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Document 394D0290

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394D0290
94/290/CE: Décision de la Commission, du 27 avril 1994, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil [Affaire VII/AMA/II/93 - TAT-Paris (Orly)-Londres] (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 127 du 19/05/1994 p. 0022 - 0031



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 27 avril 1994 relative à une procédure d'application du règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil [Affaire VII/AMA/II/93 - TAT - Paris (Orly)-Londres] (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (94/290/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (1), et notamment son article 8 paragraphe 3,
après consultation du comité consultatif,
considérant ce qui suit:
LES FAITS I Le 10 septembre 1993, la compagnie aérienne TAT European Airlines, dont le siège est situé au 47, rue Christiaan Huygens - 37100 Tours, France, a adressé à la Commission une demande fondée sur les dispositions de l'article 175 du traité et de l'article 3 paragraphe 1 et de l'article 8 paragraphes 1 et 3 du règlement (CEE) no 2408/92, tendant à ce que cette dernière:
i) déclare illégal le refus des autorités françaises de lui accorder des droits de trafic pour l'exploitation de la liaison Paris (Orly)-Londres;
ii) invite les autorités françaises à lui octroyer les droits de trafic en cause à bref délai;
iii) invite ces mêmes autorités à établir et à publier les règles d'accès au système aéroportuaire de Paris aux fins de faire cesser le régime discriminatoire actuel;
iv) prenne toutes mesures nécessaires afin de rendre son effet utile aux dispositions applicables.
Par lettre du 26 juillet 1993 adressée à la direction générale de l'aviation civile du ministère français des transports, la compagnie aérienne TAT European Airlines a demandé, en application des dispositions de l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92, l'autorisation d'exercer des droits de trafic sur la liaison Paris (Orly)-Londres (Gatwick) à compter du 31 octobre 1993. Le programme d'exploitation de TAT European Airlines était joint à cette correspondance. Il révélait que la compagnie désirait exploiter la liaison Orly-Gatwick à raison de quatre services aller-retour quotidiens avec des appareils Fokker 100 d'une capacité de 102 sièges.
Par courrier en date du 18 août 1993, le directeur général de l'aviation civile a répondu à TAT European Airlines qu'il n'était pas en mesure de donner une suite favorable à la demande d'exploitation formulée par cette compagnie. Le refus était fondé sur les dispositions de l'article 8 du règlement (CEE) no 2408/92 qui laisse aux États membres la possibilité de réglementer, sans discrimination fondée sur la nationalité ou l'identité du transporteur aérien, la répartition du trafic entre les aéroports situés à l'intérieur d'un même système aéroportuaire. À cet égard, le directeur général de l'aviation civile précisait que « dans le cadre de la politique d'affectation aéroportuaire en région parisienne, des liaisons régulières internationales vers la plupart des pays européens et notamment vers la Grande-Bretagne n'ont été autorisées qu'au départ de Charles-de-Gaulle ». Il ajoutait que « des réflexions en vue d'une évolution de ces règles ont été menées mais celles-ci n'ont pas été modifiées au stade actuel ».
Dans un nouveau courrier du 26 octobre 1993 adressé à TAT European Airlines, les autorités françaises ont confirmé qu'elles n'étaient pas en mesure d'approuver le programme déposé par cette compagnie pour l'exploitation de la liaison Paris (Orly)-Londres (Gatwick) au cours de la saison d'hiver 1993/1994. Toutefois, cette même correspondance faisait également référence à l'intervention du ministre français des transports devant le Conseil supérieur de l'aviation marchande le 14 octobre 1993, au cours de laquelle le ministre a exprimé « son intention d'autoriser en avril 1994, sous réserve de certaines conditions, l'exploitation de liaisons entre Orly et des aéroports londoniens ».
La plainte déposée auprès de la Commission par TAT European Airlines, le 10 septembre 1993, est dirigée contre ce refus d'autorisation des autorités françaises en date du 18 août 1993 et confirmé le 26 octobre suivant.
II À l'appui de sa plainte auprès de la Commission, la compagnie TAT European Airlines soutient que les autorités françaises ont fait, en l'espèce, une application erronée des dispositions de l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92. À ce sujet, elle rappelle tout d'abord que l'article 3 paragraphe 1 de ce règlement institue un principe général de liberté d'accès et que toute exception à ce principe au titre de l'article 8 paragraphe 1 du même règlement doit reposer sur des critères transparents, objectifs, constants et non discriminatoires. Elle fait ensuite valoir quatre moyens distincts.
En premier lieu, TAT European Airlines invoque le caractère discriminatoire de la différence de traitement entre la liaison Paris-Londres et les vols intérieurs français. Selon la plaignante, il n'existe aucune raison objective pour opérer une distinction entre les liaisons intérieures françaises, pour lesquelles les autorités françaises autorisent la double desserte des aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle, et la liaison Paris-Londres, pour laquelle les autorités françaises imposent un regroupement au seul aéroport Charles-de-Gaulle. En particulier, ni l'existence de moyens de transport de surface concurrents, ni l'importance respective des différentes liaisons en termes de flux de passagers, ni la présence de plusieurs compagnies aériennes concurrentes ne seraient susceptibles de justifier cette différence de traitement. TAT European Airlines ajoute que les règles de répartition du trafic à l'intérieur du système aéroportuaire parisien sont en fait très flexibles puisque 36 destinations internationales, dont 9 destinations communautaires, seraient desservies directement à la fois à partir des aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle. C'est ainsi que la compagnie Pakistan Airlines a reçu l'autorisation d'exercer des droits de trafic de cinquième liberté sur la liaison Paris (Orly)-Londres (Heathrow) pour son vol hebdomadaire PK 781 Karachi-Londres via Paris.
En second lieu, TAT European Airlines indique que les règles françaises de répartition du trafic à l'intérieur du système aéroportuaire parisien, en admettant même qu'elles existent, lui sont en tout état de cause inopposables dès lors qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune expression claire, valable erga omnes, ni d'aucune publication.
En troisième lieu, la compagnie plaignante fait état de ce que le refus qui lui a été opposé n'est pas expressément et dûment motivé en fait et en droit dans la mesure où la lettre du directeur général de l'aviation civile en date du 18 août 1993 se borne à rappeler que le règlement (CEE) no 2408/92 n'affecte pas le droit des États membres de réglementer la répartition du trafic entre les aéroports situés à l'intérieur d'un même système aéroportuaire.
En dernier lieu, TAT European Airlines souligne qu'aucun critère objectif, tel que l'encombrement de l'aéroport d'Orly, ne peut justifier la décision de refus contestée. Elle précise qu'elle dispose de tous les créneaux horaires nécessaires à l'exploitation de la liaison en cause selon le programme soumis à la direction générale de l'aviation civile.
III Afin de lui permettre d'instruire la plainte déposée par TAT European Airlines, la Commission a demandé aux autorités françaises, par lettre du 1er octobre 1993, de bien vouloir répondre, dans un délai de quinze jours, aux questions suivantes:
- Quelles sont les règles existantes de répartition du trafic entre les aéroports constituant le système aéroportuaire de Paris? Vous voudrez bien nous transmettre copie des textes instituant ces règles.
- Ces règles ont-elles fait l'objet d'une publicité? Si oui, dans quelle publication?
- Quels sont les motifs de la décision des autorités françaises d'interdire l'exploitation de services aériens réguliers entre Londres et l'aéroport d'Orly? Plus généralement, quels sont les justifications et fondements des règles de répartition du trafic à l'intérieur du système aéroportuaire de Paris? Vous voudrez bien fournir, à cet égard, tous éléments utiles.
- Pourquoi Pakistan Airlines a-t-elle obtenu le droit d'exploiter des services aériens réguliers entre Paris (Orly) et Londres (Heathrow)? Quelle est la fréquence de ce service? D'autres compagnies jouissent-elles de droits similaires?
Aucune réponse à cette demande d'information n'étant parvenue à la Commission dans le délai de quinze jours imparti, une lettre de rappel fixant un nouveau délai de réponse de cinq jours a été adressée par la Commission le 22 octobre 1993 aux autorités françaises. Celles-ci ont transmis à la Commission les informations requises par lettre du 9 novembre 1993.
IV Les réponses des autorités françaises aux quatre questions posées par la Commission dans sa lettre du 1er octobre 1993 peuvent se résumer de la façon suivante:
- Quant aux première et deuxième questions: lors du discours qu'il a prononcé le 14 octobre 1993 devant le Conseil supérieur de l'aviation marchande, le ministre français des transports a déclaré avoir « décidé de clarifier la politique en matière de répartition du trafic communautaire entre Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle et de la rendre publique sous la forme juridiquement requise par le droit communautaire ». Le projet d'arrêté relatif à l'affectation aéroportuaire à Paris sera en conséquence soumis à l'avis du Conseil supérieur de l'aviation marchande le 24 novembre 1993.
- Quant à la troisième question: les autorités françaises ont estimé ne pouvoir apporter une réponse favorable à la demande de la compagnie TAT European Airlines d'exploiter des services aériens réguliers entre Paris (Orly) et Londres (Gatwick) parce que les règles opposables à l'ensemble des transporteurs n'ont pas encore été publiées. Ce refus n'est pas discriminatoire dès lors qu'au moment auquel il a été opposé à la compagnie TAT European Airlines, aucune compagnie communautaire n'était autorisée à desservir cette liaison.
- Quant à la quatrième question: les droits de trafic de la compagnie Pakistan Airlines sur la liaison Paris (Orly)-Londres (Heathrow) découlent de l'accord aérien bilatéral entre la France et le Pakistan qui accorde à la compagnie pakistanaise des droits de cinquième liberté vers Londres et vers d'autres capitales européennes au départ de Paris. L'utilisation de ces droits de cinquième liberté, caractérisée par une grande irrégularité, comprend actuellement une seule fréquence hebdomadaire sur la liaison en cause. Les autorités françaises estiment qu'il serait déraisonnable d'envisager pour cette seule raison de déplacer Pakistan Airlines à Charles-de-Gaulle. Cette compagnie a toujours desservi Orly et ses services en direction de Londres se caractérisent, à l'évidence, par une fréquence hebdomadaire non significative. D'autres compagnies extracommunautaires sont dans la même situation encore qu'il s'agisse de cas isolés, sans impact sur le marché intérieur. Ainsi les compagnies Aeromexico et Mair Mauritius exploitent la liaison Paris/Orly-Francfort à raison d'une fréquence par semaine. D'autres compagnies extracommunautaires bénéficient de ce type de droits mais ne les exploitent pas actuellement.
V Le 6 décembre 1993, le ministre français des transports a effectivement pris un arrêté relatif à la répartition du trafic intracommunautaire au sein du système aéroportuaire parisien. Cet arrêté, qui a été publié au Journal officiel de la République française le 10 décembre 1993, dispose notamment ce qui suit:
« Art. 1er - Le présent arrêté fixe la répartition des services aériens intracommunautaires entre les aéroports faisant partie du système aéroportuaire parisien au sens du règlement (CEE) no 2408/92 susvisé, c'est-à-dire les aéroports d'Orly, Charles-de-Gaulle et du Bourget.
Art. 3. - Les services aériens à destination ou en provenance des aéroports français, de métropole et des départements d'outre-mer, peuvent être exploités sur les aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle, sous réserve que l'exercice des droits de trafic correspondants ait été autorisé en application des dispositions du règlement (CEE) no 2408/92 susvisé.
Art. 4. - Les services aériens internationaux intracommunautaires sont exploités à l'aéroport Charles-de-Gaulle.
Art. 5. - Nonobstant les dispositions de l'article 4, les services aériens suivants peuvent être exploités à l'aéroport d'Orly:
Services aériens réguliers à destination ou en provenance de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, dont la fréquence est supérieure à trois allers et retours par semaine pendant au minimum une saison IATA;
Services aériens internationaux non réguliers à destination ou en provenance des aéroports communautaires, effectués par les transporteurs dont le principal lieu d'activité est l'aéroport d'Orly dans la limite de vols saisonniers opérant moins de quatre mois par an ou de séries dont la fréquence n'excède pas trois allers et retours par semaine;
Services aériens internationaux réguliers à destination ou en provenance des aéroports communautaires effectués, conformément aux accords internationaux applicables, par des transporteurs non communautaires affectés à l'aéroport d'Orly, sous réserve que le commerce entre les États membres n'en soit pas affecté.
Art. 7. - Le présent arrêté sera révisé au plus tard le 31 mars 1994, afin notamment de préciser les conditions dans lesquelles pourra être autorisée l'exploitation de services aériens réguliers entre l'aéroport d'Orly et les aéroports du système aéroportuaire londonien. »
L'exposé des motifs de cet arrêté a, par ailleurs, été transmis à la Commission par les autorités françaises le 30 novembre 1993. Il comprend, en particulier, les passages suivants:
« 1. Tous les débats et réflexions menés sur le sujet ont montré clairement qu'il était à peu près impossible à court terme de s'écarter significativement des pratiques actuelles, pour les raisons suivantes:
- La première raison objective est qu'il est nécessaire de tenir compte de la situation existante.
L'application brutale d'une politique aéroportuaire différente de celle qui a été menée dans le passé est inenvisageable compte tenu des investissements, tant physiques que commerciaux, effectués par les compagnies aériennes concernées. La mise en oeuvre de nouvelles orientations ne peut donc porter dans un premier temps que sur les services nouveaux, ainsi que sur des mesures ayant un caractère incitatif et progressif.
- La deuxième raison objective tient à la saturation des infrastructures, tant à l'aéroport d'Orly qu'à celui de Charles-de-Gaulle. À cet égard il convient de préciser que la capacité des infrastructures ne se limite pas à la capacité des pistes, mais comprend également celle de tous ses autres éléments (aérogares, banques d'enregistrements, filtres de police et de douane, parkings avions et postes au contact, installations de délivrance des bagages, etc.). Ainsi, si la saturation de l'aéroport d'Orly est bien connue en raison de l'impossibilité, à certaines heures, d'obtenir des créneaux horaires d'atterrissage et de décollage, l'aéroport de CDG connaît aussi des difficultés d'exploitation. Le système aéroportuaire parisien ne dispose pas, à l'heure actuelle, de réserves de capacités significatives.
Des réserves de capacité existeront à l'aéroport de CDG lors de l'ouverture d'un module d'aérogare supplémentaire (1997), et lors de la mise en service d'une troisième piste (hiver 1997/98).
2. Le gouvernement français a clairement affiché les objectifs à long terme de sa politique aéroportuaire.
- Faire de l'aéroport de CDG la "porte de l'Europe" et la plate-forme de correspondances.
- Conforter le rôle de l'aéroport d'Orly comme "porte de Paris".
- Fixer l'aviation d'affaires à l'aéroport du Bourget.
Ces objectifs généraux concernent tant les services extracommunautaires que les services intracommunautaires. S'agissant des services intracommunautaires et compte tenu des contraintes évoquées au début de cet exposé ainsi que des incertitudes qui pèsent sur l'évolution du trafic dans le contexte nouveau du 3e paquet communautaire, il est apparu sage de limiter dans le temps la portée des règles d'affectations aéroportuaires et de prévoir leur révision au 1er avril 1997. Cette date correspond à la fin de la période de transition prévue dans le 3e paquet; par ailleurs l'année 1997 est aussi celle qui est prévue pour la mise en service de la prochaine extension significative des capacités.
3. Cependant, sans attendre la mise en service de ces nouvelles capacités, le gouvernement français a la ferme volonté de faire évoluer les choses d'ici 1997, dans le sens des orientations annoncées.
Aéroport de CDG porte de l'Europe:
- Le gouvernement français a décidé que tous les services intracommunautaires pourraient désormais y être exploités, afin de favoriser les possibilités de correspondances.
En particulier, la règle précédemment appliquée visant à ne pas autoriser une même compagnie aérienne à desservir une même relation intracommunautaire à l'aéroport d'Orly et à celui de CDG est abandonnée.
Aéroport d'Orly porte de Paris:
- Le gouvernement français a décidé en conséquence d'ouvrir progressivement l'accès à l'aéroport d'Orly de liaisons intracommunautaires à fort trafic (desservant les principales métropoles européennes). Dans un premier temps, l'expérience devrait être limitée à l'ouverture de liaisons entre l'aéroport d'Orly et les aéroports du système aéroportuaire londonien, sous certaines conditions qui restent à fixer.
- L'aéroport d'Orly reste ouvert, en outre, aux liaisons régulières internationales qui y sont exploitées aujourd'hui, pour tout transporteur aérien communautaire quelle que soit sa nationalité ou son identité. Il s'agit des liaisons à destination de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal.
Les compagnies aériennes qui exploitent aujourd'hui ces liaisons n'ont pas souhaité transférer cette activité à l'aéroport de CDG et toute mesure autoritaire à cet effet est exclue.
Il est vraisemblable que, au fur et à mesure que l'aéroport de CDG confirmera son rôle de plate-forme de correspondance, des initiatives se développeront en faveur du transfert d'une partie de ce trafic sur cet aéroport. Parallèlement, des liaisons nouvelles à destination des principales métropoles européennes devraient pouvoir être développées sur l'aéroport d'Orly pour le trafic point à point.
- Les liaisons domestiques sont d'ores et déjà ouvertes à l'aéroport de CDG et à l'aéroport d'Orly sans restriction au titre de l'article 8 du règlement (CEE) no 2408/92 sous réserve de l'octroi des droits de trafic correspondants aux transporteurs communautaires concernés, en application du règlement (CEE) no 2408/92 (articles 3, 4 et 5). Cependant, le trafic de point à point étant mieux adapté aux possibilités de l'aéroport d'Orly, cet aéroport est de fait et restera le pivot du réseau domestique.
S'agissant en particulier des liaisons à faible trafic, considérées comme vitales pour le développement économique des régions et de l'aménagement du territoire, celles-ci génèrent un trafic essentiellement à destination de Paris pour une clientèle effectuant l'aller et le retour dans la même journée.
Les autorités françaises pensent que les transporteurs communautaires devraient s'orienter naturellement vers la desserte de CDG lorsque:
- la liaison génère un volume de trafic de correspondances important malgré les liaisons directes développées par ailleurs au départ des grands aéroports de province.
- Le trafic de correspondance devient prépondérant compte tenu de la concurrence d'autres modes de transport sur le trafic de et vers Paris. »
VI Par lettre en date du 22 décembre 1993, la compagnie TAT European Airlines a fait part au directeur général de la direction des transports de la Commission de ses observations sur l'arrêté du 6 décembre 1993. En rappelant que cet arrêté ne lui donnait pas la possibilité d'exploiter la liaison Paris (Orly)-Londres et en maintenant en conséquence les conclusions de sa plainte, TAT European Airlines a soulevé deux moyens à l'encontre des dispositions des articles 3, 4 et 5 de l'arrêté:
- d'une part une méconnaissance des articles 6 et 59 du traité ainsi que du règlement (CEE) no 2408/92 dans la mesure où, en permettant seulement l'exploitation à Orly de services aériens intracommunautaires internationaux à destination ou en provenance de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, l'arrêté a opéré une discrimination entre les transporteurs français, espagnols, grecs et portugais d'un côté, et les transporteurs des autres États membres d'un autre côté,
- d'autre part un manque d'objectivité dès lors que la distinction opérée entre les routes domestiques, pour lesquelles est permise une exploitation à Orly et à Charles-de-Gaulle, et les routes internationales intracommunautaires, pour lesquelles seule l'exploitation à Charles-de-Gaulle est autorisée, repose sur la seule notion de frontière nationale que le traité vise précisément à éliminer.
De plus, le 21 janvier 1994, TAT European Airlines a adressé à la Commission un complément à sa demande initiale du 10 septembre 1993 en la fondant également sur les articles 6 et 59 du traité et en la dirigeant expressément contre l'arrêté du ministre français des transports du 6 décembre 1993. De façon additionnelle, TAT European Airlines demande ainsi que la Commission:
i) déclare cet arrêté illégal;
ii) invite les autorités françaises à mettre les règles d'accès au système aéroportuaire de Paris en conformité avec les dispositions communautaires applicables et à faire cesser le régime discriminatoire actuel.
À l'appui de ce complément à sa plainte, TAT European Airlines développe les deux moyens présentés dans sa lettre du 22 décembre 1993. Elle y ajoute les arguments suivants:
- l'arrêté constitue une mesure distinctement applicable à l'intérieur de la Communauté selon l'origine des prestations ou du prestataire de services et une entrave à la liberté de TAT European Airlines d'offrir ses services sur la liaison Londres-Paris au départ ou à destination de l'aéroport d'Orly, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour de justice relative à la libre prestation des services,
- les règles de répartition du trafic à l'intérieur du système aéroportuaire parisien ne sont pas appliquées de façon constante dès lors que, d'une part, 36 destinations internationales sont actuellement desservies à la fois à partir des aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle et que, d'autre part, est d'ores et déjà annoncé un projet de modification de l'arrêté en vue d'autoriser des services entre Paris (Orly) et Londres,
- les conditions auxquelles les autorités françaises subordonneraient l'autorisation d'exploiter la liaison Paris (Orly)-Londres après le 31 mars 1994 sont discriminatoires (utilisation d'appareils d'une capacité supérieure à 200 sièges, introduction de la notion de « contrôle effectif »).
VII Par courrier en date du 24 janvier 1994, le directeur général des transports de la Commission a adressé aux autorités françaises des commentaires préliminaires, compte tenu des informations en sa possession, sur les dispositions de l'arrêté du 6 décembre 1993. Cette correspondance faisait largement référence à la distinction opérée par les articles 3, 4 et 5 de l'arrêté en cause entre, d'une part, les services aériens à destination ou en provenance des aéroports français, de métropole et des départements d'outre-mer et, d'autre part, les services aériens internationaux intracommunautaires autres que ceux intéressant la Grèce, le Portugal et l'Espagne. Le directeur général des transports indiquait que cette distinction était difficilement acceptable car:
- elle se fonde sur la notion de frontière nationale alors que le marché communautaire du transport aérien comporte un espace sans frontières intérieures et qu'il n'est pas établi que le volume du trafic de correspondances diffère sensiblement entre les services aériens intérieurs français et les services internationaux intracommunautaires,
- une mesure de séparation aussi générale et absolue présente un caractère disproportionné entre son étendue et les effets recherchés,
- combinée avec les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CEE) no 2408/92, elle aboutit à une discrimination entre les transporteurs français, grecs, espagnols et portugais d'un côté, les transporteurs des autres États membres d'un autre côté.
En conclusion à cette lettre du 24 janvier 1994, il était demandé aux autorités françaises de répondre, si elles le souhaitaient, aux commentaires résumés ci-dessus. Il était également précisé que cette correspondance s'inscrivait dans le cadre de la plainte formée par TAT European Airlines le 10 septembre 1993. À cet égard, le directeur général des transports souhaitait savoir si la compagnie Air France, qui affiche dans les systèmes informatisés de réservation des vols réguliers entre Paris (Orly) et Londres (Heathrow) à compter du 28 mars 1994, avait obtenu de la part des autorités françaises les droits de trafic correspondants.
Par ailleurs, à la suite du dépôt par TAT European Airlines, le 21 janvier 1994, du complément de plainte auprès de la Commission, celle-ci a adressé, le 27 janvier 1994, une nouvelle lettre aux autorités françaises. Il y était présenté les nouveaux moyens développés par la plaignante à l'encontre de l'arrêté du 6 décembre 1993. Un délai de 15 jours était imparti aux autorités françaises pour produire leurs observations ou fournir tous renseignements utiles.
VIII En réponse aux deux lettres précédentes des 24 et 27 janvier 1994, les autorités françaises ont transmis à la Commission, le 16 février 1994, une note contenant les éléments suivants:
- l'exploitation de services aériens réguliers entre l'aéroport d'Orly et les aéroports londoniens, prévue initialement à compter du mois d'avril 1994, est différée. Cette décision de report est motivée par des informations transmises à l'administration de l'aviation civile française selon lesquelles des compagnies établies en France, à l'exception de la compagnie TAT, ne pouvaient obtenir des créneaux horaires satisfaisants sur les aéroports londoniens, tout particulièrement à Heathrow. Elle est également motivée par le retard mis par les services de la Commission à faire part aux autorités françaises de ses observations sur le contenu de l'arrêté du 6 décembre 1993, transmises seulement le 24 janvier 1994, ce qui ne permet pas de procéder à la modification générale de ce texte,
- les arguments développés par la compagnie TAT European Airlines sont pour la plupart irrecevables dès lors que cette compagnie ne peut pas contester l'arrêté du 6 décembre 1993 dans le cadre de sa plainte, faute d'avoir établi l'existence d'une discrimination à son encontre,
- aucun transporteur communautaire, et notamment pas la compagnie Air France, n'a reçu de la part des autorités françaises l'autorisation d'exploiter des services entre Paris (Orly) et les aéroports faisant partie du système aéroportuaire londonien. Air France a d'ailleurs retiré des systèmes informatisés de réservation tout affichage de vols entre l'aéroport d'Orly et les aéroports londoniens à la suite de l'annonce du report de l'ouverture de cette liaison. La plainte de TAT est en conséquence infondée,
- la remise en cause éventuelle par la Commission de l'arrêté du 6 décembre 1993 conduirait les autorités françaises à rédiger de nouvelles règles dont il est difficile de mesurer dans l'immédiat la portée exacte.
APPRÉCIATION JURIDIQUE IX En matière de répartition du trafic entre les aéroports situés à l'intérieur d'un système aéroportuaire, la Commission dispose des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article 8 paragraphe 3 du règlement (CEE) no 2408/92. Au regard notamment de la plainte déposée par la compagnie TAT European Airlines, la Commission estime nécessaire de faire usage de ses pouvoirs et de décider si la France peut continuer à refuser aux transporteurs communautaires, en particulier à TAT European Airlines, l'exercice de droits de trafic sur la liaison régulière Paris (Orly)-Londres en se référant à l'arrêté du 6 décembre 1993. Il importe de souligner que la Commission agit ainsi de sa propre initiative, comme il est expressément prévu par les dispositions susvisées. À cet égard, la Commission a pleine compétence pour vérifier les effets de l'arrêté en cause à l'égard de tous les transporteurs communautaires. Elle n'est en aucune manière limitée à l'appréciation de la situation de la seule compagnie TAT European Airlines.
Aux termes de l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92, « le présent règlement n'affecte pas le droit d'un État membre de réglementer, sans discrimination fondée sur la nationalité ou l'identité du transporteur aérien, la répartition du trafic entre les aéroports situés à l'intérieur d'un système aéroportuaire ».
Ainsi que la Commission l'a déjà expressément indiqué dans sa décision 93/347/CEE (2) non contestée par la France, l'application de ces dispositions peut entraîner une restriction au principe général de liberté d'accès aux liaisons et aux aéroports communautaires prévue par l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92. Cette éventuelle restriction doit, comme toute exception à un tel principe, être interprétée de façon stricte et reposer sur des critères non seulement non discriminatoires, mais aussi transparents, objectifs et constants sur une certaine période. Il appartient aux États membres d'apporter toutes justifications utiles.
Il est nécessaire d'examiner les dispositions de l'arrêté en cause au regard de ces critères.
En premier lieu, les articles 3, 4 et 5 de l'arrêté du 6 décembre 1993 opèrent une distinction entre les services aériens à destination ou en provenance des aéroports français de métropole et des départements d'outre-mer, qui peuvent être exploités simultanément sur les aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle, d'une part, et les services aériens internationaux intracommunautaires autres que les services aériens réguliers à destination ou en provenance de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal, qui peuvent seulement être exploités à l'aéroport Charles-de-Gaulle, d'autre part. L'article 4 prohibe, de façon générale, l'exploitation de services aériens internationaux intracommunautaires à l'aéroport d'Orly. À cette interdiction générale, l'article 5 du même arrêté prévoit trois exceptions, dont celle des services aériens réguliers à destination ou en provenance de l'Espagne, de la Grèce et du Portugal. En conséquence, les transporteurs communautaires ne peuvent effectuer des services de cabotage consécutif entre Orly et les provinces françaises lorsque ces services constituent le prolongement ou le préliminaire de services entre Orly et les États membres autres que la France, le Portugal, l'Espagne et la Grèce.
Or, l'aéroport d'Orly concentre l'essentiel du trafic entre Paris et les provinces françaises. En outre, sur le plan économique, le prolongement de liaisons intracommunautaires par des services de cabotage consécutif à l'intérieur de la France représente pour les transporteurs communautaires autres que ceux établis en France, en particulier pour les transporteurs établis dans la partie nord de l'Europe, un moyen privilégié de pénétrer le marché intérieur français. Cela est particulièrement vrai lorsque le service de cabotage constitue le prolongement ou le préliminaire d'un service en provenance ou à destination de l'État d'enregistrement du transporteur. En effet, d'une part, l'exploitation des liaisons intérieures françaises par des services de cabotage consécutif suppose des investissements peu importants de la part de ces transporteurs et, d'autre part, les principales liaisons intérieures françaises desservent à partir d'Orly des destinations situées dans la moitié sud de la France. Dans ces conditions, l'arrêté en cause doit être regardé comme introduisant, dans les faits, une discrimination à l'égard des transporteurs communautaires autres que les transporteurs établis en France, et, dans une moindre mesure, que les transporteurs grecs, portugais et espagnols, en ce qui concerne l'exploitation des liaisons intérieures françaises aboutissant à Paris.
De plus, l'article 3 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 2408/92 prévoit que les possibilités de cabotage à l'intérieur des États membres peuvent être limitées jusqu'au 1er avril 1997 aux services en prolongement d'un service au départ de l'État d'enregistrement du transporteur ou, au contraire, précédant un service à destination de cet État. La France a fait usage de cette restriction. Combiné avec cette dernière, l'arrêté du 6 décembre 1993 a comme résultat de réserver les services de cabotage consécutif sur les liaisons intérieures françaises au départ ou à l'arrivée du seul aéroport Charles-de-Gaulle; sauf lorsque ces services constituent respectivement le prolongement ou le préliminaire d'un service en provenance ou à destination de l'Espagne, de la Grèce ou du Portugal. En définitive, seuls les transporteurs français, grecs, espagnols et portugais sont en fait susceptibles, jusqu'au 1er avril 1997, d'exploiter des services aériens réguliers entre l'aéroport d'Orly, d'une part, et les aéroports situés dans les provinces françaises d'autre part.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées de l'arrêté du 6 décembre 1993 méconnaissent le principe de la non-discrimination fondée sur la nationalité du transporteur aérien prévu par l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92.
En second lieu, la mesure n'apparaît ni objective, ni constante. Elle est tout d'abord exclusivement fondée sur les frontières nationales des États membres et ne repose pas sur des critères dûment établis permettant de justifier ce choix des frontières nationales. En effet, les frontières nationales n'appartiennent plus en tant que telles, depuis le 1er janvier 1993, au nombre des critères objectifs susceptibles de fonder la répartition du trafic intracommunautaire à l'intérieur d'un système aéroportuaire puisque le règlement (CEE) no 2408/92 vise précisément à établir un marché intérieur comportant « un espace sans frontières intérieures ». Certes, dans l'exposé des motifs de l'arrêté, les autorités françaises ont fait valoir, tout au moins implicitement, que le volume du trafic de correspondance serait substantiellement plus important sur les liaisons internationales intracommunautaires aboutissant à Paris que sur les liaisons intérieures françaises desservant cette même ville. Toutefois, les autorités françaises n'ont pas apporté d'éléments précis de nature à justifier cet argument qui, s'il était fondé pour chaque liaison prise isolément, permettrait de justifier le choix du critère des frontières nationales.
L'affectation de la plupart des services aériens internationaux intracommunautaires au seul aéroport Charles-de-Gaulle apparaît d'autant moins objective que non seulement les liaisons intérieures françaises, mais également de nombreux services internationaux extracommunautaires, y compris des services moyen-courriers, sont exploités concurremment aux aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle par des compagnies françaises ou appartenant à des États tiers. Ainsi, 27 destinations situées en dehors de la Communauté, dont 7 constituent des destinations moyen-courriers, sont desservies à la fois au départ et à l'arrivée des aéroports d'Orly et Charles-de-Gaulle.
Par ailleurs, s'il est vrai que les liaisons entre Paris et les destinations situées dans le bassin méditerranéen sont principalement affectées à l'aéroport d'Orly, les liaisons avec l'Italie ne peuvent, sans raison apparente, être affectées qu'au seul aéroport Charles-de-Gaulle.
De plus, dans leur exposé des motifs, les autorités françaises ont indiqué leur intention d'ouvrir progressivement l'aéroport d'Orly à la desserte des liaisons internationales intracommunautaires à fort trafic. Or, il ressort de la décision 93/347/CEE que, à défaut de règles clairement établies et publiées, la seule règle applicable jusqu'au 10 décembre 1993, date de la publication de l'arrêté du 6 décembre 1993, était celle de la liberté d'accès consacrée par l'article 3 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92, aussi bien aux aéroports Charles-de-Gaulle que d'Orly. Les principes d'objectivité et de constance s'opposent à ce que les autorités françaises puissent, au moyen de l'article 4 de l'arrêté du 6 décembre 1993, interrompre de cette façon la liberté d'accès à l'aéroport d'Orly pendant quelques mois avant de la rétablir ensuite progressivement.
Il en est tout particulièrement ainsi de la liaison Paris (Orly)-Londres, objet de la plainte de TAT European Airlines, pour l'autorisation de laquelle les autorités françaises entendent réviser l'arrêté en cause au plus tard le 31 mars 1994, comme il est prévu par l'article 7 du même arrêté. À cet égard, il importe de signaler que les restrictions dont seraient assorties les autorisations d'exploitation de cette liaison, à supposer même qu'elles soient non discriminatoires, objectives et constantes, ne pourraient, en tout état de cause, être régulièrement imposées qu'à la suite d'un délai d'une durée raisonnable entre leur date de publication et leur date d'entrée en vigueur. Ce délai doit permettre aux compagnies de s'adapter à ces éventuelles restrictions et d'éviter ainsi les risques d'effets discriminatoires en fonction de la nationalité ou de l'identité des transporteurs.
X Au surplus, la Commission est d'avis que la régularité des mesures de restriction prises en application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92 doit être également examinée sur la base des principes régissant la liberté de prestation de services, tels qu'ils sont explicités par la jurisprudence de la Cour de justice (3).
Dans son arrêt Parlement contre Conseil (4), la Cour a dit pour droit que les obligations imposées au Conseil par le paragraphe 1 points a) et b) de l'article 75 du traité comprennent celle de procéder à l'instauration de la libre prestation de services en matière de transports et que la portée de cette obligation est clairement définie par le traité lui-même, notamment par les articles 59 et 60. Toujours selon la Cour, le Conseil ne dispose pas sur ce point de pouvoir discrétionnaire; le résultat à atteindre étant fixé par le jeu combiné des articles 59, 60, 61 et de l'article 75 paragraphe 1 points a) et b), seules les modalités pour mettre en place ce résultat peuvent donner lieu à l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation.
S'agissant des transports aériens, le même raisonnement doit être suivi. En effet, en prévoyant que la Communauté arrête les mesures destinées à établir progressivement le marché intérieur avant le 31 décembre 1992, l'article 7 A du traité cite expressément l'article 84. En outre, le deuxième paragraphe de ce dernier fait une référence directe aux dispositions de procédure de l'article 75. Dans le secteur particulier des transports aériens, la libre prestation de services à l'intérieur de la Communauté a été réalisée, dans le cadre de la politique commune des transports, par l'adoption du troisième paquet en vigueur depuis le 1er janvier 1993. Le règlement (CEE) no 2408/92 s'inscrit pleinement dans cette politique commune et constitue une mesure d'harmonisation totale de l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires. Ainsi, en adoptant ce règlement, le Conseil a-t-il défini, sur la base de l'article 84 paragraphe 2, les modalités d'application des principes établis par les articles 59 et 62. Il en résulte que, en matière de liberté d'accès au marché pour les transporteurs aériens communautaires, il convient dorénavant de se référer directement à ces principes (5) qui ont fait récemment l'objet, de la part de la Commission, d'une communication interprétative (6).
À cet égard, la Commission rappelle que figurent notamment parmi les mesures restrictives à la libre circulation des services celles affectant la capacité du prestataire à fournir la prestation et celles empêchant les clients potentiels de recourir aux prestations selon leur choix. De plus, la notion de restriction à la libre circulation des services va au-delà de l'interdiction d'une discrimination. Même lorsqu'elles s'appliquent indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, des entraves à la libre prestation des services ne peuvent être acceptées si elles ne sont pas justifiées par des raisons objectives et impérieuses d'intérêt général ou si le même résultat peut être obtenu par des règles moins contraignantes (principe de proportionnalité).
Il apparaît tout d'abord que la distinction opérée par les articles 3, 4 et 5 de l'arrêté du 6 décembre 1993 constitue une mesure restrictive à la libre prestation de services aériens réguliers entre le système aéroportuaire parisien, d'une part, et les aéroports situés dans les États membres autres que l'Espagne, la Grèce et le Portugal, d'autre part. Elle affecte tant la capacité des transporteurs à fournir ces services à Orly que les usagers désirant voyager à l'intérieur de la Communauté à partir ou à l'arrivée de l'aéroport d'Orly. De plus, la restriction est importante puisque la clientèle préfère utiliser l'aéroport d'Orly, plus près du centre ville. Avec un trafic annuel d'environ 25 millions de passagers en 1992, sensiblement égal à celui constaté à Charles-de-Gaulle, Orly se classe d'ailleurs parmi les quinze premiers aéroports du monde. Du reste, dans l'exposé des motifs de l'arrêté en question, cité au point V ci-dessus, les autorités françaises précisent qu'Orly est à la fois la « porte de Paris » et le « pivot du réseau domestique ». La mesure génère ainsi des obstacles à la liberté des échanges non seulement entre Paris et la majorité des États membres, mais aussi entre ces États membres et les provinces françaises via le pivot d'Orly.
Compte tenu de la discrimination en fonction de la nationalité des transporteurs examinée au point IX ci-dessus, ces obstacles sont incompatibles avec la liberté de prestation des services. Toutefois, en dehors même de cette discrimination, la Commission estime que les autres conditions énoncées par la jurisprudence de la Cour ne sont pas satisfaites en l'espèce.
En effet, dans leur exposé des motifs cité au point V ci-dessus, les autorités françaises ont fait état, pour justifier les dispositions de l'arrêté du 6 décembre 1993, de la nécessité de tenir compte de la situation présente et des investissements déjà réalisés par les compagnies aériennes. Toutefois, dans l'environnement concurrentiel institué depuis le 1er janvier 1993 en matière de transport aérien intracommunautaire, il appartient aux seuls opérateurs économiques de décider de l'affectation optimale de leurs ressources, en fonction en particulier des besoins et des désirs de leur clientèle. De plus, les mesures de libéralisation entrées en vigueur le 1er janvier 1993 ont été précédées de plusieurs étapes successives depuis 1987, dont les premier et second paquets aériens, au cours desquelles les États membres ont eu le temps de procéder aux adaptations nécessaires.
Les autorités françaises ont également mis en avant la saturation des infrastructures, l'importance de l'aéroport Charles-de-Gaulle comme plate-forme de correspondance ainsi que les objectifs à long terme de leur politique aéroportuaire. La Commission ne conteste pas ces objectifs généraux ni la possibilité pour les autorités françaises de poursuivre une politique aéroportuaire qui y réponde. La saturation des infrastructures, de même que la poursuite d'une politique aéroportuaire, peuvent être regardées comme des exigences impérieuses d'intérêt général de nature à justifier des mesures de répartition du trafic incluant, le cas échéant, une restriction à l'accès de l'aéroport d'Orly. Cependant, les autorités françaises n'ont pas apporté d'éléments précis permettant de vérifier que l'aéroport d'Orly serait beaucoup plus encombré que l'aéroport Charles-de-Gaulle. Elles reconnaissent, au contraire, que des problèmes de congestion apparaissent aux heures de pointe sur les deux aéroports. En outre, des exigences impérieuses de ce type doivent se traduire par des mesures respectant le principe de proportionnalité. La Commission considère que ce n'est pas le cas en l'espèce.
L'étendue de la mesure va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs mis en avant par les autorités françaises dans leur exposé des motifs, à savoir à court terme limiter la saturation des infrastructures et, à plus long terme, promouvoir l'aéroport Charles-de-Gaulle comme une grande plate-forme européenne tout en développant l'aéroport d'Orly comme aéroport de proximité de l'agglomération parisienne. La restriction en cause présente en effet un caractère radical et, comme il a déjà été dit ci-dessus, entraîne une importante restriction à la liberté de l'accès au marché intérieur de la Communauté. 85 % environ du trafic intérieur français au départ ou à l'arrivée à Paris se concentre à l'aéroport d'Orly, contre seulement 15 % à Charles-de-Gaulle. Aussi, même corrigée par les possibilités de cabotage ouvertes à Orly exclusivement au profit des transporteurs grecs, espagnols et portugais, la restriction apportée par l'article 4 de l'arrêté du 6 décembre 1993 ôte, en France, une grande partie de son effet utile à l'introduction du cabotage pourtant expressément voulue et décidée par le Conseil à compter du 1er janvier 1993.
Or, les autorités françaises n'ont pas établi, ni même allégué que les résultats qu'elles recherchent ne peuvent être obtenus par des mesures moins contraignantes et moins préjudiciables aux échanges intracommunautaires. L'intention manifestée par les autorités françaises d'ouvrir progressivement l'aéroport d'Orly à la desserte des liaisons internationales intracommunautaires à fort trafic tend en réalité à démontrer le contraire. À cet égard, la Commission se doit de prendre en considération le maintien de services charter à l'aéroport d'Orly, prévu par l'article 5 de l'arrêté du 6 décembre 1993, ou bien encore le maintien sur ce même aéroport de nombreux services internationaux extracommunautaires, en particulier intercontinentaux, exploités par des compagnies appartenant à des États tiers ou même par la compagnie Air France. La Commission remarque également que toutes les liaisons intérieures françaises peuvent actuellement être exploitées sans limitation par la compagnie Air Inter au départ ou à l'arrivée de l'aéroport d'Orly, lequel est en outre loin d'être saturé en permanence.
Au regard de l'ensemble des considérations qui précèdent, la Commission est d'avis que les autorités françaises ont fait une application erronée des dispositions de l'article 8 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 2408/92 en affectant, au moyen de l'arrêté du 6 décembre 1993, les services aériens internationaux intracommunautaires au seul aéroport de Charles-de-Gaulle. Par la suite, c'est à tort qu'elles ont refusé et continuent à refuser aux transporteurs communautaires, notamment à TAT European Airlines, l'exercice de droits de trafic sur la liaison Paris (Orly)-Londres. Aussi, y a-t-il lieu de décider, conformément à l'article 8 paragraphe 3 du règlement (CEE) no 2408/92, que les autorités françaises ne peuvent continuer à appliquer cette mesure de répartition du trafic entre les aéroports d'Orly et de CDG, en ce qui concerne la liaison Paris-Londres. La présente décision ne remet cependant nullement en cause les possibilités offertes aux autorités françaises de poursuivre une politique active en matière aéroportuaire, dès lors que cette politique respecte les principes du droit communautaire tels qu'ils ont été précisés ci-dessus,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
La France ne peut plus refuser aux transporteurs communautaires l'exercice de droits de trafic sur la liaison Paris (Orly)-Londres au motif que l'article 4 de l'arrêté du 6 décembre 1993 prévoit que les services aériens internationaux intracommunautaires au départ ou à l'arrivée à Paris sont exploités à l'aéroport Charles-de-Gaulle.

Article 2
La République française est destinataire de la présente décision. Elle est communiquée à TAT European Airlines, au Conseil de l'Union européenne, aux États membres et aux royaumes de Norvège et de Suède.
Fait à Bruxelles, le 27 avril 1994.
Par la Commission
Abel MATUTES
Membre de la Commission

(1) JO no L 240 du 24. 8. 1992, p. 8.
(2) JO no L 140 du 11. 6. 1993, p. 51.
(3) Arrêts de la Cour du 25 juillet 1991, affaires C-288/89, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda e.a., Recueil 1991, p. I-4007, et C-76/90, Saeger contre Densiemeyer, Recueil 1991, p. I-4221.
(4) Arrêt de la Cour du 12 mai 1985, affaire 13/83, Parlement contre Conseil, Recueil 1985, p. 1513; voir également arrêt de la Cour du 13 décembre 1989, affaire C-49/89, Corsica Ferries France contre Direction générale des douanes françaises, Recueil 1989, p. 4441.
(5) Il importe également de souligner que les transports aériens sont, au même titre que les autres modes de transport, soumis aux règles générales du traité; voir les arrêts de la Cour du 4 avril 1974, affaire 167/73, Commission contre république française, Recueil 1974, page 359, et du 30 avril 1986, affaires jointes 209 à 213/84, Ministère public contre Lucas Asjes et autres, Recueil 1986, page 1425.
(6) JO no C 334 du 9. 12. 1993, p. 3.

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Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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