Europa

Enregistrement
Plan du site
Recherche
Aide
Commentaires
©


Page d'accueil

EUR-Lex CastellanoDanskDeutschEllinikaEnglishFrancaisItalianoNederlandsPortuguesSuomiSvenska

Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 394D0285

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 12.40.10 - Approvisionnement en combustibles ]


394D0285
94/285/Euratom: Décision de la Commission du 21 février 1994 relative à l'application de l'article 53 deuxième alinéa du traité CEEA (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)
Journal officiel n° L 122 du 17/05/1994 p. 0030 - 0036



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 21 février 1994 relative à l'application de l'article 53 deuxième alinéa du traité CEEA (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (94/285/Euratom)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, et notamment son article 53 deuxième alinéa,
vu la lettre du 20 janvier 1994 de Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH,
considérant ce qui suit:
I. FAITS a) Actes de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom
(1) L'entreprise allemande Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH, ci-après « KLE », exploite une centrale nucléaire et est à ce titre utilisatrice d'uranium. Par lettre du 25 novembre 1993, reçue le 29 novembre 1993, KLE a soumis à l'Agence d'approvisionnement d'Euratom, ci-après l'« Agence », conformément à l'article 52, aux fins de conclusion, un contrat entre elle-même et l'entreprise britannique British Nuclear Fuels plc, ci-après BNFL, et portant sur la fourniture de 400 tonnes d'uranium naturel sous la forme d'UF6.
(2) Eu égard au bas niveau du prix et à l'absence d'indication du pays d'origine des matières à livrer, l'Agence a invité les parties contractantes, par lettre du 10 décembre 1993, à indiquer l'origine de l'uranium naturel, cette demande étant motivée par les exigences de la politique commune d'approvisionnement, en particulier quant aux fournitures provenant des républiques de la Communauté des États indépendants, ci-après la « CEI ».
(3) Par lettre du 14 décembre 1993, BNFL faisait savoir que l'uranium à fournir sous ce contrat proviendrait de la CEI, et qu'il serait probablement d'origine russe.
(4) Par lettre du 20 décembre 1993, l'Agence a réitéré, en s'appuyant sur sa lettre du 10 décembre 1993, les réserves qui résultent de la politique commune d'approvisionnement à l'encontre du contrat présenté, et a invité les parties à lui présenter leurs éventuelles observations avant de prendre une décision.
(5) Par lettre du 29 décembre 1993, KLE a fait parvenir à l'Agence la copie d'une lettre, datée du même jour et adressée à la Commission sur la base de l'article 53 deuxième alinéa du traité, dans laquelle KLE reproche une carence à l'Agence.
(6) Le 6 janvier 1994, l'Agence a conclu le contrat de fourniture qui lui avait été soumis, en ajoutant la clause suivante:
« Conformément à la décision no 1/94 de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom ci-jointe, le contrat est conclu sous la condition que l'uranium naturel sur lequel il porte ne provienne ni directement ni indirectement d'un des pays de la Communauté des États indépendants (CEI). »
Le contrat signé et la décision no 1/94 de l'Agence de l'approvisionnement d'Euratom relative à un contrat sur la fourniture d'uranium naturel, entre Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH et British Nuclear Fuels plc, présenté le 29 novembre 1993, ont été notifiés à KLE et BNFL le 6 janvier 1994. Pour les détails de la motivation juridique de la décision no 1/94, il est renvoyé à l'appréciation juridique ci-dessous.
b) La saisine de la Commission
(7) Par sa lettre du 29 décembre 1993 visée au considérant 5, KLE, se fondant sur l'article 53 deuxième alinéa du traité, déférait devant la Commission une « carence » de l'Agence dont les détails y ont été précisés plus amplement, et demandait qu'il lui soit fait droit, sur la base de ses propres conceptions juridiques.
Selon KLE, la carence de l'Agence repose sur le fait que, après avoir reçu le contrat, c'est-à-dire le 29 novembre 1993, elle aurait laissé s'écouler sans se prononcer le délai de dix jours ouvrables prévu à l'article 5 bis point f) du règlement de l'Agence d'approvisionnement de la Communauté européenne de l'énergie atomique, du 5 mai 1960, déterminant les modalités relatives à la confrontation des offres et des demandes de minerais, matières brutes et matières fissiles spéciales (1), tel qu'il a été modifié par le règlement du 25 juillet 1975 (2), ci-après le « règlement ».
(8) Dans sa lettre du 20 janvier 1994, KLE déférait devant la Commission, au titre de l'article 53 deuxième alinéa du traité, la décision no 1/94 de l'Agence, et elle l'invitait à prendre les mesures suivantes:
« 1. demander à l'Agence de conclure le contrat relatif à quatre cents tonnes d'uranium sous la forme d'UF6 signé les 10 et 22 novembre 1993 entre KLE et BNFL, et qui lui avait été soumis le 29 novembre 1993;
2. pour le cas où le contrat visé au paragraphe 1 ne pourrait plus exercer d'effets ou serait dépourvu d'effets vis-à-vis de BNFL, pour le cas où le contrat perdrait son efficacité ultérieurement, ou pour le cas où ses clauses ne pourraient lui être appliquées ou ne pourraient l'être qu'au prix de certaines concessions, du fait que l'Agence n'aurait pas conclu le contrat en temps utile ou ne l'aurait conclu que conditionnellement, constater qu'Euratom est tenue de payer à KLE une indemnisation correspondant au prix d'achat plus élevé et à tous les autres débours supplémentaires, aux autres inconvénients et frais que KLE a dû supporter du fait d'avoir dû conclure une autre transaction ou d'avoir dû s'en tenir au contrat signé conditionnellement par l'Agence;
3. subsidiairement, en cas de rejet d'une demande au sens du paragraphe 1, déclarer qu'Euratom doit indemniser KLE du préjudice subi par elle sous la forme, essentiellement, d'un prix d'achat plus élevé, du fait qu'elle n'a pu prendre des dispositions en vue de conclure une autre transaction que tardivement, c'est-à-dire après publication officielle d'une décision non conditionnelle (comme le veut le contrat) de l'Agence au titre de l'article 5 bis point g) première phrase du règlement, ou après rejet d'une injonction de la Commission au sens du paragraphe 1, ce retard étant imputable au fait que l'Agence s'est prononcée en dehors du délai prévu sur une conclusion du contrat de fourniture, ou à l'insécurité juridique créée par la signature conditionnelle;
4. d'imputer à l'Agence les frais de la procédure en déféré. »
(9) Pour motiver ses demandes, KLE a présenté les griefs suivants:
- la décision de l'Agence du 6 janvier 1994 a été prise en dehors du délai prévu,
- il y a eu violation du traité et des règles juridiques dont il doit être fait application, notamment l'article 5 bis du règlement,
- l'Agence ne jouit pas de la compétence nécessaire et il y a eu infraction aux règles de fonctionnement du marché commun,
- infraction aux principes généraux du droit communautaire,
- l'Agence a commis un abus de pouvoir discrétionnaire,
- la conclusion inconditionnelle du contrat n'aurait pas créé une « position privilégiée par rapport à d'autres utilisateurs ».
Ces griefs s'articulent en différents points, pour lesquels la Commission renvoie à la lettre du 20 janvier 1994.
(10) Par décision du 4 février 1994, la Commission a rejeté les demandes que posait KLE dans sa lettre du 29 décembre 1993. Pour plus de détails, la Commission renvoie à cette décision.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE a) Remarque préliminaire et grief de non-respect de délai
(11) Dans sa lettre du 20 janvier 1994, KLE a déféré devant la Commission la décision no 1/94 de l'Agence en formulant quatre demandes. KLE soutient que la décision n'aurait pas été prise dans les délais et que, pour plusieurs raisons, elle serait à considérer comme illégale quant au fond.
(12) Dans la mesure où KLE réitère le grief selon lequel l'Agence n'aurait pas agi dans les délais, la Commission renvoie à sa décision du 4 février 1994. Au paragraphe 13 de cette décision, la Commission constate que, en l'espèce, le délai de dix jours ouvrables fixé à l'Agence pour se prononcer, commençait le 15 décembre 1993 et expirait le 6 janvier 1994 à minuit, c'est-à-dire à la fin du jour auquel l'Agence a rendu la décision en cause et l'a notifié à KLE et à BNFL. Le fait que KLE soulève de nouveau ce grief n'est pas susceptible d'infirmer cette constatation.
(13) En ce qui concerne le grief d'illégalité de la décision no 1/94 soulevé par KLE, il importe d'examiner si les griefs formulés par KLE sont fondés.
b) Grief de violation du traité et des dispositions prises en son application
(14) Pour étayer ce grief, KLE affirme que l'Agence serait tenue, en vertu de l'article 5 bis du règlement, de conclure tout contrat de fourniture remplissant les conditions formelles de l'article 5 bis. Ni le traité ni le règlement ne contiennent de base pour fonder un tel droit à conclusion de contrat.
L'article 61 du traité prévoit que l'Agence n'a pas l'obligation de satisfaire des commandes lorsque des obstacles juridiques ou matériels s'opposent à leur exécution. Un tel obstacle juridique existe plus particulièrement si, en exécutant la commande, l'Agence assurait « à certains utilisateurs une position privilégiée », et violait ainsi l'article 52 paragraphe 2 point a) du traité. C'est à juste titre que l'Agence, au point IV de sa décision, a souligné l'importance de cette disposition, qui la lie également.
L'article 5 bis du règlement ne peut lui non plus fonder un droit à conclusion de contrat, car les points f) et g) confèrent à l'Agence le droit de refuser, le cas échéant, la conclusion d'un contrat.
(15) KLE affirme en outre que les dispositions générales du traité sur l'approvisionnement ne permettent pas d'établir une « politique de diversification » sans une habilitation expresse en vertu du droit communautaire. L'Agence ne serait pas compétente pour prendre des « mesures dirigistes » ni pour excercer « un contrôle des prix favorisant les producteurs établis dans la Communauté, » et l'article 2 point d) du traité ne lui conférerait aucune « compétence globale ».
La Commission estime que KLE dans ses allégations méconnaît la signification et la portée des droits que le traité confère à la Communauté, et plus particulièrement à l'Agence, pour exécuter une politique commune d'approvisionnement au sens de l'article 52 paragraphe 1.
(16) En ce qui concerne l'objectif général et les bases d'une diversification des sources d'approvisionnement énergétique, il importe de remarquer que l'unanimité règne depuis longtemps dans la Communauté sur cet objectif. Dans sa résolution du 16 septembre 1986 concernant de nouveaux objectifs de politique énergétique communautaires pour 1995 et la convergence des politiques des États membres (3), le Conseil déclarait expressément:
« . . . que la politique énergétique de la Communauté et des États membres doit s'efforcer de réaliser les objectifs horizontaux suivants:
a) des conditions d'approvisionnement plus sûres et des risques réduits de fluctuations brusques des prix de l'énergie grâce:
. . .
- à la diversification géographique des sources d'approvisionnement extérieures de la Communauté, . . . »
(17) En ce qui concerne plus particulièrement l'approvisionnement en matières nucléaires, la politique commune d'approvisionnement prévue à l'article 52 du traité doit s'orienter sur les objectifs énoncés à l'article 2 du traité. L'article 2 point d) du traité prévoit que la Communauté doit « veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires », tandis que l'article 2 point c) prévoit que la Communauté doit assurer « la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l'énergie nucléaire dans la Communauté », ce qui comporte la prise en considération des intérêts des producteurs.
(18) Eu égard, d'une part, à ces objectifs énergétiques généraux, et, d'autre part, aux obligations particulières qui découlent du traité aussi bien pour la Commission que pour l'Agence, la Commission estime qu'on ne saurait reprocher à l'Agence les efforts qu'elle déploie en vue de diversifier les sources d'approvisionnement à l'extérieur de la Communauté. Cela est d'autant plus vrai que la situation actuelle du marché mondial de l'uranium naturel comporte des risques à long terme, auxquels l'Agence fait allusion à juste titre au point II de sa décision.
(19) Dans la mesure où KLE ne conteste pas le principe d'une diversification des sources d'approvisionnement, mais seulement les modalités juridiques de sa mise en oeuvre, la Commission ne peut partager l'avis de KLE selon lequel cette mise en oeuvre exigerait une modification du règlement, l'adoption d'un règlement du Conseil sur la base de l'article 203 du traité, voire une modification du chapitre VI du traité.
(20) L'article 52 paragraphe 2 point b) du traité prévoit que, dans le cadre de la politique commune d'approvisionnement, l'Agence jouit du droit exclusif « de conclure des contrats portant sur la fourniture de minerais, matières brutes ou matières fissiles spéciales en provenance . . . de l'extérieur de la Communauté ». L'article 64 du traité énonce:
« L'Agence, agissant éventuellement dans le cadre des accords passés entre la Communauté et un État tiers ou une organisation internationale, a le droit exclusif, sauf les exceptions prévues au présent traité, de conclure des accords ou conventions ayant pour objet principal des fournitures de minerais, matières brutes ou matières fissiles spéciales en provenance de l'extérieur de la Communauté. »
Sous réserve d'éventuelles directives données par la Commission au titre de l'article 53 premier alinéa du traité, l'Agence a le droit, sur la base des dispositions précitées, de décider non seulement si et avec quel partenaire elle conclut des contrats, des conventions ou des accords portant sur des fournitures de minerais, matières brutes ou matières fissiles spéciales en provenance de l'extérieur de la Communauté, mais également de fixer les modalités nécessaires de ces livraisons. Le fait que, dans le cadre d'une procédure simplifiée, instaurée sur la base de l'article 60 sixième alinéa du traité, elle permette une négociation directe et plus facile des contrats par les producteurs et les utilisateurs eux-mêmes ne lui fait pas perdre les pouvoirs qui lui ont été conférés en vertu de règles de droit primaire. En vertu de l'article 52 paragraphe 2 point b) du traité, le droit exclusif de conclure des contrats portant sur des livraisons provenant de l'extérieur de la Communauté demeure la prérogative de l'Agence, qui ne perd donc pas les droits que lui confère le traité en matière de politique commune d'approvisionnement. L'effet utile de ces droits n'est pas conditionné par le règlement, et ils peuvent être exercés sans que le Conseil doive adopter un règlement au sens de l'article 203 et sans qu'il faille modifier le chapitre VI.
(21) En ce qui concerne les livraisons provenant des États successeurs de l'Union soviétique, il importe de rappeler, eu égard aux articles 64 et 101 du traité, que, en 1990, la Communauté européenne de l'énergie atomique a conclu avec l'Union des républiques socialistes soviétiques un accord concernant le commerce et la coopération commerciale et économique (4). L'article 14 de cet accord déclare que les échanges de marchandises entre les parties contractantes s'effectuent à des prix liés à ceux du marché. En cas d'offres qui s'écarteraient du prix du marché, en violation de l'article 14, l'Agence doit en tenir compte dans l'exercice de son droit exclusif de conclure des contrats.
c) Grief d'incompétence de l'Agence et de violation des règles de fonctionnement du marché commun
(22) Dans le cadre de ce grief, KLE affirme que, avec la diversification des sources d'approvisionnement, l'Agence poursuit des objectifs de politique commerciale. L'Agence ne serait toutefois pas compétente pour prendre des mesures relevant de la politique commerciale, car de telles mesures ne peuvent être prises que sur la base de l'article 113 du traité CE.
Dans ces affirmations, KLE méconnaît à plusieurs égards la portée et le caractère autonome du traité Euratom. En tant que traité sectoriel, qui contient des règles spéciales en matière d'une politique commune d'approvisionnement s'étendant aussi aux fournitures provenant de l'extérieur de la Communauté, le traité Euratom prime les dispositions générales du traité CEE. Cette primauté résulte non seulement du principe juridique général selon lequel les dispositions spéciales priment les dispositions générales, mais est également prévue expressément par l'article 232 paragraphe 2 du traité CE, qui déclare: « Les dispositions du présent traité ne dérogent pas aux stipulations du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique. » À cela s'ajoute le fait que la Communauté européenne de l'énergie atomique et la Communauté économique européenne ont été instituées comme des Communautés indépendantes l'une de l'autre sur le plan juridique, organisationnel et institutionnel, et les actes juridiques de l'une ne sont pas subordonnés aux actes de l'autre. Il importe donc de rejeter toute tentative d'établir que le chapitre VI du traité Euratom est une lex imperfecta, et de soumettre à l'article 113 du traité CE la réalisation de la politique commune d'approvisionnement prévue par le traité Euratom.
(23) En outre, la Commission voit mal pourquoi des mesures prises par l'Agence dans le cadre de la réalisation de la politique commune d'approvisionnement seraient incompatibles avec l'article 2 point g) et les articles 92 sqq du traité.
d) Grief de violation de principes généraux du droit communautaire
(24) D'abord, KLE estime qu'il y a violation du principe de sécurité juridique. Elle aurait orienté sa politique d'approvisionnement sur l'article 5 bis du règlement et satisferait à toutes les conditions juridiques qu'il prévoit. L'Agence ne lui ayant jamais communiqué de quotas de livraison, la transparence n'aurait pas été suffisamment assurée.
À cet égard, il importe tout d'abord de faire remarquer que, selon le texte de l'article 5 bis du règlement, la seule communication des indications contractuelles minimales y énumérées ne confère pas un droit à conclusion de contrat par l'Agence. Il découle notamment de l'article 5 bis points f) et g) que l'Agence a, le cas échéant, le droit de refuser la conclusion de contrat (voir considérant 14).
KLE n'est en outre pas sans connaître les principes de la politique commune d'approvisionnement, notamment en ce qui concerne la diversification géographique des sources d'approvisionnement et l'application de prix liés à ceux du marché dans les livraisons provenant de pays de la CEI. Abstraction faite des actes juridiques cités aux considérants 16 et 21, qui ont été publiés au Journal officiel des Communautés européennes, les utilisateurs et producteurs de matières nucléaires dans la Communauté participent à la définition et à la mise en oeuvre de la politique d'approvisionnement commune par le truchement du Comité consultatif de l'Agence.
(25) L'article X des statuts de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom du 6 novembre 1958 (5), modifiés en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal (6), qui établit le Comité consultatif de l'Agence, prévoit ce qui suit: « Les membres du Comité consultatif sont nommés par le Conseil, sur proposition des États membres, après avis de la Commission, parmi les représentants des producteurs, des utilisateurs et parmi les experts hautement qualifiés. » L'article XI paragraphe 1 des statuts déclare que le Comité consultatif « constitue un organe de liaison entre l'Agence d'une part et d'autre part les usagers et les milieux intéressés ». Comme il ressort de nombreux comptes rendus de réunions, les questions pertinentes en l'espèce concernant la politique commune d'approvisionnement ont fréquemment été examinées par le Comité consultatif. Au surplus, l'Agence a informé les utilisateurs sur la politique commune d'approvisionnement et des comptes rendus de réunion attestent la présence des représentants de KLE.
(26) Par ailleurs, on ne saurait affirmer qu'en l'espèce on ait affaire à des quotas de livraison fixés d'avance et imputés à certains utilisateurs. En fait, l'Agence étant seule habilitée à conclure des contrats de fourniture de matières nucléaires provenant de l'extérieur de la Communauté, elle s'efforce, dans le cadre de la politique commune d'approvisionnement, de satisfaire le mieux possible les demandes qu'elle reçoit et ne se résout à refuser ou à assortir de conditions une conclusion de contrat que lorsque et dans la mesure où, dans le cas particulier, la conclusion du contrat proposé conférerait à l'utilisateur intéressé une position privilégiée.
(27) KLE affirme également que la décision de l'Agence serait contraire au principe de la légalité de l'administration. À partir d'un exemple tiré du droit agricole de la Communauté, elle s'efforce de démontrer que le traité Euratom ne prévoit aucune procédure administrative conforme à l'État de droit, qui soit techniquement équilibrée, appliquée uniformément et transparente pour les agents économiques.
La Commission ne partage pas cet avis. En effet, grâce à la procédure simplifiée de l'article 5 bis du règlement, la Communauté garantit aux utilisateurs et aux producteurs une transparence et une liberté économique maximales, et réduit les interventions de droit public à un minimum indispensable, justifié par l'état du marché. Au cas où, toutefois, les utilisateurs et les producteurs de la Communauté devraient, que ce soit ou non au sein du Comité consultatif, se déclarer favorables d'une manière générale, comme le souhaite KLE, à la suppression de cette procédure simplifiée et à l'introduction d'un système formel de quotas comparable à celui que prévoit le droit agricole de la Communauté, l'Agence se trouverait confrontée à une situation nouvelle et devrait examiner les mesures appropriées. Jusqu'à présent, le Comité consultatif ainsi que les utilisateurs et les producteurs, pratiquement unanimes, se sont cependant toujours montrés hostiles à ces idées.
(28) KLE affirme également que l'Agence viole le principe d'égalité en fixant automatiquement des quotas pour chaque utilisateur et en ne tenant pas compte des circonstances particulières que connaît chaque utilisateur, ni des conditions de chacun des contrats de livraison.
Comme la Commission l'a exposé aux considérants 26 et 27, il ne s'agit pas en l'espèce de l'introduction d'un système général et rigide de quotas pour tous les utilisateurs, mais d'un examen, par l'Agence, des dispositions de chaque contrat en tenant compte des circonstances de chaque cas particulier (voir à cet égard notamment le point IV des motifs de la décision no 1/94).
(29) KLE soutient en outre qu'il y a violation du principe de proportionnalité. La signature conditionnelle du contrat de livraisons intracommunautaires ne serait pas nécessaire, car pour atteindre les objectifs énoncés par l'Agence une intervention dans le cadre du droit exclusif de conclure en ce qui concerne les livraisons extracommunautaires suffirait. Le refus d'une conclusion inconditionnelle ne serait pas non plus conforme au principe de proportionnalité, car le traité prévoirait des instruments de politique d'approvisionnement aux effets moins contraignants, tels que la constitution de stocks de sécurité et la promotion de campagnes de prospection. Le traité ne voudrait pas non plus contraindre les utilisateurs par le biais d'une politique de diversification à acheter de l'uranium à des prix excessifs. On pourrait en outre s'interroger sur le point de savoir si, pour atteindre les objectifs visés, il faut limiter les importations en provenance de la CEI à 20 à 25 %.
(30) Pour des raisons ayant trait à la protection de la confiance légitime et de la loyauté entre parties contractantes, la Commission ne pense pas que l'Agence, connaissant l'origine des matières en cause, aurait dû conclure inconditionnellement le contrat de livraison entre KLE et BNFL, et aurait dû refuser la conclusion du contrat de livraison entre BNFL et ses fournisseurs.
(31) En ce qui concerne la constitution de stocks de sécurité au sens de l'article 72 deuxième alinéa et la participation à des campagnes de prospection au sens de l'article 70 du traité, l'argumentation de KLE n'est pas apte à mettre en doute la légalité des actes de l'Agence, car il s'agit en l'espèce de compétences de la Commission et du Conseil, et non de l'Agence. L'Agence n'est compétente que pour constituer des stocks commerciaux en veru de l'article 72 premier alinéa. Toutefois, en l'espèce, eu égard à la situation actuelle de l'approvisionnement, les conditions matérielles de l'application de cette disposition ne sont pas remplies.
(32) En ce qui concerne le grief selon lequel l'Agence contraindrait les utilisateurs à acheter de l'uranium à des prix excessifs, il suffit de faire remarquer que la décision de l'Agence, au point II de sa motivation, ne plaide pas en faveur d'achats à des prix excessifs, mais parle de prix conformes à ceux du marché, c'est-à-dire qui reflètent les coûts de production et sont comparables aux prix pratiqués dans les pays d'économie de marché.
(33) Quant aux doutes que KLE nourrit sur le bien-fondé d'une part de 20 à 25 % des États de la CEI dans le total des livraisons, la Commission rappelle que la Communauté a conclu avec plusieurs pays tiers des accords de livraison à long terme. La politique commune d'approvisionnement doit également tenir compte des relations avec ces partenaires et d'autres pays fournisseurs. Dans la situation actuelle, une nouvelle augmentation de la part des livraisons en provenance des États de la CEI ne serait guère compatible avec les intérêts à long terme de la Communauté en matière d'approvisionnement.
e) Grief d'abus de pouvoir
(34) L'argumentation de KLE à cet égard repose sur des insinuations polémiques sur les motifs de l'Agence que la Commission récuse énergiquement. Les affirmations de KLE en cette matière ont déjà été réfutées et rejetées dans le présent exposé (voir considérants 14, 15, 16 et 22).
f) Grief d'absence d'une « position privilégiée par rapport à d'autres utilisateurs » du fait de la conclusion inconditionnelle d'un contrat
(35) Ce dernier grief de KLE combine en fait plusieurs griefs, qu'elle présente comme suit:
i) réalisation de la répartition équitable grâce à la liberté de conclure prévue à l'article 5 bis du règlement;
ii) absence de compétence sur la base d'une pratique illégale de l'Agence vis-à-vis d'autres utilisateurs;
iii) caractère illicite de l'application isolée de l'article 52 paragraphe 2 point a) du traité;
iv) application incorrecte sous l'angle de l'historique du traité de son article 52 paragraphe 2 point a);
v) absence de violation du droit à l'égalité d'accès;
vi) absence de mise en oeuvre à l'échelle de la Communauté de la politique de diversification de l'Agence.
(36) Les points i) et ii) reprennent pour l'essentiel des arguments antérieurs qui ont été réfutés aux considérants 14 sqq. En reconnaissant toutefois que « pour l'article 52 paragraphe 2 point a) du traité Euratom, outre les conditions énumérées à l'article 5 bis du règlement, on peut tout au plus envisager un contrôle quant à un abus de pouvoir, » KLE se rapproche des conceptions juridiques de l'Agence et de la Commission sur un point essentiel (voir considérant 26). De même, la remarque de KLE selon laquelle l'Agence serait éventuellement parvenue, même si c'est dans le passé, à imposer à des utilisateurs individuels, voire à une proportion importante d'eux, la politique de diversification qu'elle prétend appliquer par le biais de l'exercice de son droit exclusif, KLE laisse entendre que la fonction « quasi notariale » qu'elle attribue à l'Agence [voir le point iii)] ne repose sur aucun élément concret. La Commission a démontré ci-dessus l'absence de fondement juridique à cet égard (voir notamment le considérant 14).
La question de savoir si et dans quelle mesure l'article 52 paragraphe 2 point a) « de par son origine de droit communautaire, vise une situation toute différente », comme le prétend KLE au point iv), peut être laissée de côté, car conformément à son article 208, le traité est conclu pour une durée illimitée, et ses dispositions restent obligatoires quelles que soient les circonstances.
Le point v), qui reprend lui aussi un grief ancien, a été réfuté au considérant 30.
Enfin, au point vi), KLE reconnaît qu'elle « bénéficierait d'une position privilégiée dans la mesure où l'Agence est effectivement à même d'imposer sa politique de "diversification" en imposant les mêmes efforts à tous les utilisateurs. » Si « certains utilisateurs établis dans la Communauté devaient contourner l'Agence », comme le prétend KLE sans étayer substantiellement cette affirmation, KLE ne peut se prévaloir devant l'Agence d'un quelconque comportement illégal de tiers.
Enfin, la Commission estime qu'il n'y a pas lieu de critiquer la marge de 20 à 25 % pour les livraisons en provenance des États de la CEI, qualifiée d'imprécise par KLE, car cette marge permet mieux qu'un pourcentage fixe de prendre en compte les conditions de chaque cas particulier.
III. CONCLUSIONS (37) La Commission a démontré qu'aucun des griefs formulés à l'encontre de la décision no 1/94 de l'Agence n'est fondé. L'examen du cas n'ayant par ailleurs permis de constater aucun élément susceptible de mettre en doute la légalité de la décision no 1/94, il ne peut être fait droit aux demandes de KLE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Les demandes formulées par Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH dans sa lettre du 20 janvier 1994 sont rejetées.

Article 2
La présente décision est adressée à Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH, Rheinlanddamm 24, D-44139 Dortmund, république fédérale d'Allemagne.
Fait à Bruxelles, le 21 février 1994.
Par la Commission
Abel MATUTES
Membre de la Commission

(1) JO no 32 du 11. 5. 1960, p. 777/60.
(2) JO no L 193 du 25. 7. 1975, p. 37.
(3) JO no C 241 du 25. 9. 1986, p. 1.
(4) JO no L 68 du 15. 3. 1990, p. 2.
(5) JO no 27 du 6. 12. 1958, p. 534/58.
(6) JO no L 302 du 15. 11. 1985.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


Haut

line
[ Enregistrement ] - [ Plan du site ] - [ Recherche ] - [ Aide ] - [ Commentaires ] - [ © ]