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Document 394D1073

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


394D1073
94/1073/CE: Décision de la Commission, du 12 octobre 1994, concernant une aide d'État de la France au groupe Bull sous la forme d'une augmentation de capital non notifiée (Le texte en langue française est le seul faisant foi) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 386 du 31/12/1994 p. 0001 - 0012



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 12 octobre 1994 concernant une aide d'État de la France au groupe Bull sous la forme d'une augmentation de capital non notifiée C 33/93 (ex-NN 32/93) (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (94/1073/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a) et son protocole 27,
après avoir mis, conformément à l'article 93 du traité, les intéressés en demeure de présenter leurs observations et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
I Le groupe Bull (ci-après dénommé «Bull») est un producteur de produits informatiques diversifiés qui a son siège social en France. Outre ses activités de production, Bull fournit également à sa clientèle des logiciels et des services de maintenance.
Actuellement, la majorité du capital en actions de Bull est détenue, directement ou indirectement par l'État français par l'intermédiaire de France Télécom. Une participation minoritaire est détenue par le secteur privé représenté par NEC et IBM.
La Commission a récemment pris plusieurs décisions concernant Bull: la première, en 1992, était une décision finale (1) prise en vertu de l'article 93 paragraphe 2 du traité, qui concluait que des apports en capital se montant à 4 milliards de francs français contenaient des éléments d'aide mais que cette aide était compatible avec le marché commun. Dans cette décision, la Commission a également examiné une aide de 2,68 milliards à la recherche et au développement et l'a également déclarée compatible avec le marché commun. Il faut signaler que cette décision fait actuellement l'objet d'un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes (2) en ce qui concerne les apports en capital. D'autres décisions ont également été prises à propos du programme actuel de recapitalisation: en 1993, la Commission a engagé la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité à propos d'une avance de 2,5 milliards de francs français sur un futur apport en capital (3). Puis, en janvier 1994, la procédure a été étendue (4) pour inclure une nouvelle augmentation de capital représentant 8,6 milliards, dont 5,5 milliards ont été versés en décembre 1993.
II Bull demeure l'une des plus grandes sociétés informatiques traditionnelles, produisant une large gamme d'ordinateurs, qui fabrique des systèmes exclusifs, exerce aussi des activités dans le domaine des systèmes ouverts et distribue des micro-ordinateurs; elle est classée au treizième rang mondial, d'après la «Datamation 100 Survey» publiée en juin 1993. Elle a néanmoins subi une diminution de son chiffre d'affaires et connu de mauvais résultats, au même titre que d'autres grands producteurs traditionnels à large gamme de produits de ce secteur.
La situation difficile de ces sociétés sur le plan financier et commercial reflète le fait que le secteur de l'informatique traverse une phase de développement technique et commercial accéléré qui nécessite sa restructuration. Les prix sont en chute libre, la consommation et la production connaissent un ralentissement et le marché est en voie de fragmentation. La miniaturisation et la standardisation des produits ont renforcé la concurrence et réduit les marges bénéficiaires. Beaucoup de grands producteurs de produits traditionnels ont subi des pertes au cours de l'année 1992 et s'efforcent d'élargir leurs activités aux logiciels et aux services qui sont des domaines dans lesquels les taux de croissance sont encore élevés.
Il faut toutefois noter que la technologie de l'information a connu, au cours des dernières années, d'importantes modifications. Les sociétés ont investi des sommes importantes dans la conception de produits qui auront, le moment venu, des incidences sur un grand nombre de secteurs. Cette tendance s'explique en partie par les progrès technologiques réalisés, mais aussi par la disparition des anciennes frontières existant entre les télécommunications et l'informatique. De nouvelles applications comme les jeux vidéo interactifs et la télévente symbolisent l'apparition d'un monde multimédia basé sur une vaste gamme de technologies diverses et dans lequel les ordinateurs sont vendus comme des biens de consommation. Des produits qui n'étaient autrefois accessibles qu'aux grandes sociétés le deviennent maintenant pour des entreprises plus petites et, changement important, un grand marché de consommateurs privés s'est développé.
On note une convergence des différentes technologies de l'information et l'informatique s'oriente vers la production de masse de produits et de systèmes standardisés. Toutefois, la valeur ajoutée par les producteurs de matériel diminue en raison de la forte pression exercée par les fournisseurs de composants, de sorte que la valeur ajoutée se situe de plus en plus dans les logiciels et les services. Pour lutter contre l'érosion de leurs activités principales, les producteurs ont essayé de réduire leurs coûts et de se diversifier, et c'est maintenant seulement que les effets positifs de cette stratégie se font sentir dans certaines sociétés.
III À la suite de certaines informations parues dans la presse, la Commission a, en février 1993, adressé une demande d'informations à la France concernant une avance de 2,5 milliards de francs français sur un futur apport en capital en faveur de Bull. Cette demande a été suivie d'une correspondance entre les autorités françaises et la Commission, qui a permis à la Commission d'établir que les actionnaires majoritaires de Bull n'avaient pas adopté de plan de restructuration sur lequel baser leur investissement sous forme d'une avance sur un futur apport en capital.
En conséquence, étant donné que la Commission concluait qu'il y avait un élément d'aide illégal dans l'opération et qu'il n'était pas possible de justifier sa compatibilité avec le traité, étant donné l'absence d'un plan de restructuration définitif approuvé, elle a décidé d'engager la procédure de l'article 93 paragraphe 2 du traité le 6 octobre 1993. Cette décision a été communiquée à la France par lettre du 16 novembre et publiée au Journal officiel des Communautés européennes (1). Par la suite, par lettre du 6 décembre, les autorités françaises ont informé la Commission que l'État français avait décidé, en accord avec France Télécom, d'investir, outre l'avance de 2,5 milliards de francs français, 8,6 milliards supplémentaires dans Bull, en précisant qu'une partie de ce montant serait versée immédiatement à Bull, ce qui constituait une violation des dispositions de l'article 93 paragraphe 3 du traité; cette mesure devait donc être qualifiée d'illégale.
La Commission a donc adopté le 26 janvier 1994 deux nouvelles décisions concernant Bull. La première décision étendait la procédure de l'article 93 paragraphe 2 à l'augmentation de capital de 8,6 milliards de francs français: cette décision a été notifiée à la France par lettre du 8 février et publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2).
La seconde, à savoir la décision 94/220/CE (3), ordonnait à la France de suspendre immédiatement le versement de toute nouvelle aide à Bull et, en particulier, les 2,5 milliards de francs français qui étaient présumés devoir être versés à titre d'avance sur le montant de 8,6 milliards de francs français.
La France a répondu à cette seconde décision par une lettre du 25 février en confirmant qu'elle ne procéderait à aucun versement jusqu'à ce que la Commission ait pris une décision.
Par lettre du 8 mars, la France a répondu aux questions posées par la Commission lors de l'ouverture et lors de l'extension de la procédure de l'article 93 paragraphe 2, en soumettant en outre un plan de restructuration définitif. La Commission a posé, en mai 1994, une série de questions sur ces documents, auxquelles les autorités françaises ont répondu en juin 1994. En juillet, la Commission, d'une part, et les autorités françaises et Bull, d'autre part, ont tenu une réunion au cours de laquelle beaucoup d'autres questions ont été soulevées. La Commission a reçu une réponse en août.
Au cours du mois de juillet 1994, la Commission a nommé un expert indépendant chargé d'examiner le plan de restructuration de Bull: ceci a été fait au cours des mois d'août et de septembre et un rapport final a été établi à la mi-septembre. Ce rapport a été communiqué à la France par lettre du 20 septembre et celle-ci a confirmé le 21 septembre qu'elle n'avait pas d'observations à formuler sur ce rapport.
IV Dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2, des observations ont été présentées par le Royaume-Uni tant lors de l'ouverture que lors de l'extension de la procédure. Ces observations ont été communiquées à la France par lettres des 14 mars et 26 mai 1994. Il a été répondu à la lettre du 14 mars par lettre du 28 mars, la seconde lettre est restée sans réponse.
En principe, le Royaume-Uni soutenait la position de la Commission et considérait que l'aide ne devait pas être utilisée pour financer des acquisitions ou être accordée à une société exerçant ses activités sur un marché présentant des surcapacités. La France a répondu en affirmant qu'elle ne partageait pas l'analyse de l'apport en capital ni celle du marché et, en particulier, que l'acquisition par Bull de Packard Bell faisait partie d'une stratégie destinée à améliorer ses activités dans le domaine des micro-ordinateurs.
V L'article 92 paragraphe 1 du traité et l'article 61 paragraphe 1 de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après dénommé «l'accord») disposent que sont incompatibles avec le marché commun et avec l'accord, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres et parties contractantes, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. En outre, lorsqu'on examine si un apport en capital constitue une aide, il convient de déterminer si l'action de l'État est ou non conforme à celle d'un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché.
Afin d'améliorer la transparence et d'aider à déterminer si le comportement de l'État est conforme à ce principe [appliqué itérativement par la Cour de Justice (1)], la Commission a adopté deux communications: l'une, du 17 septembre 1984, concernant la participation des autorités publiques dans les capitaux des entreprises (2), et l'autre en 1993 concernant les entreprises publiques dans le secteur manufacturier (3). Ces orientations exigent que, pour déterminer s'il y a ou non un élément d'aide dans un apport en capital, on examine de manière générale:
- si la situation financière de l'entreprise est saine,
- si la participation d'un actionnaire privé est proportionnée à la part qu'il détient et si cette part est significative sur le plan économique,
- si la structure et l'importance de l'endettement de la société permettent d'escompter une rémunération normale (en dividendes ou en plus-values) des capitaux investis dans un délai raisonnable,
- si l'entreprise est en mesure d'obtenir des ressources équivalentes sur le marché des capitaux compte tenu de sa marge brute d'autofinancement et - si la valeur actuelle de la marge brute d'autofinancement qu'on peut espérer retirer du projet envisagé est supérieure à la nouvelle injection de capital.
Toutefois, avant de procéder à cette analyse, il est nécessaire de déterminer la date à laquelle la décision d'investir a été prise. L'avance de 2,5 milliards de francs sur un futur apport en capital a été versée à Bull au cours du mois de février 1993 et la décision de procéder à un investissement supplémentaire de 8,6 milliards a été prise par la France en décembre 1993. Il faut donc examiner la situation financière de Bull à ces différentes dates pour déterminer si un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché aurait pris la même décision que l'État français.
À la fin de l'année 1992, qui est la date ultime à laquelle une information financière pouvait être disponible avant que l'investissement ne soit décidé, Bull avait connu trois années pendant lesquelles les ventes avaient chuté et son chiffre d'affaires consolidé était tombé de 35 milliards de francs français en 1990 à 30 milliards en 1992, ce qui représente une diminution d'environ 14 %. De plus, il avait subi des pertes d'exploitation (c'est-à-dire le produit diminué de la totalité des coûts à l'exception des charges financières nettes) pendant les trois années 1990, 1991 et 1992 et son résultat net (tant avant qu'après la restructuration) avait été négatif pendant cette période, les derniers bénéfices nets ayant été réalisés en 1988. Il faut également noter que Bull n'a pas payé de dividendes depuis son rachat par l'État et, étant donné le niveau de ses pertes, on ne peut supposer que les actions de la société aient augmenté en valeur.
La marge brute d'autofinancement dégagée par Bull était insuffisante pour lui permettre de faire face à ses besoins en investissement pendant la période de 1990 à 1992; en conséquence, Bull a dû recourir à des apports en capital pendant cette période pour faire face à ses obligations financières et réduire le niveau élevé d'emprunt auquel il était arrivé en 1990. Bien que la Commission n'ait pas examiné l'apport en capital en faveur de Bull de 1990, il faut rappeler que la majorité des capitaux investis en 1991 et en 1992 provenait de l'État et a été considérée comme une aide d'État.
Par comparaison, IBM, qui dégageait des bénéfices en 1990, a subi une perte nette en 1991 et en 1992. Néanmoins, IBM a retiré de ses activités un flux de trésorerie suffisant pour couvrir ses besoins en investissement en 1990 et en 1992 et n'a dû recourir à des emprunts à cet effet qu'en 1991. De même, DEC, dont le bilan était positif en 1990 mais qui a subi des pertes en 1991 et en 1992, a dégagé en 1990 et en 1991 un excédent de trésorerie suffisant pour couvrir ses besoins en investissement, mais a dû recourir à d'autres sources de financement en 1992.
À la fin de 1992, après que les apports en capital susmentionnés aient été réalisés, les dettes de Bull, tout en étant inférieures à celles des deux années précédentes, se montaient encore à plus de 10 milliards de francs français, ce qui représentait 27 fois ses fonds propres (c'est-à-dire le capital en actions et les bénéfices non distribués). De même, en 1992, les charges financières de Bull, qui représentaient 5 % environ de son chiffre d'affaires, n'étaient pas couvertes par des bénéfices d'exploitation, ce qui montre que le groupe n'avait pas réussi à dégager des profits suffisants pour couvrir le coût des intérêts sur les emprunts. La même situation s'était présentée en 1990 et 1991.
En ce qui concerne la décision ultérieure d'investir 8,6 milliards, la France devait disposer des résultats de Bull pour le semestre prenant fin le 30 juin 1993 et avoir une idée assez nette des résultats pour l'exercice allant jusqu'au 31 décembre 1993.
Les résultats du premier semestre de 1993 montrent une baisse des ventes (par rapport au premier semestre des deux années précédentes); le groupe avait subi une perte d'exploitation supérieure de 50 % à celle du premier semestre de 1992 et une perte nette supérieure à celle de la période correspondante précédente. En outre, les résultats d'exploitation ne permettaient pas de couvrir le coût des intérêts, en raison des pertes subies et, malgré l'avance sur un futur apport en capital, la réduction des dettes n'était pas significative en raison du niveau persistant des pertes.
De même, il ressort des comptes de Bull pour l'exercice clôturé le 31 décembre 1993 que les ventes avaient encore diminué par rapport au niveau de 1992 et que la perte d'exploitation subie était supérieure à celle de 1991 et de 1992. Une fois encore, les charges financières n'étaient pas couvertes par les bénéfices d'exploitation (en raison des pertes) et, bien que l'endettement ait été ramené à environ 4,5 milliards de francs français, cela était dû aux apports en capital versés au cours de l'année 1993 et se montant à 6,1 milliards.
Compte tenu des résultats financiers récents de Bull, de ses ventes en diminution, de ses pertes d'exploitation et de son niveau élevé d'endettement, on ne peut supposer que sa situation financière était saine à la date où les décisions d'investir ont été prises. De plus, si l'on considère la structure et le volume des dettes de Bull, il ne semble pas, si l'on tient dûment compte de ses résultats antérieurs et des prévisions, que l'on ait pu escompter, à la date de l'investissement, un rendement adéquat des capitaux investis dans un délai raisonnable. Enfin, il ne semble pas que Bull aurait été en mesure, sur la base de sa marge brute d'autofinancement, de recueillir des fonds d'un montant équivalent sur le marché des capitaux.
La communication précitée du 17 septembre 1984 déclare qu'il n'y a pas d'aide d'État dans le cas d'un apport en capital lorsque les actionnaires publics et privés contribuent à cet apport en proportion de leur part; néanmoins, la part détenue par l'investisseur privé doit avoir une signification économique réelle.
Avant le paiement de l'avance de 2,5 milliards, les parts de NEC et de IBM dans Bull représentaient au total 10,1 % du capital en actions. Aucune de ces deux sociétés n'a été invitée par le gouvernement français à participer au paiement d'une avance à Bull, mais toutes deux ont été informées qu'elles pourraient participer à une augmentation de capital ultérieure.
En ce qui concerne l'augmentation de capital de décembre 1993, il convient de noter qu'IBM n'y a pas participé, de sorte que sa part dans Bull est tombée de 5,68 % à 2,1 %, soit une réduction de 63 %. De son côté, NEC a maintenu sa participation à 4,4 % en investissant 379 millions de francs français. Il est donc nécessaire d'examiner si cette participation a «une signification économique réelle» et de déterminer la valeur monétaire de la part détenue, ce qui peut être fait en se plaçant du point de vue de NEC ou de celui de Bull.
L'apport en capital réalisé par NEC représente 3 % environ de l'apport total actuel en capital et l'investissement total de NEC dans Bull, depuis qu'il est devenu actionnaire, représente environ 4 % de la totalité des apports en capital au groupe. Bien que les montants en jeu soient importants en eux-mêmes, ils ne le sont pas en comparaison des sommes totales. Ces montants ne sont pas importants non plus pour NEC: à la fin de l'exercice 1992, les investissements de NEC en actifs financiers se montaient à 14 milliards de francs français et, au cours de l'exercice financier 1992, NEC a investi 12 milliards en actifs financiers et en capital fixe. Il en résulte qu'un investissement de 379 millions n'était pas d'une importance significative pour NEC.
En outre, il ne faut pas oublier que NEC a davantage intérêt que d'autres investisseurs opérant en économie de marché à continuer à investir dans Bull, étant donné qu'un tel investissement permet d'accéder aux marchés français et européen, et en particulier à celui des marchés publics.
Il ne semble donc pas que l'investissement de NEC dans Bull ait une signification économique réelle et il n'ôte donc pas leur nature d'aide aux apports en capital provenant de l'État.
Enfin, il est nécessaire de prendre en compte une analyse de la valeur actuelle nette des apports en capital. Cette analyse est fondée sur les projections financières fournies par la France pour Bull pour les années 1994 et 1995, une période que l'État français considère comme suffisante pour juger de la rentabilité de Bull.
Avant de procéder à une analyse basée sur la valeur ou sur la valeur actualisée de l'entreprise, il faut noter que, au 31 décembre 1992, le total des fonds propres de Bull (y compris l'avance de 2,5 milliards) se montait à 375 millions de francs français. À la fin du processus de restructuration et après les nouveaux apports de l'État de 8,6 milliards, les projections de Bull faisaient état de (. . .) (1) milliards de fonds propres, soit une érosion d'environ(. . .) milliards, ce qui correspond à la plus grande partie du deuxième apport en capital.
Si l'on tient compte de la valeur de Bull au 31 décembre 1992, de ses flux nets de trésorerie en 1993, 1994 et 1995, des apports en capital effectués pendant cette période et de la valeur de Bull au 31 décembre 1995, on constate que le taux de rendement interne généré par ces flux financiers est insuffisant pour convaincre un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché de procéder à cette opération.
Il apparaît donc, sur la base de ces analyses, que l'avance et l'apport en capital réalisés ou à réaliser par l'État français et France Télécom en faveur de Bull contiennent un élément d'aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord.
La France soutient que les apports en capital ne contiennent pas d'élément d'aide pour les raisons suivantes:
- des trois options envisageables par l'État actionnaire, à savoir la liquidation, la vente ou le redressement, c'est cette dernière option qui protègerait vraisemblablement le mieux la valeur de l'investissement de l'État,
- les actions entreprises par les actionnaires minoritaires vienne à l'appui de la décision de l'État et - l'action entreprise par l'État est comparable à celle d'actionnaires d'autres grands groupes informatiques en difficulté.
Elle fait valoir que le coût de la liquidation ou le coût net que représenterait pour l'État la liquidation, après la cession des segments d'activité rentables de Bull, serait supérieur au montant de l'apport en capital. Comme le montant de l'apport en capital était donc inférieur aux deux montants précédents, la décision d'injecter des capitaux pour permettre la restructuration était la bonne décision économique.
Dans une société à responsabilité limitée, l'actionnaire est responsable, normalement en droit et toujours sur le plan économique, pour la part du capital qu'il a souscrite. En conséquence, dans une liquidation, le risque de l'actionnaire est limité à ce montant. Pour calculer la valeur de liquidation de Bull, les autorités françaises ont supposé que l'État français, en tant qu'actionnaire, serait responsable pour la totalité des dettes de Bull figurant au bilan et hors bilan. Cette solution fait un amalgame des rôles de l'État en tant que propriétaire/actionnaire et en tant qu'organisme responsable de la politique sociale.
Du point de vue économique, et comme la Cour de justice l'a observé dans son arrêt du 14 septembre 1994 (2), il est manifeste que la responsabilité de l'État est limitée à sa part du capital et, selon l'avocat général, si les dettes de la société avaient été supérieures à ses actifs, ses créanciers n'auraient pas été en mesure de recourir au «Patrimonio del Estado» (à l'État) pour combler la différence.
Comme les autorités françaises ont calculé que la cession des parties rentables de Bull dépasserait le coût légal des licenciements et les coûts immédiats liés à la liquidation du groupe, il serait erroné d'inclure la totalité des autres dettes de Bull (d'autant plus qu'aucune n'est couverte par la garantie de l'État) dans le calcul du coût de liquidation et de le comparer au coût d'une restructuration réalisée au moyen d'un apport en capital. Un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché ne se livrerait pas à cette analyse, il comparerait simplement la diminution de valeur qui résulterait de la perte du capital en actions en cas de liquidation avec le coût de la restructuration. On peut donc ne pas tenir compte de cette analyse.
En outre, même si les tribunaux nationaux imposent une responsabilité allant au-delà de la dette nominale de l'actionnaire, comme les autorités françaises le font valoir dans la présente affaire, le fait que Bull n'ait été ni restructuré ni liquidé à une date antérieure est contraire au comportement d'un investisseur opérant dans les conditions d'une économie de marché. Cet investisseur aurait en effet pris les mesures appropriées dès qu'il aurait constaté que les dettes de la société risquaient de mettre en jeu sa responsabilité limitée. Par conséquent, si une législation nationale instaure une garantie sans limite, les gouvernements doivent en tenir compte et agir comme des investisseurs privés opérant dans les conditions normales d'une économie de marché lorsqu'ils prennent leurs décisions d'investissement. La position adoptée par la Commission dans ces affaires a été clairement exposée dans ses décisions 92/329/CEE (3) et 94/259/CECA (4) et dans sa communication dans l'affaire EFIM (5).
Les actions entreprises par les actionnaires minoritaires de Bull ont déjà été traitées ci-dessus: il faut néanmoins répéter que la Commission ne considère pas que la participation de NEC revêt une signification économique réelle et que la poursuite de l'investissement a été motivée par des raisons d'accès au marché; il faut en outre rappeler que IBM n'a pas participé à cette opération.
Le fait que Bull ait recueilli des capitaux pour financer ses dettes en 1992 et 1993 ne modifie en rien cette analyse. Comme aucun détail n'a été fourni sur le prêteur, sur la durée des prêts ou sur l'intérêt applicable, il n'est pas possible de conclure que ces opérations indiquent que Bull ne bénéficie pas d'une aide.
Examinant la façon dont ont agi les actionnaires de sociétés qui se trouvaient dans une situation similaire à celle de Bull, la France se réfère au cas de Siemens («SNI»), d'Olivetti et de AT & T et démontrent que, dans le cas de SNI, sa société mère l'a soutenue financièrement malgré le fait qu'elle avait subi des pertes importantes pendant plusieurs années. En outre, en ce qui concerne Olivetti, des fonds ont été recueillis sur le marché boursier et DEC a participé à cette augmentation de capital. Enfin, en ce qui concerne AT & T, on constate que cette société a continué de soutenir ses activités dans le domaine de l'informatique, allant même jusqu'à acheter la société NCR qui subissait des pertes.
Il y a encore plusieurs points qui méritent d'être examinés. En ce qui concerne SNI, le capital injecté par Siemens en 1990 se monte, au taux de change en vigueur, à environ (. . .) milliards de francs français: Bull a reçu plus de 15 milliards de francs pour se restructurer depuis 1991. Même si Siemens a prêté un montant supplémentaire de (. . .) milliards de francs à SNI pour sa restructuration, cet argent, qui est un prêt, peut être récupéré. Il faut en outre rappeler que SNI est une société plus importante que Bull en termes de chiffre d'affaires et que sa restructuration peut donc proportionnellement coûter davantage. De plus, comme SNI ne publie pas la totalité de ses résultats financiers, on ne peut être sûr de la mesure dans laquelle les pertes de cette société sont dues au coût de la restructuration. À cela s'ajoute que le comportement de Siemens à l'égard de SNI a une raison d'être industrielle puisque SNI fait partie d'un conglomérat plus important qui exerce ses activités dans le domaine des produits électriques et électroniques et des biens de consommation.
En 1991, SNI ne représentait que 16 % environ du chiffre d'affaires de Siemens et la plus grande partie de ses ventes (33 %) était destinée à l'industrie et aux secteurs de l'automatisation et des transports. Du fait de la diversification des activités du groupe, qui comprennent également des composants électriques, des divisions énergétiques et médicales, la présence d'une société informatique au sein du groupe répond à un impératif économique. Le fait que SNI puisse s'approvisionner auprès de la division «composants» de Siemens puis vendre des produits aux divisions captives de l'automatisation et des composants renforce l'argument selon lequel le groupe garde SNI pour des raisons stratégiques.
De même, Olivetti a recueilli quelque 1 milliard de francs français par la voie d'émission de droits de souscription, ce qui est à nouveau un montant beaucoup plus faible que celui qui a été donné à Bull, et Olivetti a obtenu cette somme sur la foi de performances commerciales meilleures que celles de Bull. En outre, malgré la participation de DEC dans cette opération initiale, il faut noter que cette société est actuellement sur le point de se retirer d'Olivetti.
Enfin, en ce qui concerne AT & T, bien que cette société ait soutenu ses propres activités informatiques et celles de NCR, il ne semble pas qu'elle ait fait appel à ses actionnaires pour trouver des moyens de financement, mais qu'elle ait au contraire recouru à des capitaux internes au groupe pour entreprendre sa restructuration.
Par conséquent, les mesures prises par la France en faveur de Bull se distinguent des autres cas à trois égards: premièrement, la taille des apports externes en capital (éventuels) dans ces cas n'a rien à voir avec ce qui s'est passé dans le cas de Bull. Deuxièmement, dans le cas de SNI et de AT & T au moins, il y a manifestement eu l'effet de la synergie industrielle, élément qui est inexistant dans le cas de Bull. Troisièmement, AT & T et Olivetti ont dégagé ces dernières années des bénéfices d'exploitation pour financer elles-mêmes leur restructuration, exemple que Bull n'a pas été en mesure de suivre.
De plus, il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de sociétés informatiques, concurrentes de Bull, par exemple IBM, se sont restructurées sans l'aide de leurs actionnaires bien qu'elles connaissent des pertes. Ces sociétés n'ont en général subi que des pertes nettes liées aux mesures de restructuration: leur résultat d'exploitation était positif.
Enfin, il faut noter que la France a présenté une analyse de la valeur actuelle nette qui montre qu'un taux interne de rendement de quelque (. . .) % est obtenu sur les apports en capital. Ce calcul est erroné pour les raisons suivantes:
- le calcul ignore la recapitalisation effectuée par France Télécom. L'apport en capital de cette société, qui est une entreprise publique, devrait être pris en considération,
- pour déterminer la marge brute d'autofinancement, l'analyse suppose que l'État est responsable de la totalité des dettes de Bull en cas de liquidation. Comme nous l'avons montré ci-dessus, cela est faux pour des raisons économiques.
Ce calcul peut donc par conséquent être ignoré.
En résumé, les arguments avancés par la France n'autorisent pas la conclusion que l'État français et France Télécom ont agi comme des investisseurs opérant dans une économie de marché lors de la recapitalisation de Bull. Par conséquent, comme il a été dit ci-dessus, les apports en capital de l'État français et de France Télécom se montant, au total, à 11,1 milliards de francs français, sont considérés comme contenant un élément d'aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord. Il est toutefois apparu au cours de l'examen que le paiement de l'avance sur un futur apport en capital représentait, dans l'intention de la France, une aide au sauvetage tandis que l'apport en capital était une aide à la restructuration.
VI Bull exerce ses activités dans plusieurs domaines: les gros ordinateurs «maison» (GCOS 7 et GCOS 8), les systèmes ouverts et les logiciels d'affaires (Unix), les ordinateurs personnels (ZDS), les réseaux et les services.
En 1993 et 1992, les ventes d'équipements de Bull se sont élevées respectivement à 15 milliards et à 16 milliards de francs français et ses recettes provenant des activités de location et de services, respectivement à 13 et 14 milliards. Ce produit des ventes peut s'analyser comme suit:
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Environ 50 % des ventes de Bull en Europe de l'Ouest se font en France.
Des données relatives aux dimensions du marché européen en 1992 (figurant dans le Panorama de l'industrie communautaire de 1994) indiquent que le marché total représentait environ 260 milliards de francs français. Pour ce qui est de l'ensemble de l'Espace économique européen (pour 1993), le Yearbook of World Electronics Data donne un marché d'environ 375 milliards de francs pour les équipements informatiques; enfin, l'IDC Worldwide Black Book fixe le volume du marché de l'Europe occidentale à 660 milliards de francs pour 1992 et à 718 milliards de francs pour 1993.
Par conséquent, Bull - dont les ventes représentent environ 20 milliards de francs français en Europe occidentale, dont environ 10 milliards pour les exportations vers la France - participe au commerce entre les États membres et les parties contractantes. Toute aide versée à Bull serait donc de nature à fausser les échanges au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord.
VII Si l'article 92 paragraphe 1 du traité et l'article 61 paragraphe 1 de l'accord énoncent l'incompatibilité générale des aides d'État, l'article 92 paragraphes 2 et 3 ainsi que l'article 61 paragraphes 2 et 3 prévoient des dérogations à ce principe. Dans le cas d'espèce, l'aide ne présente pas de dimension régionale étant donné qu'aucune zone de la France métropolitaine ne peut bénéficier d'une dérogation en vertu de l'article 92 paragraphe 2 point a) du traité ni de l'article 61 paragraphe 3 point a) de l'accord. De même, l'aide ne présente pas de spécificités régionales et, comme aucune des grandes usines de Bull qui poursuivent leurs activités n'est apparemment située dans une région visée par l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord, la dérogation prévue par ces dispositions ne peut lui être accordée.
Par conséquent, la Commission estime que l'aide ne peut bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et à l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques que si elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
La Commission a adopté récemment une version révisée des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté qui précise les circonstances dans lesquelles elle serait disposée à autoriser des aides d'État destinées à permettre aux entreprises de se restructurer physiquement et financièrement.
La restructuration comporte en règle générale une ou plusieurs des mesures suivantes: la réorganisation et la rationalisation des activités de l'entreprise afin de la rendre plus efficace, ce qui suppose normalement l'abandon d'activités qui ne sont plus rentables ou qui subissent déjà des pertes, la restructuration des activités dont la compétitivité peut être restaurée et, éventuellement, le développement ou la diversification de nouvelles activités rentables. La restructuration financière doit généralement accompagner la restructuration physique. Les plans de restructuration tiennent compte notamment des circonstances qui sont à l'origine des difficultés de l'entreprise, de l'offre et de la demande sur le marché des produits en cause ainsi que des prévisions quant à leur développement, et des points forts et faibles de l'entreprise. Ils permettent une transition dans de bonnes conditions de l'entreprise vers une structure nouvelle qui lui offre des perspectives de rentabilité à long terme, assure un rendement adéquat des apports en capital et lui permette de financer elle-même ses activités sans plus avoir besoin de l'aide de l'État.
La Commission considère que l'aide à la restructuration peut faciliter le développement d'activités économiques sans altérer les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté si certaines conditions sont remplies.
À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a reconnu dans le «Livre blanc» intitulé «croissance, compétitivité, emploi» que, avec l'avènement de la société de l'information et l'apparition des autoroutes de l'information, il est de l'intérêt de la Communauté et de l'Espace économique européen de relever les défis qui se présentent dans ce domaine. Les premières économies qui parviendront à réussir ce changement obtiendront en effet des avantages de concurrence substantiels. Par conséquent, si Bull n'exerce pas ses activités précisément dans les télécommunications, une aide visant à établir une industrie informatique rentable et concurrentielle, aussi longtemps qu'elle n'affecte pas indûment des concurrents de l'Espace économique européen, peut être considérée comme de nature à faciliter le développement économique du point de vue de la Communauté.
Il ne faut pas perdre de vue que l'avance et l'apport en capital sont liés à un «plan de restructuration» qui a été approuvé par la majorité des actionnaires de Bull et qui a été soumis à la Commission en mars 1994. La France souligne que ce plan a pour objectif le redressement financier de Bull dans les deux ans, et le retour du groupe à la rentabilité doit permettre sa privatisation dès que possible.
a) Le retour à la rentabilité Si l'objectif de tout plan de restructuration est d'assainir l'entreprise et de restaurer sa rentabilité dans des délais raisonnables, il convient également de veiller à ce que l'aide versée à cet effet soit proportionnée aux coûts et aux avantages de la restructuration et à ce que le plan de restructuration proposé soit mis en oeuvre dans tous ses éléments.
Le plan de restructuration de Bull prévoit la réorganisation du groupe en sept divisions opérationnelles en fonction du type d'activités; le redressement et la restructuration de ces activités et plus particulièrement de celles qui concernent les micro-ordinateurs, les systèmes ouverts et les logiciels; la réduction de l'effectif; la fermeture d'usines et la vente de certaines activités. L'objectif principal du plan est de réduire la structure des coûts de Bull par une diminution de l'effectif, la rationalisation des usines et de leur capacité et la vente des opérations marginales.
Le coût de ces actions a été estimé à (. . .) milliards de francs français, dont (. . .) milliards sont couverts par la recapitalisation actuelle, le reste ayant déjà été fourni suivant la restructuration de 1992 («plan de mutation»). Le reste de la recapitalisation servira à réduire l'endettement de Bull à l'égard des tiers. On estime que ces mesures amélioreront la marge opérationnelle de Bull de (. . .) milliards de francs en 1995.
Si ces mesures de restructuration elles-mêmes permettent des réductions de coût cumulatives de (. . .) milliards au cours de la période 1992-1995, dont (. . .) milliards portent sur des coûts de distribution et d'administration, (. . .) milliards sur des dépenses en faveur de la recherche et du développement et (. . .) milliards sur des améliorations de la marge brute, il faut également ajouter les améliorations qui se poursuivent et qui sont dues au plan de mutation de 1992. Ce dernier plan ajoute (. . .) milliards d'économies supplémentaires qui découlent des réductions de personnel, auxquelles s'ajoutent d'autres réductions des coûts variables, représentant une nouvelle économie de (. . .) milliards.
Par conséquent, la réduction totale des coûts prévue pour 1995 par rapport à 1992, s'élève à (. . .) milliards. L'économie réalisée est en fait moins importante en raison des effets de l'inflation, de la diminution du financement externe des programmes de recherche et de développement et de la moindre capitalisation des dépenses de développement des logiciels. L'économie nette devrait donc s'élever à (. . .) milliards, cette amélioration étant toutefois atténuée par le fait que la valeur des ventes devrait diminuer selon les prévisions et, avec elle, la marge brute.
Selon les prévisions, les ventes totales de Bull devraient tomber de 30 milliards de francs français en 1992 à (. . .) milliards en 1995, soit une baisse de (. . .) %. Cependant, dans ce total, les ventes de matériel diminueront de (. . .) % au cours de cette période alors que les recettes tirées des logiciels, de la maintenance et des services diminueront de (. . .) %. En ce qui concerne la marge brute, on prévoit une baisse globale de (. . .) %, qu'il convient de répartir entre le matériel, qui a connu une baisse globale de (. . .) %, et les logiciels, la maintenance et les services où une chute de (. . .) % est prévue. Sous l'effet de l'amélioration escomptée de la compétitivité du marché, la marge brute de Bull devrait être de (. . .) % en 1994 et en 1995, alors que, en 1992, la marge réalisée était de 37 %. L'effet négatif de la réduction du chiffre d'affaires et de la marge brute représente (. . .) milliards, ce qui ramène l'effet, au niveau de la marge opérationnelle, sur le compte des profits et pertes à (. . .) milliards.
Ces mesures devraient restaurer la rentabilité de toutes les divisions opérationnelles, sauf dans le cas de la division (. . .) pour laquelle d'autres mesures sont envisagées et qui atteindra néanmoins l'équilibre financier à la fin de 1995. Le résultat net sera amélioré sous l'effet de la réduction de l'endettement, ce qui diminuera les charges financières de (. . .), et du fait que Bull ne devra pas prendre de nouvelles mesures de restructuration.
En outre, la Commission a examiné le ratio d'endettement de Bull au cours de la période de restructuration. De 27 à la fin de 1992, ce ratio était passé à 4 à la fin de 1993 (après les apports en capital qui ont précédemment été qualifiés d'aides) et devrait atteindre (. . .) à la fin de 1995.
Par conséquent, à la fin de la restructuration, Bull devrait être rentable au niveau de la marge opérationnelle et des résultats nets, mais avec une capacité de production réduite. Ces prévisions ne laissent toutefois que peu de marge de manoeuvre pour faire face aux imprévus.
La rationalisation des usines de Bull a entraîné la fermeture des installations de Villeneuve-d'Ascq en France et de (. . .) aux États-Unis d'Amérique; ces mesures se traduiront par la perte d'environ (. . .) emplois, dont la moitié en France. Au total, Bull prévoit environ (. . .) licenciements au cours de la période 1993-1995, soit environ (. . .) % de la main-d'oeuvre au 31 décembre 1992. En outre, (. . .) emplois supplémentaires seront perdus chez les partenaires de Bull et en raison des départs naturels. Environ 40 % de ces réductions d'emploi se feront dans les fonctions administratives, le reste se répartissant également entre la recherche et le développement, la production et les services.
La principale division non rentable de Bull, ZDS, est spécifiquement visée par le plan de restructuration qui a amené Bull à mettre fin à l'assemblage final des micro-ordinateurs et a donné lieu à la conclusion d'un accord de partenariat avec Packard Bell. Conformément à cet accord, Packard Bell terminera l'assemblage final des ordinateurs de bureau, et tous les ordinateurs portables proviendront de fournisseurs asiatiques. Les avantages de ce partenariat sont de deux ordres. D'abord, grâce au réseau de distribution de Packard-Bell, ZDS et Packard-Bell ont plus de chances d'atteindre une masse critique leur permettant de soutenir la concurrence sur un marché où un volume de ventes élevé est un facteur crucial de succès, mais elles doivent encore se développer pour y parvenir. Deuxièmement, seul un volume de vente important permet de produire les bénéfices bruts nécessaires (étant donné que les marges brutes sont peu élevées et comprimées à cause de la concurrence) pour financer les activités de recherche et de développement indispensables à la poursuite de l'innovation.
Il apparaît que ZDS a considérablement réduit ses pertes grâce à ces mesures, mais on considère qu'elle n'a pas encore atteint la masse critique nécessaire pour soutenir la concurrence à long terme avec ses principaux concurrents. Par conséquent, il importe que la privatisation prochaine de Bull permette - si ZDS est maintenue - de mettre en place les synergies voulues entre l'acquéreur et ZDS.
Bull a de surcroît rencontré des problèmes graves dans ses activités dans la division (. . .). Outre le plan de restructuration initial, une deuxième vague de restructuration (décrite dans le rapport susmentionné de l'expert indépendant) a démarré en août 1994 et il importe, si l'on veut que cette division retrouve la santé financière, de poursuivre ce processus conformément à une procédure accélérée.
Il est possible de vérifier l'effet du plan de restructuration à ce jour en examinant la performance financière de Bull pour le semestre expirant au 30 juin 1994; ainsi, les coûts salariaux pour le premier semestre de 1994 ont diminué de 259 millions de francs français par rapport à ceux de l'année précédente et les coûts variables non salariaux ont été réduits de 623 millions.
Les résultats du premier semestre expirant au 30 juin 1994 figurent dans le tableau ci-après: ces résultats sont donnés avant les nouvelles réserves de restructuration s'élevant à 700 millions en 1994. Aucune réserve de ce type n'a été constituée au cours du premier semestre de 1993.
>EMPLACEMENT TABLE>
On constate par conséquent que, en dépit d'un accroissement des ventes qui, s'il se poursuivait au second semestre de l'année, amènerait Bull à dépasser les prévisions de 1994, la marge brute s'est détériorée comme prévu. Une réduction des coûts administratifs a néanmoins permis d'améliorer la marge opérationnelle. Ces chiffres semblent indiquer le succès de la restructuration de Bull.
Dans son rapport, l'expert indépendant a conclu en outre que le plan de restructuration de Bull permettrait à ce groupe de retrouver la rentabilité sous sa forme diversifiée actuelle. Il ressort néanmoins aussi du rapport que, afin d'atteindre la taille nécessaire pour retrouver une rentabilité durable à long terme, le groupe Bull doit être privatisé afin de pouvoir, par un partenariat industriel, réaliser l'augmentation d'échelle indispensable, réorienter sa stratégie et restaurer la confiance de ses clients et de son personnel en son avenir.
En fait, l'expert conclut que la privatisation à très court terme est la clé du redressement de Bull, parce que cette opération:
- serait le signe tangible, pour son personnel, ses clients et ses partenaires, que Bull souhaite survivre,
- mettrait fin à des incertitudes stratégiques,
- renforcerait certaines activités,
- permettrait de poursuivre le redressement et la réduction des coûts.
L'expert conclut que si Bull souhaite rester un grand groupe informatique, à la fois producteur de biens et fournisseur de services, la privatisation est nécessaire et doit se faire avant le 31 décembre 1995. Cette condition est indispensable pour que Bull, sous cette forme, retrouve la rentabilité à long terme.
La Commission partage l'avis de l'expert selon lequel Bull a besoin d'un partenaire industriel fort pour soutenir ses divisions «OSS» et «micro-ordinateurs» de façon à rester un grand groupe informatique. Elle reconnaît néanmoins aussi l'effet de l'article 222 du traité et de l'article 125 de l'accord selon lesquels le traité et l'accord ne préjugent en rien le régime de la propriété, et c'est pourquoi elle admet qu'elle ne peut exiger ni imposer la privatisation de Bull. Il apparaît néanmoins aussi que le gouvernement français souhaite lui-même privatiser le groupe et l'a fait savoir à la Commission.
Il faut noter à cet égard que le gouvernement français a déjà inscrit Bull parmi les candidats à la privatisation dans la loi n° 93-923 relative à la privatisation; en outre, il convient de noter que la restructuration actuelle a été axée sur la privatisation du groupe et que des démarches juridiques et procédurales ont été faites en vue de cette privatisation.
Les autorités françaises ont confirmé, par lettre du 6 octobre 1994, que cette privatisation, qui ramène la participation directe ou indirecte de l'État (y compris les droits de vote) à moins de 50 % du capital de Bull, est un objectif prioritaire et sera réalisée dans les plus brefs délais. Elles ont en outre précisé, dans le plan de restructuration et lors d'une réunion du 26 septembre, qu'il s'agissait du dernier versement à Bull.
La Commission parvient aux mêmes conclusions que l'expert et considère que, pour assurer la rentabilité de Bull sous sa forme actuelle, un partenaire industriel important doit être trouvé avant le 31 décembre 1995. Il est à noter cependant que si Bull ne devait pas être maintenu sous sa forme actuelle ou si un partenaire industriel important n'était pas trouvé à cette date, l'expert indépendant a conclu à l'existence d'un second scénario possible.
Suivant ce second scénario, Bull deviendrait un opérateur en aval, c'est-à-dire qu'il se concentrerait sur les services proches des consommateurs. Dans ce cas, les divisions «OSS» et «ZDS» seraient toutes les deux vendues, en même temps que des productions marginales, mais cette option supposerait aussi une réduction draconienne des frais généraux. Dans ce cas, si Bull était ramené au niveau d'une société de services, le partenariat ne serait pas nécessairement considéré comme crucial pour la rentabilité à long terme. Un tel développement influerait toutefois sur la position que la Commission adopterait sur cette affaire.
Par conséquent, en admettant que Bull reste producteur d'une large gamme d'ordinateurs et trouve rapidement un partenaire industriel, la Commission considère que Bull retrouvera une rentabilité financière durable sur la base de son plan de restructuration de 1993 ainsi que des mesures supplémentaires mises en oeuvre en août 1994.
b) L'intérêt commun L'une des autres conditions posées aux aides à la restructuration est que des mesures doivent être prises pour compenser autant que possible les effets préjudiciables sur les concurrents.
La Commission est parvenue à la conclusion que, si la plupart des grandes entreprises informatiques qui exercent leurs activités dans l'Espace économique européen souffrent de difficultés financières, leurs problèmes résultent de changements rapides dans le secteur et non d'une capacité de production excédentaire. Il faut toutefois signaler que Bull tire une part importante de ses recettes des services, lesquels constituent un marché en expansion, et que toute aide peut affecter des fournisseurs concurrents de services similaires.
Même en l'absence d'une capacité de production excédentaire structurelle, la Commission doit avoir l'assurance que l'aide ne permettra pas à son bénéficiaire d'augmenter sa capacité de production au-delà de ce qui est nécessaire pour restaurer sa rentabilité et sans fausser abusivement la concurrence. La Commission peut à cet effet lui imposer toutes les charges ou conditions nécessaires.
À la suite des fermetures d'usines et des réductions de personnel, Bull ramènera sa capacité industrielle (en heures) de (. . .) milliards en 1992 à (. . .) milliards en 1995: le taux d'utilisation passera en même de (. . .) à (. . .) %.
Au cours de cette période, Bull prévoit une réduction de la valeur totale des ventes de matériel en dépit de la hausse de la valeur des ventes des systèmes Unix et des micro-ordinateurs. De plus, en valeur, les ventes de logiciels et de maintenance seront réduites au cours de la même période alors que les services augmenteront de 14 %. Toutefois, la réduction qui touchera les logiciels et la maintenance sera supérieure à cette augmentation, ce qui entraînera une diminution globale en valeur des ventes de services en général.
La France a fourni des estimations du marché tirées du 1993 IDC Worldwide Black Book. Ces données montrent que le marché mondial, en valeur, augmentera en 1994 et 1995 et que, au cours de la même période, la part du marché mondial revenant à Bull diminuera. De même, sur le marché de l'Europe occidentale, la part de Bull devrait tomber de 3,9 % en 1993 à (. . .) % en 1995, avec une croissance du marché de 5 % par an.
Il convient de noter en outre que Bull est en train de vendre plusieurs activités périphériques, à savoir(. . .). La cession de ces activités contribuerait elle aussi à limiter les distorsions découlant de l'aide accordée à Bull.
Enfin, la Commission a examiné si l'aide était proportionnée aux coûts et aux avantages de la restructuration. Comme il est indiqué plus haut, l'aide sert à la fois à financer la restructuration de Bull et à rembourser ses dettes.
En ce qui concerne le financement de la restructuration, la période d'amortissement découlant de l'amélioration des résultats de Bull est satisfaisante. En d'autres termes, le coût des mesures de rationalisation serait couvert par les économies de coûts qui en résulteraient dans des délais relativement brefs. Il n'en reste pas moins vrai que la recapitalisation constitue globalement une aide. En ce qui concerne l'annulation des dettes, il semble que le niveau d'endettement de Bull à la fin de sa restructuration soit comparable à celui de ses principaux concurrents. Ses charges financières resteront cependant à un niveau qui met le groupe dans une situation périlleuse. Par conséquent, il semble que le montant de l'aide n'excède pas ce qui est strictement nécessaire.
Le 19 septembre 1994, Bull a annoncé qu'il allait céder certaines de ses installations d'Amérique du Nord à Wang pour un montant de 135 millions de dollars des États-Unis en espèces et en obligations et de 25 millions de dollars des États-Unis en actions de Wang. Bull utilisera ces fonds pour acquitter ses obligations au titre des fonds de pension et des locations immobilières aux États-Unis, et on peut dire par conséquent que Bull a utilisé ses propres ressources, encore que dans une mesure limitée, pour financer sa restructuration.
Il semble néanmoins que l'aide contenue dans l'avance et l'augmentation de capital versées à Bull en 1993 (8,6 milliards de francs français) ait principalement (à raison d'environ 7 milliards de francs) été utilisée pour amortir les pertes cumulées du groupe. Comme le prévoient les lignes directrices pour les aides à la restructuration, si l'aide est utilisée pour amortir une dette résultant de pertes cumulées, tout crédit d'impôt qui s'y rapporte doit être annulé et ne peut être conservé pour être porté en déduction de bénéfices futurs, ni vendu ou transféré à des tiers. Par conséquent, ce crédit d'impôt doit être annulé afin d'empêcher que le groupe reçoive l'aide une seconde fois.
À la lumière de ce qui précède, la Commission considère que l'aide contenue dans l'avance sur l'apport en capital et dans l'apport en capital lui-même facilite le développement économique de l'industrie informatique dans la Communauté et l'Espace économique européen. Cette aide n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
VIII Dans ces conditions, l'aide contenue dans l'avance de 2,5 milliards de francs français et dans l'apport en capital de 5,5 milliards de francs versés respectivement en février et en décembre 1993, ainsi que l'aide de 3,1 milliards de francs qui doit encore être accordée, peuvent bénéficier de l'exemption prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et à l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord à condition que certains engagements soient remplis,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
L'aide contenue dans l'avance de 2,5 milliards de francs français accordée à Bull en février 1993 ainsi que dans l'apport en capital de 5,5 milliards de francs français versé en décembre 1993 et l'apport de capital de 3,1 milliards de francs français qui doit être accordé à Bull en 1994 est compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE conformément à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CE et à l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord EEE, à condition que la France respecte les engagements suivants:
a) mener à bonne fin les diverses mesures, y compris la vente de (. . .), de (. . .) et de (. . .) prévue dans le plan de restructuration conformément au calendrier qui y est fixé;
b) réaliser la restructuration de la division(. . .) conformément à la proposition présentée en août 1994 et selon les données (. . .);
c) n'utiliser l'aide qu'aux fins définies dans le plan;
d) informer la Commission sur les progrès réalisés suivant ces deux plans de restructuration par des rapports décrivant la situation de la restructuration et l'usage qui a été fait de l'aide au 31 décembre 1994 et aux 30 juin et 31 décembre 1995. Ces rapports doivent être soumis pour la fin du mois suivant ces dates;
e) ne pas verser d'autres aides au groupe Bull, sauf en conformité avec le droit communautaire;
f) dans le cadre de la privatisation envisagée, un partenaire industriel acquerra un montant significatif des actions du groupe Bull ou, si ce partenariat n'était pas réalisé, le groupe cédera toutes ses activités (. . .) dans un délai garantissant la restauration de la rentabilité à long terme du groupe;
g) informer la Commission de manière détaillée sur le processus de privatisation envisagé [au point f)] avant sa mise en oeuvre.

Article 2
Le report des déficits devra être effectué en conformité avec le point 3.2.2. iii) des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté.

Article 3
La France informe la Commission dans le délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4
La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 12 octobre 1994.
Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission
(1) JO n° C 244 du 23. 9. 1992, p. 2.
(2) Affaire C-367/92.
(3) JO n° C 346 du 24. 12. 1993, p. 4.
(4) JO n° C 80 du 17. 3. 1994, p. 4.
(1) Voir note 2 de la page 1.
(2) Voir note 3 de la page 1.
(3) JO n° L 107 du 28. 4. 1994, p. 61.
(1) Voir, par exemple, les affaires jointes 296 et 318/82, Leeuwarder Papierwarenfabriek, Recueil 1985, p. 809; affaire 323/82, Intermills, Recueil 1984, p. 3809 et affaire 234/84 Meura, Recueil 1986, p. 2263.
(2) Bull. CE n° 9-1984.
(3) JO n° C 307 du 13. 11. 1993, p. 3.
(1) Les (. . .) indiquent des secrets d'affaires.
(2) Affaires jointes C-278/92 et C-280/92, Imepiel et Intelhorce, point 22 des motifs, non encore publié au Recueil.
(3) JO n° L 183 du 3. 7. 1992, p. 30.
(4) JO n° L 112 du 3. 5. 1994, p. 64.
(5) JO n° C 75 du 17. 3. 1993, p. 2.

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Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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