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Document 392D0521

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392D0521
92/521/CEE: Décision de la Commission, du 27 octobre 1992, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/33.384 et 33.378 - Distribution des forfaits touristiques lors de la coupe du monde de football 1990) (Les textes en langues française et italienne sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 326 du 12/11/1992 p. 0031 - 0042



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION
du 27 octobre 1992
relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE
(IV/33.384 et 33.378 - Distribution des forfaits touristiques lors de la Coupe du monde de football 1990)
(Les textes en langues française et italienne sont les seuls faisant foi.)
(92/521/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne,
vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3,
vu la demande de constatation d'une infraction présentée le 28 novembre 1989, conformément à l'article 3 du règlement n° 17, par Pauwels Travel BVBA,
vu la décision prise par la Commission le 22 janvier 1991 d'engager une procédure dans cette affaire,
après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
A. L'objet de la décision
(1) Le 28 novembre 1989, la Commission a été saisie d'une plainte par l'agence de voyages Pauwels Travel BVBA (ci-après « Pauwels Travel ») à l'encontre de:
- FIFA-Comité organisateur local Italie 90,
- 90 Tour Italia SpA,
- NV CIT Belgique.
(2) Cette plainte, fondée sur les dispositions de l'article 3 du règlement n° 17, visait le système de distribution des billets mis au point lors de la Coupe du monde de football organisée en Italie en 1990.
(3) À l'occasion de cette manifestation sportive, Pauwels Travel souhaitait confectionner et vendre en Belgique des forfaits touristiques comprenant notamment le transport, l'hébergement et les billets d'entrée aux stades pour les différents matches. Or, celui-ci a constaté que le système de distribution des billets mis en place ne permettait pas à une agence de voyages d'acquérir des billets d'entrée aux stades pour confectionner des forfaits.
(4) Les tentatives de Pauwels Travel de commercialiser de tels forfaits en se procurant des billets d'entrée par des voies parallèles ont entraîné une action en cessation devant les juridictions nationales belges, de la part de l'agence de voyages agréée par les organisateurs de la Coupe pour vendre des forfaits touristiques en Belgique.
(5) La présente décision ne concerne pas l'ensemble du système de distribution des billets, mais uniquement les contrats par lesquels les organisateurs de la Coupe du monde ont concédé à la société 90 Tour Italia l'exclusivité mondiale de la fourniture des billets d'entrée aux stades aux fins de confectionner des forfaits touristiques.
(6) Le marché sur lequel doivent être appréciés les effets des contrats en cause est donc celui de la vente des forfaits touristiques lors de la Coupe du monde de football en Italie.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, et notamment à l'arrêt du 12 décembre 1967 dans l'affaire 23/67 (Brasserie de Haecht) (1), il convient toutefois d'examiner l'ensemble du système de distribution et d'apprécier les contrats dans le contexte dans lequel ils ont fonctionné.
B. L'organisation générale de la Coupe du monde
(7) Le 5 août 1983, la Fédération internationale de football association (FIFA) a établi un cahier des charges destiné à la fédération organisatrice de la Coupe du monde 1990.
Ce cahier des charges signé par le secrétaire général de la FIFA précise que la Coupe du monde est une compétition de la FIFA qui désigne une des associations nationales affiliées à la FIFA en tant « qu'organisateur (agent exécuteur) de la Coupe du monde ».
(8) En vertu de l'article 1.1 du cahier des charges, « l'association nationale désignée peut assurer elle-même directement le mandat ou demander à la FIFA pour que cette dernière nomme elle-même un COL (comité organisateur local) qui comprendra des représentants de l'association nationale concernée et de la FIFA. »
(9) Le cahier des charges précise également que « l'association nationale désignée et son comité organisateur sont placés sous le contrôle de la commission d'organisation de la Coupe du monde de la FIFA. Celle-ci prend en dernière instance les décisions de principe concernant tous les points. »
(10) Le 19 mai 1984, la FIFA a désigné la Federazione italiana gioco calcio (FIGC) comme organisateur de la Coupe du monde 1990.
(11) En application du cahier des charges de la FIFA pour l'organisation de la Coupe, la FIFA et la FIGC ont convenu de constituer un comité organisateur local (COL) le 3 décembre 1984.
(12) Le document constitutif du COL prévoit que celui-ci comprend « au maximum 15 membres dont 5 de la FIFA et 10 de l'Italie », et que son siège est à Zurich auprès de la FIFA avec une succursale à Rome.
(13) En fait, le nombre de membres fut limité à 11, dont deux émanant de la FIFA et 9 de la FIGC.
(14) La création du COL a été ratifiée par le comité exécutif de la FIFA lors d'une réunion à Zurich le 28 avril 1985 et, le 11 juin 1985, la FIFA a établi le « Règlement pour l'organisation et le fonctionnement du COL » pour la Coupe du monde 1990.
(15) La fonction du COL est précisée à l'article 3 de ce règlement comme « l'exécution de toutes les activités relatives, directement ou indirectement, à l'organisation technique et logistique de la Coupe du monde en Italie en 1990, dans le respect des limites opératrices prescrites par le cahier des charges fixé par la FIFA et le règlement de la Coupe du monde 1990. »
(16) Parmi ces activités, le COL est notamment chargé de « proposer à la FIFA le plan de distribution et de vente des billets d'entrée, s'occupant par la suite de sa réalisation. »
(17) Les relations entre la FIFA et le COL ont enfin été précisées sur quelques points dans un document intitulé « Accord entre la FIFA et le COL Italia 90 », signé par le directeur administratif du COL et le secrétaire général de la FIFA.
Concernant la vente des billets, ce document précise que « les directives concernant la vente des billets de même que leur prix doivent être agréées par la FIFA (obligation que la FIFA considère comme essentielle). »
C. Les parties concernées
(18) La FIFA est une fédération d'associations nationales de football de 158 pays dont le siège est à Zurich. Son objet est de promouvoir le football, et dans ce cadre, d'organiser tous les quatre ans, la Coupe du monde de football.
Les recettes de la fédération proviennent des cotisations versées par les membres, et d'un pourcentage des recettes lors des matches internationaux et des championnats mondiaux.
(19) La Federazione italiana gioco calcio (FIGC) réunit les différentes associations italiennes de football.
Son siège est à Rome et elle est dirigée par un président et un secrétaire général.
(20) La Compagnia italiana turismo SpA (CIT) est une filiale de l'Ente ferrovie dello Stato.
Il s'agit d'une des principales agences de voyages en Italie.
CIT Italia possède également des filiales dans différents pays européens, notamment en Belgique, en France, au Royaume-Uni.
(21) Italia Tour SpA (Italia Tour) est une filiale de Alitalia-Linee Aeree Italiane SpA, qui exerce également des activités d'agence de voyages en Italie et hors d'Italie.
(22) 90 Tour Italia SpA (90 Tour Italia) est une société créée conjointement par CIT et Italia Tour pour commercialiser les forfaits touristiques à l'occasion de la Coupe du monde 1990. Son existence est étroitement liée à l'organisation de cette coupe.
D. Le financement de la Coupe
(23) Les dépenses pour l'établissement de l'infrastructure requise pour la Coupe du monde étaient à la charge de la fédération organisatrice ou du pays organisateur. Tel était le cas pour les travaux de transformation des stades, l'aménagement des routes, des hôtels, . . .
(24) La fédération organisatrice recevait les recettes suivantes:
a) environ 15 % de participation au bénéfice net de la compétition, calculé ainsi:
- recettes des droits de télévision plus vente des billets,
- moins les dépenses constituées par les frais d'organisation de la Coupe;
b) l'exploitation commerciale en Italie de l'emblème de la Coupe du monde 1990 créé par la même fédération;
c) une partie des recettes des matches correspondant au remboursement des taxes étatiques, provinciales et municipales, ainsi que des frais de location des stades;
d) un pourcentage sur la recette des billets, à fixer avec la FIFA en tant que participation aux frais d'organisation proprement dits.
(25) Les contrats relatifs à la publicité, à l'exploitation commerciale des emblèmes, ainsi que les contrats avec les télévisions étaient conclus directement par la FIFA.
(26) L'estimation du total des recettes de la Coupe du monde portait sur 220 millions de francs suisses, se décomposant en:
- 75 millions pour la vente des billets,
- 55 millions pour la vente des droits de publicité,
- 90 millions pour la vente des droits de télévision.
E. Le système général de distribution des billets
(27) Le système général de distribution des billets portait sur un total d'environ 2 700 000 billets répartis initialement comme suit:
- 12 % distribués en Italie par les associations nationales de football,
- 4 % distribués en Italie par les sponsors officiels de la Coupe,
- 34 % distribués en Italie par la Banca nazionale del lavoro (BNL),
- 15 % distribués hors d'Italie par les associations nationales de sport,
- 5 % distribués hors d'Italie par la plus importante association européenne de football,
- 5 % distribués hors d'Italie par la BNL ou ses représentants,
- 25 % distribués hors d'Italie par 90 Tour Italia dans le cadre de forfaits touristiques.
F. Les conditions de distribution des billets en dehors des forfaits touristiques
(28) La distribution des billets par les associations de football était soumise à des restrictions qui ont notamment été précisées par circulaire de la FIFA en date du 23 octobre 1989 adressée à toutes les associations nationales de la FIFA, et dont les principales dispositions sont les suivantes:
- « les ventes de billets ne sont prévues que pour les associations mêmes;
- la vente à des agences de voyages ou autres est interdite. Si vous avez l'intention d'organiser un voyage par l'intermédiaire d'une agence de voyages utilisée habituellement par votre association veuillez prendre contact avec 90 Tour Italia pour que ces arrangements soient coordonnés;
- la vente n'a lieu que dans le pays propre. »
(29) La distribution des billets par la BNL et ses agents était également soumise à certaines restrictions. La BNL ne pouvait pas vendre de billets aux agences de voyages, et les agents de la BNL ne pouvaient pas non plus revendre leurs billets aux agences de voyages.
D'autre part, chaque spectateur ne pouvait acquérir qu'un maximum de quatre séries, pour éviter tout approvisionnement parallèle de la part des agences de voyages.
Les agents de la BNL ne pouvaient vendre ces billets que dans leur propre pays, et devaient communiquer à la BNL l'identité des acquéreurs de billets.
Ces obligations ont notamment été rappelées dans un courrier du 16 mars 1989 de la BNL adressé au Crédit communal de Belgique en qualité d'agent pour la vente des billets en Belgique.
G. La distribution des billets dans le cadre de forfaits touristiques
(30) Le 26 juin 1987, un contrat a été conclu entre, d'une part, COL Italia et, d'autre part, CIT et Italia Tour dont les principales dispositions sont les suivantes:
- COL Italia confie à CIT et à Italia Tour la charge de fournir par l'intermédiaire de 90 Tour Italia, société commune à créer, l'ensemble des services touristiques, hôteliers et de transports demandés par COL Italia dans le cadre de la Coupe du monde 1990 pour répondre à ses besoins et aux besoins de la FIFA, des arbitres, des délégations et équipes officielles, des journalistes et de toutes personnes indiquées par COL Italia,
- COL Italia confie également à 90 Tour Italia l'exclusivité mondiale de l'organisation:
- des différents forfaits touristiques en relation avec la Coupe du monde de football 1990 ainsi que des éventuels services liés à la Coupe au cours de la période 1987-1990,
- d'un réseau approprié de distribution de ces services tant en Italie que dans le reste du monde,
- COL Italia concède à 90 Tour Italia l'exclusivité mondiale de la délivrance des billets d'entrée dans les stades utilisables dans le cadre de forfaits touristiques et lui assure la disposition d'un nombre de billets au moins égal à 30 % de la capacité des stades,
- à titre de rémunération pour la concession des droits mentionnés ci-dessus, 90 Tour Italia versera à COL Italia un pourcentage sur le chiffre d'affaires réalisé en exécution du présent contrat durant toute sa période de validité, qui sera égal à 0,5 % du chiffre d'affaires brut, ou 700 millions de lires italiennes, le plus élevé des deux montants étant retenu,
- dans l'exercice de ses attributions, 90 Tour Italia est autorisée à se présenter comme le mandataire exclusif de COL Italia dans le domaine du tourisme et peut utiliser l'appellation « tour operator de COL Italia »,
- CIT et Italia Tour sont solidairement responsables avec 90 Tour vis-à-vis de COL Italia,
- le contrat était valable jusqu'au 31 décembre 1990.
(31) Un second contrat a été conclu le 11 février 1988 entre COL Italia et 90 Tour Italia, avec le contreseing des présidents de CIT et d'Italia Tour.
Ce contrat rappelle que CIT et Italia Tour se sont déclarées disposées à fournir à COL Italia l'ensemble des services touristiques dont COL Italia aurait besoin dans le cadre de la Coupe du monde, ainsi qu'à établir des forfaits touristiques comprenant des billets d'entrée aux différentes épreuves de cette manifestation, forfaits qui seraient commercialisés en exclusivité dans le monde entier.
Le contrat reprend ensuite les dispositions du contrat conclu le 26 juin 1987 entre, d'une part, COL Italia et, d'autre part, CIT et Italia Tour, notamment en ce qui concerne:
- la fourniture par 90 Tour Italia des services touristiques, hôteliers et de transports à COL Italia,
- l'exclusivité mondiale de la délivrance des billets utilisables dans le cadre de forfaits touristiques concédée à 90 Tour Italia par COL Italia,
- l'exclusivité mondiale de 90 Tour Italia pour acquérir, en exclusivité pour le secteur des forfaits touristiques, tout ou partie des billets encore disponibles lorsque COL Italia aura rempli ses autres engagements. La durée de validité de ce contrat est fixée jusqu'au 31 décembre 1990.
(32) Aux fins de commercialiser ses forfaits touristiques, la société 90 Tour Italia a conclu des contrats avec des agences de voyages dans les différents États.
S'agissant des États membres de la Communauté, 90 Tour Italia a conclu un contrat avec une seule agence pour l'Irlande et une autre pour la Belgique et le Luxembourg. Dans les autres États membres, des contrats ont été conclus avec plusieurs agences.
(33) Dans tous les cas, les agences agréées par 90 Tour Italia s'engageaient à ne revendre les forfaits au détail que sur leur territoire. Les agences pouvaient éventuellement revendre les forfaits en gros, mais uniquement à:
- des agences de vente au détail installées sur leur territoire et qui s'engageaient à revendre les forfaits au détail
ou
- des agences de vente en gros installées sur leur territoire et qui s'engageaient à revendre les forfaits à des agences de vente au détail elles-mêmes installées dans le territoire défini.
(34) Les agences agréées ne pouvaient en aucun cas revendre les billets d'entrée aux matches séparément des forfaits.
(35) Les contrats en cause ont porté sur un total d'environ 540 000 billets à incorporer dans les forfaits touristiques.
Les prix de ces forfaits différaient sensiblement selon les prestations proposées: durée du séjour, type d'hébergement, mode de transport, éloignement, type de restauration, . . .
À titre d'exemple, le prix des forfaits vendus en Belgique par l'agence agréée par 90 Tour Italia se situait entre 143 et 840 écus.
H. La question de la sécurité
(36) L'organisation de la Coupe du monde de football soulève des problèmes de sécurité qu'il convient de prendre en compte. Ces problèmes ont été exposés dans le cadre de la procédure par le sostituto procuratore della Repubblica italiana (substitut du procureur de la République italienne) chargé de coordonner l'organisation de la sécurité lors de cette manifestation sportive, ainsi que par les représentants de COL Italia, et peuvent être résumés comme suit.
(37) Le problème essentiel pour les organisateurs était de faire en sorte que des groupes de supporters opposés ne puissent pas se trouver en contact et s'affronter dans les stades ou aux abords des stades. Il était en conséquence nécessaire, au sein des stades, d'assurer une répartition des spectateurs par nationalité.
(38) Pour ce faire, les organisateurs ont effectué des travaux dans les stades permettant notamment à tous les spectateurs d'être assis.
(39) D'autre part, un système informatisé central géré par la BNL et permettant de connaître la nationalité de tous les spectateurs et d'attribuer les places à chacun en fonction de sa nationalité a été créé. L'achat des billets distribués par la BNL et ses agents était subordonné à la présentation d'une pièce d'identité et ces informations étaient transmises à l'ordinateur central de la BNL.
(40) En ce qui concerne les forfaits touristiques, la procédure était identique; chaque acquéreur d'un forfait devait justifier de son identité qui était transmise à l'ordinateur de la BNL via un sous-système informatique géré par 90 Tour Italia. Chaque acquéreur de forfait recevait ainsi un billet correspondant à sa nationalité.
(41) Cette organisation laissait toujours la possibilité pour un supporter isolé d'acheter un billet qui ne lui était pas destiné, notamment sur le marché noir.
Toutefois, selon les organisateurs, de telles pratiques limitées ne présentaient que peu de risques au regard de la sécurité. Le principal problème était la constitution de « groupes » de supporters placés à proximité ou éventuellement au milieu de supporters hostiles.
(42) Selon les organisateurs, il convenait en conséquence de faire en sorte que des agences de voyages indépendantes non contrôlées par COL Italia ne puissent pas acquérir des billets. Celles-ci auraient pu revendre ces billets, soit en l'état, soit dans des forfaits touristiques, à des supporters d'une nationalité autre que celle à qui ils étaient destinés, et mettre ainsi en péril la sécurité des spectateurs.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. La notion d'entreprise
(43) Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que constitue une entreprise au sens de l'article 85 du traité toute entité exerçant des activités de nature économique, indépendamment de sa forme juridique [voir notamment arrêt du 12 décembre 1974 dans l'affaire 36/74 (Walrave/UCI) (1) et arrêt du 23 avril 1991 dans l'affaire C-41/90 (Hoefner et Elser/Macroton) (2)].
Constitue d'autre part une activité de nature économique toute activité, même en dehors de la recherche de bénéfices, qui participe aux échanges économiques [voir notamment arrêt du 20 mars 1985 dans l'affaire 41/83 (Italie/Commission) (British Telecommunications) (3)].
(44) Quant à la nature commerciale de la Coupe du monde de football
La Coupe du monde de football est incontestablement une manifestation sportive de grande ampleur.
Toutefois cette manifestation sportive comporte également des activités de nature économique, notamment en ce qui concerne:
- la vente de 2 700 000 billets d'entrée aux matches dont plus de 20 % à l'intérieur de forfaits touristiques incluant des prestations hôtelières, des transports et des visites touristiques,
- la conclusion de contrats de publicité sur les panneaux situés dans les stades,
- l'exploitation commerciale des emblèmes de la FIFA, de la Coupe du monde, du trophée du fair-play de la FIFA et de la mascotte de la Coupe du monde,
- l'exploitation commerciale par l'organisateur local d'un emblème spécifique pour la Coupe du monde 1990,
- la conclusion de contrats de retransmission avec les sociétés de télévision.
(45) La valeur économique de la Coupe du monde est d'ailleurs reconnue à l'article 3-4 du « Cahier des charges destiné à la fédération organisatrice » établi par la FIFA.
(46) Cette valeur économique a également été reconnue par les représentants de la FIFA lors de l'audition (procès-verbal d'audition, page 126).
(47) La FIFA
La FIFA est une fédération d'associations sportives et exerce à ce titre des activités sportives.
Toutefois, la FIFA exerce également des activités de nature économique, notamment en ce qui concerne:
- la conclusion de contrats relatifs à la publicité,
- l'exploitation commerciale des emblèmes de la Coupe du monde,
- la conclusion des contrats relatifs aux droits de retransmission avec les télévisions.
(48) Pour la Coupe du monde 1990, la vente des droits de publicité et de télévision par la FIFA représentait environ 65 % des recettes totales de la Coupe estimées à 220 millions de francs suisses.
(49) Il convient donc de conclure que la FIFA est une entité exerçant des activités de nature économique et constitue une entreprise au sens de l'article 85 du traité.
(50) La Federazione italiana giuco calcio (FIGC) est l'association nationale italienne de football, désignée par la FIFA pour organiser la Coupe du monde 1990.
(51) À ce titre, la FIGC était responsable de toute l'organisation de la manifestation conformément aux dispositions du règlement pour la Coupe du monde 1990, et avait notamment en charge de veiller à la transformation des stades, à la construction d'installations pour la presse, l'établissement de places de parking, . . .
(52) Pour financer ces dépenses, la FIGC disposait d'une participation au bénéfice net de la compétition et bénéficiait notamment de l'exploitation commerciale en Italie de l'emblème de la Coupe du monde 1990 créé par elle-même.
(53) La FIGC exerce donc également des activités de nature économique et constitue de ce fait une entreprise au sens de l'article 85.
(54) COL Italia
COL Italia est une entité constituée conjointement par la FIFA et la FIGC pour l'exécution de toutes les activités relatives, directement ou indirectement, à l'organisation technique et logistique de la Coupe du monde.
Les tâches de COL Italia comprenaient notamment la mise en place du plan de distribution des billets et sa réalisation.
(55) Les recettes de COL Italia provenaient d'une partie des droits de télévision, des droits de publicité, de la vente des billets, ainsi que de l'exploitation commerciale, en Italie, de l'emblème de la Coupe du monde.
(56) La concession des droits exclusifs accordés à 90 Tour Italia a notamment donné lieu à rémunération au profit de COL Italia, conformément aux dispositions de l'article 5 du contrat du 26 juin 1987.
(57) Il convient de conclure que COL Italia était une entité exerçant des activités de nature économique et constituait de ce fait une entreprise au sens de l'article 85.
(58) La Compagnia italiana turismo SpA (CIT) est une société italienne exerçant une activité d'agence de voyages. Il s'agit donc d'une entreprise au sens de l'article 85.
(59) Italia Tour SpA est une société exerçant une activité similaire à CIT, il s'agit donc également d'une entreprise au sens de l'article 85.
(60) 90 Tour Italia SpA est une société de droit italien, créée conjointement par CIT et Italia Tour pour confectionner et commercialiser des forfaits touristiques à l'occasion de la Coupe du monde 1990. Il s'agit donc d'une entreprise au sens de l'article 85.

B. Les contrats en cause
(61) Les conditions dans lesquelles 90 Tour Italia est intervenue pour commercialiser des forfaits touristiques résultent de deux contrats:
- un contrat du 26 juin 1987 conclu entre COL Italia, d'une part, et CIT et Italia Tour, d'autre part,
- un contrat du 11 février 1988 conclu entre COL Italia et 90 Tour Italia reprenant l'essentiel des dispositions du contrat susvisé.
(62) Ces deux contrats avaient une durée de validité identique, fixée au 31 décembre 1990. D'autre part, le contrat du 11 février 1988 ne comporte aucune disposition annulant ou remplaçant le contrat du 26 juin 1987.
(63) Il importe également de noter que le contrat du 11 février 1988 conclu entre COL Italia et 90 Tour Italia a été contresigné par CIT et Italia Tour qui, en vertu de l'article 8 du contrat, se sont déclarées solidairement responsables avec 90 Tour Italia vis-à-vis de COL Italia.
(64) En conséquence, contrairement aux déclarations des représentants de CIT au cours de la procédure, il ne peut être soutenu qu'un éventuel effet anticoncurrentiel du contrat entre COL Italia et 90 Tour Italia n'est pas imputable à CIT et Italia Tour. Il convient donc, dans le cadre de la présente procédure, de prendre en compte les deux contrats susvisés.
C. Sur la responsabilité de la FIFA et la FIGC
(65) Les deux contrats faisant l'objet de la présente procédure ont été conclus entre, d'une part, COL Italia et, d'autre part, 90 Tour Italia, CIT et Italia Tour. Ces contrats n'ont pas été signés par la FIFA ni par la FIGC.
(66) Il convient toutefois de prendre en compte le fait que COL Italia, bien que possédant une personnalité juridique distincte, ne disposait pas d'une réelle autonomie de comportement. Cette absence d'autonomie résulte notamment des éléments suivants:
(67) Le comité organisateur local « COL Italia » est une entité mise en place de façon conjointe par la FIGC et la FIFA, spécialement pour « l'exécution de toutes les activités relatives, directement ou indirectement, à l'organisation technique et logistique de la Coupe du monde en Italie en 1990, dans le respect des limites opératrices prescrites par le cahier des charges fixé par la FIFA et le règlement de la Coupe du monde 1990 » (article 3 du règlement du COL du 14 août 1985).
(68) L'existence de cette entité était par conséquent étroitement liée à l'organisation de la Coupe du monde 1990 et devait cesser dès la Coupe du monde 1990 terminée.
(69) Ce comité d'organisation était composé de neuf représentants de la FIGC et du président et du secrétaire général de la FIFA. Ces 11 membres réunis en session plénière possédaient tout pouvoir de décision sur l'activité du comité.
(70) Le comité exécutif restreint du COL, dont faisait partie le secrétaire général de la FIFA, ne pouvait être formé que par ses propres membres.
(71) Grâce à la présence de ses représentants au sein de l'organe de décision du COL, la FIGC et la FIFA contrôlaient directement et effectivement toute l'activité du comité, de manière conjointe, notamment en ce qui concerne la distribution des billets.
En ce domaine, COL Italia était soumis aux instructions de la FIFA et de la FIGC.
(72) De plus, conformément aux dispositions du cahier des charges, la FIFA conservait la possibilité de prendre en dernière instance toutes les décisions de principe concernant tous les points, et notamment en ce qui concerne le système de distribution des billets qui constituait un élément clef pour la réalisation de la Coupe du monde.
(73) Le système de distribution des billets devait en tout état de cause être approuvé par la FIFA. Ainsi, les contrats du 26 juin 1987 entre COL Italia et CIT/Italia Tour et du 11 février 1988 entre COL Italia et 90 Tour Italia pour la distribution des billets à inclure dans les forfaits touristiques comportaient une clause suspensive qui était l'approbation de la politique de vente des billets par la FIFA.
(74) Au total, il convient de conclure que COL Italia n'était pas en mesure de déterminer réellement de façon autonome son comportement sur le marché et que la conclusion des contrats du 26 juin 1987 et du 11 février 1988 susvisés est imputable conjointement à COL Italia, à la FIGC et à la FIFA.
D. La notion d'accord
(75) Les deux contrats du 26 juin 1987 et du 11 février 1988 constituent des accords entre entreprises au sens de l'article 85.
E. Sur la nature des contrats en cause
(76) Lors de la procédure, certaines parties ont indiqué que l'objet des contrats en cause était de charger 90 Tour Italia d'effectuer une tâche que COL Italia n'était pas en mesure de réaliser.
Il pourrait en être conclu que 90 Tour Italia est intervenue uniquement comme mandataire et que les contrats en cause échapperaient aux dispositions de l'article 85.
(77) Une telle analyse ne peut être retenue pour les raisons suivantes:
- 90 Tour Italia avait la possibilité d'acquérir auprès de COL Italia des billets d'entrée aux stades, mais ensuite elle fournissait des prestations différentes qui étaient les forfaits touristiques, dont les billets n'étaient qu'un élément; ces forfaits commercialisés aux prix et conditions fixés par 90 Tour Italia,
- 90 Tour Italia devait s'engager à acquérir et a acquis effectivement un nombre important de billets pour des matches dont l'attrait auprès des spectateurs était étroitement lié à la qualification de leur équipe, et donc aléatoire,
- 90 Tour Italia a assumé à ce titre un risque commercial élevé, ainsi que l'ont souligné les représentants de CIT lors de l'audition (procès-verbal d'audition, pages 60 et 70).
(78) Il en résulte que les fonctions de 90 Tour Italia excédaient largement celles d'un simple mandataire et que les contrats en cause sont donc visés par l'article 85.
F. L'atteinte à la concurrence
(79) L'objet de la présente décision est uniquement de constater l'atteinte à la concurrence qui résulte des deux contrats susvisés conclus entre COL Italia, 90 Tour Italia, CIT et Italia Tour.
Toutefois, pour apprécier l'objet et les effets de ces contrats au regard de l'article 85 paragraphe 1, il convient de prendre en considération le contexte dans lequel ils ont fonctionné, et notamment tout le système de distribution des billets tel que décrit ci-dessus.
(80) En vertu des deux contrats du 26 juin 1987 et du 11 février 1988, COL Italia a confié à 90 Tour Italia:
- l'exclusivité mondiale de l'organisation des différents forfaits touristiques en relation avec la Coupe du monde et de la mise en place d'un réseau approprié de distribution de ces forfaits en Italie et dans le reste du monde,
- le droit de se présenter comme le mandataire exclusif de COL Italia et d'utiliser l'appellation de « tour operator d'Italia 90 »,
- l'exclusivité mondiale de la délivrance des billets d'entrée dans les stades utilisables dans le cadre de forfaits touristiques et lui assurait la mise à disposition d'un nombre de billets au moins égal à 30 % de la capacité des stades.
(81) Ces droits exclusifs n'ont pas été concédés par COL Italia à titre gratuit, mais ont donné lieu à une rémunération de la part de 90 Tour Italia conformément aux dispositions de l'article 5 du contrat du 26 juin 1987.
(82) 90 Tour Italia a ensuite agréé des agences dans les différents États afin de vendre ses forfaits touristiques.
(83) Le résultat de ces droits exclusifs fut que 90 Tour Italia a été le seul voyagiste en mesure d'acquérir des billets d'entrée aux stades auprès de COL Italia aux fins de confectionner et de commercialiser des forfaits touristiques incluant de tels billets.
(84) Les autres voyagistes, de même que les agences de voyages, ne pouvaient pas acquérir de billets d'entrée aux stades auprès de COL ou auprès d'autres sources d'approvisionnement telles les associations sportives ou la BNL en raison des restrictions imposées à la vente de ces billets, et particulièrement l'interdiction de revente à des agences de voyages.
(85) Il en résulte que les seuls forfaits touristiques incluant des billets d'entrée aux stades disponibles sur le marché, étaient ceux confectionnés par 90 Tour Italia. Les autres voyagistes pouvaient confectionner uniquement des forfaits sans billets d'entrée aux stades.
(86) Or, il est clair que, pour les personnes désirant se rendre en Italie pour la Coupe du monde de football, il était primordial de disposer de forfaits touristiques avec billets d'entrée aux stades.
En conséquence, les voyagistes qui n'étaient pas en mesure de proposer de tels forfaits, subissaient un désavantage concurrentiel important vis-à-vis de 90 Tour Italia.
(87) L'exclusivité mondiale concédée à 90 Tour Italia a donc eu pour effet de restreindre la concurrence entre voyagistes dans la Communauté.
(88) D'autre part, les agences de voyages qui souhaitaient commercialiser des forfaits touristiques incluant des billets d'entrée aux matches ne pouvaient obtenir ces forfaits qu'auprès d'un seul voyagiste.
Or, en l'absence de l'exclusivité mondiale dont bénéficiait 90 Tour Italia, les agences de voyages auraient pu s'adresser à plusieurs voyagistes et obtenir éventuellement des conditions plus avantageuses, leur permettant de se placer dans une position concurrentielle plus favorable vis-à-vis des autres agences de voyages.
(89) En conséquence, l'exclusivité mondiale dont a bénéficié 90 Tour Italia, a également eu pour conséquence de restreindre la concurrence entre agences de voyages dans la Communauté.
(90) Au cours de la procédure, les parties ont plaidé que tout voyagiste avait la possibilité de vendre des forfaits touristiques sans billet d'entrée aux stades et de demander à ses clients d'acquérir les billets d'entrée auprès de la BNL, ou auprès des associations de football.
(91) Cette possibilité ne peut être valablement retenue. Dans une telle hypothèse, l'acquéreur d'un forfait sans billet devait en effet se rendre dans une succursale de la BNL ou chez un de ses agents pour obtenir les billets correspondant aux dates du forfait touristique. Compte tenu de ces démarches et des pertes de temps qu'elles entraînaient, il est clair que les personnes intéressées ne pouvaient que donner priorité aux agences de voyages agréées par 90 Tour Italia en mesure de vendre des forfaits avec billets.
(92) Une seconde possibilité suggérée par les parties au cours de la procédure était que les personnes intéressées pouvaient acquérir un forfait sans billet auprès d'une agence de voyages et mandater cette agence pour qu'elle achète les billets d'entrée aux stades pour leur compte.
(93) Une telle possibilité ne peut pas non plus être considérée comme une solution alternative satisfaisante.
Cette procédure aurait nécessité que, pour chaque forfait vendu, l'agence de voyages non agréée par 90 Tour Italia se rende dans une succursale ou auprès d'un agent (représentant) de la BNL, avec une pièce d'identité de l'acquéreur, pour obtenir des billets d'entrée aux stades.
Cette procédure aurait entraîné des démarches supplémentaires, et donc des coûts supplémentaires pour l'agence non agréée, et laissait toujours subsister un doute aux yeux de l'acquéreur du forfait sur les possibilités réelles d'obtenir des billets d'entrée aux stades.
Une telle procédure plaçait donc l'agence non titulaire des billets dans une situation concurrentielle défavorable vis-à-vis des agences agréées par 90 Tour Italia qui étaient les seules à pouvoir indiquer dans leurs publicités qu'elles étaient en mesure de fournir avec certitude les billets d'entrée aux stades.
(94) Il convient aussi de prendre en considération le fait que, par fax en date du 26 janvier 1990, la BNL a donné l'ordre à tous ses points de vente hors d'Italie de cesser la vente des billets d'entrée aux stades à partir du 31 janvier 1990.
(95) Il en résulte que, à partir du 1er février 1990, les voyagistes autres que 90 Tour Italia étaient dans l'impossibilité de vendre des forfaits touristiques en invitant leurs clients à acheter les billets auprès des succursales ou agents (représentants) de la BNL.
(96) Au total, les accords conclus entre, d'une part, COL Italia en tant qu'organe appartenant conjointement à la FIFA et la FIGC et, d'autre part, 90 Tour Italia, CIT et Italia Tour, en concédant à titre exclusif à 90 Tour Italia la fourniture de billets d'entrée aux stades utilisables dans des forfaits, en l'absence de sources alternatives d'approvisionnement en billets simples, ont eu pour effet de restreindre la concurrence dans la Communauté au sens de l'article 85 paragraphe 1 entre voyagistes ainsi qu'entre agences de voyages sur le marché de la vente des forfaits touristiques à l'occasion de la Coupe du monde de football 1990. Les conditions de l'article 85 paragraphe 1 sont donc remplies.
G. Règlement (CEE) n° 1983/83 de la Commission
(97) Au cours de la procédure, les parties ont précisé que les accords en cause auraient pu bénéficier du règlement (CEE) n° 1983/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive (1).
(98) Le règlement (CEE) n° 1983/83 a été adopté par la Commission en application du règlement n° 19/65/CEE du Conseil, du 2 mars 1965, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées (2).
(99) L'article 1er paragraphe 1 du règlement n° 19/65/CEE limite explicitement l'habilitation de la Commission à adopter un règlement d'exemption au seul domaine des produits.
Cette limitation résulte également du libellé de cet article qui vise les opérations dans lesquelles une partie achète un produit pour le revendre.
(100) De telles opérations d'achat et de revente ne peuvent être appliquées aux services.
(101) Il convient donc de conclure que les services sont exclus du champ d'application du règlement n° 19/65/CEE.
(102) Le règlement (CEE) n° 1983/83 ne peut donc que reprendre le même champ d'application défini comme « les accords auxquels ne participent que deux entreprises et dans lesquels une partie s'engage vis-à-vis de l'autre à ne livrer certains produits qu'à celle-ci, dans le but de la revente dans l'ensemble ou une partie définie du territoire du marché commun. »
(103) Dans sa communication relative au règlement (CEE) n° 1983/83 (1), la Commission a précisé à ce sujet au point 11 que « les accords exclusifs, relatifs non pas à la revente de produits mais à la prestation de services ne relèvent pas du champ d'application des règlements. »
(104) Les accords en cause dans le cadre de la présente procédure concernent la fourniture à titre exclusif de billets d'entrée aux stades, aux fins de confectionner des forfaits touristiques comprenant notamment le transport, l'hébergement et la restauration.
(105) Il est donc manifeste que ces accords concernent la fourniture de services et ne rentrent pas dans le champ d'application du règlement (CEE) n° 1983/83.
(106) En tout état de cause, même si les forfaits touristiques en cause avaient été considérés comme des produits au sens de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1983/83, toutes les conditions visées à l'article 3 de ce règlement pour bénéficier de l'exemption n'étaient pas remplies.
Ainsi, contrairement aux dispositions de l'article 3 point c), les utilisateurs ne pouvaient acheter dans le territoire concédé les forfaits touristiques avec billets d'entrée aux matches qu'au concessionnaire exclusif ou à ses représentants et il n'existait pas de sources alternatives d'approvisionnement à l'extérieur du territoire concédé, notamment en raison du fait que le territoire concédé était le monde entier.
(107) S'agissant de l'exclusivité dont a bénéficié 90 Tour Italia, les représentants de COL Italia ont déclaré lors de la procédure que celle-ci était une exclusivité de fait, résultant de l'absence d'autre voyagiste intéressé à conclure un contrat avec COL Italia.
(108) Cet argument ne peut être retenu pour les trois raisons suivantes:
- d'une part, si les parties ne souhaitaient pas conclure un contrat exclusif, il ne serait pas compréhensible qu'elles aient porté une telle clause dans le contrat,
- d'autre part, le premier contrat entre COL Italia et CIT/Italia Tour, signé dès le 26 juin 1987, prévoyait déjà une telle exclusivité. Dès cette date, COL Italia était donc dans l'impossibilité de conclure un contrat avec tout autre voyagiste intéressé,
- enfin , si une exclusivité n'avait pas été souhaitée par les parties, il ne serait pas compréhensible que les parties aient prévu par contrat la contrepartie financière à cette exclusivité.
H. La question de la sécurité
(109) Au cours de la procédure, les parties ont prétendu que les éventuelles restrictions de concurrence étaient justifiées par des questions de sécurité.
La séparation des spectateurs dans les stades en fonction de la nationalité et leur sécurité autour des stades, auraient nécessité qu'une seul voyagiste soit habilité à confectionner des forfaits touristiques avec billets d'entrée aux stades pour la vente au niveau mondial.
(110) Au plan juridique, les parties ont indiqué que ces restrictions de concurrence devaient être examinées au regard de l'article 36 du traité, dont les dispositions prévaudraient sur les règles de concurrence édictées à l'article 85. Les parties ont fait référence à ce sujet à l'arrêt de la Cour de justice du 18 février 1971 dans l'affaire 40/70 (Sirena/Eda) (2).
(111) S'agissant de l'application de l'article 36 du traité, la Cour de justice, dans son arrêt dans l'affaire 40/70 susmentionnée, a notamment précisé que « l'article 36, tout en relevant du chapitre concernant les restrictions quantitatives aux échanges entre États membre, s'inspire d'un principe susceptible de trouver aussi application en matière de concurrence en ce sens que, si les droits reconnus par la législation d'un État membre en matière de propriété industrielle et commerciale ne sont pas affectés dans leur existence par les articles 85 et 86 du traité, leur exercice peut cependant relever des interdictions édictées par ces dispositions » (point 5 des motifs).
(112) Il convient de déduire de cet arrêt que, comme dans le cas des règles relatives à la libre circulation des marchandises, les règles de concurrence peuvent poser des limites à l'exercice des droits de propriété industrielle. La thèse soutenue par les parties va, en revanche, dans le sens contraire, car, d'après celle-ci, l'article 36 poserait des limites à l'application des règles de concurrence.
(113) En tout état de cause, si ce principe était retenu, il conviendrait que, conformément aux dispositions de l'article 36, les pratiques en cause ne constituent pas des restrictions déguisées de concurrence et soient indispensables pour atteindre l'objectif annoncé.
(114) Dans son témoignage sur les problèmes de sécurité, le substitut du procureur de la République italienne, responsable de la coordination de la sécurité lors de la Coupe du monde, n'a pas fait mention de la nécessité d'établir une exclusivité mondiale pour la distribution des forfaits incluant des billets d'entrée aux stades.
(115) Lors de l'audition, un représentant de COL Italia a déclaré, s'agissant des forfaits, que tous les voyagistes qui étaient prêts à créer un sous-système informatique et en assurer la coordination avec celui de la BNL auraient pu être retenus. Le représentant de COL Italia a notamment déclaré que « 2, 15 ou 20 voyagistes auraient pu être retenus (procès-verbal d'audition, page 89).
(116) Il convient donc de déduire des déclarations mêmes du représentant de COL Italia que l'exclusivité mondiale conférée à 90 Tour Italia n'était pas indispensable pour assurer la sécurité de la manifestation sportive.
Il en résulte que, même si le principe de l'article 36 du traité pouvait trouver application au cas présent, l'exclusivité mondiale concédée à 90 Tour Italia était disproportionnée par rapport à l'objectif à atteindre et ne peut donc être justifiée par la préservation de la sécurité.
(117) Concernant les forfaits touristiques incluant des billets, un contrôle strict de la distribution est nécessaire. Il est particulièrement important que le voyagiste qui a confectionné ces forfaits puisse s'assurer que les agences de voyages qui les distribuent en aval respectent les conditions de distribution qu'il a imposées.
(118) Pour cette raison, la Commission estime justifié que des agences de voyages non contrôlées par les organisateurs, telle l'agence plaignante dans cette affaire, ne puissent pas acquérir des lots de billets d'entrée aux stades afin de mettre au point des forfaits touristiques qui seraient commercialisés en dehors de tout contrôle.
(119) Toutefois, la Commission estime que plusieurs voyagistes qui imposeraient les mêmes conditions de distribution aux agences de voyages agréées pour vendre leurs forfaits, pourraient intervenir concurremment sur le marché, sans mettre en péril la sécurité des spectateurs.
(120) La Commission constate que cette éventualité a été reconnue par les représentants de COL Italia lors de l'audition lorsqu'ils ont déclaré que tous les voyagistes remplissant les mêmes critères que 90 Tour Italia auraient pu être retenus.
I. Article 85 paragraphe 3
(121) Les accords en cause n'ont pas été notifiés à la Commission en vue d'une exemption sur la base de l'article 85 paragraphe 3 du traité.
(122) En tout état de cause, la Commission considère que ces accords ne remplissaient pas les conditions exigées pour l'octroi d'une telle exemption.
(123) En effet, même s'il avait été considéré que les accords pouvaient contribuer à améliorer la distribution des billets et des forfaits touristiques, la Commission est d'avis que ces accords imposaient des restrictions non indispensables pour atteindre les objectifs recherchés et, de plus, donnaient aux entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des services en cause, d'éliminer la concurrence.
J. L'affectation du commerce entre États membres
(124) Les contrats en cause concernaient la distribution exclusive à l'intérieur de la Communauté et dans le reste du monde de forfaits touristiques incluant des billets, sans possibilité de sources alternatives d'approvisionnement. Ces contrats ont donc eu pour effet l'affectation sensible du commerce entre les États membres, car, en leur absence, on aurait pu s'attendre notamment à une augmentation des échanges économiques en ce qui concerne le marché des forfaits en cause.
K. Imposition d'amendes
(125) Il convient à ce sujet de prendre en compte le fait qu'il s'agit de la première fois que la Commission intervient dans le domaine de la distribution des billets lors d'une manifestation sportive.
D'autre part, cette affaire présente une complexité certaine en raison de questions importantes de sécurité.
Enfin, l'infraction s'est éteinte avec la fin de la Coupe du monde de football 1990.
En conséquence, la Commission estime qu'il n'y a pas lieu d'imposer d'amendes aux parties aux accords.
(126) Toutefois, la Commission estime qu'une décision est nécessaire pour clarifier la position en droit et empêcher dans le futur toute infraction semblable ou similaire. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice [et notamment à l'arrêt du 2 mars 1983 dans l'affaire 7/82 (GVL/Commission) (1), la Commission a donc un intérêt légitime à constater que les contrats en cause ont enfreint l'article 85 du traité,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
La FIFA, la FIGC, COL Italia, CIT SpA, Italia Tour SpA et 90 Tour Italia SpA ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE pour ce qui concerne les dispositions des contrats du 26 juin 1987 et du 11 février 1988, conclus entre COL Italia, CIT SpA, et Italia Tour SpA d'une part, et 90 Tour Italia SpA d'autre part, qui prévoyaient la fourniture à titre exclusif au niveau mondial à 90 Tour Italia SpA de billets d'entrée aux stades aux fins de confectionner des forfaits touristiques pour la Coupe du monde 1990. Ces billets faisaient partie d'un système général de distribution de billets d'entrée aux stades mis au point et réalisé par COL Italia suivant les instructions de la FIGC et de la FIFA, après approbation par cette dernière, et qui interdisait la vente de billets pour la confection de ces forfaits, rendant impossible pour les autres voyagistes et agences de voyages de trouver des sources d'approvisionnement, autres que 90 Tour Italia SpA.
Article 2
Sont destinataires de la présente décision:
- 90 Tour Italia SpA
Via Laura Mantegazza, 75
I-Roma,
- Col Italia/Italia 90
Via Po, 36
I-00198 Roma,
- Compagnia italiana turismo SpA
Piazza della Republica, 68
I-00185 Roma,
- Fédération internationale de football association
PO Box 85
Hitzigweg, 11
CH-8030 Zurich,
- Federazione italiana gioco calcio
Via Po, 36
I-00198 Roma,
- Italia Tour SpA
Piazza Schuman, 78
I-Roma.
Fait à Bruxelles, le 27 octobre 1992. Par la Commission
Leon BRITTAN
Vice-président
(1) Recueil 1974, p. 1405.
(2) Recueil 1991, p. I-1979.
(3) Recueil 1985, p. 873.
(1) JO n° L 173 du 30. 6. 1983, p. 1.
(2) JO n° 36 du 6. 3. 1965, p. 533/65.
(1) JO n° C 101 du 13. 4. 1984, p. 2.
(2) Recueil 1971, p. 69.
(1) Recueil 1983, p. 483.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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