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Document 393D0554
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393D0554
93/554/CEE: Décision de la Commission, du 22 juin 1993, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE dans les affaires IV/31.550 - Zera/Montedison et IV/31.898 - Hinkens/Stähler (Les textes en langues allemande et italienne sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 272 du 04/11/1993 p. 0028 - 0045
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 22 juin 1993 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE dans les affaires IV/31.550 - Zera/Montedison et IV/31.898 - Hinkens/Staehler (Les textes en langues allemande et italienne sont les seuls faisant foi.) (93/554/CEE)LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1, vu les demandes présentées au titre de l'article 3 du règlement no 17 par les sociétés Zera-Agrarchemikalien GmbH, Travenbrueck-Tralau, Allemagne, et Wilhelm Hinkens, Linnich, Allemagne, en vue de faire constater les infractions à l'article 85 commises par les sociétés Agrimont SpA Milan (anciennement Farmoplant SpA), Italie, Montedison Chemie Handels-GmbH (anciennement Montedison Deutschland GmbH), Eschborn, Allemagne, et Staehler Agrochemie GmbH & Co. KG, Stade, Allemagne, vu la décision prise par la Communauté le 27 septembre 1989 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux sociétés Agrimont SpA, Montedison (Allemagne) Chemie Handels-GmbH et Staehler Agrochemie GmbH & Co. KG l'occasion de faire connaître leurs points de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et au règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit: I. LES FAITS A. Exposé succinct de l'objet de la procédure (1) L'objet de la présente décision est un accord conclu entre deux filiales du groupe fabriquant le produit phytosanitaire Digermin, d'une part, et le distributeur exclusif pour l'Allemagne, d'autre part, dans le but d'assurer au distributeur exclusif une protection territoriale absolue sur le marché allemand grâce à la différenciation du produit concerné, et d'empêcher ainsi les importations parallèles en république fédérale d'Allemagne à partir d'autres États membres. (2) La présente décision ne porte pas sur la conformité de la distribution exclusive en Allemagne avec le droit de la concurrence. La Commission n'a pas procédé à une appréciation de ce contrat, qui ne lui a d'ailleurs pas été soumis. B. Les parties (3) Farmoplant SpA, Milan (ci-après dénommée « Farmoplant »), une filiale à 100 % du groupe italien Montedison, a essentiellement fabriqué, jusqu'en mai 1986, des produits phytosanitaires destinés à l'agriculture, parmi lesquels la Digermin. En juin 1986, Farmoplant a été intégrée dans la nouvelle filiale Agrimont SpA (ci-après dénommée « Agrimont »), qui réunissait l'ensemble des activités agricoles du groupe Montedison. Début 1989, Montedison a transféré l'ensemble de la société Agrimont au nouveau groupe Enimont SpA, Milan, dont Montedison et l'Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) détenaient chacun 50 %. Au moment de la cession des parts de Montedison à l'ENI, Agrimont a été intégré à EniChem Agricoltura SpA, Milan, avec effet au 1er novembre 1991. D'après le rapport annuel de 1984, le produit des ventes d'Agrimont s'élevait à 89 003 millions de lires italiennes (soit environ 64,4 millions d'écus) (3). (4) La société Montedison (Deutschland) Chemie Handels-GmbH, Eschborn, anciennement Montedison Deutschland GmbH (ci-après dénommée « MED »), supervisait la distribution des produits Montedison en république fédérale d'Allemagne. Au départ, Montedison était une filiale à 100 % de Montedison International Holding Co., Zuerich. Début 1989, elle est devenue une filiale à 100 % du nouveau groupe Enimont. En octobre 1991, la société Montedison (Deutschland) Chemie Handels-GmbH a été fusionnée avec Agip (Deutschland) AG, pour devenir d'abord EniMont (Deutschland) AG, puis EniChem Deutschland AG. Le siège de la société est à Munich et elle possède une succursale à Eschborn, qui s'occupe du secteur agrochimique. En 1984, MED a réalisé un chiffre d'affaires de 566,6 millions de marks allemands (environ 253,16 millions d'écus). Le département « produits phytosanitaires » a réalisé un chiffre d'affaires de [. . .] (4) de marks, dont [. . .] de marks pour le produit Digermin. (5) Staehler Agrochemie GmbH & Co. KG, Stade, jusqu'au 30 juin 1984 Aagrunol Staehler Pflanzenschutzunion GmbH & Co. KG (ci-après dénommée « Staehler ») avait signé avec MED, le 9 septembre 1980, un contrat lui assurant la distribution exclusive de l'herbicide Digermin en république fédérale d'Allemagne. La société a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 22 millions de marks (9,26 millions d'écus) en 1982, environ 28 millions de marks (12,33 millions d'écus) en 1983 et environ 33 millions de marks (14,7 millions d'écus) en 1984. C. Le produit 1. La matière active trifluraline (6) La trifluraline, une matière active contenue dans le produit phytosanitaire Digermin, est un dérivé de dinitroaniline qui a été mis au point aux États-Unis d'Amérique par Eli Lilly et qui est commercialisé depuis 1963 dans le monde entier, généralement sous la marque Treflan. La trifluraline est à ce jour la matière active pour herbicides qui a connu le plus de succès dans l'histoire de l'industrie chimique. Ses nombreux domaines d'utilisation vont du coton, du colza et du tournesol aux légumes tels que le soja, la betterave et le chou-fleur. En Allemagne, Eli Lilly commercialise son produit à base de trifluraline depuis 1968 environ, sous la marque Elancolan. 2. Le produit Digermin (7) Digermin est un herbicide dont la matière active non soluble dans l'eau, la trifluraline, est diluée (en termes chimiques: formulée) dans un ou plusieurs diluant(s), comme par exemple le xylol, à raison d'une concentration de 480 grammes par litre. Afin que la matière active reste en suspension dans la solution (« formulation ») après addition d'eau dans le pulvérisateur, il faut y ajouter des émulsifiants et d'autres adjuvants. (8) Les produits concurrents commercialisés sur le marché allemand au cours de la période concernée par la décision, qui s'étend jusqu'à fin 1988 (voir considérants 4 et 35), en l'occurrence Elancolan (commercialisé par Elanco, la division « produits phytosanitaires » d'Eli Lilly Allemagne) et Zera-Trifluralin (commercialisé par Zera Agrarchemikalien GmbH depuis 1985 avec une homologation propre) présentent une concentration de matière active identique, mais certaines différences en ce qui concerne les diluants (pour plus de précisions, voir considérants 61 à 68). 3. Domaines d'utilisation (9) Le domaine d'autorisation de Digermin est déterminé par les homologations accordées dans chaque pays. En république fédérale d'Allemagne, Digermin peut être utilisé pour lutter contre les mauvaises herbes dans les cultures de colza, de navets et de choux-fleurs. Le principal domaine d'utilisation est la culture du colza. (10) Dans la Communauté européenne, Digermin est, en dehors de l'Allemagne, homologué en Italie, en France, en Espagne et au Royaume-Uni, généralement pour des cultures autres que le colza. 4. Les procédures d'homologation (11) Agrimont a tout d'abord déclaré à la Commission que la procédure d'homologation avait été engagée dans les autres États membres après octroi de l'homologation en Allemagne. Ensuite, dans leur réponse aux griefs et lors de l'audition orale, Agrimont et MED ont fourni le calendrier suivant: >>>> ID="01">Italie> ID="02">5. 11. 1975> ID="03">8. 2. 1980>>> ID="01">Allemagne> ID="02">13. 1. 1977> ID="03">30. 1. 1978>>> ID="01">Espagne> ID="02">18. 2. 1977> ID="03">15. 2. 1984>>> ID="01">Grande-Bretagne> ID="02">19. 3. 1979> ID="03">20. 9. 1979>>> ID="01">France> ID="02">3. 6. 1981> ID="03">26. 6. 1982 >>> Il n'a pas été possible de savoir quelles étaient les formulations ayant fait l'objet d'une homologation en Italie et en Espagne. Il est néanmoins établi que la formulation homologuée en Allemagne est différente de celle utilisée dans les autres États membres (pour plus de détails, voir considérants 69 et 70). (12) MED a fait valoir, lors de l'audition, que les autorités allemandes avaient assorti l'avis d'homologation, par courrier du 10 mars 1980, de l'obligation de maintenir le taux de nitrosamine (NDPA) à 1 mg/kg (ou 1 ppm) au maximum. D'après une note de Staehler du 14 janvier 1981, jointe en annexe aux griefs, la teneur en nitrosamine du produit Digermin allemand était encore à ce moment de 10 ppm. En 1983, le produit fabriqué pour les autres États membres était toutefois conforme aux normes allemandes (voir considérant 49). En outre, les nitrosamines sont contenues dans la matière active elle-même et ne sont pas dues aux diluants. (13) La commercialisation de Digermin dans les différents États membres a commencé lors de l'expiration des différents brevets d'Eli Lilly pour la matière active trifluraline. Le premier brevet a expiré en Allemagne en 1979. (14) D'après MED, l'homologation pour l'Allemagne, qui expirait fin 1988, n'a pas été renouvelée, et Digermin n'est donc plus commercialisé en Allemagne depuis 1989. D. Le marché 1. Délimitation du marché concerné (15) a) Homologation L'un des principaux critères permettant de délimiter le marché concerné est le domaine d'utilisation autorisé pour un herbicide. Dans chaque État membre, un herbicide ne peut être vendu que pour le domaine d'utilisation exactement défini dans l'homologation (par exemple colza d'hiver et d'été). Cela signifie que les seuls produits concurrents du produit Digermin, autorisé essentiellement en Allemagne pour la lutte contre les mauvaises herbes dans les cultures de colza, ne peuvent être que d'autres herbicides autorisés en Allemagne pour le colza. Le choix du produit par l'agriculteur est essentiellement déterminé par les différences relatives d'efficacité des produits contre les plantes adventices (mauvaises herbes, graminées, repousses de céréales). La date et le mode d'application du produit constituent également des critères importants. Les herbicides utilisés dans les cultures de colza n'étant donc pas interchangeables, il faut introduire d'autres critères de différenciation pour déterminer le marché concerné. (16) b) Modes d'application La mise en place du colza s'effectue généralement de la mi-août à début septembre. Selon la situation climatique, les semis lèvent après huit à quinze jours environ, c'est-à-dire que la semence commence à sortir de terre. Compte tenu de ces facteurs, on peut distinguer trois modes d'application des herbicides homologués pour le colza en république fédérale d'Allemagne: - les herbicides appliqués en pré-semis sont épandus sur le sol et incorporés à la terre immédiatement avant l'ensemencement. Les produits utilisés sont: Digermin, Elancolan, Zera-Trifluralin ainsi que Devrinol et TCA (NaTa), - les herbicides appliqués au stade de la pré-levée sont épandus avant la germination du colza, c'est-à-dire environ huit jours après l'ensemencement. Il s'agit essentiellement des produits suivants: Butisan-S, Teridox (retiré du marché en 1986), Lasso, Traton et aussi Devrinol et TCA (NaTa), - les herbicides appliqués au stade de la post-levée sont épandus après la germination du colza, généralement en hiver, soit sur le sol, soit sur les plantes. Les principaux produits utilisés sont les suivants: Galtak, Kerb 50 W, Fervin, Fusilade, Legurame et, depuis 1985, Pradone-Kombi. (17) Les ouvrages spécialisés dans le domaine phytosanitaire semblent toujours conseiller de lutter contre les mauvaises herbes dans les cultures de colza au stade du pré-semis, un procédé éprouvé et largement fiable. Jusqu'en 1984 tout au moins, les spécialistes du secteur estimaient qu'il n'existait aucune préparation permettant une pulvérisation ciblée d'herbicide au stade de la post-levée avec une diffusion suffisante, notamment sur les sols légers. L'utilisation de produits de pré-semis contenant de la trifluraline (notamment Digermin) était donc recommandée comme le procédé le plus sûr, avec éventuellement une pulvérisation ultérieure d'un produit de pré-levée en cas d'apparition de certaines mauvaises herbes résistant à la trifluraline. L'agriculteur ne doit pas uniquement tenir compte de l'efficacité et du prix lorsqu'il choisit entre des produits de pré-semis, de pré-levée ou de post-levée. Il doit également tenir compte de facteurs tels que la nature du sol, la protection des eaux et les conditions climatiques au moment de l'ensemencement. Or, les produits de pré-semis, notamment la trifluraline, présentent de bonnes conditions d'utilisation sur sol sec, et ce à un coût plus avantageux par hectare de surface traitée que les produits de pré-levée. En outre, la trifluraline, contrairement à Teridox et Butisan-S, ne pénètre pas dans les eaux souterraines, ce qui constitue un avantage de plus en plus appréciable dans les zones de protection des eaux. L'agriculteur doit donc décider avant l'ensemencement, en se fondant sur un certain nombre de critères, s'il utilisera préventivement un produit de pré-semis. En effet, une fois l'ensemencement effectué, le recours à de tels produits n'est plus possible. c) Efficacité contre les plantes adventices (18) La comparaison de l'efficacité des produits utilisés pour ces trois types d'application montre que cette subdivision du marché des herbicides pour colza par mode d'application, qui était au départ tout à fait nette, a été bouleversée par l'arrivée de nouveaux produits. Il s'agit notamment du produit de pré-levée Butisan-S, apparu en 1983, et du produit de post-levée Pradone Kombi, commercialisé depuis 1985, qui possèdent également un spectre d'activité étendu dans le domaine des mauvaises herbes. En revanche, d'autres produits de pré-semis n'entrent guère en concurrence avec les préparations à base de trifluraline, en raison de leur spectre d'activité limité ou complémentaire [il s'agit notamment de produits typiquement anti-graminées tels que Devrinol et TCA (NaTa) ou d'un produit comme Lasso, dont l'efficacité est limitée]. On peut donc partir du principe que le marché concerné par la présente décision a été, jusqu'en 1983, un marché limité à la seule trifluraline, qui s'est étendu tout d'abord au Butisan-S, puis, à partir de 1985, à Pradone Kombi. 2. Parts de marché (19) En république fédérale d'Allemagne, la surface cultivée en colza a quadruplé entre 1976 et 1988. La demande d'herbicides pour les cultures de colza a donc augmenté en conséquence. (20) Avant l'arrivée de Digermin sur le marché, Elancolan était le seul herbicide à base de trifluraline vendu en Allemagne. En 1976, les ventes d'Elancolan se sont élevées à environ 40 000 litres. En 1980, près de 90 % des cultures de colza en Allemagne étaient traitées avec Elancolan. (21) Entre 1983 et 1988, la période considérée par la présente décision, les préparations à base de trifluraline ont été en régression: en 1984, 40 % des cultures de colza en Allemagne ont été traitées avec des produits à base de trifluraline (Elancolan, Digermin et Zera-Trifluralin). D'après des documents fournis par Staehler, les parts de marché des deux produits à base de trifluraline, Elancolan et Digermin, sur le marché allemand des produits de pré-semis [qui ne comprennent pas le produit anti-graminées TCA (NaTa), mais qui comprennent en revanche Butisan-S] ont été d'environ 52 à 54 % en 1983, les parts de Digermin sur ce même marché étant de 11 à 13 %. En octobre 1985, Staehler estimait les parts des préparations à base de trifluraline sur le marché des herbicides pour colza à 25-30 %, celles de Butisan-S (préparation de pré-levée) à 35 % et celles de Pradone-Kombi (produit de post-levée) également à 25-30 %. Il n'a pas été possible de déterminer avec précision les parts de marché de Digermin sur l'ensemble de la période concernée. (22) D'après les données de Staehler, les parts de Digermin sur le marché allemand de la trifluraline s'élevaient à 18 % en 1983. En 1985, Staehler estimait qu'elles s'élevaient à environ 30 %, contre 10 % pour Zera-Trifluralin. À cette époque, la première place sur le marché des produits à base de trifluraline était toujours occupée par Elancolan, avec 60 %. 3. Prix (23) a) Allemagne Avant l'arrivée de Digermin, Elancolan était, depuis 1976, le seul produit à base de trifluraline vendu sur le marché allemand, au prix de 40 marks (15,9 écus)/l. Entre 1979 et 1985, les prix de Digermin en Allemagne n'ont cessé d'évoluer à la hausse: (24) >>>> ID="01">1979> ID="02">7 000 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1980> ID="02">20 000 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1981> ID="02">35 000 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1982> ID="02">40 000 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1983> ID="02">49 473 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1984> ID="02">49 494 l> ID="03">[. . .] DM/l>>> ID="01">1985> ID="02">50 494 l> ID="03">[. . .] DM/l >>> (25) Les prix départ usine de Staehler étaient supérieurs d'environ [ . . . ] % aux prix d'achat. En fonction de la situation du marché, des rabais sur les prix départ usine étaient accordés aux clients, qui pouvaient atteindre jusqu'à 18 % selon les quantités achetées, et qui étaient en moyenne de 6 à 10 %. (26) Le barème des prix revendeurs de la société Lagerland eG, de Munich, indique comme prix d'achat de Digermin en 1983 47,35 marks (20,8 écus) et 50,90 marks (22,4 écus) par litre, ainsi qu'un prix de vente recommandé de 54,45 marks (23,9 écus) et 58,50 marks (25,7 écus) par litre. les prix d'Elancolan sont identiques. (27) Le barème des prix 1985 de la société Deutsche Getreidehandelsgesellschaft mbH & Co., de Hambourg, indique pour Digermin (Staehler) un prix de vente de 50,15 marks (22,5 écus) par litre. Dans ce cas également, on constate une similitude de prix totale avec Elancolan. b) France (28) En octobre 1981, c'est-à-dire avant que la vente de Digermin ne soit autorisée en juin 1982, le prix de vente de Treflan (Eli Lilly) était de 72 francs français (11,2 écus)/l. Avec l'introduction de Digermin et d'autres produits à base de trifluraline, les prix ont commencé à nettement baisser à partir de 1983. Les prix de vente de Digermin sont beaucoup moins élevés en France qu'en Allemagne. (29) Les prix d'achat de Digermin par la société [. . .] dans les années 1982-1986, dont la Commission a eu connaissance, ne s'élevaient en moyenne qu'à un tiers des prix d'achat de Staehler. Les prix de vente, quant à eux, s'élevaient à environ 20 à 35 % des prix départ usine de Staehler. Alors que la différence entre les prix d'achat et les prix départ usine représentait de [. . .] % chez Staehler, elle n'était souvent que de quelques pour cent chez [. . .], en moyenne 20 à 30 %, dans certains cas 70 à 80 %. c) Autres États membres (30) Le 24 mai 1983 (date de la facture), Farmoplant a vendu 6 000 litres de Digermin à la société [. . .], par l'intermédiaire de Montedison Belgio (filiale belge de Montedison), au prix de 8,35 florins néerlandais (3,3 écus)/l. (31) D'après une facture de Farmoplant du 26 septembre 1985, du Digermin a été vendu à un client italien au prix de 8 800 lires (5,9 écus) le litre; selon une facture du 1er août 1983, il en a été livré en Grande-Bretagne au prix de 1,7860 livre sterling (3,17 écus) le litre. Le relevé de l'ensemble des livraisons de Digermin effectuées par Farmoplant vers la Grande-Bretagne en 1983 indique un prix au litre de 7,16 marks (3,15 écus). (32) Les écarts de prix indiqués aux considérants 23 à 31, qui atteignent jusqu'à 400 %, sont liés, de l'avis de MED, aux particularités du marché allemand qui nécessite, d'une part, des dépenses plus élevées pour la procédure d'homologation, qui est chère et compliquée, ainsi que pour le service après-vente, mais qui permet, d'autre part, de pratiquer des prix lucratifs. E. Organisation de la distribution (33) En Europe, les filiales du groupe Montedison implantées dans les différents pays possédaient un droit de distribution exclusif des produits du groupe. En république fédérale d'Allemagne et en France, les filiales Montedison ont associé des tiers à la distribution. 1. République fédérale d'Allemagne (34) Fin 1977, MED a entamé des négociations avec Staehler en vue de reprendre la distribution exclusive de Digermin en Allemagne. À ce moment, Staehler était sur le point de commercialiser son propre produit à base de trifluraline, et la société s'était déclarée disposée à interrompre la poursuite de la mise au point du produit ainsi que la procédure d'homologation. Le 3 octobre 1978, MED a demandé à Farmoplant de donner son accord à la conclusion d'un contrat de distribution avec Staehler. Le 13 octobre 1978, MED et Staehler confirmaient leur intention d'accorder la distribution exclusive du produit à Staehler; l'affaire devait être conclue fin 1978. Fin octobre 1978, Staehler a chargé un avocat, à ses propres frais, de prendre des renseignements sur le brevet Eli Lilly, afin de voir quelle serait la date la plus proche à laquelle elle pourrait commencer la commercialisation. Staehler a commencé à commercialiser le Digermin livré par Farmoplant et MED le jour même de l'expiration du brevet, le 24 août 1979. (35) Le 9 septembre 1980, le contrat de distribution écrit entre MED et Staehler a été signé. Il accordait à Staehler un droit de codistribution de Digermin en république fédérale d'Allemagne. En réalité, Staehler obtenait toutefois un droit de distribution exclusive, MED renonçant à faire commercialiser le produit par des tiers à condition que les quantités minimales définies dans le contrat, qui devaient par la suite être augmentées par un avenant daté du 25 novembre/1er décembre 1982, soient atteintes. Le contrat, conclu à l'origine pour trois ans, était porté à cinq ans (jusqu'au 31 décembre 1984) par cet avenant. Depuis le 1er janvier 1985, le contrat a été prorogé automatiquement d'année en année, avec un délai de résiliation de trois mois. En réponse aux griefs qui lui ont été communiqués, MED a déclaré que le contrat de distribution avec Staehler avait été résilié en raison de l'expiration de l'homologation de Digermin fin 1988. (36) Outre un droit conditionnel de distribution exclusive, le contrat contient: - une obligation d'achat exclusif, Staehler s'engageant à acheter Digermin exclusivement auprès de MED, - une interdiction de concurrence, Staehler s'engageant à ne pas fabriquer ni commercialiser, pendant la durée de validité du contrat, un herbicide de composition chimique identique ou analogue destiné aux mêmes applications, et à ne pas demander ni favoriser de demandes d'homologation d'un tel herbicide, pour elle-même ou pour un tiers. Les nouveaux prix sont fixés d'un commun accord en début de saison. Chaque partie peut, en fonction de l'évolution du marché, demander une renégociation des prix. Si aucun accord n'est possible, chaque partie est autorisée à résilier le contrat pour raison majeure. (37) Entre le 13 mai 1981 et le 30 août 1985, une série de rencontres entre MED et Staehler ont eu lieu, auxquelles un participant de Farmoplant a également pris part, au moins une fois. Au cours de ces entretiens, il a notamment été décidé de lancer des actions publicitaires financées en commun pour Digermin ainsi qu'une campagne d'explication dirigée contre Zera-Trifluralin, un produit importé. Des entretiens confidentiels sur la stratégie commerciale et la situation du groupe ainsi que sur les problèmes liés aux importations parallèles ont également eu lieu. (38) Les actions contre le leader du marché, Eli Lilly, sont restées isolées. Une campagne de publicité lancée par Staehler pour Digermin en 1981 a été immédiatement suivie d'une contre-campagne d'Eli Lilly pour Elancolan. En 1982, Eli Lilly s'est plainte auprès de Staehler de certains rabais que celle-ci aurait consenti lors de l'introduction du produit; en 1983, Eli Lilly a alors accordé des rabais spéciaux à ses clients, qui ont entraîné une baisse des ventes de Digermin, contraignant Staehler à des concessions similaires. En septembre 1984, MED a accordé à Staehler, à la demande de celle-ci, une ristourne destinée à compenser le fléchissement des prix dû à des importations parallèles en provenance de France. 2. France (39) Depuis l'octroi de l'homologation en 1982, Digermin a été commercialisé en France par la société La Littorale, une filiale d'Union Carbide Corporation, USA. Farmoplant fournissait directement La Littorale, ou ses clients. En France, le niveau des ventes était globalement le même qu'en Allemagne. F. Dispositions régissant les homologations en Allemagne 1. Conditions générales d'homologation (40) Conformément à l'article 11 paragraphe 1 de la loi allemande sur la protection phytosanitaire, les produits phytosanitaires ne peuvent être importés ou commercialisés que s'ils sont homologués par la Biologische Bundesanstalt (Office biologique fédéral). La demande d'homologation doit être introduite par le fabriquant, le distributeur ou l'importateur. (41) À la demande d'agrément doivent être joints tous les documents requis concernant l'efficacité, la rémanence et la toxicité ainsi que les résultats des expériences. Jusqu'à la modification de la loi allemande sur la protection phytosanitaire en 1987 (voir considérant 47), les demandes d'homologation bénéficiaient du fait que l'Office fédéral de la santé tenait compte, lors de son évaluation toxicologique, de toutes les connaissances recueillies à partir de l'ensemble des examens toxicologiques effectués pour toutes les demandes introduites, y compris de la documentation spécialisée. 2. Conditions d'homologation pour les importations parallèles (42) Lorsqu'un produit déjà homologué est importé, sa composition (formulation) doit être conforme à la recette déposée auprès de l'Office biologique fédéral (identité) et il doit comporter les indications mentionnées à l'article 20 de la loi allemande sur la protection phytosanitaire (marque, numéro d'homologation, nom et adresse de l'importateur, nature et quantité des matières actives et mode d'emploi). (43) Normalement, la preuve de l'identité du produit peut être apportée à l'aide d'une facture comportant le nom du fabricant et la dénomination du produit. Toutefois, si le détenteur de l'homologation met en doute, auprès des autorités douanières de l'Office biologique fédéral ou des Offices de protection phytosanitaire, l'identité du produit importé avec le produit homologué, il appartiendra à l'importateur d'en apporter la preuve. (44) En cas d'importation d'un produit identique à un produit déjà homologué, mais dont la dénomination (notamment la marque) n'est pas la même que celle indiquée sur l'homologation, il est nécessaire d'obtenir une homologation secondaire. Lorsque la preuve de l'identité du produit est apportée, cette homologation secondaire est généralement accordée sans autre formalité. 3. Contraintes liées à la preuve de l'identité (45) Un importateur ne peut que difficilement apporter la preuve de l'identité d'un produit. La recette déposée auprès des autorités délivrant l'homologation ne peut être communiquée à l'importateur, car elle constitue un secret professionnel du détenteur de l'homologation. Or, une analyse chimique détaillée constitue un processus cher, long et qui comporte des risques d'erreur. En outre, seuls des produits provenant de la même charge de production peuvent être chimiquement entièrement identiques. 4. Contrôle des conditions d'homologation (46) Aucun contrôle systématique du respect de la formulation figurant dans l'homologation n'est effectué par les autorités ayant délivré cette dernière, ni par aucune autre autorité de contrôle. Des vérifications ne sont effectuées qu'en cas de plainte. 5. Difficulté d'obtention d'une homologation secondaire depuis la modification de la loi (47) Depuis la modification de la loi allemande sur la protection phytosanitaire, intervenue en janvier 1987, il n'est pratiquement plus possible d'obtenir une homologation secondaire pour un produit phytosanitaire déjà homologué (par exemple en cas de modification de la marque), car le détenteur de la première homologation peut s'opposer à l'utilisation des documents qu'il a fournis pendant un délai de cinq ans à compter de la date d'introduction de la demande (dix ans au maximum après la première homologation), un délai après lequel un produit n'est généralement plus commercialisable. L'importation parallèle, sans modification (par exemple de la marque), d'un produit phytosanitaire n'est pas concernée par ces dispositions. G. Importations parallèles de Digermin 1. Importations en provenance des Pays-Bas en 1983 (48) Le phénomène des importations parallèles de produits phytosanitaires était connu des personnes concernées, ainsi que cela a été confirmé lors de l'audition orale, notamment à la suite des importations parallèles effectuées par la société Stefes en 1978 et 1979. Les importations parallèles d'Elancolan effectuées en 1982 par la société Zera-Agrarchemikalien GmbH (ci-après dénommée Zera) ont constitué la première tentative d'importation d'un produit à base de trifluraline. Elles ont échoué, car le produit importé présentait un taux de nitrosamine (NDPA) supérieur à la valeur limite autorisée en Allemagne. (49) Le 8 août 1983, Zera a obtenu de l'Office biologique fédéral une homologation secondaire pour du Digermin importé des Pays-Bas sous la dénomination « Zera-Trifluralin » pour l'homologation existante pour le Digermin. L'homologation secondaire a été accordée parce que Zera avait fait valoir qu'il s'agissait de Digermin provenant de chez Farmoplant, dont le taux de nitrosamine n'était pas supérieur à la valeur limite autorisée en Allemagne. Zera avait pu produire une attestation de Farmoplant certifiant qu'il s'agissait de Digermin ayant un taux de nitrosamine (NDPA) inférieur à 1 ppm. (50) Le 9 août 1983, MED a fait savoir à Farmoplant que des importations parallèles de trifluraline d'origine déclarée étaient proposées à Montedison avec des remises de 20 %. (51) Par lettre du 10 août 1983, MED s'est adressé à l'Office biologique fédéral en lui indiquant que les deux produits n'étaient pas identiques. (52) En réponse à un télex du 24 août 1983, MED a fait savoir à Farmoplant, le 26 août 1983, que Zera vendait le produit 12 marks (5,28 écus)/l moins cher que Staehler. Or, MED devait savoir quelle était l'origine du produit, afin de pouvoir poursuivre une politique de prix élevés. Pour ce qui était de l'homologation de Zera-Trifluralin, MED apporterait la preuve des différences existant entre ce produit et Digermin. (53) Par télex du 12 septembre 1983, MED a fait savoir à Farmoplant que Zera avait apporté la preuve de l'identité des produits à l'Office biologique fédéral. Zera avait vendu environ 10 000 litres. Les prix avaient baissé d'environ 10 marks (4,4 écus)/l. Les revendeurs réclamaient une compensation des pertes. MED suivrait la stratégie convenue à Milan le 12 août 1983: - engager une action civile contre Zera; - exercer des pressions sur l'Office biologique fédéral, afin qu'il retire l'homologation à Zera. (54) À la suite de la vente de Zera-Trifluralin au prix de 34 marks (14,9 écus)/l, Staehler n'a pu appliquer, en Schleswig-Holstein, qu'un prix de vente net de 34,69 marks (15,27 écus)/l, au lieu de 38,32 marks (16,8 écus)/l, qui était le prix net minimal de vente qu'elle prévoyait d'appliquer. De même, le volume des ventes a été très inférieur, avec 14 630 litres, aux 20 000 litres prévus. Staehler a demandé à MED de faire valoir en justice contre Zera une perte de 256 885,30 marks (113 138,91 écus). (55) Les indications fournies par MED sur la non-identité des deux produits, corroborées par une expertise, ont conduit l'Office biologique fédéral à retirer l'homologation secondaire de Zera-Trifluralin, le 17 octobre 1983. Zera a contesté cette décision et a ensuite intenté une action devant le tribunal administratif, qui s'est soldée en février 1984 par un compromis aux termes duquel l'Office biologique fédéral limitait l'homologation secondaire de Zera-Trifluralin au 31 mai 1985. Parallèlement, Zera avait introduit, en 1983, une demande d'homologation pour l'un de ses propres produits dénommé Zera-Trifluralin. Avant même que l'homologation secondaire n'arrive à expiration, l'Office biologique fédéral accordait une homologation distincte pour Zera-Trifluralin. (56) Après l'échec d'une action en référé début septembre 1983, MED a introduit contre Zera, en janvier 1984, une action civile en carence et en dommages et intérêts. Cette action était fondée sur une déclaration sur l'honneur de Staehler ainsi que sur une expertise prouvant l'absence d'identité entre Digermin et Zera-Trifluralin, le produit importé. Après avoir été reçue en première instance, la plainte a été rejetée en deuxième instance. (57) En juin 1984, MED et Staehler ont décidé d'adresser une circulaire aux clients de Staehler, dans laquelle il était dit notamment que la formulation vendue par Zera en Allemagne n'était pas identique à celle commercialisée par MED, que MED ne garantissait en rien le produit Zera-Trifluralin et qu'une action en justice avait été intentée contre Zera (voir également considérant 86). 2. Importations en provenance de France en 1984 (58) En août 1984, la société française [. . .] a vendu du Digermin qu'elle avait acheté auprès de [. . .] à deux clients allemands: - la société Stefes, de Kerpen, et - la société Hinkens, de Linnich. (59) À la suite d'une plainte introduite par Staehler auprès de l'Office de protection phytosanitaire, la marchandise de la société Hinkens a été saisie et une procédure pour infraction engagée. Dans sa plainte, Staehler indiquait notamment avoir demandé une analyse chimique comparative. Des études comparatives ayant montré qu'il existait des différences entre le Digermin importé et le Digermin de Staehler (voir considérant 67), [. . .] a repris le Digermin livré à Hinkens. (60) En avril 1985, MED a fait savoir à Farmoplant que l'on tentait d'empêcher les livraisons parallèles à la société Stefes (voir également considérant 91). À la suite de la procédure engagée contre Hinkens, Stefes a racheté la marchandise à ses clients et l'a finalement vendue à Staehler en mars 1985. H. Protection territoriale par différenciation des produits 1. Existence de formulations différentes (61) a) Données fournies par Agrimont Au cours de la période couverte par la décision, Montedison a indiqué avoir commercialisé deux formulations différentes du produit Digermin dans les États membres. Alors que Farmoplant avait tout d'abord fourni des indications différentes sur le nombre de formulations vendues en Europe et dans d'autres parties du monde, Agrimont a communiqué à la Commission, dans une lettre du 24 février 1987, que l'on fabriquait pour la république fédérale d'Allemagne la formulation « 73 B », qui était différente, en ce qui concerne les diluants, de la formulation « 73 D » commercialisée dans tous les autres États membres où la vente de Digermin était autorisée. Agrimont a expliqué qu'aucune autre formulation à base de trifluraline n'était autorisée, ni vendue dans les États membres sous la marque Digermin. (62) Cet exposé des faits est corroboré par des instructions internes de Farmoplant de septembre et novembre 1982, où l'on indique que la formulation « 73 D » doit porter la mention « tous pays à l'exception de l'Allemagne » et la formulation « 73 B » la mention « pour l'Allemagne ». On trouve également des indications sur l'utilisation de la recette « allemande » sur des commandes de MED pour Staehler, alors que ces indications ne figurent pas sur les commandes de la société française La Littorale et de la société Chemische Fabriek Brabant. (63) Par ailleurs, un membre du directoire de Farmoplant avait déclaré en 1984 devant le tribunal de grande instance de Luebeck, dans l'affaire MED/Zera, qu'il existait une formulation pour la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, une deuxième pour l'Europe de l'Est et une troisième pour l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud. (64) Dans une lettre du 18 octobre 1985, Farmoplant faisait en revanche des déclarations différentes à la Commission, en affirmant qu'il existait des formulations différentes pour l'Allemagne, la France, l'Italie et la Grande-Bretagne. (65) La liste des éléments contenus dans les deux formulations, communiquée par Agrimont dans sa lettre du 25 février 1987, ne contenait que la marque, mais pas la dénomination chimique des diluants complémentaires contenus dans la formulation allemande. Il n'a donc pas été possible de comparer les formulations homologuées en France et en Allemagne sur la base de ces documents. (66) b) Résultats des études comparatives Malgré plusieurs analyses comparatives du Digermin importé et du Digermin « allemand », effectuées en 1983 et en 1984, le problème de l'identité n'a pas été résolu, les analyses ayant abouti à des résultats différents. Une expertise réalisée en août 1983 à la demande de MED a établi qu'il existait des différences dans les diluants, alors qu'une contre-expertise réalisée en février 1984 à la demande de Zera constatait en revanche qu'il existait des différences dans les impuretés de la matière active, qui restaient dans les limites normales des différences de formulation par charge. (67) Trois études comparatives réalisées par un laboratoire français et un laboratoire allemand sur le Digermin importé de France en 1984 et le Digermin « allemand » ont démontré qu'il s'agissait de produits pratiquement identiques provenant de charges différentes. En revanche, dans une étude comparative qu'il a réalisée le 17 septembre 1984, l'Office biologique fédéral a constaté une différence, à partir de laquelle il a conclu que les produits n'étaient pas identiques. (68) Bien que l'on n'ait pas réussi à établir avec certitude quelles étaient les différences entre les deux formulations, la Commission estime que l'on peut partir du principe qu'il existe deux formulations différentes. Toutefois, les différences semblaient parfois être tellement minces qu'il n'était que difficilement possible de les mettre en évidence avec les méthodes d'analyse courantes. 2. Motifs confirmant l'existence de deux formulations différentes a) Succession des homologations (69) En réponse à la question précise qui lui avait été posée sur les raisons de l'existence de deux formulations différentes, Agrimont a allégué, dans sa lettre du 25 février 1987, que l'homologation de Digermin en république fédérale d'Allemagne était intervenue plus tôt que dans les autres États membres (voir considérant 11). C'est la formulation « 73 B » qui a été utilisée pour les essais en plein champ effectués en vue de l'obtention de l'homologation allemande. Une fois l'homologation obtenue, une modification de la formulation aurait nécessité l'introduction d'une nouvelle demande d'homologation, ce qui aurait coûté beaucoup de temps et d'argent. Dans les autres États membres, la demande d'homologation a été introduite plus tard. C'est la raison pour laquelle on a utilisé la formulation « 73 D » qui est conforme aux exigences de ces pays. (70) Dans les réponses à la communication des griefs et au cours de l'audition orale, Agrimont et MED ont déclaré pour la première fois que les demandes d'homologation avaient été déposées avant la demande allemande en Italie et en même temps en Espagne (voir considérant 11). Toutefois, il n'a pas été possible d'obtenir des indications sur les formulations sur lesquelles ces demandes étaient fondées. D'après Farmoplant, les procédures appliquées en Italie et en Espagne permettent des modifications ultérieures de la formulation. b) Différences dans les réglementations des États membres (71) Dans l'affaire MED/Zera, qui a été jugée par le tribunal de Luebeck, un membre du directoire de Farmoplant a expliqué que les différences de composition dépendaient des dispositions des divers États membres. (72) Dans ses lettres du 22 décembre 1986 et du 25 février 1987, Agrimont a rappelé que les formulations devaient correspondre aux différentes réglementations nationales. Malgré l'injonction qui lui a été faite par la Commission, dans sa lettre du 5 février 1987, d'exposer ses motifs de façon détaillée, Agrimont n'a pas expliqué en quoi ces différences consistaient et quelles en étaient les conséquences pour la formulation. Agrimont s'est contentée d'insister sur les exigences particulièrement sévères des autorités allemandes chargées de délivrer les homologations, qui nécessitent une formulation particulière. (73) La Commission a alors demandé aux autorités allemandes et françaises de lui faire savoir si les compositions qui lui avaient été comuniquées par Agrimont pour le Digermin « allemand » et l'« autre » Digermin pouvaient être homologuées respectivement dans l'autre État membre. Les autorités des deux pays ont répondu que les produits respectifs pouvaient en principe être homologués, sous réserve de l'introduction d'une demande motivée en ce sens et de la transmission éventuelle des résultats d'études comparatives supplémentaires sur l'efficacité et la rémanence. c) Frais d'homologation (74) D'après Agrimont, le facteur coût a joué un rôle décisif lorsqu'il a fallu décider si une nouvelle homologation pour une formule modifiée devait être demandée. Les indications sur le coût d'homologation d'une nouvelle formule diffèrent très fortement. (75) La plaignante, Zera, a indiqué que la préparation du dossier d'homologation lui avait coûté 550 000 marks (245 909 écus). Le chiffre cité par MED à l'Office biologique fédéral pour la préparation de ce dossier est comparable, puisqu'il s'élève à 500 000 marks (211 328 écus). L'homologation allemande était la première homologation demandée pour le Digermin. (76) En revanche, Farmoplant a évalué le coût de préparation du dossier en vue de l'homologation d'un produit nouveau, en réponse à la demande que lui avait faite la Commission dans sa lettre du 18 octobre 1985, à 5 milliards de lires (3,2 millions d'écus), l'homologation dans les autres États membres devant coûter 100 millions de lires (64 142 écus) par culture. Dans une lettre du 19 novembre 1976, MED donnait, quant à elle, une estimation plutôt faible du coût des différentes expériences (500 marks, soit 211 écus, pour chaque expérience, 8 000 marks, soit 3 381 écus, pour l'ensemble des essais préliminaires, 10 000 marks, soit 4 226 écus, pour l'homologation). MED n'a pas expliqué en détail pourquoi elle avait proposé, dans un télex daté du 24 avril 1984 adressé à Farmoplant, une formulation améliorée pour le Digermin, alors que la mise en pratique d'une telle proposition aurait nécessité la modification des homologations dans tous les pays européens. (77) Les frais d'homologation proprement dits qui sont exigés par les autorités des États membres (2 000 marks environ, soit 940 écus, pour la modification d'une formulation en Allemagne) étaient comparativement faibles et leur poids était donc négligeable par rapport à celui des frais de constitution du dossier. (78) Dans une lettre du 1er février 1982 adressée à Farmoplant, Montedison Belgio indiquait quels étaient les coûts de l'homologation de produits phytosanitaires en Belgique. Pour l'homologation d'une formulation modifiée d'un produit déjà homologué, elle citait les chiffres suivants: >>>> ID="01">Taxes à l'importation> ID="02">25 000 FB (528 écus)>>> ID="01">Analyse de la formulation> ID="02">7 000 FB (148 écus)>>> ID="01">Taxes complémentaires> ID="02">60 000 FB (1 268 écus) >>> ID="01">Total > ID="02">92 000 FB (1 944 écus) >>> Le coût des essais biologiques pour l'homologation d'un nouveau produit s'élève à 720 000 francs belges (15 215 écus). d) Coûts de production moins élevés (79) Bien que la Commission les ait auparavant interrogées à plusieurs reprises sur les motifs de l'homologation de plusieurs formulations différentes, c'est au cours de l'audition qu'Agrimont et MED ont déclaré pour la première fois que la formulation homologuée dans les autres États membres était plus avantageuse, du point de vue des coûts de production, que la formulation « allemande », la différence étant d'environ 190 lires (0,14 écu) par kilogramme. La formulation allemande contient, outre le xylol, un diluant contenu aussi dans l'autre formulation, un diluant supplémentaire, plus cher. Si l'on évalue les ventes globales de Digermin en dehors de l'Allemagne à 700 tonnes en 1983, cela correspond à une réduction des coûts d'environ 133 millions de lires (environ 86 500 écus). Par ailleurs, dans sa lettre du 18 octobre 1985 (voir considérant 64), Agrimont avait déclaré à la Commission que la formulation italienne contenait aussi le diluant qui avait été cité, lors de l'audition, comme un élément particulièrement onéreux de la formulation allemande. e) Risque de contrefaçon (80) C'est également lors de l'audition orale qu'Agrimont et MED ont déclaré pour la première fois que le choix d'une formulation différente de celle d'Elancolan devait permettre d'éviter une violation du brevet allemand d'Eli Lilly, qui protégeait l'utilisation de la trifluraline comme herbicide de pré-levée. Lors de l'audition orale, MED a cité deux arrêts d'un tribunal allemand datant de 1986, dans lesquels le titulaire d'un brevet s'est vu autorisé à demander l'interdiction d'utilisation d'un produit phytosanitaire protégé par un brevet pour des essais en plein champ servant à préparer la commercialisation du produit à l'expiration du brevet. Ce n'est qu'en 1981, à la suite d'une modification du droit allemand des brevets, que l'utilisation de produits phytosanitaires brevetés pour des essais en plein champ a été autorisée. Bien qu'elle ait demandé des éclaircissements à ce sujet, la Commission n'a pu déterminer avec précision l'importance des effets allégués du brevet protégeant la matière active trifluraline sur ses possibilités d'utilisation lors d'essais en plein champ, compte tenu du fait que la trifluraline a effectivement été utilisée lors d'essais préparatoires en plein champ. En tout cas, la matière active trifluraline contenue dans les produits Digermin et Elancolan est largement identique, ce qui est corroboré par le fait que MED a pu utiliser, lorsqu'elle a demandé la prolongation de l'homologation allemande de Digermin, une étude toxicologique sur la trifluraline réalisée par Eli Lilly pour Elancolan. Le problème de la possibilité légale d'utilisation de la trifluraline, un produit protégé par un brevet, pour des essais en plein champ n'a été évoqué ni dans la lettre du 19 novembre 1976 (voir également considérant 76), dans laquelle MED effectuait certaines déclarations relatives au brevet, et ce à un moment où les essais en plein champ pour l'Allemagne étaient encore en cours, ni dans l'expertise de VEBA-CHEMIE AG de septembre 1975, présentée par MED lors de l'audition. 3. Accord de protection territoriale (81) Dans une série de notes, dans la correspondance échangée entre MED, Farmoplant et Staehler ainsi que dans les documents relatifs au procès MED/Zera, on trouve un certain nombre d'indications permettant de penser que l'homologation de formulations différentes en Allemagne et dans les autres États membres avait pour but d'empêcher les importations parallèles vers l'Allemagne, le marché où les prix étaient les plus élevés. (82) Les notes de Staehler des 12 décembre 1977, 22 juin 1978 et 13 octobre 1978 montrent que le problème de l'homologation a également fait l'objet de négociations, au même titre que les questions relatives aux quantités et aux prix. D'après une note du 14 janvier 1981, Staehler était informée de l'essentiel de la composition de Digermin. (83) Dans une note manuscrite de M. [ . . . ] (MED) portant la mention « Dr. Staehler - ASU - 12. 1. 83 », figure la remarque suivante: « La formulation de Digermin à l'étranger n'est pas la même qu'en Allemagne - NDPA < 0,1 ppm contre réimportations. » Lors de l'audition, MED a confirmé que cette note concernait un entretien qui avait eu lieu ce même jour entre [ . . . ] et M. Staehler. (84) Dans un télex du 24 août 1983, adressé par Farmoplant à MED, il est dit que des différences avaient été constatées, lors d'analyses, entre Zera-Trifluralin et Digermin. Toutefois, si l'Office biologique fédéral souhaitait examiner l'importance pratique des différences, cela serait « une tout autre affaire » . . . Dans ce cas, il serait de la plus haute importance de connaître les intentions de l'Office biologique fédéral. (85) Dans sa réponse, datée du 26 août 1983, MED déclarait qu'elle « prouverait à l'Office biologique fédéral que Digermin est différent de Zera-Trifluralin. Plus il y aura de différences, plus les chances de succès seront grandes. Nous ne sommes actuellement pas intéressés par une discussion avec l'Office biologique fédéral . . . Nous devons savoir d'où le produit vient, afin de défendre nos positions, maintenant et à l'avenir. Si cela n'est pas possible, nous ne pourrons pas poursuivre une politique de prix élevés. » (86) Dans un projet de lettre à ses clients destinée à les informer sur les importations parallèles de Zera, Staehler proposait tout d'abord d'expliquer « qu'aucune formulation analogue à celle de Digermin n'est disponible en Europe ». Dans la lettre adressée aux clients de Staehler ainsi que dans un courrier du 3 janvier 1984 adressé par MED à la société Chemische Fabriek Brabant, il était finalement confirmé que le produit de Zera n'était « pas identique » ou « pas comparable » au Digermin de MED. (87) Dans une note du 20 février 1984, Farmoplant sollicitait notamment l'avis de MED sur la possibilité de demander une homologation pour des formulations différentes dans chaque pays. L'avantage en serait de rendre les livraisons d'un pays à l'autre plus difficiles, et donc de laisser une plus grande marge de manoeuvre pour la fixation des prix sur chaque marché. Les inconvénients seraient une augmentation des coûts due à une gestion des stocks plus onéreuse et à des charges de production moins importantes. (88) MED a communiqué son avis à ce sujet dans un télex adressé à Farmoplant le 8 mars 1984. Il faudrait une nette différenciation pour pouvoir imposer des différences de prix importantes ou en cas de concurrence avec un produit identique; pour le contrôle des canaux de distribution, les différences peuvent être plus faibles. (89) Dans un mémoire daté du 3 avril 1985, l'avocat de MED déclarait que « au système de distribution (exclusivité pour chaque État membre) correspondait un système de prix imposés, caractérisé par des prix très différents. Ces écarts de prix sont notamment liés aux particularités du marché allemand, qui . . . permet aussi d'appliquer des prix élevés. Toutefois, il n'est bien sûr possible de pratiquer de tels prix que si les sociétés de distribution de la société mère italienne, parmi lesquelles Montedison Belgique . . . et la requérante (MED), respectent les prix qui leur sont imposés par la société mère italienne et ne cherchent pas à y échapper, par exemple par le biais d'importations moins chères de Montedison Belgique en république fédérale. Cela était, et est d'ailleurs toujours, strictement interdit à Montedison Belgique par des contrats signés avec la société mère italienne . . . Si cela était autorisé, . . . le niveau des prix élevés en Allemagne s'effondrerait bien sûr immédiatement. » Dans un mémoire ultérieur présenté devant la Cour d'appel, MED est revenue sur cette déclaration en prétendant que ces informations avaient été communiquées par inadvertance (le contrôle de la Commission chez MED a eu lieu les 24 et 25 septembre 1985, le jugement en appel a été rendu le 25 mars 1986). MED a ensuite affirmé qui ni elle ni les sociétés faisant partie de son groupe n'imposaient des interdictions de distribution à leurs acheteurs respectifs de produits phytosanitaires, afin d'empêcher des importations parallèles dans d'autres pays européens. Chaque acheteur peut en principe disposer librement de la marchandise acquise. Ce n'est qu'en raison des compositions chimiques différentes dans les diverses zones de distribution qu'il peut être intéressant de connaître le pays de destination, afin d'empêcher, en informant et en conseillant correctement les clients, que des produits ne soient commercialisés sous la dénomination « Digermin » ou avec mention d'une homologation, dans un pays où sa formulation ne correspondrait pas aux normes locales en matière d'homologation. (90) Une note de la société Staehler, datée du 1er février 1985, relative à un entretien avec MED, contient, sous le titre « 4. Digermin », la mention suivante: « On a indiqué 44 t pour notre vente. Il faudra revenir par la suite sur les prix et les quantités. Il est certain que cette année, la formulation de Digermin ne sera pas la même en Allemagne que dans les autres pays européens. J'ai déjà informé [ . . . ] brièvement des difficultés pour cette année. [ . . . ] ne considère pas que la prolongation de l'homologation de Digermin pose des problèmes fondamentaux, car il pense avoir tout convenu avec Elanco. » (91) Par télex du 22 mai 1985, MED confirmait ce qui suit à Farmoplant: « En ce qui concerne la livraison de Digermin, il reste entendu que vous nous fournissez la formulation allemande. Vos livraisons éventuelles dans les autres pays se feront avec des produits dont la formulation diffère de celle des produits qui nous sont livrés. Nous sommes d'accord pour que vous interveniez auprès de la société française "(. . .)" pour que celle-ci s'engage à ne pas réexporter de Digermin en Allemagne, comme elle l'a fait la saison précédente. Si de tels faits devaient se reproduire, nous serions contraints de réviser les prix. » I. Protection territoriale par la marque (92) En raison d'une objection de la société Fahlberg-List (Ciba-Geigy), il n'a pas été possible de déposer la marque « Digermin » en Allemagne. Vers le milieu de l'année 1985, MED a intensifié ses efforts pour faire déposer la marque, « afin de protéger Digermin des réimportations ». Toutefois, aucun dépôt de marque n'est intervenu ensuite. II. APPRÉCIATION JURIDIQUE (93) L'article 85 paragraphe 1 du traité CEE interdit tout accord entre entreprises, toute décision d'association d'entreprises et toute pratique concertée qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Accord entre entreprises restreignant la concurrence 1. Les entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 (94) Agrimont et MED sont toutes deux filiales à 100 % du même groupe. Pour toutes les questions relatives à l'homologation et à la distribution, MED a toujours reçu des instructions de Farmoplant/Agrimont. Il en résulte qu'au-delà de l'appartenance au même groupe, MED dépendait fortement de Farmoplant/Agrimont qui est responsable, au sein du groupe Montedison, des produits pour l'agriculture, particulièrement du secteur des herbicides, fongicides et insecticides. MED et Farmoplant/Agrimont doivent donc être considérées comme une unité économique. (95) Staehler est une entreprise juridiquement et économiquement indépendante au sens de l'article 85 paragraphe 1. 2. Accord restreignant la concurrence (96) La présente décision n'a pas pour objet de déterminer si l'exclusivité de fait accordée à Staehler par le contrat du 9 septembre 1980 est compatible avec le droit de la concurrence. (97) La politique de prix élevés poursuivie en Allemagne par MED et Farmoplant ne pouvait être soutenue, vis-à-vis du distributeur exclusif Staehler, qui devait en outre se soumettre à une interdiction de concurrence ainsi qu'à l'achat de quantités minimales que si celui-ci pouvait bénéficier d'une protection territoriale absolue. Or, ce but a précisément été atteint par une politique de différenciation des produits. De nombreux éléments permettent de penser que l'octroi d'une protection territoriale absolue par une différenciation des produits constituait, dès le départ, la base du contrat d'exclusivité. On peut toutefois considérer, au bénéfice des parties, que tant que le risque d'importations parallèles ne s'était pas encore concrétisé, l'octroi d'une protection territoriale absolue par une différenciation des produits pouvait être considéré comme une mesure unilatérale. C'est au plus tard avec l'apparition d'importations parallèles en 1982 que, en réaction à ces dernières, cette stratégie commerciale est devenue la base du contrat d'exclusivité et, par conséquent, l'objet d'un accord entre les parties dans le cadre de relations commerciales continues. a) Existence et contenu de l'accord L'existence et le contenu d'un tel accord peuvent être déduits de l'évaluation globale des documents et des indices présentés ci-après. (98) Lorsque l'exclusivité lui a été attribuée, Staehler s'est vu imposer par MED et Farmoplant l'obligation de pratiquer une politique de prix élevés, adaptés aux prix d'Elancolan. Cette obligation se reflète dans les prix d'achat de Staehler (voir considérant 24) qui, entre 1982 et 1986, ont été en moyenne le triple des prix d'achat du distributeur français (voir considérant 29). Un écart tout aussi grand existe avec les prix d'achat de la société néerlandaise [. . .] (voir considérant 30). Il en résulte que même les prix de vente pratiqués par les revendeurs des autres États membres étaient encore inférieurs aux prix d'achat de Staehler. Alors que, après l'introduction de Digermin sur le marché français, en 1982, les prix des produits à base de trifluraline ont considérablement baissé (voir considérant 28), les prix de Digermin sur le marché allemand n'ont cessé d'augmenter. Grâce à l'augmentation de la surface cultivée en colza (voir considérant 19), Montedison a pu acquérir certaines parts du marché des herbicides, sans réduire sensiblement les ventes d'Eli Lilly. À une exception près (voir considérant 38), MED et Staehler n'ont jamais tenté d'augmenter les parts de marché de Digermin aux dépens de celles d'Elancolan par une politique de prix agressive, bien que la différence entre le prix d'achat et le prix départ usine ait été beaucoup plus élevée dans le cas de Staehler que dans celui du distributeur français (voir considérant 29). Cette politique des prix se reflétait dans les barèmes des grossistes, où Elancolan et Digermin étaient proposés à des prix identiques en 1983 et 1985 (voir considérants 26 et 27). Le fait que MED et Staehler aient fixé chaque année de nouveaux prix en début de saison, sur la base du contrat d'exclusivité, confirme que Staehler était d'accord, du moins tacitement, avec la politique de prix élevés pratiquée par le fournisseur. (99) En tant que négociant expérimenté, ayant lui-même été sur le point d'obtenir une homologation pour un produit à base de trifluraline avant de prendre en charge la distribution exclusive de Digermin (voir considérant 34), Staehler connaissait les risques que pouvaient faire peser les importations parallèles de produits phytosanitaires en Allemagne, qui sont dans l'ensemble apparues au cours des années 1978 et 1979, sur la fixation des prix et le niveau des ventes. Il ne serait donc économiquement pas plausible que Staehler ait accepté de prendre le risque économique que présentait la distribution exclusive de Digermin, avec des obligations d'achat et une interdiction de concurrence (voir considérant 35), et compte tenu de la politique de prix élevés pratiquée par MED et Farmoplant, si elle n'avait pas été certaine que MED et Farmoplant lui assureraient une protection territoriale absolue. Au bénéfice des parties, on considère toutefois qu'à cette époque, en 1979, alors que Digermin n'était pas encore agréé dans les autres États membres, cette certitude n'était pas suffisamment solide pour constituer une base commerciale. (100) À partir de 1982, au moment où les premières importations parallèles d'Elancolan sont apparues, qui pouvaient laisser craindre également des importations parallèles de Digermin pour l'année suivante, le problème de la protection territoriale absolue a acquis pour Staehler une importance capitale, compte tenu des obligations qui lui étaient imposées par le contrat de distribution exclusive, à savoir l'achat de quantités minimales et le respect d'une interdiction de concurrence (voir considérant 36), ainsi que l'obligation de maintenir des prix élevés. Début 1983 au plus tard, la question de la protection territoriale absolue a fait l'objet d'entretiens entre les parties, au cours desquels la stratégie de la protection territoriale par la différenciation des produits a été examinée. C'est ainsi que l'octroi d'une protection territoriale absolue a fait l'objet d'un accord; en effet, les explications fournies à propos des conditions techniques de la protection territoriale ainsi que les mesures prises par MED et Farmoplant pour assurer cette protection ont donné à Staehler la certitude que MED et Farmoplant veilleraient, dans le cadre de leurs relations commerciales, à assurer en permanence la protection territoriale et sa condition préalable, c'est-à-dire la différenciation des produits. L'octroi d'une protection territoriale absolue répondait à la volonté de Staehler, qui a d'ailleurs activement contribué à l'assurer. (101) Selon une note manuscrite du [. . .], du 12 janvier 1983, ce dernier a eu ce même jour un entretien avec M. Staehler, au cours duquel il a notamment été constaté que des différences de formulation, ou encore le taux de nitrosamine (NDPA), constituaient une protection contre les (ré)-importations vers l'Allemagne (voir considérant 83). (102) Lors de l'audition, MED a concédé que l'un des thèmes de l'entretien du 12 janvier avait été la crainte que Zera ne tente désormais, après l'échec des importations parallèles d'Elancolan en 1982, de procéder à des importations parallèles de Digermin. Toutefois, MED souhaite que cette note soit comprise comme une constatation du fait que les formulations de Digermin à l'étranger ne respectent pas le taux de NDPA (nitrosamine cancérigène) autorisé en Allemagne, qui est très strict. Néanmoins, cette argumentation ne change en rien le point déterminant, qui est que Staehler a pu acquérir la certitude d'être protégée contre les importations parallèles. (103) Le renvoi de MED à l'arrêt de la Cour de justice du 11 juillet 1974 dans l'affaire 8/74 (« Dassonville ») (5), qui autorise l'importateur exclusif à mettre à profit l'existence de dispositions légales nationales à propos de l'obligation de preuves concernant le contenu d'un accord, est hors de propos, ne serait-ce que parce que, dans le cas en question, il ne s'agit pas de dispositions légales concrètes indépendantes de la volonté du fabricant, mais d'homologations différentes accordées chaque fois à la demande du fabricant lui-même. (104) Les agissements des parties au cours de la période qui a suivi l'entretien du 12 janvier 1983 fournissent une série d'indices supplémentaires confirmant l'existence d'un accord entre MED et Farmoplant, d'une part, et Staehler, d'autre part. Il ressort de la correspondance échangée entre MED et Farmoplant que la différenciation des produits a été utilisée uniquement, en Allemagne, comme moyen d'empêcher les importations parallèles, afin de préserver le niveau de prix élevés sur le marché allemand. Parfois, on a même songé à étendre ce principe à d'autres produits et à d'autres États membres. Dans un télex du 26 août 1983 adressé à Farmoplant, MED déclarait, peu après l'apparition des importations parallèles vers l'Allemagne en provenance des Pays-Bas, qu'il ne serait pas possible de poursuivre une politique de prix élevés sur le marché allemand sans des formulations différentes pour le Digermin (voir considérant 85). En 1984, Farmoplant a demandé à plusieurs de ses filiales de lui donner leur avis sur la possibilité de faire agréer des formulations différentes dans chaque pays. L'avantage allégué était que cela aurait rendu les importations avisées plus difficiles et aurait ainsi permis de disposer d'une marge de manoeuvre plus grande en matière de prix sur chaque marché (voir considérant 87). Dans son avis à ce propos, MED estimait que des différenciations s'imposaient, en l'occurrence des différenciations nettes en cas de différences de prix importantes ou, en cas de concurrence d'un produit identique, des différenciations plus faibles pour assurer le contrôle des canaux de distribution (voir considérant 88). (105) L'objection d'Agrimont et de MED, selon laquelle la seule existence d'une telle correspondance interne au groupe, sans mention du cas concret de Digermin, permet de conclure à l'absence de toute intention de cloisonnement du marché dans le cas d'espèce, n'est pas convaincante, car auparavant, en 1983, Farmoplant et MED avaient échangé une correspondance intensive sur une stratégie de suppression des importations parallèles et de maintien d'une politique de prix élevés sur le marché allemand (voir considérants 53, 84, 85). Dans le litige qui l'a opposée à Zera devant les tribunaux allemands, MED a également déclaré que le niveau élevé des prix en Allemagne ne pouvait être maintenu qu'en empêchant les importations parallèles en provenance d'autres États membres (voir considérant 89). (106) En août 1983, Farmoplant et MED se sont mis d'accord sur une stratégie commune d'action contre les importations parallèles en provenance des Pays-Bas (voir considérant 53), dont la condition préalable devait être le maintien de la différenciation des produits. En août 1983, MED a fait savoir à Farmoplant que les chances de succès d'une action contre les importations parallèles dépendaient du fait que l'on puisse prouver qu'il y avait un nombre aussi grand que possible de différences dans les formulations (voir considérant 85). (107) Cette stratégie de défense contre les importations parallèles n'a pas été appliquée unilatéralement par MED et Farmoplant; Staehler y a également été associée. Ainsi qu'en témoignent une série d'entretiens qui ont eu lieu entre MED et Staehler, notamment à propos des problèmes liés aux importations parallèles (voir considérant 37), Staehler était informée de la stratégie de défense poursuivie par MED et Farmoplant. En outre, Staehler y a été associée. (108) Staehler est intervenue lors du procès contre Zera, en effectuant une déclaration sous serment (voir considérant 56). Elle a incité MED à faire valoir, dans le litige qui opposait cette dernière à Zera, les pertes financières que lui avaient causées les ventes de Zera-Trifluralin en 1983. En juin 1984, c'est-à-dire avant le moment où la plupart des agriculteurs commencent à effectuer les achats en vue des semis de colza qui ont lieu en août, MED et Staehler se sont mises d'accord sur une circulaire que Staehler devait adresser à ses clients (voir considérants 57 et 86). Le fait que Staehler ait d'abord proposé que cette directive explique qu'il n'existe pas en Europe de forme analogue au Digermin permet de conclure que, à cette époque, Staehler était parfaitement sûre de la protection territoriale accordée par MED. Par cette circulaire qui, compte tenu des importations parallèles qui avaient eu lieu, contre toute attente, malgré la différenciation des produits, devait contribuer à restaurer la protection territoriale dont bénéficiait Staehler par une action directe axée sur les clients, Staehler a pris une part active et directe à cette stratégie de défense commune. Que Staehler ait été contrainte par le contrat de distribution à collaborer, ainsi que cela a été objecté lors de l'audition, n'aurait de toute façon eu aucune incidence sur le fait qu'un accord conclu dans le cadre de cette collaboration ait pu être contraire au droit de la concurrence. (109) Cette démarche commune contre les importations parallèles sur la base d'une différenciation des produits a été poursuivie en 1984 également. En août 1984, Staehler est intervenue de son propre chef, par voie de plainte, contre les importations parallèles en provenance de France effectuées par la société Hinkens. Dans cette plainte, Staehler faisait notamment savoir qu'elle avait elle-même fait effectuer une analyse chimique comparative (voir considérant 59). En août 1984, Staehler a demandé à MED de lui accorder une ristourne afin de compenser la baisse des prix intervenue du fait des importations parallèles en provenance de France, ce que MED a fait en septembre 1984 (voir considérant 38). En outre, elle a racheté, en mars 1985, le Digermin importé parallèlement par Stefes (voir considérant 60). Cette action autonome contre les importations parallèles exprime la confiance de Staehler dans la poursuite de la différenciation des produits par MED et Farmoplant. (110) Parallèlement, MED a poussé Farmoplant à intervenir contre le distributeur français [ . . . ] (voir considérants 60 et 91). (111) Deux documents de 1985 constituent des indices supplémentaires de l'existence d'un accord aux termes duquel Staehler pourrait bénéficier d'une protection territoriale du fait que les livraisons vers l'Allemagne devraient avoir une formulation différente de celles effectuées vers les autres pays. Dans une note de Staehler du 1er février 1985 relative à un entretien avec MED, il est dit qu'il avait été fait en sorte que, cette année, le Digermin destiné à l'Allemagne ait une formulation différente de celui livré dans les autres pays européens (voir considérant 90). Compte tenu des difficultés qui avaient surgi, lors des actions de protection contre les importations parallèles, notamment en 1984, pour prouver les différences de formulation, Staehler aurait eu des raisons de douter que Farmoplant continue à assurer la protection territoriale convenue par le biais de la différenciation des produits. Voilà pourquoi Staehler a souhaité confirmer l'accord conclu au début de l'année 1983 en vue d'assurer une protection territoriale absolue par la différenciation des produits. Staehler ne pouvait avoir la certitude que la différenciation des produits continuerait à être assurée que si cela lui avait à nouveau été confirmé par MED. Le choix du terme « assurée » montre que la poursuite de la différenciation des produits avait dû être confirmée à Staehler de façon telle, au cours de l'entretien, que celle-ci puisse s'y fier. Dans le télex du 22 mai 1985 adressé à Farmoplant (voir considérant 91), MED confirmait la poursuite d'un accord sur le maintien de la différenciation des produits entre l'Allemagne et les autres États membres. Il était également confirmé que Farmoplant devait intervenir auprès du distributeur français [ . . . ], afin d'éviter des importations de Digermin vers l'Allemagne, comme cela avait été le cas l'année précédente, en 1984. Même si le télex, de par son strict libellé, ne devait concerner qu'un accord interne au groupe entre MED et Farmoplant, il doit toutefois être envisagé en relation, en ce qui concerne tant la date que le contenu, avec la note de Staehler du 1er février 1985. MED n'étant pas seule en mesure de garantir le maintien de la différenciation des produits, elle a dû ultérieurement s'assurer la collaboration, à l'intérieur du groupe, du fabricant Farmoplant. S'il n'y avait pas eu de garantie donnée à Staehler, MED n'aurait eu aucune raison valable de se faire confirmer expressément une fois encore, par une société du groupe, le maintien de la pratique de la différenciation des produits, qui existait déjà depuis de nombreuses années. (112) L'objection émise par MED et Farmoplant lors de l'audition, selon laquelle le télex du 22 mai 1985 constituait un accord interne au groupe, dont il ne pouvait être fait usage, n'est pas pertinente. Même si l'accord cité dans le télex n'était qu'un simple accord interne entre MED et Farmoplant, il n'est pas interdit à la Commission d'utiliser ce document, en liaison avec d'autres preuves, pour établir qu'il y a effectivement eu accord avec un tiers n'appartenant pas au groupe. (113) Une évaluation globale des éléments de preuve présentés aux considérants 98 à 112 montre qu'un accord est intervenu entre les parties, dans le cadre de leurs relations commerciales courantes, dont l'objet était d'accorder une protection territoriale absolue par le biais d'une différenciation des produits. b) Durée de l'accord (114) L'accord est entré en vigueur après l'apparition des importations parallèles d'Elancolan, au plus tard à partir de début 1983 (voir considérants 101 et 102), et il s'est poursuivi jusqu'à la résiliation du contrat de distribution au 31 décembre 1988. Lors de l'audition, MED et Agrimont ont déclaré qu'un tel accord n'aurait plus eu aucune raison d'être dès l'entrée en vigueur de la modification de la loi allemande sur la protection phytosanitaire, intervenue au 1er janvier 1987 (voir considérant 47). Toutefois, cette modification n'aurait pratiquement concerné que les produits phytosanitaires importés devant être homologués sous une autre dénomination commerciale (comme cela a été le cas pour Zera-Trifluralin), et elle n'aurait eu aucune incidence sur les importations parallèles de Digermin sous la même dénomination commerciale. c) Parties à l'accord (115) MED ne doit pas être considérée comme la seule partie, avec Staehler, à l'accord sur la différenciation des produits, car seule Farmoplant était en mesure de réaliser cette différenciation et de conserver l'homologation de formulations différentes dans les États membres. Voilà pourquoi MED et Farmoplant doivent toutes deux être considérées comme parties à l'accord conclu avec Staehler. 3. Répercussions de l'accord sur la concurrence (116) Conformément à l'article 85 paragraphe 1, tout accord ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence est interdit. Or, compte tenu du fait que l'accord de différenciation des produits par le biais de l'application de la législation sur les homologations avait pour objet d'empêcher des importations parallèles, les conditions énoncées dans ces dispositions sont incontestablement remplies. En réponse à une demande de la Commission, Agrimont a tout d'abord fait valoir plusieurs raisons juridiques ou économiques qui auraient nécessité de façon objective l'homologation de formulations différentes en Allemagne et dans les autres États membres. Lors de l'audition, d'autres raisons ont encore été mentionnées. Comme nous le montrerons ci-après, aucune de ces raisons n'est ni apte, ni suffisante pour justifier la nécessité objective de différencier les produits, une nécessité si impérative qu'il aurait été impossible de ne pas avoir recours à la différenciation des produits et aux différentes homologations, y compris au moment où une autre motivation contraire à la concurrence est intervenue. a) Succession des homologations (117) La succession des homologations, un argument qu'Agrimont et MED ont opposé à l'existence d'un accord, ne constitue pas en soi un motif justifiant l'homologation de formulations différentes. En effet, la succession des homologations est avant tout motivée, indépendamment des dates différentes auxquelles les demandes d'homologation ont été introduites, par l'expiration à des dates différentes des brevets détenus par Eli Lilly pour la trifluraline. b) Différences dans les dispositions des États membres (118) Agrimont s'est contentée d'affirmer hâtivement que la formulation « 73 D » utilisée pour les homologations ultérieures était conforme aux dispositions des pays concernés (Royaume-Uni, Italie, France et Espagne). Bien qu'elle en ait fait la demande, la Commission n'a pu se faire expliquer en quoi ces différences consistaient et quelles étaient leurs conséquences pour la formulation. (119) À la demande de la Commission, les autorités chargées des homologations en Allemagne et en France ont confirmé que la formulation homologuée dans l'autre pays pouvait, en principe, également être homologuée dans le leur, les résultats des essais sur l'efficacité et la rémanence du produit devant, éventuellement, être remis. (120) Bien qu'Agrimont ait souligné à plusieurs reprises les exigences particulièrement strictes des autorités allemandes en matière d'homologation, elle n'a jamais expliqué pourquoi elle n'avait pas tenté, ainsi que cela aurait été concevable, de faire homologuer la formulation allemande dans les autres États membres, tout au moins dans ceux jouissant de conditions climatiques comparables. Voilà pourquoi la Commission estime que l'affirmation selon laquelle ce sont les dispositions des États membres en matière d'homologation qui auraient rendu les différentes formulations homologuées par Farmoplant nécessaires n'est pas justifiée. c) Frais d'homologation (121) Le coût élevé de la première homologation de Digermin qu'Agrimont a fait valoir (voir considérants 75 à 77) semble à première vue plutôt plaider pour une homologation uniforme dans un nombre aussi grand que possible de pays, du moins si l'on raisonne en termes d'économie de frais inutiles, et ne constitue pas une justification évidente du maintien de l'homologation de formulations différentes. (122) De même, l'argument d'Agrimont selon lequel le coût élevé de l'homologation d'une formulation modifiée aurait rendu toute modification de la formulation « allemande » économiquement insupportable n'est pas convaincant. Si le coût d'une modification de l'homologation était réellement si prohibitif, on ne pourrait expliquer comment Farmoplant et MED ont, à plusieurs reprises, envisagé la modification de la formulation de Digermin et d'autres herbicides, sans que les coûts relatifs à la modification des homologations n'aient été abordés lors de la discussion (voir considérants 76 et 87). Cette conclusion est confirmée par le fait que Montedison Belgio a déclaré à Farmoplant, en 1982, que les coûts d'une modification de l'homologation de produits phytosanitaires en Belgique étaient beaucoup plus faibles (voir considérant 84). (123) Par ailleurs, il n'était pas possible de déduire du problème des coûts que l'exploitation ultérieure de l'existence de différentes homologations pour conclure un accord de cloisonnement du marché allemand n'était pas intervenue dans le but de limiter la concurrence. d) Coûts de production (124) En dépit de plusieurs demandes écrites de la Commission relatives aux motifs pour lesquels plusieurs formulations avaient été homologuées, ce n'est qu'au cours de l'audition qu'Agrimont et MED ont déclaré pour la première fois que c'étaient notamment les faibles coûts de production qui étaient à l'origine de l'homologation ultérieure d'une formulation différente dans les États membres autres que l'Allemagne (voir considérant 79). Bien que les demandes d'homologation aient été déposées précédemment ou concurremment en Italie et en Espagne, il aurait été possible, dans ces pays, de modifier les formulations. Toutefois, la Commission estime que ce motif n'est pas recevable. Premièrement, les déclarations de Farmoplant/Agrimont sur la composition de la formulation sont contradictoires. Deuxièmement, il importe peu de savoir, pour déterminer si l'accord avec Staehler constitue une entrave à la concurrence, quel est le motif à l'origine du choix initial des formulations. En outre, la possibilité de réduire les coûts de production plaiderait plutôt en faveur de l'homologation d'une formulation unique pour l'Allemagne et les autres États membres. Quoi qu'il en soit, Agrimont n'a opposé aux faits corroborant une tentative de cloisonnement du marché allemand (voir considérants 81 à 91) aucun élément permettant de prouver que c'est uniquement pour des raisons de coût que la formulation « allemande » n'est pas la même que celle des autres États membres. e) Brevets (125) Bien que la Commission se soit enquise à plusieurs reprises des raisons ayant motivé l'homologation de formulations différentes, ce n'est qu'au cours de l'audition orale qu'Agrimont et MED ont déclaré pour la première fois que le choix d'une formulation différente de celle d'Elancolan devait éviter de porter atteinte au brevet allemand d'Eli Lilly pour la trifluraline. Cette différenciation des produits était donc due, du moins pour l'Allemagne, à la nécessité de respecter certains brevets (voir considérant 80). Bien que la Commission ait demandé des renseignements complémentaires lors de l'audition, elle n'a pas réussi à savoir avec certitude dans quelle mesure le brevet qui, d'après les documents remis, protège uniquement la matière active trifluraline, interdit de l'utiliser pour des essais en plein champ pendant sa durée de validité. Bien que, avant l'homologation de Digermin en Allemagne, MED ait pris des informations précises sur la protection conférée par le brevet et sa durée, les documents relatifs à cet aspect du problème (voir considérant 80) n'indiquent en rien que la société ait été consciente d'un tel problème. Aux questions réitérées de la Commission sur les motifs de l'homologation de formulations différentes, Agrimont et MED ont à chaque fois avancé des motifs différents (voir considérants 117 à 124). La Commission considère donc comme peu convaincante l'objection de MED selon laquelle la formulation différente adoptée pour l'Allemagne aurait essentiellement été choisie afin d'éviter tout risque de contrefaçon. f) Absence d'application abusive de dispositions légales (126) Lors de l'audition, Agrimont a reproché à la Commission de vouloir traiter au sens de l'article 85 une affaire relevant manifestement des articles 30 et 36 du traité CEE. Au lieu d'attaquer, conformément à l'article 30, la loi allemande sur les produits phytosanitaires qui interdit les importations de produits qui ne sont pas identiques aux produits homologués en Allemagne, la Commission engage une procédure contre une entreprise privée qui s'est appuyée sur cette réglementation. Cette objection n'est pas recevable, puisque dans le cas d'espèce, ce n'est pas la réglementation et son application unilatérale qui sont en cause, mais la conclusion, entre plusieurs entreprises, d'un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence. 4. Affectation sensible du commerce entre États membres (127) L'accord consistant à maintenir la différenciation des produits pour cloisonner le marché allemand, afin de pouvoir maintenir une politique de prix élevés, a porté atteinte aux échanges entre les États membres. En dépit du niveau de prix beaucoup plus élevé en Allemagne, cet accord a rendu les importations des autres États membres vers l'Allemagne beaucoup plus difficiles. Le marché allemand a ainsi été isolé territorialement et la concurrence avec une partie importante du marché commun a été entravée. Lorsque les importations parallèles de Digermin ont commencé en 1983 et 1984, les prix sur le marché allemand ont, de façon caractéristique, immédiatement connu un net recul. (128) Cette affectation des échanges intracommunautaires est également sensible du fait que les parts de Digermin sur le marché concerné ne sont pas négligeables. Le marché en cause est constitué, de l'avis de la Commission, par les herbicides pour le colza contenant de la trifuraline comme matière active homologués en Allemagne ainsi que par les produits Butisan-S et Pradone Kombi (voir considérants 15 à 18). Les parts de Digermin sur ce marché sont nettement supérieures à 5 %, puisqu'elles se situent à environ 11-13 % (voir considérants 19 à 21). L'objection émise par MED lors de l'audition, selon laquelle d'autres produits, comme Teridox, Lasso et Devrinol, devraient être pris en considération pour la détermination du marché en cause, n'a aucune répercussion sur l'ampleur de l'affectation des échanges puisque, selon MED elle-même, les parts de marché de Digermin au cours de la période concernée n'auraient pas été inférieures à 5 %. En outre, les parts de marché ne constituent que l'un des critères à prendre en considération pour déterminer le niveau de restriction de la concurrence. Celui-ci est de toute façon lié au fait que les sociétés concernées, MED et Farmoplant, sont des filiales à 100 % d'un grand groupe international, de telle sorte que, en ce qui concerne l'importance des chiffres d'affaires, les petites sociétés ne doivent pas être prises en considération. 5. Inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 3 (129) Une exemption de l'accord conformément à l'article 85 paragraphe 3 n'est pas envisageable. L'accord n'a pas été notifié conformément à l'article 4 paragraphe 1 du règlement no 17 et il n'entre pas dans le cadre des exceptions prévues au paragraphe 2 de cet article. Même si l'accord avait été notifié, les conditions prévues à l'article 85 paragraphe 3 ne seraient pas remplies. En effet, l'accord ne contribue ni à améliorer la production ou la distribution des produits, ni à promouvoir le progrès technique ou économique. Au contraire, il empêcherait les importations vers l'Allemagne de Digermin à des prix plus avantageux. Il ne semble pas que les utilisateurs retirent une partie équitable du profit qui en résulte; au contraire, l'application de cet accord, en conservant la différenciation des produits, a permis de maintenir en Allemagne des prix beaucoup plus élevés, qui ne comportent en contrepartie aucun avantage visible pour le consommateur. 6. Destinataires de la décision (130) Au cours de la période de référence, le département « Produits phytosanitaires » du groupe Montedison était intégralement du ressort de Farmoplant et d'Agrimont. Toutefois, les filiales de Montedison dans les différents États membres n'étaient pas des filiales de Farmoplant/Agrimont, mais des filiales d'une autre société mère du même groupe. En outre, les produits phytosanitaires ne constituaient qu'une partie du chiffre d'affaires de ces filiales. La Commission ne possède aucune information selon laquelle, outre Farmoplant/Agrimont, d'autres sociétés du groupe auraient également été responsables de ce secteur. Il semble donc pertinent d'adresser la décision aux deux sociétés du groupe concernées en l'espèce. L'incorporation à EniChem et la fusion avec les sociétés du groupe EniChem Agricoltura SpA et EniChem Deutschland AG n'ont pas modifié la répartition des différents secteurs de l'entreprise. Certes, ils ont été transformés en divisions non indépendantes ou en succursales des sociétés EniChem, mais cela ne modifie en rien la continuité économique et fonctionnelle. La décision doit donc être adressée aux sociétés EniChem en question, qui sont les successeurs des sociétés précitées sur le plan juridique. 7. Article 3 du règlement no 17 (131) L'infraction ayant pris fin avec la résolution du contrat de distribution conclu entre MED et Staehler, il n'existe plus aucune raison de contraindre les entreprises concernées à mettre fin à l'infraction conformément à l'article 3 du règlement no 17. La Commission n'a actuellement connaissance d'aucun fait indiquant une reprise de l'accord entre les parties concernées. (132) Il est de pratique constante, pour la Commission, de prendre une décision de constatation d'infraction même dans les cas où les parties ont mis fin à l'infraction, dès lors que la décision, comme dans le cas d'espèce, pourrait clarifier un point de droit. Une telle pratique oeuvre en faveur d'une plus grande clarté du droit et a été avalisée par la Cour de justice dans l'affaire 7-82 « GVL contre Commission » (6), A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION: Article premier Farmoplant SpA, Milan, (ultérieurement Agrimont SpA), Montedison Deutschland GmbH, Eschborn [ultérieurement Montedison (Deutschland) Chemie Handels-GmbH] et Staehler Agrochemie GmbH & Co. KG, ont enfreint les dispositions de l'article 85 du traité CEE en s'associant, entre début 1983 et fin 1988, à un accord aux termes duquel Farmoplant et Montedison Deutschland se sont engagées, vis-à-vis de Staehler, à accorder à cette dernière une protection territoriale absolue pour le produit phytosanitaire Digermin, et ce par le biais d'une différenciation des produits, afin de protéger le marché allemand d'importations parallèles en provenance d'autres États membres. Article 2 - EniChem Agricoltura SpA, Via Medici del Vascello 40/C, Casella postale 12120, I-20138 Milano, - EniChem Deutschland AG, Sonnenstrasse 23, D-W-8000 Muenchen 2, et - Staehler Agrochemie GmbH & Co. KG, Postfach 2047, D-W-2160 Stade sont destinataires de la présente décision. Fait à Bruxelles, le 22 juin 1993. Par la Commission Karel VAN MIERT Membre de la Commission (1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63. (3) Les conversions ont été effectuées sur la base des cours annuels moyens des différentes monnaies par rapport à l'écu. (4) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement no 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires. (5) Recueil 1974, p. 837. (6) Recueil 1983, p. 483, point 25 des motifs.
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