Europa

Enregistrement
Plan du site
Recherche
Aide
Commentaires
©


Page d'accueil

EUR-Lex CastellanoDanskDeutschEllinikaEnglishFrancaisItalianoNederlandsPortuguesSuomiSvenska

Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 394D0922

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 08.40 - Concentrations ]


394D0922
94/922/CE: Décision de la Commission, du 9 novembre 1994, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil (IV/M.469 - MSG Media Service) (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 364 du 31/12/1994 p. 0001 - 0021



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 9 novembre 1994 relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (Affaire n° IV/M.469 - MSG Media Service) (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (94/922/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), et notamment son article 8 paragraphe 3,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57 paragraphe 1,
vu la décision de la Commission du 18 juillet 1994 d'engager une procédure dans cette affaire,
après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion d'exprimer leur point de vue sur les griefs formulés par la Commission,
après avoir consulté le comité consultatif en matière de concentration entre entreprises,
considérant ce qui suit:
(1) La présente procédure concerne le projet de création, par Bertelsmann AG (Bertelsmann), Deutsche Bundespost Telekom (Telekom) et Taurus Beteiligungs GmbH (Taurus), d'une entreprise commune dénommée MSG Media Service Gesellschaft fuer Abwicklung von Pay-TV und verbundenen Diensten mbH (MSG).
(2) Par décision en date du 28 juin 1994, la Commission a ordonné la suspension de toute l'opération de concentration, notifiée conformément aux dispositions de l'article 7 paragraphe 2 et de l'article 18 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (ci-après dénommé «règlement sur les concentrations»), jusqu'à l'adoption d'une décision finale.
(3) Par décision en date du 18 juillet 1994, la Commission a constaté que le projet de concentration faisait naître des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun. Elle a donc engagé la procédure prévue à l'article 6 paragraphe 1 point c) du règlement sur les concentrations.
(4) Par lettre en date du 29 juin 1994, l'Allemagne a informé la Commission, conformément à l'article 9 paragraphe 2 du règlement sur les concentrations, que l'opération en cause menaçait de créer ou de renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative en Allemagne sur trois marchés qui constituent chacun un marché géographique distinct au sens de l'article 9 paragraphe 7. Il n'y a pas eu de renvoi en application de l'article 9 paragraphe 3 du même règlement.

I. PARTIES
(5) Bertelsmann est la société mère qui coiffe le principal groupe multimédia allemand. Le groupe Bertelsmann est particulièrement présent dans les secteurs d'activité suivants: édition de livres et de périodiques, clubs du livre, imprimerie, édition musicale et enregistrement. Il détient également des participations dans la télévision privée. Bien que le marché de Bertelsmann le plus important soit l'Allemagne, les activités internationales du groupe sont très étendues (environ 60 % de son chiffre d'affaires est réalisé hors d'Allemagne).
(6) Taurus est une société holding du groupe Kirch (Kirch). Kirch est le principal fournisseur allemand de films de fiction et de programmes de divertissement pour la télévision et est également présent dans le secteur de la télévision privée. Si les activités du groupe s'exercent principalement en Allemagne, Kirch possède aussi, hors d'Allemagne, des participations qui vont croissant dans des entreprises de télévision payante.
(7) Telekom est l'opérateur public de télécommunications de la république fédérale d'Allemagne. Telekom est présent, directement ou par l'intermédiaire de filiales, dans tous les secteurs des services de télécommunications. Il jouit d'une situation de monopole pour le réseau téléphonique allemand et est à la fois propriétaire et opérateur de la quasi-totalité des réseaux de télévision câblée allemands.

II. PROJET D'OPÉRATION
(8) Bertelsmann, Kirch et Telekom entendent créer une entreprise commune, MSG, dotée d'un capital de 60 millions de marks allemands. Chaque entreprise mère détiendra le tiers du capital et des droits de vote dans MSG. L'objet de MSG est, d'une part, de prendre en charge la gestion technique, commerciale et administrative de divers services de communication, principalement des services de télévision payante, y compris la gestion du contrôle d'accès et des abonnements et, d'autre part, de monter l'infrastructure technique de base pour pouvoir offrir ces services et les prestations auxiliaires nécessaires.

III. CONCENTRATION
1. Contrôle conjoint
(9) MSG sera contrôlée conjointement par les trois entreprises mères. En vertu de l'acte de société, chaque entreprise mère désignera deux des six membres du conseil de surveillance. Diverses décisions stratégiques doivent être adoptées par le conseil de surveillance à une majorité de 75 % des voies exprimées, à savoir notamment la nomination des dirigeants, le vote du budget annuel, l'entrée dans de nouveaux secteurs d'activité ou l'abandon d'activités existantes, l'organisation fondamentale des relations juridiques et économiques avec les autorités, les opérateurs de réseaux et les prestataires de services, ainsi que des décisions fondamentales sur le choix des technologies et des systèmes à employer. Les trois entreprises mères sont donc obligées de s'accorder sur toutes les décisions fondamentales concernant la gestion, la politique commerciale et la stratégie concurrentielle de l'entreprise commune.
2. Entreprise commune ayant un caractère de concentration
(10) a) MSG accomplira d'une manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Il n'y a actuellement qu'une seule chaîne de télévision payante en Allemagne, Premiere, qui est exploitée par une entreprise commune (Premiere Medien GmbH & Co. KG) appartenant à Bertelsmann, Kirch et Canal +. Premiere produit elle-même les services nécessaires à l'exploitation de la télévision payante. Il n'y a donc pas aujourd'hui en Allemagne de marché pour les services que se propose d'offrir MSG. Toutefois, comme cela est souligné plus loin, on peut s'attendre à ce que, avec la diffusion de la télévision numérique dans les prochaines années, le marché d'aval de l'entreprise commune (c'est-à-dire la télévision payante et d'autres formes de services audiovisuels payants) se développe rapidement et que de nouveaux offreurs arrivent sur ce marché. On peut donc penser que le marché des services fournis par MSG va s'élargir et connaître une expansion notable dans un avenir assez proche. L'entreprise commune est créée pour jouer un rôle actif sur ce marché en pleine croissance et occuper les créneaux porteurs de valeur ajoutée. MSG accomplira donc toutes les fonctions d'une entreprise autonome sur le marché et n'assurera pas simplement des fonctions auxiliaires, totalement ou à titre principal, pour le compte de ses entreprises mères Bertelsmann et Kirch.
(11) Pour ce qui est des investissements nécessaires à l'activité de l'entreprise commune, les entreprises mères sont prêtes à lui fournir les ressources financières voulues pour qu'elle puisse investir elle-même. D'après le plan d'entreprise de MSG présenté par Telekom, MSG aura au total besoin de (...) (2) millions de marks allemands jusqu'en l'an 2004, dans l'hypothèse où les décodeurs à installer seraient loués. Ces capitaux seront financés, à hauteur de (...) millions de marks allemands, sur les fonds propres de l'entreprise commune. Bien que le plan d'entreprise ne prévoie d'atteindre le point mort qu'au bout de (...) ans [en d'autres termes, le résultat d'exploitation cumulé deviendra positif en (...)], le résultat d'exploitation pourra être positif dès (...) si l'on néglige les pertes cumulées initiales. De tels résultats n'ont rien d'exceptionnel pour un projet à long terme qui porte sur un marché d'avenir et nécessite des investissements lourds. Ni la base de fonds propres décrite, ni l'évolution attendue des résultats n'autorisent à conclure que MSG sera insuffisamment dotée en ressources financières et ne peut pas de ce fait être considérée comme accomplissant toutes les fonctions d'une entreprise autonome.
(12) Cette analyse n'est pas non plus infirmée par le fait que MSG assurera, le cas échéant, aussi des services liés aux activités actuelles de Premiere dans le secteur analogique de la télévision payante. Premiere possède déjà l'infrastructure technique de base dans ce secteur et gère elle-même son système d'abonnement. Pour la période de 1995 à 1997, le plan d'entreprise de MSG table sur un portefeuille d'abonnés beaucoup plus réduit que le portefeuille actuel de Premiere [abonnés de Premiere: 800 000; abonnés à MSG en 1995: (...), en 1996: (...) et en 1997: (...)]. Cela donne à penser que les services de MSG ne sont pas axés sur les activités payantes actuelles de Premiere dans le secteur analogique, mais sur la future télévision numérique. Si, au cours des prochaines années, MSG développe une infrastructure pour la télévision payante numérique, on peut supposer que Premiere s'en servira dès lors qu'elle diffusera en numérique. La numérisation va au demeurant donner la possibilité à d'autres diffuseurs de télévision payante d'entrer sur le marché et d'utiliser les services de MSG.
(13) Comme précisé plus loin, MSG va offrir une gamme de services qui forment un marché autonome. Une des missions majeures de MSG est de créer l'infrastructure technique nécessaireà la télévision payante dans le secteur numérique, c'est-à-dire de constituer un parc de décodeurs et d'établir un système de contrôle d'accès. Il s'agit là pour la télévision payante d'une condition préalable essentielle qui, pour être remplie, suppose des investissements extrêmement importants. Dans la mesure où l'utilisation de l'infrastructure technique et des services fournis par MSG exige une coopération avec les entreprises mères, qui sont elles-mêmes des diffuseurs de télévision payante, la même nécessité de coopération s'impose avec les autres diffuseurs de télévision payante qui vont recourir à l'infrastructure de base et aux services de MSG.
(14) b) La création de MSG n'a pas pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes. C'est ainsi que l'on peut en particulier écarter un risque de coordination entre Bertelsmann et Kirch pour l'introduction des nouveaux services de télévision payante ou la substitution d'un système de financement direct des programmes thématiques au système actuel de financement par la publicité. Pour leurs activités de télévision payante, Bertelsmann et Kirch sont actuellement associés dans le cadre de l'entreprise commune Premiere. Les trois entreprises mères de Premiere ont pris l'engagement, comme concrétisation de leurs obligations d'actionnaires dans l'entreprise commune, de s'abstenir de participer à un autre service de télévision payante en langue allemande sans l'accord de leurs partenaires, aussi longtemps que durera leur service commun de télévision payante. Par conséquent, si Bertelsmann et Kirch décidaient à l'avenir de fournir des programmes de télévision payante indépendamment l'un de l'autre, toute coordination de ces activités indépendantes serait le résultat d'une coopération dans le cadre de Premiere. À cet égard, il ne semble pas qu'une coordination supplémentaire par le biais de MSG soit nécessaire et qu'une telle coordination supplémentaire puisse être un élément d'appréciation du caractère de concentration ou de coopération de MSG.
(15) On ne peut pas non plus conclure à l'existence d'un risque de coordination entre les entreprises mères au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations pour l'installation d'une structure numérique et son utilisation. L'entreprise commune a précisément pour objet social de monter l'infrastructure numérique nécessaire et d'en assurer la gestion. La coopération au sein de l'entreprise commune dans le cadre de son objet social est une caractéristique propre à toutes les entreprises communes et ne peut donc être considérée comme une preuve de son caractère coopératif. Enfin, la Commission ne dispose pas d'éléments indiquant que Telekom, Bertelsmann ou Kirsch veulent aussi offrir les services décrits en dehors de MSG. En particulier, Telekom ne saurait être considéré comme un concurrent potentiel de l'entreprise commune à créer, puisque la mise en place par Telekom d'une infrastructure complémentaire alternative serait économiquement indéfendable eu égard à ses investissements dans MSG et serait complètement aberrante au regard de la stratégie qu'il a choisie en participant à la création de MSG.
(16) Enfin, une éventuelle coordination entre Kirch et Bertelsmann par le biais de MSG sur le marché de la télévision financée par la publicité paraît improbable. S'il est vrai que Bertelsmann et Kirch possèdent tous deux des participations dans des chaînes de télévision financées de la sorte, rien ne permet d'affirmer qu'une coopération dans le secteur de la télévision payante et des services auxiliaires puisse entraîner, par exemple, une restriction de la concurrence entre RTL et SAT 1. On peut appliquer le même raisonnement à la relation entre Telekom et l'entreprise commune en ce qui concerne les futurs services de communication non liés aux médias fournis par Telekom.
(17) Sur la base de ces considérations, la création de MSG constitue une opération de concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations sous la forme d'une entreprise commune à caractère concentratif.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(18) Le chiffre d'affaires mondial cumulé de Bertelsmann, Kirch et Telekom dépasse le seuil de 5 milliards d'écus. Au cours de l'exercice 1992/1993, les gains de Bertelsmann se sont élevés à 9 milliards d'écus, ceux du groupe Kirch à (...) millions d'écus et ceux de Telekom à 29,3 milliards d'écus. Pour chacune des trois entreprises, le chiffre d'affaires total réalisé dans la Communauté dépasse 250 millions d'écus. Aucune d'elles ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul État membre. La concentration revêt donc une dimension communautaire au sens de l'article 1er du règlement sur les concentrations.

V. APPRÉCIATION CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS
A. Marchés des produits en cause
(19) Le projet de concentration affecte le marché des services administratifs et techniques offerts aux diffuseurs de télévision payante et autres services audiovisuels payants, le marché de la télévision payante et autres services audiovisuels payants et, enfin, le marché des réseaux câblés de télévision payante.
1. Services administratifs et techniques destinés à la télévision payante
(20) La télévision payante exige une infrastructure technique spéciale comprenant, pour l'essentiel, un adaptateur pour le décryptage (décodeur), un procédé de contrôle de l'accès et un système de gestion des abonnements. Toute une série de services auxiliaires nécessaires à l'exploitation de la télévision payante sont fournis sur la base de cette infrastructure.
(21) a) Les programmes de télévision payante sont ordinairement diffusés par câble ou par satellite. À la différence de la télévision commerciale d'accès libre, ils nécessitent un dispositif spécial qui réserve aux spectateurs autorisés, c'est-à-dire aux abonnés au diffuseur concerné, la possibilité de les recevoir. Cela suppose l'installation, au foyer de chaque abonné, d'un décodeur qui sert à restituer en clair l'image télévisée cryptée au moment de l'émission du signal. Les décodeurs peuvent être vendus ou loués dans le commerce ou être loués directement à l'abonné. Considérant que, en tout cas dans la phase initiale, le prix des décodeurs numériques à installer se situera entre 1 000 et 1 500 marks allemands, ce qui est une dépense relativement élevée pour le téléspectateur, on peut penser que les décodeurs numériques seront le plus souvent loués au cours des cinq premières années au moins. De ce fait, la constitution d'un parc de décodeurs impose de gros investissements à l'opérateur d'une infrastructure de télévision payante.
(22) Étant donné que, après l'introduction de la télévision numérique, la plupart des foyers resteront pendant un certain nombre d'années encore équipés d'un poste de télévision analogique, il faudra en plus prévoir des convertisseurs numérique/analogique permettant de recevoir les signaux numériques sous forme analogique. Le convertisseur et le décodeur seront très probablement fournis ensemble dans un même boîtier («set top box») et seront à terme incorporés aux récepteurs de satellite ou, directement, dans les postes de télévision.
(23) b) Outre le parc de décodeurs, la télévision payante suppose un système de contrôle d'accès. Ce système comporte la transmission, en même temps que le signal «télévision», de données cryptées renseignant sur les programmes ou bouquets de programmes souscrits et sur les droits des abonnés à recevoir tel ou tel programme et, éventuellement, des cartes à puce qui sont mises à la disposition de l'abonné et qui servent à déchiffrer le signal crypté d'autorisation et le transférent au décodeur. Le contrôle d'accès s'effectue donc, soit dans le décodeur même, soit par le biais d'une ou de plusieurs cartes à puce insérées dans le décodeur.
(24) En ce qui concerne la télévision payante analogique, il y a actuellement en Europe occidentale au moins cinq systèmes de cryptage exploités sur la base de droits exclusifs: Videocrypt (utilisé par BSkyB et Adult Channel au Royaume-Uni et par Filmnet au Benelux), Syster/Nagravision (Canal + en France et en Espagne, Premiere en Allemagne et en Autriche et Teleclub en Suisse), Eurocrypt (Filmnet et TV 1000 en Scandinavie), Irdeto (Telepiù en Italie) et Luxcrypt (RTL 4 et RTL 5 aux Pays-Bas). L'Europe est parvenue à une harmonisation concernant le cryptage/décryptage, la norme de diffusion du signal numérique (MPEG II) et un système de licence des procédés exclusifs de contrôle d'accès dans le cadre du projet européen DVB (Digital Video Broadcasting), qui regroupe environ 150 entreprises actives dans le domaine de la télévision numérique en Europe. Pour ce qui est des procédés, les intentions des diverses entreprises concernées divergent. C'est ainsi que des diffuseurs de télévision payante comme BSkyB, Canal + et Filmnet sont convaincus que le procédé de cryptage doit faire l'objet de droits exclusifs et considèrent donc que le procédé dit «Simulcrypt» est une solution appropriée aux problèmes du contrôle d'accès dans le secteur numérique. Pour leur part, les diffuseurs de télévision payante et les opérateurs de réseaux potentiels préfèrent la solution dite de «l'interface commune». Avec Simulcrypt, les diffuseurs de télévision payante peuvent simultanément accéder à des parcs de décodeurs qui utilisent des systèmes de contrôle d'accès différents sur la base d'accords et de conventions techniques arrêtées dans le cadre du projet DVB. En revanche, avec le procédé d'interface commune, les décodeurs peuvent être techniquement conçus dès le départ pour «lire» des systèmes de contrôle d'accès très différents à l'aide de modules et de cartes à puce. Un accord vient d'être conclu entre les entreprises participant au projet DVB, qui prévoit la mise en oeuvre parallèle des deux procédés, «Simulcrypt» et «interface commune». Un code de bonne conduite régissant les relations commerciales entre les parties sur le marché accompagne le procédé Simulcrypt. Certains membres de DVB ont signé ce code, d'autres pas.
(25) c) Outre le parc de décodeurs et le contrôle d'accès par cryptage, il faut une banque de données sur les abonnés à la télévision payante dans laquelle sont stockées toutes les informations utiles sur les abonnements, y compris la facturation et les règlements (système de gestion des abonnements).
(26) L'infrastructure décrite constitue le socle des services liés à l'exploitation de la télévision payante. Il s'agit principalement des services administratifs et techniques suivants:
- assurer la mise à disposition des décodeurs,
- faire fonctionner un système de contrôle d'accès,
- assurer la gestion des abonnements à la télévision payante,
- prévoir un arrangement financier avec les diffuseurs de programmes.
(27) d) Les services techniques et administratifs liés à la télévision payante peuvent être fournis par le diffuseur lui-même. C'est actuellement le cas pour Premiere. Le diffuseur peut aussi mettre son infrastructure à la disposition d'autres diffuseurs. Il en est ainsi de Canal + en France et - pour la télévision payante diffusée par satellite - de BSkyB au Royaume-Uni. Premiere se propose aussi d'offrir ses services à d'autres entreprises. Mais il arrive que l'infrastructure soit exploitée par des entreprises qui ne sont pas des diffuseurs de programmes, par exemple par des opérateurs de réseaux câblés. La fourniture de ce type de services par des câblo-opérateurs est chose courante aux États-Unis d'Amérique.
(28) MSG se chargera de la fourniture des décodeurs (du moins à court et moyen terme), du contrôle d'accès et de la gestion des abonnements pour le compte des diffuseurs de télévision payante. Ce faisant, MSG établira des relations contractuelles directes avec les diffuseurs de programmes principalement. Le contrat d'abonnement à la télévision payante sera quant à lui conclu entre le diffuseur et l'usager final. C'est MSG qui louera les décodeurs à l'usager final, en tout cas pendant un certain nombre d'années. Le diffuseur devra par ailleurs conclure des accords avec Telekom et d'autres opérateurs de réseaux ou de satellites.
(29) Dans le cadre du système de gestion des abonnements, MSG contrôlera également la rentréedes paiements et communiquera les informations ainsi recueilles au diffuseur de télévision payante qui peut décider de couper le signal de contrôle d'accès aux abonnés qui ne sont pas en règle. D'après les parties elles-mêmes, MSG ne proposera pas de programmes ou de services interactifs et ne confectionnera pas de «bouquets» de programmes. La confection de bouquets et la commercialisation des programmes diffusés par l'intermédiaire de MSG seront assurées par les organismes de programmes eux-mêmes. MSG se propose d'offrir ses services à partir de 1995 aux diffuseurs, que ces programmes soient émis en numérique ou en analogique. Étant donné que l'introduction de la technologie numérique est imminente (voir ci-après) et que Kirch et Bertelsmann, partenaires du seul diffuseur de télévision payante analogique existant actuellement en Allemagne, n'ont pas l'intention de créer de nouvelles chaînes payantes analogiques (en dehors de la chaîne pour enfants que Premiere envisage de lancer), il semble exclu que MSG exerce d'importantes activités dans le secteur analogique.
(30) e) Même si le marché correspondant aux services offerts par MSG n'existe pas encore en Allemagne, ce marché est appelé à se développer, avec l'introduction de la télévision numérique tout particulièrement (considérant 2). Comme il est peu probable que tous les fournisseurs de services audiovisuels puissent disposer de leur propre infrastructure, la demande va sûrement s'accroître rapidement et, par voie de conséquence, faire augmenter l'offre de services du type proposé par MSG.
(31) f) Compte tenu des conceptions qui sous-tendent la création de MSG, on peut considérer que les services liés à la télévision payante numérique et les autres services audiovisuels interactifs numériques forment un seul et même marché. MSG offrira à la fois le décodeur, le contrôle d'accès et la gestion des abonnements. La même batterie de services est fournie par Premiere et Selco pour la télévision analogique. Selco commercialise, de surcroît, les programmes de télévision payante dont il assure la gestion. Depuis l'accord intervenu au sein du groupe DVB, qui prévoit l'existence parallèle de plusieurs procédés de contrôle d'accès, les services, et en particulier le système de gestion des abonnements, peuvent aussi être offerts séparément. Certaines des entreprises interrogées par la Commission n'ont pas exclu la formation éventuelle d'un marché distinct pour la gestion des abonnements par des entreprises spécialisées. En liaison avec les services de gestion des abonnements ou séparément, on assistera peut-être aussi au développement d'un marché spécifique pour la confection de bouquets de programmes c'est-à-dire l'assemblage de programmes de diffuseurs différents.
2. La télévision payante
(32) La télévision payante constitue bien un marché de produits distinct de celui de la télévision commerciale entièrement financée par la publicité et de la télévision publique financée pour partie par la publicité et pour partie par des redevances. Alors que, dans le cas du financement par la publicité, la relation commerciale s'établit uniquement entre le diffuseur de programmes et les publicitaires, cette relation commerciale unique s'établit, pour la télévision payante, entre le diffuseur de programmes et le téléspectateur abonné. Pour les deux types de télévision commerciale, les conditions de concurrence sont donc différentes. Pour la télévision financée par la publicité, les paramètres essentiels sont la part d'audience et les tarifs publicitaires; pour la télévision payante, les facteurs clés sont la confection de programmes propres à intéresser les groupes cibles et le mode de formation de prix des abonnements (voir également la décision de la Commission du 5 août 1994 - IV/M.410 Kirch/Richmont/Telepiù). Il y a au demeurant une certaine relation entre la télévision payante et la télévision d'accès libre dans la mesure où la télévision payante se développe moins vite lorsque les chaînes d'accès libre diffusent des émissions plus diversifiées. C'est ainsi que le nombre des abonnés à Premiere en Allemagne a évolué différemment de celui des abonnés en France et au Royaume-Uni (considérant 48). Cela ne change en rien le caractère autonome du marché de la télévision payante. La distinction entre les deux marchés devient moins nette pour les programmes de télévision payante à sources de financement multiples. De tels programmes s'annoncent dans différents pays. Sur le marché allemand, il n'y en a pas pour le moment, Premiere étant totalement payante. D'après divers opérateurs sur ce marché, la non-interruption des programmes par de la publicité constituera un important argument supplémentaire pour gagner les téléspectateurs à la télévision payante numérique.
(33) Les programmes de télévision payante et les programmes d'accès libre financés par la publicité sont aussi différents par le contenu. Grâce à la numérisation, les signaux peuvent être transmis sous une forme fortement comprimée, ce qui fera considérablement augmenter les capacités de transmission. À l'heure actuelle, environ 14 millions de foyers câblés et quelque 7 millions de foyers équipés de récepteurs de satellite peuvent recevoir environ 30 programmes de télévision en mode analogique. On estime que, après le passage au numérique, il pourra y avoir 200 programmes de télévision et plus. Les nouveaux programmes seront probablement pour la plupart payants parce que la publicité à la télévision ne saurait croître indéfiniment et que le marché de la télévision ainsi financée semble parvenu à sa phase de maturité. Dans ce contexte, on peut s'attendre à la multiplication de nouvelles formes de programmes thématiques payants pour satisfaire à la demande de groupes cibles spécifiques (par exemple: sports, musique, information, films de fiction ou émissions pour enfants). Bien qu'une évolution similaire vers la formation de chaînes thématiques puisse également être observée dans le cas de la télévision financée par la publicité, cela n'a rien de comparable avec le degré de spécialisation qui caractérisera la télévision payante numérique. En outre, la numérisation, associée à l'utilisation du téléphone ou du réseau câblé faisant office de canal de retour, autorise le lancement de services audiovisuels interactifs comme le paiement à la séance, la quasi-vidéo à la demande («near-video-on-demand», NVOD), la vidéo à la demande («video-on-demand», VOD), la télébanque, le téléachat et le télé-enseignement.
(34) D'après les informations fournies par les parties, le réseau câblé de Telekom sera numérisé en 1995. Dès le début de l'année 1995, 80 % des foyers câblés pourront recevoir des émissions en numérique (à condition de disposer d'un décodeur). Cette proportion devrait atteindre 96 % dans le courant de l'année. La transmission par satellite peut déjà être effectuée sous forme, soit analogique, soit numérique, les seules adaptations requises portant sur la diffusion terrestre et les appareils de réception. Sur son réseau câblé à large bande, Telekom proposera, sur l'hyperbande de 300-450 MHz, 15 canaux pouvant transmettre des signaux numériques. Chacun de ces canaux pourra véhiculer de 4 à 10 programmes numériques. Dans un premier temps, Telekom a l'intention d'ouvrir trois canaux à la télévision payante numérique avant la fin de 1995.
(35) Alors que, aux États-Unis, un bouquet de programmes numériques directement recevables par satellite, comprenant au départ 75 programmes (Direct TV), a démarré au début de 1994, l'Europe en est encore au stade des projets pilotes. Au Royaume-Uni, BSkyB offre des programmes payés à la chaîne ou à la séance, qui sont diffusés par satellite, tandis que BT va expérimenter un service de vidéo à la demande reposant pour partie sur le numérique. En France, France Télécom vient de lancer un appel d'offres pour la fourniture de 300 000 décodeurs. Canal + va aussi lancer des décodeurs numériques en 1995. Bertelsmann s'est engagé dans une coopération avec Canal + pour exercer des activités communes dans le domaine de la télévision payante, ce qui nécessitera un investissement de plus de (...) (3) millions d'écus au cours des trois prochaines années.
(36) En Allemagne, plusieurs projets pilotes de télévision numérique (interactive dans certains cas) débuteront encore cette année, notamment à Nuremberg, à Hambourg et à Berlin. Un projet incluant des services interactifs, dont la quasi-vidéo à la demande et le téléachat, sera lancé à la fin de 1994 et portera sur 4 000 foyers au Bade-Wurtemberg (Multi Media Services Pilot) et à Hambourg (DITB Gesellschaft fuer digitales interaktives Fernsehen mbH). Dans le domaine du téléachat, l'entreprise de vente par correspondance Quelle Schickedanz AG projette de lancer un service spécial en 1995 en se dotant de sa propre chaîne de diffusion par satellite, avec un «catalogue électronique» et toute une gamme de services et de programmes de divertissement. Les entreprises consultées par la Commission au cours de la présente procédure pensent, pour la plupart, que la télévision numérique et les autres services numériques vont connaître un grand essor entre 1995 et 1998. C'est ainsi que Premiere, la chaîne de télévision payante exploitée par Bertelsmann, Kirch et Canal +, a annoncé qu'elle allait offrir des services de quasi-vidéo à la demande et des services payés à la séance à partir de 1995/1996.
(37) D'après une étude dont a rendu compte la presse spécialisée, en Allemagne, au moins 20 % des téléspectateurs âgés de plus de 14 ans sont prêts à payer, outre la redevance de télévision et l'abonnement au réseau câblé à large bande, un supplément pour accéder à la télévision payante. Il y aurait ainsi un marché potentiel de plus de 10 millions de téléspectateurs pour la télévision payante. Telekom lui-même table - c'est un élément de la stratégie développée dans le cadre de MSG - sur le raccordement de 3,4 millions de foyers en 2005.
(38) Pour autant, il n'est pas certain que toutes les formes de services audiovisuels payants passant par des appareils récepteurs d'images constituent un seul et même marché. Il se peut que des services interactifs particuliers du type téléachat ou télébanque doivent être considérés à part. Toutefois, sur la base de ce qui est actuellement connu, la télévision payante, sous la forme du paiement à la chaîne, du paiement à la séance ou de la quasi-vidéo à la demande, constitue bien un même marché car, pour ces types de services, c'est le diffuseur qui détermine seul la séquence des programmes et leur cadence. Les possibilités de choix du téléspectateur sont donc limitées (dans le cas de la quasi-vidéo à la demande, par exemple, la sélection ne porte que sur un nombre limité de films de fiction reprogrammés à certaines heures de la journée). Il en serait différemment de la véritable vidéo à la demande où le client appellerait le programme de son choix à partir d'une «vidéothèque électronique». Toutefois, d'après les informations fournies par divers opérateurs potentiels sur le marché, cette forme de diffusion ne sera probablement pas opérationnelle avant plusieurs années pour des raisons techniques: il n'est donc pas nécessaire de l'assigner avec précision à un marché particulier dans le cas d'espèce.
3. Réseaux câblés de télévision
(39) La Commission estime que les réseaux câblés de télévision payante peuvent être considérés comme formant un marché distinct.
(40) Les parties ont affirmé que les réseaux câblés de télévision payante ne formeront plus un marché de produits distinct après l'introduction de la numérisation. Elles soutiennent qu'il n'y aura plus de pénurie de capacité de transmission. Elles estiment, de surcroît, que les différentes techniques (câble, satellite et fréquences terrestres) sont maintenant considérées comme interchangeables par le consommateur et qu'elles imposent des charges financières comparables tant pour les téléspectateurs que pour les diffuseurs de programmes.
(41) Cette analyse ne peut pas être acceptée pour un certain nombre de raisons. Quel que soit son mode de transmission, analogique ou numérique, la télévision peut être diffusée par des fréquences terrestres, par satellite ou par câble. Il existe des différences considérables entre ces trois formes d'acheminement en ce qui concerne aussi bien les aspects techniques que les conditions de financement. Alors que pour recevoir la télévision transmise par voie terrestre et par satellite, il suffit au téléspectateur d'installer une antenne ou un récepteur parabolique à ses frais, la télévision par câble suppose le fonctionnement d'un réseau câblé financé par le téléspectateur moyennant une redevance périodique. Du point de vue du consommateur final, il y a une différence entre la nécessité de faire une grosse dépense unique pour accéder à un moyen donné de transmission (achat d'une antenne parabolique par exemple), et le paiement périodique de petites sommes sous la forme d'une redevance. Bien qu'en Allemagne la pénétration du marché par le raccordement au réseau câblé (environ 14 millions de foyers raccordés) soit particulièrement élevée par rapport à d'autres États membres, le choix entre les diverses techniques de transmission est loin d'être évident pour beaucoup de foyers, même dans ce pays. Sur un total de quelque 33 millions de foyers ayant la télévision, environ 8 millions ne sont pas encore câblés et il y a 9 millions de foyers pour lesquels il n'y a pas de raccordement en perspective. Le fait qu'il y ait encore une possibilité de choix pour environ 8 millions de foyers et que la disparité des modes de financement décrite s'atténue avec le choix de modalités de paiement comparables (paiements échelonnés), pourrait créer un certain degré d'interchangeabilité. Cela n'est pas le cas en Allemagne où le câblage est déjà très avancé par rapport à d'autres États membres, et pour diverses autres raisons. Des foyers équipés d'un poste de télévision qui voudraient acquérir une antenne parabolique se heurtent très souvent à une interdiction, pour des raisons esthétiques, du propriétaire ou de l'association des copropriétaires dans les immeubles collectifs. Enfin, le foyer déjà raccordé au câble ou disposant d'un récepteur de satellite ne va normalement pas engager de nouveaux frais dans un autre système de transmission («lock-in effect»). Le fait que les immeubles collectifs sont de plus en plus nombreux à passer du câble au satellite pour capter des chaînes étrangères, comme le signalent les parties, ne signifie pas que les deux vecteurs soient interchangeables parce que les programmes véhiculés ne sont pas les mêmes.
(42) Du point de vue des diffuseurs de programmes aussi, contrairement aux allégations des parties, le câble et le satellite ne sont pas interchangeables en ce qui concerne les coûts. Il ressort effectivement de la comparaison des coûts qu'elles ont mise en avant qu'un diffuseur de programmes, qui émet ses programmes par satellite et les retransmet par câble, a des coûts comparables à ceux d'un diffuseur transmettant uniquement par câble. Pour autant, le diffuseur de programmes, qui émet uniquement par satellite (réception directe à domicile), a des coûts par foyer et par an qui sont nettement plus élevés.
(43) Enfin, on ne peut suivre les parties lorsqu'elles affirment qu'il n'y a plus de marché de produits distinct pour les réseaux câblés parce que la numérisation met fin à la pénurie des canaux de transmission des signaux. L'existence d'un marché pour un bien économique donné n'est pas déterminée par la quantité, limitée ou suffisante, du bien qui est proposé à la clientèle. Le facteur décisif est l'existence ou non de relations commerciales rémunérées pour le bien ou le service. De telles relations se nouent actuellement et se noueront à l'avenir pour les capacités de transmission de signaux de télévision, que ce soit sous mode analogique ou numérique.
(44) Pour les raisons qui viennent d'être exposées, la Commission considère qu'il y a un marché de produits distinct pour les réseaux câblés de télévision payante.
B. Marché géographique en cause
(45) Sur la base des résultats de l'enquête de la Commission, le marché géographique en cause pour lestrois marchés de produits qui ont été définis se limite à l'Allemagne. Toutefois, en ce qui concerne le marché des services, il n'est pas exclu que MSG puisse à terme, éventuellement en association avec des partenaires locaux, étendre ses activités à d'autres pays.
(46) 1. Dans le cas de la télévision payante, cette restriction au marché allemand est surtout due au fait que, dans une large mesure, les programmes proposés dans ce pays ne sont pas interchangeables avec ceux offerts dans d'autres pays. Pour les diffuseurs de télévision payante, les conditions de concurrence varient actuellement et varieront encore énormément d'un État membre à l'autre, y compris après la numérisation des moyens de transmission pour les raisons suivantes.
- Dans une très large mesure, les programmes de télévision sont circonscrits au territoire national et ne sont diffusés que dans les langues du pays concerné. Les droits de diffusion sont accordés pour un ou plusieurs pays ou régions linguistiques donnés. L'attribution des droits de diffusion et la fixation des plages horaires (les «fenêtres») pour les films de fiction, la vidéo et la télévision payante sont fonction des diverses dispositions légales et/ou des clauses contenues dans les accords conclus entre les diffuseurs. En outre, les films et autres programmes en langue étrangère ne sont presque jamais diffusés dans la langue originale. Alors que les films en langue anglaise, par exemple, sont fréquemment diffusés au Benelux et en Scandinavie dans la langue originale avec des sous-titres, le doublage est une pratique générale en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. Pour les diffuseurs, le coût de ces deux options n'est pas le même.
- On trouve, il est vrai, déjà des chaînes spécialisées qui dépassent les frontières linguistiques comme la chaîne franco-allemande Arte ou la chaîne musicale MTV. L'éventail des émissions proposées et leur combinaison n'en restent pas moins généralement déterminés par les différences culturelles et les préférences du public auquel elles s'adressent.
(47) Les barrières linguistiques et les différences de réglementation, tout particulièrement, vont subsister, même à l'ère de la télévision numérique. On peut considérer que les programmes de télévision payante en Allemagne resteront à l'avenir essentiellement des programmes en langue allemande. Par le jeu de ce seul facteur, les conditions de concurrence y seront différentes de celles des pays non germanophones.
(48) Le marché de la télévision payante présente au demeurant d'autres différences encore dans les conditions de concurrence entre les États membres. Dans le domaine analogique, la structure de l'offre se caractérise par le fait qu'un diffuseur particulier occupe une position dominante, voire une situation de monopole dans presque tous les États membres. C'est le cas de BSkyB au Royaume-Uni, de Canal + en France et en Espagne, de Filmnet dans les pays du Benelux, de Telepiù en Italie et de Premiere en Allemagne. La pluralité de l'offre n'existe qu'en Scandinavie (Filmnet, TV 1000, Tele TV). Les prix, le nombre des programmes et les possibilités de combinaison varient aussi d'un pays à l'autre. Les procédés de cryptage décrits plus haut peuvent également différer selon les diffuseurs, quoique plutôt sur une base régionale. En Allemagne, Premiere est actuellement le seul diffuseur et n'exploite qu'un seul programme. La pénétration du marché allemand par la télévision payante est à l'évidence très faible. Il n'y a que 800 000 foyers allemands ayant la télévision, soit 2 % du total, qui soient abonnés à Premiere. En France et au Royaume-Uni, les pourcentages correspondants sont de 16 % et de 15 %. Certes, une différence dans le degré de pénétration ne constitue pas en soi une barrière à l'entrée sur le marché. Toutefois, à en croire un certain nombre de concurrents des entreprises parties à la concentration sur le marché de la télévision, l'écart constaté entre l'Allemagne et la France, par exemple, s'explique par la disparité d'attrait des films de fiction diffusés par les télévisions d'accès libre financées par la publicité. Le large éventail de films de fiction offert à la télévision allemande rendra également l'accès au marché plus difficile à d'autres parties.
(49) D'un point de vue technique, enfin, on rappellera que, dans le système de télévision payante, le téléspectateur ne peut recevoir des programmes que s'il est équipé d'un décodeur. Cela offre en principe la possibilité technique de pratiquer une différenciation des prix, d'un État membre à l'autre, pour des programmes identiques.
(50) Même s'il est probable que l'introduction du numérique va entraîner une augmentation de l'offre et le développement de multiples services interactifs, les déséquilibres structurels du volet offre n'en disparaîtront pas pour autant rapidement. Il est déjà prévisible que les grands diffuseurs actuels de télévision payante joueront aussi un rôle majeur dans le secteur numérique. Les informations recueillies par la Commission portent à conclure que l'Allemagne est considérée, pour ce qui est des services audiovisuels payants, comme le marché potentiel le plus important d'Europe.
(51) Il en serait de même pour des diffuseurs allemands qui voudraient étendre leurs activités à l'Autriche. Mais là, à cause de l'absence de barrière linguistique, on peut considérer qu'il s'y formera un marché pour la télévision payante en langue allemande. Pour le moment, le programme de télévision payante Premiere géré par Kirch, Bertelsmann et Canal + a la très grande majorité de ses abonnés en Allemagne; moins de (...) % des abonnés se trouvent en Autriche. Il n'y a pour le moment pas d'autre diffuseur de télévision payante dans ces deux pays. Pour ces raisons, et compte tenu des conditions de concurrence après numérisation qui sont décrites ci-après, l'appréciation de l'entreprise commune sous l'angle de la concurrence ne change pas dans l'hypothèse d'un marché géographique couvrant les deux pays.
(52) 2. Étant donné que les services offerts par MSG sont étroitement liés à la télévision payante, force est de considérer que le marché de ces services restera encore limité à l'Allemagne pendant un certain temps. Certes, comme le soutiennent les parties, MSG est plutôt orienté vers des activités à l'échelle européenne et il n'y a pas d'obstacle à la fourniture de décodeurs et de cartes à puce ni à la gestion d'abonnements à l'étranger. Il est vrai aussi que les différences linguistiques et réglementaires pertinentes pour la télévision payante n'ont pas d'effet direct dans le domaine des services. Cependant, les diffuseurs de télévision payante dont la gestion est prise en charge par MSG devront, comme nous l'avons déjà signalé, obtenir des capacités de transmission auprès des propriétaires des réseaux nationaux. Si le fait a peu de portée dans les pays dans lesquels les programmes de télévision sont principalement reçus par satellite, il est d'une importance cruciale pour le marché allemand où plus de 14 millions de foyers sont câblés. Les activités de MSG seront en conséquence limitées, dans un premier temps, à l'Allemagne. Même la chaîne payante Premiere, qui assure elle-même les services auxiliaires nécessaires et qui peut, selon ses dires, les fournir à d'autres diffuseurs de télévision payante, trouve, comme on l'a vu, le plus gros de son portefeuille d'abonnés en Allemagne. Toutefois, dans la mesure où les diffuseurs allemands de télévision payante numérique se constitueront une clientèle d'abonnés dans d'autres régions de langue allemande, le marché de MSG s'étendra selon toute probabilité aussi à ces régions.
(53) Quand bien même les diffuseurs de programmes étrangers n'auraient-ils pas nécessairement besoin d'une infrastructure technique leur appartenant en Allemagne pour y offrir leurs programmes, disposer d'une telle infrastructure n'en constitue pas moins un atout. Jusqu'à présent, les services auxiliaires ont toujours été fournis par le diffuseur national de télévision payante. La création récente de l'entreprise allemande de commercialisation et de services Selco, qui gère les programmes de télévision payante de BSkyB ainsi que d'autres programmes en langue anglaise, est éclairante à cet égard. Les chances de MSG de percer sur le marché tiennent encore, dans une mesure non négligeable, à l'existence d'un réseau câblé bien développé en Allemagne. Ce réseau, par lui-même et en association avec le réseau téléphonique, jouera aussi un rôle très important pour les futurs services interactifs. Cela paraît d'autant plus vrai que l'introduction imminente de la technologie RNIS, sur la base d'un réseau câblé à large bande en fibre optique, permettra de mettre en place un réseau de transmission de données interactif dont les capacités seront pratiquement illimitées. Étant donné que dans la plupart des autres États membres, en particulier en France et au Royaume-Uni, le raccordement au câble est nettement moins généralisé qu'en Allemagne, les conditions de concurrence en Allemagne, d'une part, et dans les autres États membres, d'autre part, ne vont pas devenir homogènes dans un avenir prévisible. En prenant en compte l'Autriche et les réseaux câblés en place sur base des considérations développées précédemment (considérant 52), l'apparition d'un marché germanophone pour les services en cause est du domaine du possible.
(54) 3. En ce qui concerne l'exploitation des réseaux câblés de télévision payante, il y a déjà un marché national allemand, caractérisé par le monopole public qu'exerce Telekom sur la pose et l'exploitation des réseaux câblés sur la voie publique. Autrement dit, les conditions de concurrence en Allemagne sont substantiellement différentes de celles qui prévalent dans les pays dans lesquels le monopole sur les réseaux a déjà été aboli et où, dans certains cas, coexistent plusieurs câblo-opérateurs privés.
C. Effets de la concentration
1. Services techniques et administratifs
(55) MSG sera le premier fournisseur de services techniques et administratifs de télévision payante ainsi que d'autres services audiovisuels payants en Allemagne. En dehors de Selco, qui occupe un segment très particulier du marché, MSG est vraisemblablement appelé à devenir l'unique fournisseur de services de cette nature sur le marché allemand dans un avenir proche et il détiendra de ce fait une position de monopole. Même si un monopole sur un marché d'avenir, qui commence seulement à se développer, ne doit pas nécessairement être considéré comme une position dominante au sens de l'article 2 paragraphe 3 du règlement sur les concentrations, pour présumer qu'il n'y a pas de position dominante, il faut que le nouveau marché reste ouvert à la concurrence future et donc que le monopole soit temporaire. Cette condition n'est pas remplie dans la présente affaire. Il est à prévoir que le marché des services offerts par MSG sera cloisonné, dès la phase de développement, par la création de l'entreprise commune et que MSG occupera une position de monopole d'une manière durable.
a) Élimination de la concurrence potentielle
(56) Comme nous l'avons déjà indiqué, l'expérience dans d'autres pays montre que ce sont les diffuseurs de télévision payante ou les câblo-opérateurs qui vont le plus vraisemblablement aussi fournir les services techniques et administratifs auxiliaires requis. En Allemagne, le seul diffuseur de télévision payante qui y existe actuellement est Premiere, qui est contrôlé en commun par ses trois actionnaires: Bertelsmann, Kirch et Canal +. Premiere assure les services techniques et administratifs nécessaires à ses propres activités de télévision payante. En face, il y a Telekom qui détient un monopole public sur le réseau câblé à large bande et qui est pratiquement le seul câblo-opérateur exerçant en Allemagne. En effet, plus de 90 % des réseaux câblés du pays sont exploités par Telekom. La création de MSG entraîne donc une concentration d'entreprises qui devraient sinon installer chacune séparément l'infrastructure requise pour la télévision payante numérique et assurer les services correspondants. L'entrée de compétiteurs potentiels est de la sorte exclue dès la phase de développement du marché.
(57) Les parties opposent à cet argument qu'aucune des entreprises fondatrices de MSG, compte tenu des énormes investissements en jeu, ne voudra se lancer toute seule sur le marché des services offerts par MSG. Elles font valoir qu'aucun des actionnaires de MSG n'accepterait de courir le risque inhérent à l'investissement isolément et sans le savoir-faire qu'ils combinent. On admettra que les investissements à engager, qui sont estimés à (...) millions de marks allemands au cours des dix prochaines années selon les documents disponibles, sont énormes. Il reste que Bertelsmann et Kirch, d'une part, et Telekom, d'autre part, ont les moyens voulus pour monter un projet comparable à celui de MSG. Ils ont aussi chacun pour leur part un puissant intérêt à mettre en place l'infrastructure technique nécessaire à la télévision payante numérique. Pour Bertelsmann et Kirch, on citera les possibilités additionnelles de programmation qu'offre la numérisation pour la télévision payante tout particulièrement. Pour Telekom, il est très important que les conditions préalables à la création de la télévision payante numérique soient remplies dès le départ. Comme les programmes additionnels facilités par la numérisation seront probablement pour la plupart payants, ainsi que nous l'avons vu, le succès de la télévision numérique et donc la meilleure exploitation du réseau câblé de Telekom dépendront de la mise en place de l'infrastructure de base nécessaire.
(58) L'argument développé par les parties selon lequel le risque de l'investissement dans l'infrastructure numérique ne peut être couru que collectivement n'emporte pas non plus la conviction, à en juger par le lancement du système de téléphonie mobile GSM en Allemagne. Là aussi, il fallait créer une infrastructure qui couvre la plus grande partie possible du territoire pour un système de communication nouveau. Deux opérateurs de téléphonie mobile rivaux y sont en tout état de cause parvenus. Les usagers ont de la sorte la possibilité de choisir entre deux systèmes concurrents, le système D1 exploité par Telekom et le système D2 exploité par un groupe privé. Alors que les investissements dans MSG ne devraient pas dépasser (...) millions de marks allemands sur une période de dix ans, chacun des opérateurs de D1 et de D2 ont investi 2,5 à 3 milliards de marks allemands en cinq ans.
(59) Il ressort de la documentation fournie par Telekom sur le projet MSG que Telekom a un intérêt stratégique, en développant une entreprise de services, à pénétrer le marché de la télévision payante et le futur marché des services interactifs à haute valeur ajoutée. En favorisant la diffusion de la télévision payante comme moyen d'accès aux services interactifs, Telekom se donne la possibilité de mener, sur le réseau câblé à large bande, une politique commerciale qui table davantage sur les activités de services et moins sur les activités de raccordement proprement dites. Dans ce contexte, il est probable que s'il ne participait pas à MSG, Telekom se lancerait indépendamment sur le marché des services techniques et administratifs et exploiterait une infrastructure de télévision payante qui ne serait pas contrôlée par Bertelsmann et Kirch. Au besoin, Telekom entreprendrait cette tâche avec des partenaires qui ne seraient pas actifs dans le domaine de la télévision payante.
b) Cloisonnement du marché
(60) Il semble difficilement concevable que des fournisseurs concurrents en Allemagne puissent accéder au marché des services techniques et administratifs de télévision payante une fois que MSG s'y sera établi. La mise en place d'une autre infrastructure demanderait d'énormes investissements que des fournisseurs ou groupes de fournisseurs rivaux n'engageraient que s'ils avaient des chances de percer sur le marché. Si MSG vient à occuper tout le marché, ces chances deviennent très minces. L'offre alternative de services devrait s'imposer contre les avantages concurrentiels combinés et les atouts particuliers de Telekom, d'une part, et de Bertelsmann et Kirch, d'autre part. Cela ne semble guère possible.
aa) Atouts de Telekom
(61) Des atouts de Telekom sont particulièrement pertinents pour l'entreprise commune MSG et le marché des services offerts:
- Telekom dispose d'un réseau câblé à large bande couvrant actuellement plus de 13 millions de foyers, soit plus 90 % de tous les foyers reliés au câble en Allemagne (14 millions de branchements au total). Entre les deux principaux vecteurs de la télévision payante, la câblodistribution joue un rôle beaucoup plus important que le satellite qui n'atteint actuellement que 7 millions de foyers. Qui plus est, l'accès à des marchés régionaux ou locaux est moins cher par la transmission directe et localisée dans le réseau câblé. Étant donné l'importance du réseau câblé en Allemagne, il semble logique de ne fournir des services auxiliaires de la télévision payante que si ces services sont liés à des programmes payants qui sont également diffusés par câble. Limiter les services aux programmes diffusés par satellite n'est concevable que pour certains segments de marché particuliers, tel le segment occupé par Selco que nous décrirons plus loin. En dehors de ces segments, les diffuseurs de télévision payante sont obligés d'emprunter le réseau câblé de Telekom,
- en tant que propriétaire du réseau câblé, Telekom sera chargé de la numérisation de l'hyperbande. Il déterminera l'expansion progressive des canaux de transmission pour la télévision numérique et peut donc contrôler le développement de la capacité de transmission de cette télévision avancée,
- en acquérant récemment une participation de 16,6 % dans le capital de SES, Telekom est devenu le deuxième actionnaire, après le grand-duché de Luxembourg, du principal opérateur européen de satellites, lequel atteint six millions de foyers en Allemagne avec la flotte de satellites Astra. Telekom est représenté au conseil d'administration de SES et collabore avec SES pour assurer la compatibilité entre le réseau de diffusion par satellite et le réseau de diffusion par câble dans le secteur numérique. Même s'il ne contrôle pas SES, Telekom peut influencer, grâce à sa participation au capital de cette entreprise, l'attribution des canaux utilisant les satellites Astra, qui jouent un rôle dominant dans la Communauté,
- possédant le réseau câblé à large bande et détenant en même temps le monopole du réseau de téléphonie fixe, Telekom contrôle les deux principaux vecteurs susceptibles de fournir le canal de retour nécessaire pour la télévision numérique interactive. L'utilisation du système de téléphonie mobile comme canal de retour, tout en étant techniquement possible, n'apparaît pas une bonne solution alternative sur le plan économique, à tout le moins pour les ménages. Selon les informations dont la Commission dispose, le réseau câblé à large bande en Allemagne ne peut pas, pour des raisons techniques, servir de canal de retour. Il faudrait pour cela engager des investissements complémentaires. Le réseau téléphonique de Telekom, ou son réseau en fibre optique, revêt ainsi une importance particulière, car c'est actuellement le seul canal de retour envisageable pour la télévision interactive,
- grâce à son réseau câblé, Telekom dispose d'un portefeuille d'abonnés qui peut revêtir un grand intérêt pour l'exploitation de la télévision payante. Il a un accès direct à environ 4 millions de clients particuliers. Il participe, de surcroît, indirectement à des sociétés de services du câble, qui atteignent 900 000 autres usagers au niveau de réseau 4 (installations domestiques de distribution). Enfin, Telekom a des boutiques dans tout le pays et dispose de la sorte d'un appareil de distribution national,
- en tant qu'opérateur du réseau câblé et du réseau téléphonique, Telekom a acquis une expérience certaine dans la gestion des réseaux et le savoir-faire technique voulu dans le domaine des services de communication.
Les atouts particuliers de Telekom ainsi décrits offrent d'importants avantages concurrentiels à MSG sur ses concurrents potentiels.
bb) Atouts de Bertelsmann et Kirch
(62) Bertelsmann et Kirch disposent déjà par le relais de Premiere, jusqu'ici le seul diffuseur de télévision payante, d'un portefeuille d'abonnés qui pourra aussi servir pour la future télévision payante numérique. Les parties font valoir à cet égard que le portefeuille d'abonnés de Premiere n'est pas suffisant pour amortir l'investissement dans MSG. Cela est peut-être vrai. Il reste que le risque inhérent à l'investissement dans l'infrastructure numérique est considérablement réduit si le prestataire de services peut déjà tabler sur un portefeuille d'abonnés à la télévision payante analogique. Le «compétiteur» de MSG devra quant à lui trouver un réseau d'abonnés que les diffuseurs de télévision payante dont il assurera la gestion devront se constituer. Les concurrents de Bertelsmann et Kirch sur le marché de la télévision payante, devront, contrairement aux sociétés mères de Premiere, partir de zéro. Il en est de même des concurrents potentiels de MSG dans le domaine des services techniques et administratifs.
(63) Comme nous l'expliquons dans le détail plus loin, Bertelsmann et en particulier Kirch ont un accès privilégié au progiciel. Bien plus que leurs concurrents potentiels sur le marché de la télévision payante, Bertelsmann et Kirch ont la possibilité, après introduction de la télévision numérique, d'offrir des programmes payants attrayants supplémentaires. Le concurrent potentiel de MSG aurait donc à se créer une clientèle sans pouvoir compter sur les programmes des grands diffuseurs de télévision payante pour alimenter son infrastructure technique. Tout cela accroît notablement le risque économique pour un compétiteur.
(64) Enfin, Bertelsmann, qui a l'expérience de la gestion de la clientèle, avec 22 millions de membres de clubs du livre dans le monde entier, et qui est le principal exploitant de clubs du livre en Allemagne, où il compte 6 millions de membres, dispose d'un important appareil potentiel de distribution pour la télévision payante. Cela renforce aussi les chances de succès des futurs programmes de télévision payante numérique de Bertelsmann et Kirch, tout en assurant une clientèle à MSG. À cet argument, Bertelsmann répond qu'une grande partie du portefeuille de membres des clubs du livre lui est louée par (...) sociétés de vente indépendantes et qu'il n'a pas intérêt à détourner le pouvoir d'achat des membres des clubs vers d'autres produits au détriment des produits qui se vendent déjà. D'une part, ce n'est pas le mode de distribution, à savoir la prospection de la clientèle par des sociétés indépendantes, qui empêche vraiment d'élargir la gamme des produits offerts par les clubs. D'autre part, l'argument selon lequel la demande des membres des clubs va changer, au détriment des livres et des disques et au profit des produits audiovisuels payants, n'emporte pas la conviction. Tout produit audiovisuel payant populaire crée un risque de transfert dans «le budget culturel» des consommateurs, quel que soit le circuit de vente, et le succès de la télévision payante numérique correspond justement à l'objectif déclaré de MSG et des sociétés mères.
cc) Autres prestataires de services
(65) La seule autre société actuellement connue pour vouloir offrir en Allemagne des services comparables à ceux de MSG est Selco Servicegesellschaft fuer elektronische Kommunikation mbH (Selco). Selco est une entreprise commune créée par la chaîne de télévision privée PRO 7 (50,1 %) et News Corporation Ltd (49,9 %), qui appartient au groupe Murdoch. Selon les informations dont la Commission dispose, Selco a pour seul objet social de commercialiser des programmes en langue anglaise sur les territoires germanophones. Il s'agit surtout de programmes du diffuseur de télévision payante BSkyB qui appartient aussi au groupe Murdoch. Selco va donc opérer dans une niche du marché avec un portefeuille limité d'abonnés. On relèvera encore que 47,7 % du capital de PRO 7 sont détenus par M. Thomas Kirch, fils du propriétaire du groupe Kirch. Il apparaît, en outre, que PRO 7 achète et utilise beaucoup de progiciels du groupe Kirch pour ses propres programmes. PRO 7 semble donc devoir être inclus dans la sphère d'influence du groupe Kirch. Cela étant, on peut difficilement s'attendre à ce que Selco entre directement en concurrence avec MSG.
(66) La société luxembourgeoise en voie de création Europe Online SA, que citent les parties, a uniquement pour activité, selon des articles parus dans la presse, des services interactifs d'information assistés par ordinateur. Étant donné le montant du capital social annoncé dans la presse, à savoir la contrevaleur de 1,25 million de marks allemands, il est improbable que Europa Online crée une infrastructure pour la télévision payante numérique.
(67) On ne saurait objectivement suivre les parties quand elles prétendent que d'autres concurrents vont entrer sur le marché de MSG, étant donné les avantages concurrentiels dont jouit l'entreprise commune. À cet égard, il convient de souligner une contradiction dans l'argumentation des parties. D'un côté, elles font valoir que le risque inhérent à l'investissement est trop élevé pour que Bertelsmann et Kirch et Telekom puissent l'assumer sans combiner leurs efforts. De l'autre, elles déclarent que d'autres concurrents vont entrer sur le marché une fois que MSG s'y sera implantée avec succès.
(68) La présomption que MSG détiendra une position de monopole de manière durable est confirmée tout à la fois par les conclusions de l'audition à laquelle beaucoup de tiers ont pris part et par les réponses reçues de nombreuses autres entreprises interrogées par la Commission, entreprises qui exercent des activités dans le domaine de la télévision ou dans d'autres domaines touchant aux activités de MSG. On ne saurait donc penser qu'un prestataire de services rival puisse venir concurrencer MSG.
(69) On peut par ailleurs s'attendre à ce que MSG occupe une position dominante même si l'entreprise commune, avec sa structure d'actionnariat prévue, décide d'installer un parc de décodeurs reposant sur le procédé dit d'«interface commune». Par «interface commune», on entend une technique de cryptage qui permet à un autre diffuseur de télévision payante ou prestataire de services audiovisuels payants d'appliquer un système de contrôle d'accès et de gestion des abonnements en recourant à un parc de décodeurs déjà en place sans avoir besoin d'une licence de l'entreprise qui l'aura installé. Le procédé permet de monter les modules de différents prestataires de programmes ou de services dans un décodeur équipé d'une interface commune, chaque module contenant des clés de cryptage exclusives. Dans ce cas de figure, les concurrents potentiels de MSG n'auront évidemment pas à investir dans un parc de décodeurs. Mais dans la mesure où les décodeurs seront loués, on ne peut pas exclure que MSG puisse imposer au téléspectateur dans le contrat de location l'interdiction d'utiliser, sans son consentement, le décodeur avec des modules d'autres prestataires de télévision payante ou de services audiovisuels payants. Cette forme de restriction contractuelle est possible en l'état actuel des conventions arrêtées dans le cadre du projet DVB. Sous le coup d'une telle restriction, les concurrents de Bertelsmann et Kirch ou de MSG ne pourraient accéder librement au parc des décodeurs mis en place en dépit de l'interface commune, aussi longtemps que la majeure partie ou même une grande partie des décodeurs resteraient loués par MSG et ne seraient pas achetés par les abonnés. D'après le plan d'entreprise de MSG, ce sera le cas pendant les cinq premières années au moins, la proportion des appareils loués tombant progressivement d'environ 70 % à quelque 20 %. Autrement dit, l'accès ne sera pas tout à fait libre pendant un certain temps encore après l'introduction de la télévision numérique. Cette période sera pourtant décisive pour la formation des caractéristiques du marché de MSG. Qui plus est, même après cette période, l'accès ne sera libre qu'à l'aide des décodeurs vendus à des abonnés et non des décodeurs loués déjà en place.
(70) Même si MSG renonçait à limiter l'accès d'autres prestataires de services dans les contrats de location des décodeurs, MSG occuperait encore une position dominante sur le marché particulier des procédés de contrôle d'accès et de gestion des abonnements qui existerait alors virtuellement. En effet, grâce au potentiel d'activité de Bertelsmann et Kirch dans le domaine de la télévision payante, MSG va sûrement bénéficier d'avantages comparatifs d'échelle (portefeuille d'abonnés, nombre de programmes gérés) qui entraveront d'autant la concurrence de prestataires de services rivaux. Par ailleurs, la participation de Telekom à l'entreprise commune permet à celle-ci de mettre au service des diffuseurs de télévision payante le portefeuille d'abonnés au réseau câblé à large bande de Telekom, même si les contrats sont juridiquement conclus entre Telekom et les usagers. Contrairement aux autres prestataires de services potentiels, MSG peut ainsi offrir aux diffuseurs de programmes un service complet couvrant tous les aspects techniques indispensables de la télévision payante.
(71) Qui plus est, si MSG occupe le marché avec la structure d'actionnariat prévue, chaque nouveau diffuseur de télévision payante sera, selon toute probabilité, largement tributaire des services offerts par MSG même si, avec une interface commune et un accès libre aux décodeurs, le système de contrôle d'accès et de gestion des abonnements est géré par d'autres prestataires de services utilisant le parc de décodeurs installé par MSG. On ne saurait s'attendre à ce que l'abonné de télévision payante moyen souhaite traiter avec plusieurs gestionnaires d'abonnements différents. L'intérêt des téléspectateurs est de n'avoir qu'un seul interlocuteur qui règle pour son compte toutes les questions touchant à la réception de la télévision payante (extension de l'abonnement à des programmes supplémentaires, diminution du nombre de programmes souscrits, règlement de l'abonnement, etc.). Ce sera donc le prestataire de services qui peut offrir le plus grand nombre de programmes et les programmes les plus attrayants qui l'emportera sur les autres compétiteurs, qui éprouveront des difficultés à s'imposer. On peut s'attendre à ce que MSG occupe cette position privilégiée. En effet, grâce à leurs ressources en programmes, Bertelsmann et Kirch pourront livrer des programmes attrayants sur le marché de la télévision payante numérique plus rapidement et en plus grand nombre. Tout nouveau diffuseur de télévision payante devra considérablement réviser à la baisse ses prévisions de vente s'il ne recourt pas aux services de MSG et cherche à offrir au client son propre système de gestion des abonnements ou celui d'un autre prestataire de services.
(72) L'«effet de ponction» («suction effect») d'une entreprise de services contrôlée par Bertelsmann et Kirch pourrait, en revanche, être contré plus aisément par le câblo-opérateur qui assumerait lui-même la gestion des abonnements à la télévision payante et, le cas échéant, offrirait des bouquets de programmes qu'il aurait confectionnés lui-même. Étant donné les conditions structurelles qui règnent en Allemagne, cette fonction pourrait seulement être exercée par Telekom qui domine le marché des réseaux câblés. Les îlots câblés des opérateurs privés sont pour la plupart trop petits pour justifier le coût des investissements à engager pour monter un système distinct de contrôle d'accès et de gestion des abonnements. Contrairement au réseau câblé à large bande de Telekom, les réseaux câblés des opérateurs privés ne constituent, de surcroît, pas un vecteur suffisamment étendu pour que les programmes payants de Bertelsmann et Kirch en soient tributaires. Compte tenu donc de la participation de Telekom à MSG, la structure du marché permet de considérer que MSG y occupera une position dominante, même si elle adopte le procédé d'interface commune.
c) Conclusion
(73) Pour toutes les raisons ainsi indiquées, le projet de concentration donnera à MSG une position dominante durable sur le marché des services techniques et administratifs en Allemagne.
2. Télévision payante
(74) La détention par MSG d'une position dominante sur le marché des services administratifs et techniques viendrait considérablement renforcer la position de Bertelsmann et Kirch sur le marché de la télévision payante qui se situe en aval. La création de MSG donnerait à Bertelsmann et Kirch la possibilité d'occuper une position dominante durable sur le marché de la télévision payante.
a) Position actuelle de Bertelsmann et Kirch sur le marché de la télévision payante
(75) À l'heure actuelle, Premiere, qui est une entreprise contrôlée en commun par Bertelsmann, Kirch et Canal +, est le seul diffuseur de télévision payante en Allemagne. Même si l'augmentation de capacité résultant de la numérisation permet de multiplier les programmes payants et permet en théorie à des concurrents de pénétrer sur ce marché particulier, les faits démontrent à l'évidence que Bertelsmann et Kirch continueront d'y occuper une position prééminente indépendamment de la création de MSG.
(76) Bertelsmann et Kirch ont un accès privilégié à des logiciels attrayants pour la télévision payante. Kirch est le premier producteur allemand de films de fiction et de programmes de divertissement pour la télévision. Il a en stock quelque 15 000 films de tout genre et 50 000 heures de programmes de télévision. Il exerce aussi d'importantes activités de production dans le domaine du cinéma et de la télévision. Avec Axel Springer Verlag, Kirch contrôle aussi ISPR. ISPR est entre-temps devenue une grande agence de gestion des droits de transmission des manifestations sportives et commercialise ainsi tous les matchs de football de la Bundesliga. Bertelsmann a aussi accès à des droits de transmission d'activités sportives populaires et à des activités de production de films par l'Ufa.
(77) Les deux entreprises exercent une large gamme d'activités dans le domaine de la télévision commerciale d'accès libre. Les chaînes commerciales, dans lesquelles Bertelsmann et Kirch ont des participations ou qui doivent être comprises dans la sphère d'influence du groupe Kirch, engrangent ensemble 80 % des recettes publicitaires de la télévision en Allemagne (RTL, SAT 1, PRO 7, RTL 2, VOX, Deutsches Sportfernsehen et Kabelkanal). Kirch, en particulier, par le relais des entreprises dans lesquelles il a des participations ou qui sont à inclure dans sa sphère d'influence (SAT 1, DSF, PRO 7 et Kabelkanal), a la possibilité d'exploiter plusieurs fois des droits sur des films ou des droits sur des manifestations sportives. Cela lui permet d'acheter ces droits plus cher que ses concurrents. Grâce à leur accès privilégié aux progiciels, après numérisation, il sera plus facile pour Bertelsmann et Kirch que pour leurs concurrents potentiels d'offrir un éventail plus large de programmes et bouquets de programmes attrayants.
(78) À cet égard, on relèvera que les ressources de programmation de Bertelsmann et Kirch leur permettent de confectionner des bouquets de programmes qui sont adaptés aux besoins de groupes cibles particuliers et qui peuvent être offerts à des prix d'abonnement intéressants. L'expérience acquise dans des pays où la télévision payante se situe à un stade de développement plus avancé montre que la réunion de programmes individuels en bouquets constitue un facteur clé de succès sur le marché. Qui plus est, les diffuseurs de télévision payante occupant une position moins forte sur le marché sont parfois amenés à inclure leurs programmes dans les paquets de l'opérateur dominant, ce qui lui permet d'exercer un contrôle sur ces concurrents.
(79) Il faut aussi tenir compte du fait, comme nous l'avons déjà vu, que Bertelsmann est le principal opérateur de clubs du livre en Allemagne et qu'il dispose ainsi d'un important appareil de distribution potentiel pour les programmes de télévision payante. Pour sa part, Kirch tire un avantage concurrentiel supplémentaire de sa participation de 35 % dans la maison d'édition Axel Springer Verlag qui, à son tour, détient une participation de 20 % dans le capital de SAT 1. Axel Springer Verlag est la plus grosse maison de presse en Allemagne et aussi le principal éditeur de revues spécialisées de télévision. L'association de Kirch et d'Axel Springer Verlag dans le domaine des médias est à l'évidence de nature à stimuler la faveur du public pour les programmes de télévision payante auxquels Kirch participe.
(80) En ce qui concerne la position de Bertelsmann et Kirch sur le marché de la télévision payante, on notera encore que l'interdiction de concurrence imposée aux actionnaires de Premiere, déjà décrite précédemment, enlève toute possibilité de concurrence entre les deux entreprises sur le marché en cause. Cet aspect est peut-être moins important dans le cas de la télévision analogique où la création de nouveaux programmes de télévision payante est de toute manière limitée par la rareté des canaux de transmission disponibles. Grâce à l'augmentation des capacités de transmission qui résultera de la numérisation, Bertelsmann et Kirch pourront en revanche offrir un éventail beaucoup plus large de programmes sur le marché. La restriction de concurrence que crée la clause d'interdiction de concurrence s'en trouvera fortement renforcée.
(81) Au total, Bertelsmann et Kirch occupent d'ores et déjà une position extrêmement forte sur le marché de la télévision payante.
b) Renforcement de la position de Bertelsmann et Kirch par la création de MSG
(82) Si, pour toutes ces raisons, MSG vient à occuper durablement une position de monopole en tant qu'opérateur d'une infrastructure numérique pour la télévision payante, tous les diffuseurs de télévision payante qui pénétreront sur ce marché à la suite de la numérisation seront obligés d'acheter les services auxiliaires à une entreprise contrôlée par des diffuseurs occupant déjà une position prééminente sur le marché. Les futurs concurrents de Bertelsmann et Kirch n'auront d'autre choix que celui d'accepter les conditions de MSG ou de rester en dehors du marché. Cette appréciation est confortée par les résultats de l'audition et les avis d'un grand nombre d'entreprises interrogées.
(83) En réponse à cette argumentation, les parties font valoir que chaque diffuseur de télévision payante a la possibilité d'assurer lui-même les services auxiliaires nécessaires comme c'est ordinairement le cas à l'heure actuelle. C'est faux. Il ressort d'une analyse de la situation que le nouveau diffuseur de programmes qui voudrait pénétrer sur le marché devrait recourir aux services du diffuseur de télévision payante qui y aurait déjà établi une infrastructure technique. La raison en est que le risque économique est normalement trop grand pour qu'un nouveau diffuseur monte une infrastructure nouvelle distincte. L'expérience a ainsi montré qu'un nouveau diffuseur de programmes au Royaume-Uni est tributaire de l'infrastructure de BskyB et qu'un nouvel entrant en France l'est de celle de Canal +. Si MSG était créée avec la structure d'actionnariat prévue, il en serait de même pour la télévision payante numérique en Allemagne.
(84) Il s'ensuit que, par le relais de MSG, Bertelsmann et Kirch peuvent exercer une influence déterminante sur la concurrence de futurs diffuseurs de télévision payante et la façonner largement à leur guise. Grâce à leur influence de contrôle sur MSG, ils peuvent veiller à ce que les conditions de MSG, et en particulier la structure des prix, soient conçues de manière à avantager leurs propres programmes au détriment de ceux des concurrents. Bertelsmann et Kirch pourront aussi tirer avantage de prix artificiellement élevés, car ils bénéficient d'une partie des gains de MSG, ce qui n'est pas le cas de leurs concurrents.
(85) En faisant valoir des contraintes techniques qu'il serait au demeurant difficile de contrôler, l'offre des services de MSG pourrait être conçue de manière à au moins retarder l'accès à des programmes qui seraient considérés comme contraires aux intérêts de Bertelsmann et Kirch. Il en est de même de la retransmission par Telekom de programmes dans le réseau câblé. Si l'opération de concentration avec Bertelsmann et Kirch dans l'entreprise commune MSG vient à se réaliser, on ne peut pas exclure que Telekom ne prenne également en considération les intérêts de ses partenaires. À en juger par les difficultés rencontrées dans le passé pour introduire dans le réseau câblé de Telekom les programmes diffusés par les satellites Astra, il est possible, en prétextant des contraintes techniques, d'exercer une influence sur l'accès au réseau câblé sans enfreindre de manière probante l'exigence de neutralité.
(86) Comme nous l'avons déjà vu, Telekom peut seul contrôler le développement numérique de l'hyperbande dans son réseau câblé à large bande. Telekom a l'intention d'ouvrir trois canaux à la télévision numérique d'ici la fin de 1995, chaque canal pouvant véhiculer numériquement entre 4 et 10 programmes de télévision. En d'autres termes, au départ, la capacité de transmission additionnelle ne sera que de 30 nouveaux programmes au plus. Une bonne partie de cette capacité peut aisément être absorbée par Bertelsmann et Kirch, notamment parce que Premiere pourra introduire un programme de quasi-vidéo à la demande qui épuisera une proportion considérable de la capacité offerte. Telekom a annoncé que la numérisation des douze autres canaux disponibles se fera en fonction des conditions économiques générales avec pour principe une couverture optimale des besoins du marché. En se fixant des critères relativement vagues, Telekom garde la possibilité de développer l'hyperbande en tenant compte des intérêts que ses partenaires dans l'entreprise commune ont dans le domaine de la télévision payante. On rappellera que l'aménagement ne peut être que graduel, la numérisation d'un nouveau canal demandant six mois environ et des investissements de l'ordre de 50 millions de marks allemands.
(87) Bertelsmann et Kirch ont aussi la possibilité, par le relais de MSG, d'exercer une influence sur la place que les programmes des concurrents occupent dans le menu. Le grand nombre de programmes possibles dans le système numérique oblige à mettre en place un système pour guider le téléspectateur dans la «jungle des programmes». Comme le modulateur de visualisation nécessaire est contenu dans le boîtier du décodeur, le système de guidage sera probablement géré par l'opérateur qui aura installé le parc de décodeurs. Le contrôle du guidage lui permet de placer les programmes des diffuseurs de télévision payante concurrents à des endroits du menu qui les rendront moins attrayants. Le nombre d'étapes de la procédure à suivre pour accéder à un programme donné revêt une importance certaine.
(88) De surcroît, Bertelsmann et Kirch ont la possibilité d'exercer une influence, par le relais de MSG, sur la commercialisation des programmes concurrents par l'inscription de ces programmes sur les cartes à puce émises par MSG. En effet, en tant qu'opérateur du système de contrôle d'accès, MSG inscrit sur les cartes à puce les programmes et les bouquets de programmes payants offerts, lesquels sont déclenchés par des signaux d'autorisation transmis avec le signal de télévision. L'abonné moyen à la télévision payante ne voudra logiquement pas avoir à utiliser une multitude de cartes à puce différentes. MSG pourra donc entraver l'activité de concurrents de Bertelsmann et Kirch en ne les inscrivant pas sur la première carte à puce contenant des programmes attrayants, mais sur des cartes à puce supplémentaires.
(89) Enfin, Bertelsmann et Kirch peuvent obtenir des avantages considérables en matière d'information par le relais de MSG. Cela vaut pour les nouveaux programmes en préparation mais surtout pour la structure de la clientèle et le comportement des abonnés relevant de leur système de gestion. Ils n'ont même pas besoin d'accéder aux données individuelles. Il leur suffit d'obtenir des données anonymes fournissant, par exemple, des informations sur la structure par âge des téléspectateurs des différents programmes. Pour les services interactifs payants avec le paiement à la séance, par exemple, l'analyse de données anonymes offre, de surcroît, des indications sur les préférences de groupes particuliers en ce qui concerne le contenu des programmes et l'ampleur de ces préférences. Toutes ces informations procurent des avantages concurrentiels notables parce qu'elles permettent de confectionner des programmes ou des bouquets de programmes mieux ciblés.
(90) Les parties ont soutenu que les actionnaires de MSG n'ont pas intérêt à agir au préjudice des autres diffuseurs de télévision payante parce que cela compromettrait le succès économique de l'entreprise commune. Cet argument est contestable. En effet, ainsi que nous l'avons déjà vu, MSG occupera probablement une situation de monopole. Les autres diffuseurs de télévision payante seront donc tributaires des services de MSG, même s'ils leur sont offerts à des conditions défavorables et discriminatoires. Qui plus est, Bertelsmann et Kirch ont tout particulièrement intérêt à contrôler le marché de la télévision payante et à exercer une influence sur les chances de succès de compétiteurs, même si c'est au détriment des recettes de MSG. On ne saurait non plus suivre les parties quand elles prétendent que la participation de Telekom garantit que l'activité de MSG sera non discriminatoire et neutre à l'égard des diffuseurs. Bertelsmann et Kirch détiennent ensemble les deux tiers du capital de l'entreprise commune. À supposer même que Telekom exerce avec eux un contrôle conjoint, on ne peut pas penser que MSG se comportera de manière neutre lorsque les intérêts des actionnaires majoritaires coïncideront. C'est très important parce que Kirch et Bertelsmann ont le savoir-faire technique dans le domaine de la télévision payante et qu'ils seront les plus gros clients des services de MSG. Ils pourront donc peser sur la marge de décision de Telekom dans l'entreprise commune.
c) Conclusion
(91) Compte tenu des avantages concurrentiels considérables que la création de MSG procurera à Bertelsmann et Kirch et des entraves qui peuvent en résulter pour de futurs concurrents, le projet de concentration est de nature à conférer à Bertelsmann et Kirch une position dominante durable sur le marché de la télévision payante ou renforcera une position dominante existant déjà. Cette appréciation est confortée par les réponses d'un grand nombre d'entreprises interrogées.
3. Réseaux câblés
(92) Le projet de concentration est aussi de nature à entraver de manière durable et significative une concurrence effective sur le marché des réseaux câblés en Allemagne. Dans un avenir immédiat, le monopole d'État détenu par Telekom sur le réseau câblé à large bande est maintenu. Avec la libération des services de téléphonie de base en 1998, on peut penser que le marché des réseaux câblés sera également déréglementé et ouvert à la concurrence. Il y a donc lieu de craindre que, en exploitant la structure de la télévision payante conjointement avec les principaux diffuseurs de télévision payante, Telekom puisse tellement renforcer sa position comme câblo-opérateur après le mouvement de libération que la concurrence sur le marché de la câblodistribution en sera entravée de manière significative et que Telekom consolidera de la sorte sa position dominante. De même que Bertelsmann et Kirch écartent Telekom comme concurrent potentiel sur le marché des services techniques et administratifs de télévision payante, Telekom, en s'engageant dans le projet d'entreprise commune, empêche Bertelsmann et Kirch de devenir des partenaires potentiels pour d'autres câblo-opérateurs à venir.
(93) À l'heure actuelle, les câblo-opérateurs privés qui agissent au niveau de réseau 4 (installations domestiques de distribution) n'ont guère la possibilité d'exploiter des réseaux câblés qui ne seront pas tributaires du réseau à large bande de Telekom. La mise en place de l'équipement de réception satellite nécessaire (têtes de réseau) relève du monopole fédéral sur les stations de radiodiffusion et nécessite une autorisation du ministère des postes et des télécommunications (BMPT). Dans sa pratique administrative, le ministère autorise d'une manière générale la mise en place des têtes de réseau pour des réseaux câblés qui ne sortent pas des limites d'un bien-fonds ou de plusieurs bien-fonds. Le ministère n'autorise en principe pas la mise en place des têtes de réseau pour des réseaux câblés entre bien-fonds qui ne sont pas mitoyens. La seule exception à cette interdiction générale concerne les opérateurs privés dans des zones non couvertes par Telekom ou dont la couverture par le monopole n'est pas prévue. Cette pratique administrative protège largement Telekom de la concurrence de câblo-opérateurs privés. Si elle vient à être abandonnée dans le cadre d'un mouvement de libération du marché des réseaux câblés, les entreprises de câblodistribution opérant au niveau de réseau 4 auront la possibilité de relier entre eux des îlots câblés qui sont pour le moment cantonnés à des biens-fonds isolés et, par voie de conséquence, d'entrer en concurrence avec Telekom. Le jeu de la concurrence peut cependant être entravé pour les câblo-opérateurs privés si Telekom contrôle, avec Bertelsmann et Kirch, MSG qui sera l'entreprise de services dominante. Le risque est ainsi particulièrement grand que les câblo-opérateurs privés n'obtiennent pas les programmes des principaux diffuseurs de télévision payante Bertelsmann et Kirch, programmes dont ils ont besoin pour confectionner des bouquets attrayants, ou qu'ils ne puissent les obtenir qu'à des conditions défavorables. La création de MSG, avec la structure d'actionnariat prévue, constitue donc un moyen de conforter la position dominante qu'occupe Telekom en tant qu'opérateur de réseaux câblés.

VI. ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LES PARTIES
(94) Par lettre du 20 octobre 1994, les parties ont proposé une série d'engagements qui devaient lever les doutes à l'égard du projet de concentration. Ces propositions comprennent principalement les éléments suivants:
- MSG optera pour un parc de décodeurs appliquant un procédé d'interface commune, étant entendu que l'interface commune devra répondre aux spécifications définies dans le cadre du projet DVB et que le risque de piraterie sera réduit au minimum, pour que le procédé puisse emporter l'adhésion des diffuseurs de télévision payante,
- MSG favorisera la vente de décodeurs sur le marché, et n'assortira la location de décodeurs d'aucune restriction d'utilisation concernant des programmes qui ne sont pas gérés par elle,
- MSG s'engage à ne pas divulguer à ses sociétés mères d'informations sur les programmes ou sur les abonnés d'autres diffuseurs, y compris des données anonymes,
- MSG optera pour un système de guidage des usagers (Electronic Programming Guide - EPG) qui sera neutre et non discriminatoire, et fournira aussi, dans la mesure des possibilités techniques, des informations sur des programmes qui ne sont pas gérés par MSG,
- MSG créera un conseil consultatif chargé de contrôler la neutralité du guide électronique des programmes, conseil dans lequel les différents clients de MSG (les prestataires de services) seront représentés; MSG tiendra compte des propositions du conseil dans ses décisions,
- MSG imposera des prix conformes au marché et conduira une politique de prix transparente, exigeant une rémunération égale pour un service égal,
- Telekom s'engage à étendre ses réseaux au-delà des 30 canaux en voie d'équipement en vue de la transmission de programmes numériques supplémentaires, de manière à créer une réserve de capacité technique utile et à éviter les situations de pénurie.
(95) Les engagements proposés sont jugés insuffisants pour éviter la création ou le renforcement de positions dominantes. II est vrai qu'ils portent sur des aspects qui, d'une manière générale, revêtent une certaine importance pour la structure concurrentielle de la future télévision payante. Sous l'angle de la concurrence, l'introduction de l'interface commune, en particulier, apparaît comme une solution au problème du contrôle d'accès, qui est favorable au libre jeu de la concurrence, pour autant qu'aucune restriction contractuelle n'entrave l'accès au parc de décodeurs au détriment d'autres diffuseurs de télévision. De même, une politique de prix transparente à l'égard des services administratifs et techniques est favorable au développement concurrentiel de la télévision payante numérique. Compte tenu de la structure d'actionnariat prévue de MSG, les engagements proposés ne suffisent pour autant pas pour éliminer les problèmes évoqués. De plus, ils sont pour partie assortis de conditions et de réserves qui en compromettent la mise en oeuvre. Enfin, indépendamment des engagements concernant l'introduction d'une interface commune et la création d'une réserve suffisante de canaux numériques par Telekom, ils garantissent seulement sur quelques points contre l'exploitation éventuelle par MSG de sa position dominante sur le marché des services administratifs et techniques au détriment de concurrents sur le marché de la télévision payante.
(96) L'engagement d'opter pour une interface commune est assorti de la condition que le risque de piraterie sera réduit au minimum et que le procédé retenu emporte l'adhésion des diffuseurs de télévision payante. Il s'agit d'une simple déclaration d'intention qui laisse à MSG la possibilité de choisir un parc de décodeurs à système exclusif en faisant valoir que la sécurité de l'interface commune est insuffisante ou que les clients potentiels n'admettent pas le parc mis en place. Dans ce contexte, il faut remarquer que le plus gros client potentiel de MSG est le diffuseur de télévision payante Premiere contrôlé en commun par Bertelsmann, Kirch et Canal +. Il est notoire que Canal + s'oppose farouchement à l'interface commune et défend de manière insistante les systèmes de contrôle d'accès exclusifs dans le domaine de la télévision numérique. Par ailleurs, Bertelsmann a récemment noué une alliance stratégique avec Canal + qui se concrétisera notamment par un projet d'entreprise commune chargée de mettre au point un système de contrôle d'accès numérique.
(97) Même si les engagements étaient formulés de manière à garantir l'introduction d'une interface commune, l'incompatibilité de la concentration avec le marché commun ne serait pas écartée pour autant. Comme nous l'avons exposé dans le détail précédemment (considérants 70 à 72), y compris dans l'hypothèse de l'adoption d'une interface commune à accès libre, MSG, avec la structure d'actionnariat prévue, occuperait une position dominante sur le marché des services administratifs et techniques. Dans ce contexte, le procédé d'interface commune n'est pas de nature à écarter les graves dommages que causerait à la concurrence l'opération de concentration au sein de l'entreprise commune entre le câblo-opérateur dominant et les principaux diffuseurs de télévision payante.
(98) Les engagements proposés, qui concernent le comportement de MSG à l'égard de ses clients ainsi que la numérisation plus poussée du réseau câblé par Telekom, ne sont pas de nature à empêcher la création ou le renforcement d'une position dominante déjà existante de Bertelsmann et Kirch sur le marché de la télévision payante. Quant à l'engagement de neutralité à l'égard des clients, c'est une obligation légale pour une entreprise occupant une position dominante. Compte tenu par ailleurs des multiples possibilités de discrimination déguisée, il serait difficile de prouver dans la pratique que MSG ne se comporte pas de manière neutre. La proposition de créer un conseil qui n'a qu'une fonction consultative et dont les recommandations ne s'imposent pas à MSG n'y change rien. De même, l'engagement de ne pas divulguer aux actionnaires de MSG des informations sur des programmes ou sur les abonnés ne peut pas non plus empêcher les actionnaires de MSG de tirer un avantage du tissu particulier de relations et d'informations qu'ils tissent avec l'entreprise commune, et dont l'existence est impossible à prouver. L'engagement de Telekom de prévoir une réserve de canaux numériques ne garantit absolument pas qu'il ne numérisera pas le réseau en prenant en considération les intérêts de Bertelsmann et de Kirch sous le couvert de contraintes techniques ou économiques. Il s'agit plus d'une déclaration d'intention générale que d'un engagement concret.
(99) Au total, on constatera que l'engagement relatif à l'introduction de l'interface commune est le seul qui soit d'ordre structurel. Pour autant, il est insuffisant pour empêcher MSG d'occuper une position dominante et il est, de surcroît, assorti de réserves qui en font une simple déclaration d'intention non contraignante. Les autres engagements proposés sont à considérer comme de purs engagements comportementaux, sans aucune dimension structurelle, dont le respect est au demeurant incontrôlable. Par nature, ils ne peuvent pas résoudre le problème structurel que pose la création de MSG, à savoir la création ou le renforcement de positions dominantes sur le marché des services administratifs et techniques destinés à la télévision payante et aux réseaux câblés.

VII. PROMOTION DU PROGRÈS TECHNIQUE ET ÉCONOMIQUE
(100) Les parties font valoir que la diffusion de la télévision numérique sera stimulée par les services offerts par MSG. Le succès de la télévision numérique est certes subordonné à l'existence d'une infrastructure numérique, et une entreprise poursuivant l'objet social de MSG peut donc contribuer au progrès technique et économique. Pour autant, la référence à ce critère énoncé à l'article 2 paragraphe 1 point b) du règlement sur les concentrations commande qu'il ne se crée pas d'obstacle à la concurrence. Comme nous l'avons déjà vu, les effets prévisibles du projet de concentration laissent supposer que l'opération va cloisonner le futur marché des services techniques et administratifs et créer au départ une position dominante sur ce marché et qu'elle va entraver de manière significative une concurrence effective sur le futur marché de la télévision payante.
(101) Cette entrave à une concurrence effective compromet à son tour le progrès économique et technique. On peut, en effet, se demander si, dans les conditions de l'espèce, la création par MSG d'une infrastructure numérique pour la télévision payante contribuera vraiment au progrès technique et économique. Il y a ainsi lieu de craindre, compte tenu des effets de l'opération de concentration décrits précédemment, que les diffuseurs de télévision numérique payante potentiels hésiteront davantage à se risquer sur le marché qu'ils ne le feraient s'il s'y trouvait un prestataire de services ayant une structure d'actionnariat qui en garantirait la stricte neutralité. Le succès de la télévision numérique s'en trouvera plus entravé que favorisé. Cette supposition est confortée par toute une série d'avis des entreprises interrogées qui ont indiqué que la réalisation du projet de concentration les obligerait à revoir et peut-être à abandonner des plans ou des projets concernant l'offre de télévision payante dans le secteur numérique.

VIII. CONCLUSION
(102) Pour toutes les raisons ainsi indiquées, on peut considérer que le projet de concentration va créer ou renforcer des positions dominantes ayant comme conséquence qu'une concurrence effective sera entravée de manière significative dans la Communauté et qu'il est dès lors incompatible avec le marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE en vertu de l'article 2 paragraphe 3 du règlement sur les concentrations et de l'article 57 de l'accord EEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
L'opération de concentration résultant de la création d'une entreprise commune notifiée par Bertelsmann AG, Deutsche Bundespost Telekom et Taurus Beteiligungs GmbH & Co. KG est déclarée incompatible avec le marché commun et le bon fonctionnement de l'accord EEE.

Article 2
1) Bertelsmann AG
Carl Bertelsmann-Strasse 270
D-33311 Guetersloh
2) Deutsche Bundespost Telekom
Godesberger Allee 87-93
D-40474 Duesseldorf
3) Taurus Beteiligungs GmbH & Co. KG
Robert-Buerkle-Strasse 2
D-85737 Ismaning
sont destinataires de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 9 novembre 1994.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO n° L 395 du 30. 12. 1989, p. 1 (version rectifiée: JO n° L 257 du 21. 9. 1990, p. 13).
(2) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations sont omises conformément aux dispositions de l'article 17 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064/89 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(3) Secret d'affaires; selon des articles de presse, investissement de l'ordre de 300 millions d'écus.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


Haut

line
[ Enregistrement ] - [ Plan du site ] - [ Recherche ] - [ Aide ] - [ Commentaires ] - [ © ]