). Comme nous l'avons déjà vu, les autocars de ligne revêtent une assez grande importance dans certains États membres dont l'Allemagne, avec 33 %. En 1994, le nombre d'autobus/autocars vendus en Allemagne s'est chiffré à 5 700 environ, en baisse de 18 %. En volume et contrairement aux résultats des deux années précédentes, le marché va continuer à reculer au cours des prochaines années, même si ce n'est que légèrement. Cela s'explique notamment par l'augmentation élevée atypique de la demande observée au cours des trois années antérieures en Allemagne où de nombreux opérateurs est-allemands avaient renouvelé leurs parcs à la suite de la réunification. À plus long terme, la demande devrait se stabiliser sans plus guère progresser. Cette prévision a été confirmée par les constructeurs interrogés par la Commission.
(44) Dans le domaine des autobus/autocars, la croissance du marché ne se traduit pas seulement en volume. Il s'agit en effet de biens d'investissement complexes qui sont sans cesse perfectionnés sur le double plan de la technique et de l'aménagement. À volume constant, le marché n'en est pas moins encore dynamique. Les exigences croissantes en matière de sécurité et de contrôle jouent un rôle particulier à cet égard. La portée de la concurrence dans le registre de la qualité est d'autant plus grande que l'industrie se caractérise par un certain excédent d'offre. Les capacités sont difficiles à estimer. Sur la base des informations dont dispose la Commission, la surcapacité est de l'ordre de 20 à 25 % et dans certains cas même plus élevée encore. Globalement, il s'agit d'une branche de production souple, car l'autoproduction est peu importante, un nombre considérable des composants standardisés étant sous-traités. La capacité dans le domaine de la carrosserie et de l'équipement dépend en premier lieu des effectifs disponibles. Enfin, les marchés sont transparents en ce qui concerne les quantités parce que les données sur le nombre des immatriculations sont publiques. Qui plus est, il existe une grande transparence des prix pour les autobus/autocars d'un type donné avec un aménagement donné dans les relations entre les acheteurs à l'intérieur d'un même pays.
(45) Les constructeurs non intégrés (ou indépendants) construisent des autobus/autocars complets mais doivent acheter à des sous-traitants toute une série de composants et en particulier les moteurs. Ce groupe compte entre autres Van Hool, Neoplan, Kässbohrer et Bova. Contrairement à ces entreprises, les constructeurs intégrés comme Mercedes-Benz, Volvo, Renault, Iveco (Fiat), MAN et DAF, qui sont en même temps de gros constructeurs de véhicules utilitaires, fabriquent eux-mêmes la totalité ou en tout cas la majeure partie des composants essentiels. Enfin, il y a encore toute une série de petits offreurs qui fabriquent seulement des carrosseries et qui achètent à des constructeurs intégrés tous les composants mécaniques dont ils ont besoin (châssis, moteurs, boîtes de vitesse). Ainsi tributaires d'autres entreprises, ils n'apparaissent pas comme de véritables concurrents indépendants. Leurs véhicules circulent d'ailleurs sous la marque du constructeur du châssis.
(46) La concentration Mercedes-Benz/Kässbohrer peut être considérée comme une nouvelle étape dans le cadre du processus général de restructuration que connaît actuellement l'industrie européenne des autobus/autocars. De gros constructeurs de camions et d'autobus/autocars rachètent de plus petits fabricants qui ne sont pas intégrés ou qui sont seulement carrossiers. C'est ainsi que Volvo a racheté Drögmöller en Allemagne, Steyr en Autriche et Aabenraa au Danemark. Pour sa part, Scania a acquis le constructeur danois DAB-Silkeborg. Enfin, Renault avait déjà racheté le constructeur français Heuliez en 1991. Volvo et Scania ont ainsi considérablement augmenté leur capacité d'offrir directement des autobus/autocars complets. Cette restructuration du marché peut contribuer à une rationalisation de l'industrie européenne des autobus/autocars.
(47) À l'intérieur de l'Espace économique européen, avec une part de marché en volume de 36 %, l'Allemagne est de loin le plus gros marché. Il est de surcroît extrêmement attrayant tant par les possibilités quantitatives de vente que par le niveau des prix, comme la plupart des offreurs l'ont au demeurant confirmé. Des entreprises comme Volvo et Renault ont fait part à la Commission d'un intérêt stratégique très fort à renforcer leur présence sur le marché allemand.
(48) Sur la base de la somme de leurs parts de marché en 1994, Mercedes-Benz et Kässbohrer occuperont ensemble dans l'Espace économique européen 27,9 % du marché des autobus/autocars de plus de huit tonnes. Volvo est le concurrent le mieux placé, avec 16,4 % du marché, en hausse de 3,6 % par rapport à l'année précédente, alors que Mercedes-Benz et Kässbohrer ont vu leur part agrégée se contracter de 2,4 %. Renault et MAN détiennent une part de marché de 10-11 %, suivis par un groupe de constructeurs détenant chacun une part de 5 à 6 % (Neoplan, Iveco, Scania). Grâce à la concentration, Mercedes-Benz et Kässbohrer vont renforcer leur position non seulement en Allemagne mais aussi dans d'autres pays membres de l'Espace économique européen. Le pôle central de la concentration se situe toutefois en Allemagne où Kässbohrer dégage 66 % de son chiffre d'affaires (contre 14 % en France, 6 % en Autriche, etc.). En dépit du rétrécissement de la structure de l'offre en Allemagne, le nombre d'offreurs nationaux importants y reste plus grand que dans d'autres pays comme la France, le Royaume-Uni ou l'Italie.

II. La structure concurrentielle du marché allemand des autobus/autocars
(49) L'Allemagne offre l'exemple d'un marché marqué par la coexistence d'offreurs intégrés et non intégrés. Il se caractérise par une vive concurrence entre les offreurs allemands comme en témoignent les fortes variations des parts de marché observées au cours des dix dernières années. Sur le marché des autobus/autocars en Allemagne, toutes catégories confondues, la part de marché de Mercedes-Benz, qui s'établissait à hauteur de 50 % en 1981, a connu une évolution positive en passant de 42 % en 1984 à 47 % en 1985 puis une baisse jusqu'à 35 % en 1993. En 1994, Mercedes-Benz a à nouveau augmenté sa part de marché qui est passée à 37 %. Kässbohrer, après une hausse jusqu'à 28 % en 1989, a vu sa part de marché revenir à 20 % en 1994. La part de marché de MAN, qui se situait au niveau de 30 % en 1980, est passée de 17 % en 1985 à 24 % en 1993 mais a décliné à nouveau pour tomber à 22 % en 1994. Neoplan qui jusqu'en 1983 détenait clairement une part de marché inférieure à 10 % a connu une progression continue, de 10 % en 1985 à 15 % en 1994. Des évolutions identiques quant aux parts de marché peuvent être observées dans les trois segments. La part de marché de Mercedes-Benz dans les autobus urbains a décliné de 59 % en 1986 à 43 % en 1993, dans les autocars de ligne de 44 % en 1985 à 31 % en 1994, et dans les autocars de tourisme de 44 % en 1985 à 27 % en 1993 mais il y a eu une nouvelle hausse à 31 % en 1994 (voir les graphiques sur les parts de marché joints aux annexes I a-I d).
(50) Si les prix sur le marché allemand sont relativement élevés en raison des grandes exigences des acheteurs concernant la qualité des composants et de l'aménagement, leur niveau est la résultante d'un rapport qualité-prix contrôlé par le jeu de la concurrence. Sur la base des investigations de la Commission, la marge de manoeuvre des offreurs n'est pas grande. Alors que les offreurs allemands ont pu augmenter fortement leurs prix en 1991 dans un contexte de demande croissante, lié à la réunification allemande, ils ont été amenés à les baisser dans les deux années qui suivirent. Dans le segment des autocars de tourisme par exemple, depuis 1992, Mercedes-Benz et Kässbohrer n'ont plus pu, en tant que leaders, pratiquer des prix couvrant les coûts.
(51) Sur le marché des autobus/autocars, les fabricants ont affaire à des acheteurs avisés, en particulier les opérateurs privés. La sensibilité aux prix des acheteurs a été évaluée par les offreurs interrogés par la Commission, sur la base d'une échelle de valeur allant de 1 à 5, et elle est apparue très élevée (MAN, Ernst Auwärter: 5; Ikarus, Bova: 4; c'est aussi le cas pour DAF qui n'a pas donné de valeur chiffrée). À en juger par l'étude des comportements d'achat effectuée par la Commission pour les cinq dernières années, les acheteurs n'hésitent pas à changer de fournisseur (voir considérant 63). Enfin, la sensibilité aux prix des demandeurs est confirmée par le développement des types (mixtes) à prix avantageux.
(52) En dehors du prix, il y a encore d'autres paramètres qui entrent en ligne de compte: la qualité, la souplesse d'adaptation aux exigences des clients, un bon service de conseil et un service après-vente fiable en particulier. C'est grâce aux atouts qu'ils possédaient à cet égard que des constructeurs non intégrés comme Kässbohrer et Neoplan ont réussi à défendre leur position concurrentielle dans le passé. Les fortes exigences du marché allemand, qui s'accompagnent d'une sous-utilisation des capacités et de la pression sans cesse croissante des coûts, ont progressivement érodé les résultats de l'industrie des autobus/autocars en Allemagne. Les constructeurs intégrés, surtout quand ils disposent de grandes ressources, s'adaptent mieux à la situation que les constructeurs non intégrés comme en témoignent les problèmes de Kässbohrer.

III. Les effets de la concentration sur le secteur des autobus/autocars en Allemagne
(53) La structure concurrentielle du marché allemand et le rendement de l'industrie allemande des autobus/autocars ont contribué par le passé à la faiblesse des importations en Allemagne bien que les barrières matérielles à l'entrée aient été assez aisées à surmonter. Le jeu de la concurrence leur assurant un bon rapport qualité-prix, les acheteurs allemands n'avaient pas de raison de se tourner vers des fournisseurs étrangers. L'importance de barrières immatérielles comme la préférence pour une marque et les relations clients-fournisseurs doivent être également envisagées de cette façon, ce qui contribue, comme cela a été expliqué, à conforter l'idée que l'Allemagne doit être considérée pour le moment comme un marché géographique distinct. Si le degré plus poussé de concentration qu'entraînera l'opération en cause devait détériorer sensiblement le rapport qualité-prix des offreurs allemands, la portée de ces barrières immatérielles à l'entrée diminuerait rapidement. En effet, l'acheteur qui adopte un comportement commercial raisonnable se tournera vers des fournisseurs étrangers si le rapport qualité-prix vient à se dégrader. On peut s'attendre à un tel comportement commercial raisonnable, compte tenu des charges qui pèsent sur les opérateurs allemands: coûts élevés et vive concurrence. Outre le contrôle de la concurrence actuelle entre les offreurs allemands, le contrôle de la marge de manoeuvre de Mercedes-Benz/Kässbohrer par la concurrence potentielle d'offreurs étrangers est donc décisif dans cette affaire. Comme nous le verrons dans le détail plus loin, la concurrence potentielle, qui viendra s'ajouter à la concurrence actuelle, sera suffisante pour garantir que le jeu des forces du marché continue de s'exercer de manière effective après l'opération de concentration, parce que les barrières matérielles à l'entrée peuvent être surmontées facilement et que les barrières immatérielles vont probablement perdre en importance.
1. Caractéristiques du marché et structure de la demande
(54) Les parts de marché indiquées plus loin sont calculées à partir de données en nombre de pièces. Celles-ci sont pour l'essentiel tirées des statistiques administratives des immatriculations. Selon les parties notifiantes, ce mode de calcul est habituel dans la branche, car les données en valeur ne sont pas très fiables. Sur la base des chiffres dont dispose la Commission, des estimations en valeur donneraient pour Mercedes-Benz/Kässbohrer et MAN des parts de marché parfois légèrement supérieures sur les marchés en cause.
(55) Dans le domaine des autobus urbains, selon les indications fournies par les parties notifiantes, la demande dans l'Espace économique européen porte chaque année sur 8 000 véhicules environ. Avec 2 750 véhicules vendus, l'Allemagne a été le marché de loin le plus important en 1993. Mercedes-Benz et Kässbohrer ont couvert ensemble quelque 22 % de la demande, Kässbohrer ne vendant pour sa part que très peu d'autobus urbains en dehors de l'Allemagne et de la France (part de marché de Kässbohrer dans l'EEE: 3 % environ). Du côté de la demande, le marché allemand se caractérise par l'existence de quelque 250 grandes à très grandes entreprises municipales de transport public. Il s'y ajoute un assez grand nombre d'entreprises privées travaillant sur la base d'une concession.
(56) Dans le domaine des autocars de ligne, les ventes dans l'Espace économique européen au cours des deux dernières années ont chaque fois avoisiné 5 000 véhicules. Là aussi, l'Allemagne est le marché le plus important, avec actuellement 14 000 immatriculations au total. Le nombre d'autocars de ligne vendus dans le pays, selon les parties, s'élevait à 2 000 environ en 1993. La France vient en deuxième position, avec un volume de vente de l'ordre de 800 véhicules (1993).
(57) La demande émane à la fois d'entreprises publiques et privées. En Allemagne, les 17 sociétés régionales de transport par autocar de la Deutsche Bundesbahn sont les plus gros prestataires de services de ligne. Elles ont un parc de 350 véhicules, en moyenne, dont une partie est louée à des opérateurs privés; toutes ensemble, elle représentent chaque année quelque 15 % des autocars de ligne achetés dans le pays. Toujours du côté du secteur public, les entreprises communales sont aussi de gros acheteurs. Elles exploitent généralement des services réguliers dans de grandes agglomérations. Enfin, une importante partie des quelque 6 000 opérateurs privés exploitent aussi des réseaux de ligne. Selon les indications fournies par la Bundesverband Deutscher Omnibusunternehmer e.V. (BDO), ces opérateurs, de petites et moyennes entreprises pour la plupart, ont un parc de 8 autocars en moyenne. Quelque 5 % des opérateurs privés allemands ont un parc de plus de 50 autocars. 20 % des opérateurs ne disposent que de un ou deux véhicules.
(58) Enfin, le marché des autocars de tourisme présente des points communs avec celui des autocars de ligne mais s'en distingue sur des aspects essentiels. Il s'agit d'un marché hétérogène à segmentation multiple, avec une gamme de produits étendue. La demande est structurée différemment, les opérateurs étant essentiellement privés (agences de voyages, etc.). Les effets du jeu de la concurrence qui s'exerce entre les opérateurs privés et aussi à l'égard des autres modes de transport sont examinés en détail plus loin (voir considérant 84). Au total, le marché allemand des autocars de tourisme apparaît plus dynamique que celui des autocars de ligne. Pour toutes ces raisons, la portée des barrières à l'entrée qui y subsistent est aussi moins grande, comme nous les verrons également plus loin.
2. Position de la nouvelle unité
(59) a) Dans le domaine des autobus urbains, les deux entreprises avaient en 1993 une part de marché agrégée de 44,5 % (Mercedes-Benz 42,9 %; Kässbohrer 1,6 %). Dans le même pays, le concurrent le mieux placé a été MAN, avec une part de marché avoisinant 44 %, la part de marché de Neoplan étant de l'ordre de 8 %. En 1993, les offreurs étrangers ont globalement occupé 3,5 % de ce marché (pour le détail, se reporter au tableau joint à l'annexe II).
(60) La part de marché supplémentaire, qui sera acquise par Mercedes-Benz grâce à la concentration, n'est donc pas grande. Sous l'angle de la qualité, le chevauchement des activités des deux entreprises dans le secteur des autobus urbains est moins grand encore parce que Kässbohrer n'offre pas d'autobus surbaissés au sens propre dans sa gamme de produits. Qui plus est, un certain renforcement de la position de concurrents étrangers se dessine depuis peu en Allemagne. C'est ainsi que Renault et Volvo, les deux principaux fournisseurs étrangers, y détiennent une part de marché qui est encore très petite, mais ils ont récemment décroché plusieurs marchés dans le pays. En conclusion, la concentration n'est pas de nature à créer ou à renforcer une position dominante sur le marché allemand des autobus urbains parce que l'augmentation des parts de marché de Mercedes-Benz/Kässbohrer qu'elle entraînera est négligeable et que la position de la nouvelle entité sur le marché n'est guère plus forte que celle de MAN.
(61) b) Dans le domaine des autocars de ligne, à l'issue de l'opération de concentration, la part de marché agrégée de Mercedes-Benz et de Kässbohrer dans l'Espace économique européen atteindra 41 %, ce qui traduit essentiellement l'importance des parts détenues par les deux entreprises en Allemagne. En 1993, Mercedes-Benz et Kässbohrer y ont ainsi réalisé respectivement 34,6 % et 39,1 %, soit au total 73,7 %, des ventes d'autocars de ligne dans ce pays. MAN occupait 17,7 % du marché et Neoplan 6,5 % (pour le détail, se reporter au tableau joint à l'annexe II). Sur les deux autres grands marchés que sont la France et l'Italie, les parts de marché vont très peu augmenter avec la concentration (France: 11 % en 1993, dont 7 % pour Kässbohrer et 4 % pour Mercedes-Benz; Italie: 11 % dont 1 % pour Kässbohrer et 10 % pour Mercedes-Benz).
(62) c) La position des deux entreprises qui fusionnent sur le marché allemand des autocars de tourisme est moins forte que sur celui des autocars de ligne. À partir des ventes réalisées en Allemagne en 1993, à savoir 2 188 véhicules, Mercedes-Benz et Kässbohrer auraient occupé après concentration 54 % du marché. Vient ensuite Neoplan, le concurrent le mieux placé, avec une part de marché de 27,8 %. MAN détenait quant à lui en 1993 une part de 4,3 % qu'il a réussi à porter à 7 % grâce au lancement d'un nouveau modèle. Les parts des constructeurs étrangers atteignent 10,3 % (se reporter au tableau joint à l'annexe II). L'écart entre les parts de marché des parties et celles des concurrents, en particulier de Neoplan, est donc moins grand que pour les autocars de ligne. En Autriche, Mercedes-Benz et Kässbohrer totalisent à eux deux 60 %. En étendant le marché aux deux pays, cette part serait de 55 %. Les parts de marché restantes en Autriche se répartissent entre Volvo (y compris Steyr), MAN et Neoplan.
(63) d) Les parts de marché que Mercedes-Benz et Kässbohrer vont cumuler en Allemagne pour les autocars de ligne et les autocars de tourisme à l'issue de la concentration sont incontestablement élevées. Sur la base des données de 1993, les deux entreprises ont ainsi fourni 1 473 des 2 000 autocars de ligne vendus dans le pays et 1 236 des 2 188 autocars de tourisme. Il y a lieu de s'attendre également à une certaine érosion des parts détenues, ce qui a été confirmé par des concurrents. Dans la présente affaire, la raison en est en particulier la stratégie de diversification des marques (multiple sourcing) que pratiquent de nombreux acheteurs allemands. Selon les données fournies par les parties, plus de 80 % de tous les opérateurs allemands comptent au moins deux marques différentes dans leur parc. Il ressort de l'enquête menée par la Commission qu'il y a 60 % environ des opérateurs qui comptent plus d'une marque, étant en l'occurrence entendu qu'ils possèdent en ce cas au moins deux véhicules de l'autre marque (avoir un seul autobus/autocar d'une marque différente de la marque principale ne prouve pas l'existence d'une stratégie de diversification). Les opérateurs dont le parc compte plus de 60 autobus/autocars n'exploitent parfois qu'une seule marque comme il ressort encore de l'enquête de la Commission. Il n'en reste pas moins que des opérateurs assez importants (à partir de 8 à 10 véhicules) comptent au moins deux marques différentes et poursuivent à l'évidence une stratégie de diversification. Cela est particulièrement vrai des entreprises publiques dotées de parcs importants. On peut donc s'attendre à une érosion particulièrement forte pour les autocars de ligne. Pour sa part, le petit exploitant qui espace ses achats de véhicules neufs n'a pas vraiment l'occasion de mettre en oeuvre une stratégie ciblée de diversification. Il peut au demeurant toujours brandir l'«arme» du changement de fournisseur pour obtenir des remises de prix.
(64) Enfin, la stratégie de double marque de Mercedes-Benz et Kässbohrer compensera en partie l'effet d'érosion attendu. Comme les parties l'ont fait valoir à l'audition, contrairement aux considérations de la Commission, les clientèles se recoupent très fort: [. . .]% (4) de tous les opérateurs sont dotés d'autobus/autocars Mercedes-Benz mais aussi de véhicules de la marque «Setra» de Kässbohrer. Une partie de ces opérateurs se tournera après la concentration vers d'autres fournisseurs pour éviter des relations de dépendance. À cela s'ajoute que par leur image de marque et par leurs modèles, Mercedes-Benz et Kässbohrer ont des positionnements comparables, ce qu'ils ont réussi à démontrer. C'est un fait d'expérience qu'une concentration entraîne un effet d'érosion sensible en pareille situation, comme on a pu le voir au Royaume-Uni à la suite de l'acquisition de British Leyland par Volvo.
(65) Des parts de marché élevées ne constituent pas en soi la preuve d'une position dominante. Elles ne le prouvent en tout cas pas lorsqu'il y a d'autres facteurs structurels qui peuvent changer les conditions de concurrence dans un avenir peu lointain et amènent à relativiser l'importance de la part de marché occupée par l'entreprise issue de la concentration [voir décision de la Commission du 12 avril 1991 (affaire n° IV/M.042 - Alcatel/Telettra) (5) et décision de la Commission du 12 novembre 1992 (affaire n° IV/M.222 - Mannesmann/Hoesch) (6)]. Parmi ces facteurs structurels on citera la capacité des concurrents actuels à limiter la marge de manoeuvre de la nouvelle unité, la nette progression attendue de la concurrence potentielle de compétiteurs puissants, l'éventualité d'une entrée rapide sur le marché ou encore la forte position sur le marché d'acheteurs importants. Dans la présente affaire, l'effet des parts de marché de la nouvelle unité est relative à cause de la concurrence qui s'exerce actuellement sur les marchés et surtout à cause de la concurrence potentielle prévisible, comme nous allons le voir ci-après.
(66) e) Le projet de concentration permettra à Mercedes-Benz et à Kässbohrer d'exploiter des effets de synergie et ce tout particulièrement dans le domaine de la recherche et développement, de la production et de la gestion. Kässbohrer, les achats se faisant à l'avenir en commun, tirera profit des avantages d'échelle de Mercedes-Benz. L'avantage résultant de l'uniformisation des composants est à relativiser parce que Mercedes-Benz et Kässbohrer utilisent déjà pour une très grande partie des composants uniformes. Ajoutons que des aspects auxquels la clientèle est très sensible et qui dépendent d'une oeuvre considérable comme le design et l'aménagement sont exclus du projet. Les parties font valoir à cet égard que la multiplicité des modèles est souvent plus grande chez de petits constructeurs comme van Hood et Neoplan. En ce qui concerne la distribution et les services après-vente, les effets de synergie ne seront que très faibles (dans la logistique) parce que les entreprises qui fusionnent poursuivront une stratégie de double marque à l'égard des clients, ce qui suppose une distribution et un service après-vente distincts. Les concurrents se sont, enfin, demandé si les effets de synergie prévisibles seront suffisants pour compenser les désavantages de coûts de Mercedes-Benz par rapport à ses concurrents. Ces désavantages de coûts sont énormes à en juger par les indications fournies par les parties à l'audition: par autobus/autocars, ils se situent entre [. . .] marks allemands (=[. . .]%) par rapport à Neoplan et [. . .] marks allemands (=[. . .]%) par rapport à Ikarus.
(67) Dans le domaine des autocars de tourisme, l'acquisition de Kässbohrer conférera à Mercedes-Benz un avantage spécifique dans la mesure où la marque Kässbohrer jouit dans ce secteur d'une bonne réputation alors que la position de Mercedes-Benz à cet égard est comparativement moins solide. Selon les indications fournies par Mercedes-Benz, la concentration débouche sur un élargissement de sa gamme de produits, en particulier pour les autocars à double étage et les autocars à trois essieux. Kässbohrer se caractérise en outre par la flexibilité de sa production et un potentiel reconnu pour le développement de nouveaux modèles. Comme nous l'avons déjà vu, les effets de synergie pouvant résulter de la concentration sont limités à cause de la multiplicité des types et des modes d'agencement dans ce secteur.
(68) Indépendamment des effets que la concentration peut produire, il y a aussi lieu de prendre en considération la dimension de la nouvelle unité économique Mercedes-Benz/Kässbohrer. À l'échelle du monde, Mercedes-Benz est le plus gros des constructeurs d'autobus/autocars européens. Selon des articles de presse, Mercedes-Benz a produit dans le monde, en 1992, 30 000 autobus/autocars contre moins de 6 000 unités pour Volvo qui vient pourtant au second rang. Reste que près de 19 000 véhicules de Mercedes-Benz sont fabriqués au Brésil et ne consistent pour 90 % d'entre eux qu'en châssis. Ces véhicules sont exclusivement vendus en Amérique du Sud. Grâce à Mercedes-Benz, la nouvelle unité dispose d'un réseau de distribution à l'échelle du monde, ce qui facilitera par ailleurs le commerce des véhicules d'occasion. Elle bénéficiera encore du fait que Mercedes-Benz est aussi le principal offreur de camions en Allemagne comme dans l'Espace économique européen et elle tirera aussi avantage de la puissance financière du groupe Daimler-Benz tout entier. Grâce à cette situation, Mercedes-Benz a pu pendant des années financer ses activités déficitaires de construction d'autobus/autocars par des excédents dégagés dans d'autres branches d'activité. Selon les chiffres fournis par un concurrent, il s'agirait au total de 3,2 milliards de marks allemands sur 20 ans. C'est au demeurant un compte de résultats prévisionnels qui s'explique par la politique comptable interne au groupe et dont le montant est d'ailleurs contesté par Mercedes-Benz.
3. Contestabilité de la position de Mercedes-Benz/Kässbohrer
a) Concurrence actuelle
(69) En Allemagne, les concurrents actuels sont MAN et Neoplan qui occupent une part de, respectivement, 24 % et 14 % du marché des autobus/autocars. Comme nous l'avons déjà vu, pour les autocars de ligne, la part de marché de MAN est de 17,7 % et celle de Neoplan de 6,5 %. Dans le domaine des autocars de tourisme, c'est Neoplan qui est plus puissant avec une part de 27,8 % contre 4,3 % pour MAN.
(70) MAN est une entreprise allemande de construction de matériel mécanique et de véhicules utilitaires. Le chiffre d'affaires du groupe avoisine 10 milliards d'écus (1992/1993) dont 4 milliards sont dégagés en Allemagne. Dans le domaine des véhicules, il s'établit à 3,6 milliards d'écus dont environ 500 millions pour les autobus/autocars. MAN est le seul autre constructeur intégré et donc le seul concurrent non tributaire de la sous-traitance de moteurs et tire sans doute aussi avantage de la position forte qu'il occupe sur le marché des autobus urbains. En 1993, il a de surcroît lancé un nouveau modèle d'autocar de tourisme sur le marché.
(71) Par comparaison, Neoplan est une petite entreprise familiale constructrice d'autobus/autocars dont le chiffre d'affaires a atteint 390 millions d'écus en 1993. L'entreprise n'est pas intégrée, ce qui signifie qu'elle est tributaire de constructeurs intégrés pour la fourniture de composants et donc de Mercedes-Benz, par exemple. Elle se caractérise par une grande souplesse d'action et une production peu coûteuse. Par rapport à Kässbohrer, elle a une part d'autoproduction faible et des frais de personnel nettement moins élevés que Mercedes-Benz et Kässbohrer. Elle tire surtout avantage de ces atouts dans le jeu de la concurrence avec les gros offreurs pour les autocars de tourisme. Ce marché se définit, selon un autre concurrent, par le fait que «chaque autocar y est construit sur mesure». En revanche, dans le domaine des autocars de ligne, Neoplan est un concurrent beaucoup moins important que MAN.
(72) On peut en tout état de cause s'attendre à ce que MAN mais aussi Neoplan tirent avantage du fait que les acheteurs d'autocars de ligne et de tourisme, dont le parc compte plus d'une dizaine de véhicules, s'adressent à plusieurs fournisseurs différents. Neoplan comme MAN comptent profiter de l'érosion des parts de marché de Mercedes-Benz/Kässbohrer.
(73) Enfin, divers offreurs étrangers sont déjà présents sur le marché allemand et ce notamment sur celui des autocars de tourisme. C'est en particulier le cas du constructeur néerlandais BOVA qui est parvenu, au cours des trois dernières années, à vendre en Allemagne une centaine d'autobus, soit un tiers environ de sa production annuelle. Il a réussi cet exploit avec 7 ou 8 distributeurs. Ce n'est qu'une entreprise relativement petite mais elle fait la preuve qu'il est possible de pénétrer sur le marché à partir de l'extérieur. Drögmöller, un constructeur allemand positionné sur le segment des autocars de tourisme haut de gamme, a récemment été racheté par Volvo, ainsi que le constructeur autrichien Steyr. Volvo se présente donc maintenant aussi comme un constructeur d'autocars complets sur le marché allemand alors qu'il y avait jusqu'ici uniquement livré des châssis.
(74) En Autriche, comme concurrent sur le marché en dehors de MAN et de Neoplan, il y a Volvo par l'intermédiaire de l'entreprise autrichienne Steyr. L'activité de Steyr est principalement axée sur les autocars de ligne et Volvo a déjà commencé à offrir des modèles Steyr sur le marché allemand.
b) Relations verticales
(75) Selon l'enquête de la Commission, la majorité des opérateurs allemands préfèrent acheter des moteurs de fabrication allemande. Mercedes-Benz et MAN produisent leur propre moteur; Kässbohrer et Neoplan en tant que constructeurs non intégrés achètent leurs moteurs à Mercedes-Benz essentiellement. Kässbohrer a ainsi acheté, en 1993, 2 090 moteurs à Mercedes-Benz (pour 2 348 autobus/autocars vendus dans l'EEE). Kässbohrer a indiqué qu'il avait essayé, sans succès, de vendre des véhicules équipés de moteurs Scania. Neoplan utilise aussi à raison de 80 % environ des moteurs Mercedes-Benz de même que des moteurs MAN et à raison de 3 % des moteurs KHD-Deutz. Neoplan s'est heurté dans le passé à diverses reprises, notamment dans les années 1980 pour des moteurs d'autobus urbains, à des difficultés de livraison avec Mercedes-Benz [. . .] (7).
(76) Du point de vue technique, rien ne permet de penser que les moteurs étrangers sont de qualité inférieure, si l'on en juge par le succès des constructeurs de camions étrangers (Volvo, Scania) en Allemagne. La préférence pour les moteurs allemands est souvent motivée par des considérations personnelles et des facteurs tels que la confiance et l'expérience. Elle a dans le passé été particulièrement forte chez les acheteurs privés et surtout chez les opérateurs de voyages. Dans une enquête effectuée par la Commission, les acheteurs ont affecté à l'utilisation d'un moteur allemand un coefficient moyen de 3,9 sur une échelle de valeur allant de 1 à 5. Les offreurs étrangers non intégrés peuvent toujours monter des moteurs Mercedes-Benz, MAN ou KHD-Deutz sur les véhicules vendus à des clients tant privés que publics. L'exemple de BOVA montre aussi que les offreurs étrangers peuvent réussir sur le marché sans moteur allemand pour peu qu'ils offrent un produit conforme aux tendances du marché. BOVA équipe les autobus/autocars destinés au marché allemand de moteurs DAF et les véhicules destinés au marché français de moteurs Mercedes-Benz.
(77) Les offreurs intégrés étrangers comme Volvo, Renault ou Iveco sont pour leur part à même d'offrir à la clientèle toute une gamme d'autobus/autocars complets, le cas échéant à un prix qui est attrayant pour l'opérateur sensible au prix (voir à cet égard les considérants 83 et suivants). Qui plus est, des concurrents comme Volvo considèrent ouvertement que leurs moteurs sont au moins aussi bons que ceux de Mercedes-Benz et rappellent à juste titre qu'ils mettent à la disposition de l'opérateur qui achète un de leurs produits leurs réseaux de réparation et d'entretien des camions. Les marchés que des entreprises comme Renault et Volvo ont décroché dans le cadre d'adjudications publiques, dont il sera question plus loin, montrent bien que les moteurs étrangers sont considérés comme acceptables par les entreprises publiques.
(78) Enfin, Mercedes-Benz s'est engagée par écrit dans le cadre de la présente procédure à livrer aux constructeurs d'autobus/autocars européens qui ne fabriquent pas de moteurs eux-mêmes (constructeurs non intégrés) et qui n'ont pas de lien de groupe avec un constructeur de moteurs, des moteurs de sa fabrication pour les véhicules qui seront vendus à l'intérieur de l'Espace économique européen. Contrairement aux dispositions applicables pour les autobus/autocars proprement dits, les conditions de livraison de ces moteurs ne seront pas discriminatoires eu égard en particulier aux prix, aux rabais, aux délais de livraison, aux garanties et à la maintenance (voir le texte de la déclaration joint à l'annexe V).
c) Concurrence potentielle
(79) Le rôle de la concurrence potentielle que des offreurs étrangers peuvent exercer sur le marché allemand est capital pour que la marge de manoeuvre de Mercedes-Benz soit suffisamment contrôlée par le jeu de la concurrence à l'issue de la concentration. Il s'agit de l'augmentation des importations réelles qu'il y a lieu d'en attendre, c'est-à-dire de l'élargissement de la position occupée par les offreurs étrangers qui sont déjà présents sur le marché allemand, d'une part, et des importations qui seront réalisées par des offreurs qui vont arriver sur le marché, d'autre part. La concurrence potentielle peut aussi limiter la marge de manoeuvre de la nouvelle unité par le simple fait que les offreurs étrangers vont soumettre aux demandeurs des offres compétitives, même si celles-ci ne se concrétisent pas toujours dans les faits. La portée de la concurrence potentielle ne se mesure donc pas seulement au nombre des véhicules effectivement importés mais aussi à l'ampleur des activités des offreurs étrangers pour toucher les demandeurs allemands potentiels (se reporter aux considérants 96 et suivants).
(80) En volume, l'Allemagne constitue de loin le plus gros marché des autobus/autocars en Europe occidentale. La Commission a constaté que les principaux concurrents étrangers avaient un intérêt stratégique à entrer sur ce marché. La très grande faiblesse des importations observée dans le passé ne s'explique pas seulement par les barrières immatérielles à l'entrée déjà évoquées mais aussi par le fait que les produits des offreurs étrangers n'étaient pas pleinement adaptés à la demande sur le marché allemand. C'est ainsi que les constructeurs allemands avaient une avance technique certaine dans le domaine des véhicules surbaissés qui ont d'abord été mis au point en Allemagne. Dans le domaine des autocars de ligne et de tourisme, des offreurs qui, comme Volvo, étaient essentiellement des constructeurs de châssis ont eu des difficultés parce que la demande sur le marché allemand, contrairement au marché scandinave ou au marché espagnol, porte surtout sur des autobus/autocars complets. Le problème de l'inadaptation de la gamme de produits au marché allemand est maintenant largement surmonté. La fédération BDO représentant les opérateurs privés mais aussi la fédération VDV représentant les opérateurs publics ont unanimement confirmé que les autobus/autocars étrangers étaient devenus compétitifs sur le marché allemand. Selon les indications fournies par la fédération VDV, ce sera aussi prochainement le cas pour les véhicules surbaissés. La part des importations sur le marché allemand des autobus/autocars a d'ailleurs régulièrement augmenté depuis 1989. Avec 5,6 % en 1994, elle reste il est vrai relativement faible. Rappelons cependant que la part actuelle a été conquise en quelques années.
(81) Divers facteurs importants portent à penser que la concurrence d'offreurs étrangers va se renforcer sensiblement sur le marché allemand au cours des prochaines années, à en juger notamment par les premiers succès qu'ils y ont déjà remportés. Outre la dimension du marché allemand déjà évoquée, la directive relative à la passation des marchés publics, qui a été transposée en Allemagne en 1994, a déjà entraîné une modification des conditions de concurrence et ce tout particulièrement dans le domaine des autobus urbains et des autocars de ligne, comme nous allons le voir plus loin. À cela vient s'ajouter la pression des coûts qui s'exerce sur les entreprises publiques de transport et qui est due à la situation financière tendue des communes et à l'amputation des subventions en faveur des transports publics locaux. Dans le domaine des autocars de tourisme, les principaux facteurs à citer sont la pression concurrentielle qui pèse sur les opérateurs privés et qui les pousse à acheter des autobus/autocars au meilleur prix et la modification des comportements d'achat qui vont relativiser à l'avenir les relations clients-fournisseurs et la fidélité à la marque, comme nous les verrons aussi plus loin. La majeure partie des opérateurs interrogés par la Commission ont indiqué qu'ils réagiraient à une augmentation de prix de 5 à 10 % en se tournant vers un autre fournisseur. Sur la base de l'expérience des études de marché, une telle réponse n'a qu'une valeur significative limitée mais elle a expressément été rappelée à l'audition par les fédérations VDV et BDO. Tous ces facteurs laissent supposer, en conclusion, que le marché allemand des autobus/autocars va s'ouvrir progressivement à la concurrence étrangère sur tous ses segments.
aa) Barrières à l'entrée sur le marché
- Relations entre clients et fournisseurs
(82) Les relations clients-fournisseurs ont tendance à se construire sur le long terme et à revêtir un aspect personnel. Actuellement, elles entravent surtout l'accès au marché allemand pour les autocars/autobus. Un offreur potentiel doit surmonter ces barrières en consacrant du temps et de l'argent à des démarches auprès de la clientèle. Selon un offreur d'autobus/autocars, l'activité est une «affaire de relations» (Geschäft über Beziehungen).
(83) Contrairement à ce qui se passe pour certains biens de consommation, pour lesquels les acheteurs se montrent plus souvent peu sensibles aux prix [voir décision de la Commission du 21 juin 1994 (affaire n° IV/M.430 - Procter & Gamble/VP Schickedanz (II) (8) et décision de la Commission du 22 juillet 1992 (affaire n° IV/M.190 - Nestlé/Perrier) (9)], les acheteurs de biens d'équipement industriels basent en général leur décision d'achat sur une analyse de coûts-avantages. On ne saurait certes exclure que ces mêmes acheteurs ne fondent pas toujours leur décision d'achat uniquement sur le prix (10) et sur d'autres critères rationnels. Cela n'est cependant pas le cas dans l'affaire qui nous intéresse.
(84) Les autobus/autocars sont des biens d'équipement et représentent un gros facteur de coût pour les opérateurs. Les coûts d'exploitation, y compris l'amortissement mais à l'exclusion des frais du personnel de conduite, comptent habituellement pour plus de 25 % dans les coûts totaux pour l'opérateur. Les opérateurs privés sont soumis à la concurrence d'autres opérateurs pour obtenir des concessions. Les opérateurs privés et publics de services de ligne ont peut-être été moins sensibles aux prix que les opérateurs de tourisme parce que les services réguliers de transport public sont subventionnés en Allemagne (11). Ce facteur va cependant s'atténuer parce que les subventions prévues par la loi GVFG vont être réduites de moitié à la fin de 1996. Les opérateurs publics doivent, en outre, faire face à la pression des coûts et à des contraintes budgétaires. Sur la base d'articles parus dans la presse, les frais liés au personnel de conduite dans le service public, en Rhénanie du Nord-Westphalie, par exemple, sont supérieurs de 70 % à ceux d'entreprises privées. Les opérateurs publics ont donc tendance à vouloir privatiser une partie de leurs activités ou à assurer certaines lignes sous un autre pavillon (ausflaggen).
(85) La baisse du nombre de voyageurs transportés par rapport au train, à l'avion et à la voiture particulière a conduit à aggraver la situation économique des activités de transport par autobus/autocars. Les voyages touristiques par autocar ont ainsi reculé de 16,5 % en 1994, confirmant une tendance d'évolution que la fédération BDO a bien décrite en soulignant que l'autobus/autocar était un «oublié de la croissance» dans le secteur du tourisme en Allemagne. Comme cette même fédération l'a expliqué à l'audition, cette évolution a déjà entraîné une chute des prix des activités de transport par autobus/autocar dans de nombreux segments du marché touristique et des surcapacités et, partant, une très vive concurrence par les prix qui contraint les opérateurs à économiser sur le mode d'aménagement. Certains signes donnent à penser que les opérateurs sont déjà devenus moins exigeants à cet égard, ce qui va accroître les chances des autobus/autocars étrangers plus simples mais encore suffisamment bien aménagés. Alors que, selon les concurrents interrogés, le prix d'achat n'a jusqu'ici été que l'un des nombreux paramètres pris en considération au moment de l'achat et que la pénétration du marché par une stratégie de bas prix n'avait guère de chance d'aboutir, le prix va désormais jouer un rôle plus important. Cette évolution devrait profiter à une entreprise comme Neoplan qui offre actuellement des autobus/autocars meilleur marché que ceux de Kässbohrer ainsi qu'à d'autres constructeurs plus petits et souples présents en Belgique et aux Pays-Bas notamment (Bova, Den Oudsten, Van Hool). Sur la base des investigations de la Commission, les achats de véhicules étrangers vont augmenter parce que leur prix d'acquisition est meilleur.
- Fidélité à la marque
(86) L'évolution du marché ainsi décrite va également produire des effets sur la fidélité à la marque. Celle-ci était particulièrement marquée chez les entreprises privées, le plus souvent de petite et moyenne dimension, mais aussi pour partie chez les entreprises publiques. Dans ce contexte, on doit également tenir compte, comme indiqué plus haut, du fait que les entreprises dotées d'un parc d'environ 10 autobus exploitent pour la plupart deux marques différentes. Il ne fait aucun doute que les entreprises avec un parc d'une cinquantaine de véhicules mènent une politique de diversification de leurs fournisseurs. Avec un parc de cette taille, il y a, selon les clients, beaucoup plus d'avantages à ne pas dépendre d'un seul fournisseur que d'avoir un parc homogène, pour ce qui concerne le service après-vente et les pièces détachées. Comme on l'a déjà vu (voir considérant 57), les 17 sociétés d'autocars régionales de la Deutsche Bahn ont un parc de 350 autocars en moyenne. Les sociétés de transport municipales, qui sont en partie organisées en réseaux interconnectés, atteignent souvent une taille comparable. De même, dans le secteur privé, les parcs de plus de 50 autobus jouent un rôle important. 5 % seulement de toutes les entreprises privées appartiennent à cette dernière catégorie (302 sociétés), mais elles détiennent plus de 40 % du parc total d'autocars/autobus du privé. L'existence d'une politique de diversification des approvisionnements pour une grande partie de la demande relativise donc la portée de la fidélité à la marque comme barrière à l'entrée. Cela est particulièrement vrai après la concentration Mercedes-Benz/Kässbohrer, car, ainsi qu'il est mentionné plus haut (considérant 63), les clients de ces entreprises qui suivent une politique de diversification vont pour beaucoup aussi s'adresser à d'autres fournisseurs. Les nettes préférences pour les marques nationales, décrites il y a quatre ans dans la décision Renault/Volvo (référence citée, considérant 17) comme constituant des barrières importantes à l'entrée sur le marché, commencent à s'estomper de façon sensible ainsi que l'a révélé l'enquête de la Commission sur les comportements en matière d'achat et les attitudes à l'égard des autobus/autocars étrangers en Allemagne. La fédération BDO a fait valoir à cet égard que les comportements d'achat des opérateurs privés reposaient de moins en moins sur les relations personnelles et tenaient davantage à des considérations de gestion concernant le prix et la rentabilité. Il y a lieu de s'attendre à ce que cette évolution s'amplifie avec le renforcement du jeu de la concurrence entre les opérateurs.
(87) Enfin, le rôle de la fidélité à la marque est à relativiser parce que la politique des opérateurs privés est de plus en plus déterminée par la faible durée des cycles de vie des véhicules et la nécessité permanente d'adapter les parcs aux niveaux d'aménagement requis par le marché.
- Réseau de distribution et de services après-vente
(88) Se doter d'un réseau opérationnel de distribution et de services après-vente est indispensable pour les opérateurs. Les constructeurs allemands, et en particulier Mercedes-Benz, Kässbohrer et MAN, disposent d'un réseau relativement dense de distribution et de services après-vente. Si chez Mercedes-Benz, l'entretien des autobus/autocars s'effectue actuellement dans des ateliers servant aux camions et autres véhicules utilitaires, chez Kässbohrer, les services de maintenance et de réparation sont assurés dans 84 ateliers contractuels. Kässbohrer vend par l'intermédiaire de six établissements lui appartenant en propre mais aussi par celui de 26 distributeurs exclusifs. Pour le service après-vente, MAN compte 160 établissements propres et 210 ateliers contractuels. Un constructeur non intégré qui arrive sur le marché doit donc supporter pendant un certain temps le coût d'un service dont la capacité ne sera pas pleinement exploitée au départ ou alors faire appel au réseau d'un autre constructeur. Selon l'enquête de la Commission, le coût d'un réseau de distribution et de services après-vente ne constitue pas une barrière à l'entrée insurmontable. Les frais à engager pour monter un centre de services ont été évalués par des offreurs étrangers et se situent entre 30 000 marks allemands et 100 000 marks allemands. En se fondant sur la nécessité indiquée par les parties de disposer d'un réseau de 80 centres pour couvrir tout le marché allemand, il faut donc compter 5 millions de marks allemands au total. Rappelons cependant qu'un offreur n'a besoin que d'un petit nombre de centres lui appartenant et peut travailler avec des ateliers contractuels qui ne lui occasionnent aucun frais particulier. On citera l'exemple de Bova qui assure ses ventes en Allemagne par l'intermédiaire de sept distributeurs exclusifs et travaille avec des ateliers contractuels dont des ateliers DAF pour camions; selon cette entreprise, les pièces de rechange sont livrables sur tout le territoire allemand en vingt-quatre heures. Elle assure par ailleurs aussi une partie de ses ventes en collaboration avec Den Oudsten.
(89) Des constructeurs intégrés tels que Volvo, Scania, Renault et Iveco peuvent ouvrir aux autobus/autocars des centres conçus au départ pour les camions. Selon les indications des parties, Volvo compte 133 centres, Renault 188 centres et Iveco jusqu'à 501 centres. Cette double utilisation est notamment possible dans la mesure où les autobus/autocars et les camions ont en commun des composants mécaniques sujets à l'usure tels les moteurs. Certes, les autobus/autocars requièrent en outre des services spécifiques qui exigent des investissements particuliers pour équiper les centres et former le personnel. Ces dépenses sont au demeurant généralement considérées comme plutôt mineures et comme facilement supportables par les entreprises citées. Les clients de constructeurs non intégrés comme Van Hool peuvent utiliser les ateliers de constructeurs intégrés pour les composants mécaniques. Comme le montre l'exemple de Wuppertaler Stadtwerke, un constructeur d'autobus/autocars, en l'occurrence Ikarus, peut s'entendre avec un gros acheteur pour en transformer les ateliers en ateliers contractuels. La très grande majorité des acheteurs (déjà à partir d'entreprises comptant 8 à 10 autobus) ont leur propre atelier qui leur assure l'autonomie pour les travaux courants de maintenance et les petites réparations.
(90) Enfin, dans le cadre de la procédure de contrôle de l'opération de concentration, Mercedes s'est déclarée prête à mettre un terme aux classes d'exclusivité des distributeurs et des garages sous contrat de Kässbohrer. Ces derniers peuvent par conséquent prendre en charge des activités de distribution et de service pour le compte de constructeurs étrangers et de leurs filiales allemandes (voir le texte de la déclaration l'annexe V).
- Coûts de transfert (switching costs)
(91) Toute marque d'autobus/autocars occasionne à l'opérateur des frais liés à la formation, aux outils et à la nécessité de disposer d'un stock de pièces de rechange. Aussi l'acheteur préférera-t-il généralement avoir le moins de marques différentes dans son parc. Par ailleurs, le constructeur supporte habituellement une partie des coûts de transfert pour inciter un client à acheter sa marque. Une partie seulement des coûts supplémentaires va ainsi peser sur l'acheteur qui voudra changer de fournisseur. Ces coûts ne sont pas importants comparés au coût total d'un autobus/autocar et n'empêchent pas non plus des opérateurs de moyenne dimension (comptant une dizaine de véhicules au moins) de mettre en oeuvre une stratégie multimarque. À partir d'un modèle de calcul établi par la société de conseil allemande DEKRA, Mercedes-Benz a chiffré les coûts de transfert à 25 000-30 000 marks allemands en moyenne (à l'achat de 5 autocars de tourisme d'une valeur de 2,2 millions de marks allemands). Cela ne représente que 0,4 % du coût total d'un autocar de tourisme moyen pendant sa durée de vie (life cycle costs).
- Prix et conditions de reprise
(92) Lorsqu'il achète un autobus/autocar neuf, l'acheteur va aussi prendre en considération le prix auquel il peut espérer revendre son ancien véhicule. Selon des informations fournies par des concurrents et certains opérateurs, les prix de rachat sont de 5 à 10 % plus élevés lorsque le fournisseur d'origine reprend le véhicule. Ce n'est pour autant pas toujours le cas. Divers opérateurs pensent pouvoir obtenir un meilleur prix en faisant reprendre leur ancien véhicule à l'achat d'un véhicule neuf d'une marque concurrente. Il y a aussi un important marché de l'occasion et de nombreux opérateurs préfèrent vendre eux-mêmes leur ancien véhicule et négocier de meilleures conditions à l'achat d'un véhicule neuf. Enfin, les entreprises publiques gardent beaucoup plus longtemps leurs véhicules en circulation que leurs homologues du privé.
(93) Pour finir, sur le marché allemand, les prix élevés des autobus/autocars d'occasion de marque Mercedes-Benz ou Kässbohrer ne représentent pas un obstacle pour les offreurs étrangers qui pratiquent des prix plus bas. S'il est vrai que ceux-ci ont une marge bénéficiaire plus réduite quand ils reprennent un véhicule de marque Mercedes-Benz par exemple, le manque à gagner est compensé à la revente de ce véhicule sur le marché de l'occasion.
- Réglementation et normes techniques
(94) La fédération VDV publie des recommandations cadres pour les autobus urbains et les autocars de ligne lesquelles servent de lignes directrices aux opérateurs qui sont membres, et aux plus petits d'entre eux en particulier, pour les appels d'offres lancés conformément aux directives communautaires sur les marchés publics. Ces recommandations sont également appliquées par de gros opérateurs tels que la Deutsche Bahn AG. Elles ont dans une certaine mesure déjà amené une certaine standardisation sur le marché allemand des autobus urbains et des autocars de ligne. Rien ne porte à penser qu'elles ont pour effet une discrimination à l'encontre des constructeurs étrangers; elles incitent au contraire ces derniers à s'adapter aux modèles standards.
bb) Marchés publics
(95) Dans le passé, le comportement en matière d'achat des entreprises publiques allemandes de transport par autobus/autocar était régi par le règlement concernant les marchés de prestations de services (Verdingungsordnung für Leistungen - ausgenommen Bauleistungen - VOL) qui obligeait uniquement les entreprises à inclure des fournisseurs allemands dans la procédure d'attribution des marchés. Depuis la transposition de la directive 90/531/CEE sur la passation des marchés dans les secteurs exclus, qui a pris effet au 1er mars 1994, les marchés passés par des adjudicateurs publics et des adjudicateurs concessionnaires privés et qui atteignent un certain montant doivent faire l'objet d'appels d'offre à l'échelle de la Communauté (voir considérant 37). Il s'ensuit que la majeure partie des achats d'autobus urbains et d'autocars de ligne sont désormais soumis à une procédure d'adjudication à l'échelle communautaire. La condition essentielle de l'ouverture du marché allemand sur les deux segments de marché est ainsi remplie même si les directives communautaires en cause ne sont pas encore entièrement transposées en Allemagne comme nous l'avons déjà vu. La plus grande transparence des besoins de marchés publics pour les offreurs étrangers va accroître les chances de ces derniers dans le jeu de la concurrence.
(96) Même si les statistiques disponibles ne sont pas exhaustives, sur la base des investigations de la Commission, diverses données attestent déjà de l'efficacité de la directive «secteurs exclus» dès sa première année d'application en Allemagne. C'est ainsi que le nombre des adjudications d'autocars/autobus à l'échelle européenne y a considérablement augmenté par rapport aux années précédentes:
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En ce qui concerne la participation d'offreurs étrangers à des appels d'offres sur le marché allemand qui, avant 1994, ne relevaient généralement pas de procédures à l'échelle européenne, la Commission dispose des chiffres suivants:
>EMPLACEMENT TABLE>
(97) Il ressort de ces chiffres que les offreurs étrangers ont notablement augmenté leur participation aux procédures d'appel d'offres dans les marchés publics en 1994. Le nombre de cas où la participation a abouti à l'attribution du marché a parfois été élevé. Il est vrai que la Commission ne dispose pas encore de données exhaustives sur le nombre de véhicules compris dans chaque marché décroché; il ressort d'exemples fournis par la fédération VDV que des offreurs étrangers ont emporté des marchés très importants (par exemple Renault à Dresde: 23 véhicules; Renault à Sarrebrück: plus de 10 véhicules; Ikarus à Wuppertal: 19 véhicules; Van Hool à Duisbourg: 10 véhicules; Den Oudsten à Francfort: 40 véhicules). D'une manière générale, on peut en conclure que ce n'est pas seulement l'attribution d'un marché à un offreur étranger mais déjà l'offre compétitive d'un tel offreur en amont qui exerce une pression concurrentielle sur les offreurs nationaux. À cet égard, les parties ont fait valoir qu'il y avait désormais les offres de concurrents étrangers dans 60 % des procédures de marchés publics. Cette estimation, sur la base de données déjà disponibles, n'apparaît pas irréaliste.
(98) Les données ainsi exposées portent à conclure que la directive communautaire a déjà eu des conséquences non négligeables dès sa première année d'application. On peut considérer que la présence déjà perceptible d'offreurs étrangers va progressivement augmenter à l'avenir, pour diverses raisons. Outre l'importance du marché allemand et la disponibilité actuelle de produits étrangers qui répondent aux besoins de ce marché, il convient avant tout de souligner la pression des coûts auxquels les entreprises assurant des services de lignes sont soumises. La situation financière tendue des communes et la diminution des subventions à l'achat d'autocars destinés aux services de ligne à la suite de la réforme du financement des transports municipaux amèneront les entreprises en question à se montrer encore plus sensibles aux prix qu'auparavant et les amèneront aussi à se tourner davantage vers des offreurs étrangers ou encore à brandir l'arme d'offres concurrentielles comme moyen de pression sur les offreurs nationaux. À l'audition, le représentant de la fédération VDV a cité l'exemple des chemins de fer urbains où les entreprises de transport public sont parvenues à exercer une pression très forte sur les prix en attribuant davantage de marchés à des offreurs étrangers. Contrairement au secteur des autobus/autocars, on trouvait déjà dans le domaine des chemins de fer des produits étrangers qui étaient parfaitement adaptés aux exigences allemandes. La fédération VDV a bien souligné qu'une évolution comparable allait se produire très prochainement aussi dans le domaine des autocars/autobus où on trouve désormais des produits d'offreurs étrangers parfaitement compétitifs.
d) Conclusion
(99) Il ressort de toutes ces considérations que la présente concentration va certes augmenter de manière significative les parts de marché détenues sur les segments des autocars de ligne et des autocars de tourisme et débouchera sur une part de marché importante sur le marché tout entier mais qu'elle n'est pas de nature à créer une position dominante. La marge de manoeuvre de l'entreprise issue de l'opération sera limitée par le jeu de la concurrence qui s'exerce déjà actuellement essentiellement entre les offreurs nationaux dont les parts de marché devraient profiter des effets d'érosion inévitables au détriment de Mercedes-Benz. Par ailleurs, la marge de manoeuvre sera au premier chef limitée par la concurrence potentielle d'offreurs étrangers qui vont à l'avenir consolider leur position encore relativement précaire et assurer une contrôle concurrentiel suffisant grâce à l'augmentation progressive d'offres compétitives. Compte tenu de la pression concurrentielle qui s'exerce dans les activités touristiques de transport privées et de la pression des coûts dans les activités de ligne, les opérateurs allemands sont fatalement amenés à jouer sur la concurrence étrangère pour réguler le marché allemand. Cela est maintenant devenu tout à fait possible parce qu'il y a désormais suffisamment de produits étrangers disponibles qui répondent aux exigences de ce marché.
(100) Dans ce contexte général, on peut s'attendre à ce que l'importance des barrières immatérielles à l'entrée qui résultaient dans le passé de relations clients-fournisseurs étroites et de la fidélité à la marque va aller en s'estompant de plus en plus rapidement. Les barrières matérielles à l'entrée comme la construction ou le développement d'un réseau de vente et de services après-vente peuvent être surmontées en engageant des dépenses qui ne devraient pas jouer un grand rôle au regard de la dimension du marché. Ces considérations sont à tout le moins valables pour les offreurs qui considèrent l'entrée sur le marché allemand comme un objectif stratégique. C'est ce que font au demeurant apparaître les investigations de la Commission. La concurrence de plus en plus vive d'offreurs étrangers est, par ailleurs, favorisée dans le segment des autobus urbains et des autocars de ligne par la directive relative à la passation des marchés publics, laquelle a déjà produit des effets notables au cours de sa première année d'application en Allemagne. Au total, on peut considérer que le marché allemand va s'ouvrir à la concurrence à l'échelle de la Communauté. Cette évolution qui se conjugue avec la concurrence actuelle est une garantie suffisante que Mercedes-Benz ne sera pas en mesure, à l'issue de la concentration, de se comporter dans une mesure appréciable indépendamment de ses concurrents et des acheteurs.

D. POSITION DOMINANTE OLIGOPOLISTIQUE
(101) La structure de l'offre qui en résultera en Allemagne peut amener à penser que la concentration est de nature à créer ou à renforcer l'oligopole que les gros offreurs que sont Mercedes-Benz/Kässbohrer et MAN forment sur le marché des autobus urbains, d'une part, et sur celui des autocars de ligne et le cas échéant des autocars de tourisme, d'autre part, ainsi que Neoplan pour les deux derniers marchés cités. Aucun élément disponible ne permet à la Commission de confirmer cette hypothèse.
(102) Sur le marché des autobus urbains, Mercedes-Benz et MAN détiendront ensemble une part de marché de 87,2 %. Il n'importe pas au demeurant de savoir s'il existe de la sorte déjà une structure duopolistique, car la concentration avec Kässbohrer ne fait croître la part de marché de Mercedes-Benz que de 1,6 %. L'opération ne change donc guère le marché du point de vue structurel et n'est pas de nature à créer ou à renforcer un duopole. Cette conclusion est corroborée par le fait que Kässbohrer n'a jamais fabriqué d'autobus urbain à plancher surbaissé et donc concurrentiel sur le marché.
(103) Dans le domaine des autocars de ligne et des autocars de tourisme, comme nous l'avons vu, le marché allemand a jusqu'ici été marqué par une vive concurrence, ce qui exclut pour le moment toute position dominante oligopolistique. L'opération va accroître fortement le degré de concentration sur les deux marchés: les trois constructeurs Mercedes-Benz/Kässbohrer, MAN et Neoplan couvrent ainsi près de 98 % du marché pour les autocars de ligne et près de 90 % pour les autocars de tourisme.
(104) Pour autant, aucun élément ne permet de considérer que le degré plus poussé de concentration va déboucher sur une situation oligopolistique. La position sur le marché des différents concurrents, leurs ressources et leurs intérêts diffèrent beaucoup et les produits sont très hétérogènes. Au contraire, on doit plutôt s'attendre à ce que MAN et Neoplan intensifient leurs activités concurrentielles pour gagner de nouveaux clients à la faveur de l'effet d'érosion prévisible. Les relations économiques qui existent entre Neoplan et Mercedes-Benz ne s'y opposent pas. Comme nous l'avons déjà vu, l'importance économique des moteurs dans l'autobus/autocar tout entier est réduite. Neoplan dispose de surcroît en principe d'autres sources d'approvisionnement et achète déjà des moteurs à plusieurs offreurs différents. Enfin, ainsi qu'il a déjà été dit, il existe aussi une concurrence potentielle d'offreurs étrangers intégrés et non intégrés, qui va suffisamment restreindre la marge d'action du groupe de gros offreurs.

E. APPRÉCIATION D'ENSEMBLE
(105) Sur la base de ses investigations, la Commission est parvenue à la conclusion que l'opération de concentration ne va pas conférer à Mercedes-Benz et à Kässbohrer une marge de manoeuvre qui n'est pas suffisamment contrôlée par le jeu de la concurrence. Cette opération n'est pas non plus de nature à créer une situation de domination commune des grands offreurs allemands sur les marchés en cause.
(106) Sur le marché des autobus urbains, l'opération de concentration ne renforce guère la position de Mercedes-Benz et de Kässbohrer. Sur les marchés des autocars de ligne et des autocars de tourisme, la nouvelle unité va acquérir une part qui sera importante. Mais aussi élevée que soit cette part, qui est au demeurant appelée à s'éroder à cause de la concurrence actuelle entre les offreurs allemands et surtout à cause de la concurrence potentielle d'offreurs étrangers, l'unité Mercedes-Benz/Kässbohrer ne sera pas en mesure d'agir dans une mesure appréciable indépendamment de ses concurrents et clients.
(107) Par ailleurs, en dehors de l'Allemagne et de l'Autriche, il n'y a pas lieu de s'attendre à ce que l'opération de concentration en cause crée ou renforce une position dominante.

V. CONCLUSION
(108) Sur la base de toutes ces considérations, le projet de concentration n'est pas de nature à créer ou à renforcer une position dominante ayant pour conséquence d'entraver de manière significative une concurrence effective dans la Communauté. Il est, dès lors, compatible avec le marché commun et le bon fonctionnement de l'EEE en vertu de l'article 2 paragraphe 2 du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
L'opération notifiée de concentration entre Mercedes-Benz AG et Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH est compatible avec le marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2
Mercedes-Benz AG
D-70546 STUTTGART
est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 14 février 1995.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO n° L 395 du 30. 12. 1989, p. 1. JO n° L 257 du 21. 9. 1990, p. 13 (rectificatif).
(2) Décision du 7 novembre 1990 (affaire n° IV/M.004 - Renault/Volvo, considérant 15); décision du 3 juin 1991 (affaire n° IV/M.092 - Renault/Heuliez, considérant 5).
(3) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations sont omises conformément aux dispositions de l'article 17 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064/89 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(4) Plus de 50 %.
(5) JO n° L 122 du 17. 5. 1991, p. 46, considérant 38.
(6) JO n° L 114 du 8. 5. 1993, p. 34, considérant 91.
(7) Récemment, un accord de fourniture a cependant été conclu (le détail de cet accord constitue un secret d'affaires).
(8) JO n° L 354 du 31. 12. 1994, p. 32.
(9) JO n° L 356 du 5. 12. 1992, p. 1.
(10) Le prix s'entend ici au sens de rapport qualité/prix, étant donné que non seulement le prix d'achat mais aussi le coût des pièces de rechange, la rentabilité à l'usage, l'amortissement, etc., représentent des critères importants pour des biens d'équipement tels que les autobus/autocars.
(11) En Allemagne, les opérateurs tant publics que privés obtiennent une subvention de l'ordre de 30 % du prix d'achat, en vertu de la loi sur le financement des transports municipaux (Gemeinde-Verkehrs-Finanzierungs-Gesetz - GVFG), dans la mesure où le nouveau véhicule est affecté à un trafic de ligne régulier pour plus de deux tiers du temps (le pourcentage exact varie selon le Land) pendant une période de 10 ans au moins et où certaines conditions concernant l'aménagement (poignées de maintien, double largeur de porte, description de la ligne) sont remplies.



ANNEXE I a

COMPARAISON DES PARTS DE MARCHÉ DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE Résultats annuels (1980-1994) (1994: janvier à novembre)
>DEBUT DE GRAPHIQUE>
>FIN DE GRAPHIQUE>

Année


ANNEXE I b

COMPARAISON DES PARTS DE MARCHÉ DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE Autobus urbains (1984-1994) (1994: janvier à novembre)
>DEBUT DE GRAPHIQUE>
>FIN DE GRAPHIQUE>

Année


ANNEXE I c

COMPARAISON DES PARTS DE MARCHÉ DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE Autobus de ligne (1984-1994) (1994: janvier à novembre)
>DEBUT DE GRAPHIQUE>
>FIN DE GRAPHIQUE>

Année


ANNEXE I d

COMPARAISON DES PARTS DE MARCHÉ DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE Autobus de tourisme (1984-1994) (1994: janvier à novembre)
>DEBUT DE GRAPHIQUE>
>FIN DE GRAPHIQUE>

Année


ANNEXE II
>EMPLACEMENT TABLE>



ANNEXE III
>EMPLACEMENT TABLE>



ANNEXE IV
>EMPLACEMENT TABLE>



ANNEXE V
Mercedes-Benz
Comité directeur
Le 20 décembre 1994
Commission des Communautés
européennes
rue de la Loi 200
B-1049 Bruxelles
Affaire n° IV/M.477 - Mercedes-Benz/Kässbohrer
Mesdames et Messieurs,
En cas de décision de compatibilité en vertu de l'article 8 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064/89, nous prenons les engagements suivants vis-à-vis de la Commission.
1) Lorsqu'elle aura pris le contrôle de Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH, Mercedes-Benz AG fera le nécessaire pour que cette entreprise adresse à ses distributeurs exclusifs et ateliers contractuels en Allemagne les lettres jointes en appendices 1 et 2. Elle donnera ainsi la possibilité aux offreurs d'autobus/autocars étrangers, y compris leurs filiales allemandes, de nouer des relations contractuelles durables avec les partenaires de Kässbohrer dans le domaine de la distribution et des services.
2) Mercedes-Benz AG livrera sans aucune restriction aux constructeurs européens d'autobus/autocars, qui ne fabriquent pas eux-mêmes de moteurs et qui n'ont pas non plus de lien de groupe avec un producteur de moteurs, des moteurs Mercedes-Benz destinés à être montés sur des véhicules qui seront vendus dans l'Espace économique européen. Contrairement aux autobus/autocars proprement dits, les conditions de livraison applicables aux moteurs seront les mêmes pour tout le monde en ce qui concerne particulièrement les prix, les remises sur les prix, les délais de livraison, les garanties, la maintenance et diverses autres conditions contractuelles. Cette mesure doit permettre aux constructeurs de compenser les désavantages concurrentiels dont ils pourraient souffrir s'ils montaient d'autres moteurs sur les autobus/autocars qu'ils vendent dans l'Espace économique européen. Mercedes-Benz est prête à réexaminer avec la Commission cet engagement s'il vient à créer des distorsions de concurrence inacceptables.
Formule de politesse
Mercedes-Benz Aktiengesellschaft
(signature)
Dr. Gottschalk
(signature)
Zimmer

Appendice 1
Lettre de Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH aux distributeurs exclusifs en Allemagne
Contrat de distribution exclusive
Mesdames et Messieurs,
En vertu du contrat de distribution exclusive conclu entre votre entreprise et notre société, vous ne pouvez pas travailler pour d'autres entreprises, et en particulier pour des concurrents de notre société, sans notre consentement. Compte tenu de l'issue favorable de la procédure de contrôle de la concentration Mercedes-Benz AG/Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH par la Commission européenne à Bruxelles, nous vous informons que vous être désormais habilités à travailler non seulement pour notre société mais aussi pour des offreurs étrangers d'autobus/autocars, y compris leurs filiales allemandes, tant en ce qui concerne la distribution sur la base d'un contrat de représentation ou de distribution que les services après-vente sur la base d'un contrat d'atelier. Les conditions de notre collaboration n'en sont pas changées. Nous vous prions toutefois de nous informer des activités que vous exercerez de la sorte. Il va de soi que l'exercice d'une activité pour un concurrent ne doit pas compromettre les prestations et l'efficacité du travail de votre entreprise pour nos produits.
Formule de politesse

Appendice 2
Lettre de Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH aux ateliers contractuels en Allemagne
Contrat d'atelier
Mesdames et Messieurs,
Compte tenu de l'issue favorable de la procédure de contrôle de la concentration Mercedes-Benz AG/Karl Kässbohrer Fahrzeugwerke GmbH par la Commission européenne à Bruxelles, nous tenons à préciser que nous ne voyons aucune objection à ce que vous travailliez à l'avenir aussi pour d'autres constructeurs étrangers d'autobus/autocars, y compris leurs filiales allemandes, que ce soit occasionnellement ou sur la base d'un contrat général d'atelier ou de distribution. Les conditions de notre collaboration n'en sont pas changées. Il va de soi que l'exercice d'une telle activité ne doit pas compromettre les prestations et l'efficacité du travail de votre entreprise pour nos produits.
Formule de politesse


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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