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Document 388D0468

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


388D0468
88/468/CEE: Décision de la Commission du 29 mars 1988 relative aux aides accordées par le gouvernement français à une entreprise de machines agricoles à Saint- Dizier, Angers et Croix (International Harvester/Tenneco) (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 229 du 18/08/1988 p. 0037 - 0042



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 29 mars 1988
relative aux aides accordées par le gouvernement français à une entreprise de machines agricoles à Saint-Dizier, Angers et Croix
(International Harvester/Tenneco)
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(88/468/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations conformément audit article 93, et eu égard à ces observations,
considérant ce qui suit:
I
À la suite de demandes répétées de la Commission, le gouvernement français a tardivement informé celle-ci, par lettres des 3 octobre 1985 et 30 janvier 1986, d'un soutien financier accordé à une entreprise française de machines agricoles, qui détient le troisième rang sur le marché français.
Les mesures, destinées à financer un programme de restructuration de l'entreprise bénéficiaire et accordées en 1985 et en 1986, ont pris les formes suivantes:
- subvention de 40 millions de francs français versée en 1985,
- prêt participatif de 135 millions de francs français versé pour moitié en 1985 et pour l'autre moitié en 1986 et consenti pour une durée de quinze ans avec un différé de trois ans; le taux évolue en fonction de la marge brute d'autofinancement (MBA) de l'entreprise avec un plafond fixé à 14 %.
La Commission a considéré que ces aides relèvent de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE et a estimé, sur la base des informations à sa disposition et de celles qui lui ont été transmises par les autorités françaises, qu'elles ne semblaient pas répondre aux conditions de l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE pour pouvoir bénéficier d'une des dérogations y énoncées. Elle a dès lors ouvert la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 à l'encontre de ces aides.
Par lettre du 3 mars 1986, elle a mis le gouvernement français en demeure de présenter ses observations. Les autres États membres en ont été informés le 20 mai 1986 et les tiers intéressés le 27 mai 1986.
II
Le gouvernement français a présenté ses observations dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE, par lettre du 27 août 1986.
Selon les autorités françaises, la subvention constitue un crédit exceptionnel compte tenu de l'intérêt social et régional afin d'éviter une perturbation grave pour l'emploi dans les zones concernées en cas de non-reprise par Tenneco de la filiale française d'International Harvester.
Dans leurs premières observations, les autorités françaises avaient fait valoir que l'avenir de l'unité française d'International Harvester, qui dispose de sites de production à Angers, Saint-Dizier et Croix, était en cause depuis plusieurs années parce que la maison mère américaine connaissait de graves difficultés et privilégiait d'autres activités au détriment du matériel agricole lourd, domaine où l'industrie mondiale fait face à une dépression généralisée et durable des marchés. Selon les informations transmises, les aides en question sont destinées à financer une restructuration des activités de l'entreprise bénéficiaire, comportant initialement la suppression de l'usine de moissonneuses-batteuses d'Angers (2 000 unités par an, 185 emplois), la réduction des activités de l'usine de Croix à la production de cabines (réduction de 515 à 260 emplois) et la spécialisation de l'usine de Saint-Dizier, qui était assembleur final de tracteurs, en centre de production pour les transmissions de tracteurs de gammes moyennes et hautes du groupe, avec le maintien de 1 800 emplois. Le programme d'investissement prévu s'élevant à 1,2 milliard de francs français pour les deux usines restantes (Saint-Dizier et Croix) prévu pour la période 1986-1989 permettra, au terme de cette période, d'y créer respectivement 500 et 250 emplois.
Dans le cadre de la procédure, trois autres États membres, deux administrations locales et un bureau de relations gouvernementales ainsi qu'une entreprise ont communiqué leurs observations à la Commission.
III
La subvention de 40 millions de francs français ainsi que la bonification d'intérêt et le différé d'amortissement liés au prêt participatif de 135 millions de francs français constituent des aides qui permettent à l'entreprise bénéficiaire de réaliser une série d'investissements sans devoir supporter la totalité des frais.
Le prêt participatif avec bonification d'intérêt a été consenti pour une période de quinze ans avec un différé de trois ans et à un taux établi en fonction de la MBA de l'entreprise avec un plafond de 14 %. Les éléments d'aide découlent du différé d'amortissement de trois ans et de la différence entre le taux d'intérêt du crédit participatif effectivement payé par l'entreprise et le taux d'intérêt de marché de référence pour la France, c'est-à-dire le taux d'intérêt pour les crédits à l'équipement pratiqué par le Crédit national. Pendant la période relative à l'octroi des aides en cause (1985 et 1986), ce taux de référence a varié entre 14 % et 9,25 %. En considérant les résultats fortement négatifs des dernières années ainsi que les difficultés actuelles du secteur des machines agricoles, il est à supposer que la marge brute d'autofinancement de l'entreprise en question a été et sera au moins pendant les prochaines années faible et qu'ainsi le taux d'intérêt à supporter sera inférieur au taux du marché.
L'aide découlant du crédit participatif est caractérisée par l'incertitude, voire l'impossibilité de déterminer la bonification de l'intérêt et donc l'importance de l'aide elle-même. Ce manque de transparence contribue à rendre l'aide en cause incompatible avec le marché commun et rend en même temps impossible d'envisager l'application d'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.
Afin d'éliminer ces lacunes, la Commission a, par télex du 23 octobre 1985 et lettres des 3 décembre 1985 et 3 mars 1986, invité à trois reprises le gouvernement français à préciser les conditions du prêt participatif. Les autorités françaises se sont bornées à communiquer que l'intérêt du prêt participatif évolue en fonction de la marge brute d'autofinancement future du bénéficiaire avec un plafond fixé à 14 %, mais la relation entre le volume de la marge d'autofinancement et le taux d'intérêt pris en charge n'a pas été précisée.
Ainsi, le manque de connaissance de la date de l'octroi du prêt en question et des marges brutes d'autofinancement ainsi que la relation entre la marge brute d'autofinancement et l'intérêt effectivement payé par l'entreprise ne permettent pas à la Commission de calculer ni d'estimer l'élément d'aide du prêt participatif en question.
Dans cette situation, qui est déterminée par le manque de coopération de la part du gouvernement français, la Commission se voit néanmoins obligée de clore la présente procédure en arrêtant sa décision sur la base des renseignements dont elle dispose [voir dans ce sens l'arrêt de la Cour de justice, du 10 juillet 1986, dans l'affaire 234-84 (Meura)].
Cette circonstance, ainsi que la complexité de l'aide en cause, explique le délai d'instruction et donc la durée de l'enquête administrative menée au terme de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE.
IV
Toutes ces aides devaient être notifiées à la Commission, comme le prévoit l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. Le gouvernement français ayant omis de le faire en temps utile, la Commission n'a pu se prononcer sur les mesures avant leur exécution. Les aides étaient donc illicites au regard des dispositions du droit communautaire régissant leur octroi. La situation créée par le non-respect de ces obligations est d'autant plus grave que les aides ont déjà été versées à l'entreprise bénéficiaire. En outre, la moitié du prêt participatif de 135 millions de francs français a été accordée après l'ouverture de la procédure prévue par l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE. De ce fait, toutes les aides sont à considérer comme illicites au regard du droit communautaire. À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu du caractère impératif et d'ordre public des règles de procédure fixées par l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE [voir arrêt de la Cour de justice, du 19 juin 1973, affaire 77-72 (Capolongo)], l'illégalité des aides en cause ne saurait être régularisée a posteriori. Le caractère illicite de toutes les aides en cause résulte du défaut de conformité aux règles de procédure fixées à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE.
En outre, dans les cas d'incompatibilité des aides avec le marché commun, la Commission peut faire recours aux moyens que lui offre l'arrêt de la Cour de justice, du 12 juillet 1973, dans l'affaire 70-72 (Kohlegesetz), et obliger les États membres à supprimer l'aide par voie de récupération auprès des bénéficiaires.
V
De plus, les aides en question sont incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.
Le marché du machinisme agricole de la Communauté est caractérisé par des échanges intracommunautaires importants qui représentent 28 % de la production communautaire. Par ailleurs, une grande partie du marché est occupée par des entreprises multinationales (Massey-Ferguson, Case/Brown/International Harvester, John Deere, Ford) qui réalisent leur investissements dans les différents États membres dans le cadre de programme d'investissements à l'échelon mondial, et qui spécialisent - afin d'obtenir des économies d'échelle - leurs différents sites de production en certains produits ou composants de produits qui sont assemblés dans d'autres usines se trouvant souvent dans d'autres États membres.
Les échanges intracommunautaires importants dans le secteur des machines agricoles ne sont ainsi pas limités aux produits finals et aux pièces de rechange mais comprennent également des composants de machines comme les moteurs, transmission, cabines de tracteurs, etc.
De plus, il convient de constater que le marché est caractérisé par des surcapacités structurelles s'élevant à environ 50 %, se traduisant par une concurrence intense entre les différents producteurs, une pression énorme sur les prix et une réduction d'effectifs importante dans cette industrie (31 % pour la Communauté dans son ensemble et 51 % pour la Belgique, 50 % pour le Royaume-Uni, 34 % pour l'Allemagne, 29 % pour les Pays-Bas et 24 % pour la France, pour la période de 1976 à 1986).
La production communautaire de tracteurs a été réduite pendant la période de 1979 à 1985 de 10 % en France, de 21 % en Italie, de 22 % en Allemagne et de 27 % au Royaume-Uni avec une moyenne communautaire de 23 %.
L'entreprise bénéficiaire, qui avec un taux de marché de 14 % des immatriculations de tracteurs en 1985 détient le troisième rang dans le marché du machinisme agricole français, exporte 37 % de son chiffre d'affaires de 2,255 milliards de francs français, dont une part considérable vers les autres États membres.
Compte tenu des considérations qui précèdent, les aides en question sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres et de fausser la concurrence au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE, en favorisant l'entreprise concernée et la production française de machines agricoles.
Lorsque l'aide financière de l'État renforce la position de certaines entreprises par rapport à d'autres qui leur font concurrence dans la Communauté, elle doit être considérée comme affectant ces autres entreprises.
Les aides contestées faussent le jeu de la concurrence en améliorant la situation financière de l'entreprise bénéficiaire et le profit qu'elle tire de son investissement en réduisant ses autres coûts, ce que lui confère un avantage dans la concurrence qu'elle livre aux autres producteurs qui ont achevé ou mènent à leur propre compte des actions similaires.
VI
L'article 92 paragraphe 1 du traité CEE érige en principe l'incompatibilité avec le marché commun des aides présentant les caractéristiques qu'il énonce. En ce qui concerne les dérogations à ce principe, celles qui sont prévues à l'article 92 paragraphe 2 du traité CEE sont inapplicables en l'espèce, compte tenu de la nature et des objectifs des aides envisagées.
Aux termes de l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE, les aides susceptibles d'être considérées comme compatibles avec le marché commun doivent être appréciées dans le contexte communautaire. Pour préserver le bon fonctionnement du marché commun et tenir compte des principes énoncés à l'article 3 point f) du traité CEE, les dérogations au principe de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE énoncées au paragraphe 3 du même article doivent s'interpréter restrictivement lors de l'examen de tout régime d'aides ou de toute mesure individuelle d'aide.
En particulier, les dérogations ne peuvent être applicables que si la Commission constate que, en l'absence des aides, le libre jeu des forces du marché ne suffirait pas à lui seul à inciter leurs bénéficiaires éventuels à agir pour atteindre l'un des objectifs recherchés.
Appliquer les dérogations à des cas qui ne contribuent pas à un tel objectif, ou sans que l'aide soit nécessaire à cet effet, reviendrait à conférer des avantages aux industries ou aux entreprises de certains États membres, dont la position financière se trouverait renforcée artificiellement, et à affecter les conditions des échanges entre États membres et à fausser la concurrence, sans aucune justification basée sur l'intérêt commun évoqué à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.
Le gouvernement français n'a pu fournir, et la Commission déceler, aucun motif permettant de ranger les aides en question dans l'une des catégories de dérogations visées à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.
Compte tenu de ce qui précède, les aides en question ne relèvent pas de l'une des catégories de dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE.
Pour ce qui est des dérogations énoncées à l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité CEE, il est manifeste que les aides en cause ne sont pas destinées à soutenir un projet d'intérêt européen commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Les aides spécifiques en faveur d'une unique société du secteur du machinisme agricole ne sont pas propres à remédier aux types de situations décrites à l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité CEE. Le gouvernement français n'a d'ailleurs pas invoqué de motifs de cet ordre pour justifier les aides en question. Eu égard aux dispositions des points a) et c) du paragraphe 3 de l'article 92 du traité CEE, concernant les aides destinées à favoriser le développement de certaines régions, il y a lieu de considérer que les régions où ont eu et auront lieu les investissements (Haute-Marne et Nord, l'usine à Angers, Maine-et-Loire, étant fermée) ne souffrent pas d'un niveau de vie anormalement bas ou d'un grave sous-emploi au sens de la dérogation visée au point a). Les régions en question ne font d'ailleurs pas partie des régions bénéficiant de cette dérogation.
Les aides ne remplissent pas non plus les conditions énoncées à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE. En effet, il convient de constater que, des trois sites de production cités, seul celui d'Angers (185 emplois), supprimé dans le cadre du programme d'investissements, se trouve dans une zone qui peut bénéficier d'aide à finalité régionale. En outre, ni la subvention de 40 millions de francs français ni le prêt participatif bonifié de 135 millions de francs français proviennent d'un régime d'aide à finalité régionale. L'aide en question n'est pas destinée à faciliter le développement de certaines régions économiques au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE. De plus, en considérant la situation actuelle ainsi que les perspectives du marché de machines agricoles, il est à constater que l'octroi des aides en question fausse la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Par conséquence, les aides en question ne peuvent pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE, volet régional.
Enfin, en ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE, en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, il y a lieu de considérer que les aides en question bien que facilitant le développement de l'entreprise en cause ne facilitent pas le développement de ce secteur au niveau communautaire et ont une influence contraire à l'intérêt commun sur les échanges intracommunautaires.
Le marché communautaire de machines agricoles est caractérisé par une surcapacité d'environ 50 % due principalement à une forte diminution de ventes pendant les dix dernières années. Ainsi les ventes de petits et moyens tracteurs ont diminué de 23 % entre 1979 et 1984.
La crise dans le secteur des machines agricoles a provoqué une très forte pression à la baisse des prix, menant à l'octroi de rabais importants par les différents producteurs et réduisant ainsi la marge bénéficiaire déjà faible.
En 1984, la Commission a jugé une proposition d'aide italienne en faveur d'une entreprise de moteurs et de tracteurs agricoles sous forme d'une bonification d'intérêt comme incompatible avec le traité au terme de l'article 92 du traité CEE en raison de l'augmentation de capacité de production causée par l'investissement à aider [décision 84/364/CEE de la Commission (1).
International Harvester/Tenneco est une entreprise multinationale (un des 50 premiers groupes mondiaux avec un chiffre d'affaires de 130 milliards de francs français et un résultat net de 5,5 milliards de francs français en 1984) produisant des machines agricoles et/ou des composants aux États-Unis d'Amérique et - à l'intérieur de la Communauté - en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, dans plusieurs sites.
Avant l'achat des activités de International Harvester en Europe, Tenneco produisait déjà des machines agricoles au Royaume-Uni par sa filiale J.I. Case dans deux usines (Leigh et Meltham). Avec la reprise des activités françaises (sites de Croix, Angers et Saint-Dizier), anglaises (site de Doncaster) et allemandes (site de Neuss) de International Harvester, Tenneco n'a pas seulement repris les taux de marché et les capacités de son concurrent, mais également les systèmes de distribution dans des marchés où Tenneco n'était représenté que d'une manière relativement faible.
En Europe, Tenneco produit des machines agricoles dans différentes usines situées en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. Les mesures prises par Tenneco en France (l'abandon de la fabrication de moissonneuses-batteuses, la spécialisation des autres sites) s'inscrivent dans un programme d'investissement réalisé au niveau mondial destiné à la modernisation ainsi qu'à l'adaptation des capacités de Tenneco à la situation des marchés mondiaux.
La réorganisation de la production réalisée dans le cadre du programme d'investissement mondial de Tenneco avec la spécialisation de sites de production en composants et/ou en certains produits et l'exportation de composants vers d'autres sites pour l'assemblage final complique l'évaluation des conséquences sur le marché communautaire de machines agricoles.
La décision des autorités françaises d'octroyer des aides n'a probablement pas d'influence sur le volume global et les objectifs de ce programme. Par contre, comme il est démontré plus loin, les aides en question influencent la décision sur la répartition géographique des investissements, de la spécialisation et de la fermeture de sites de production. Les mesures d'aides jouent ainsi au détriment aussi bien d'autres filiales communautaires de Tenneco que de toute entreprise de machines agricoles dans la Communauté.
L'octroi des aides a incité Tenneco à reprendre International Harvester France et a empêché une réduction de capacité plus importante en France. Par contre, Tenneco a décidé d'arrêter la production de tracteurs dans son entreprise à Meltham/Huddersfield au Royaume-Uni en 1988 et de réduire son activité à la production de composants, et de fermer le site de production de composants de Leigh/Manchester, entraînant une perte d'environ 1 000 emplois.
La seule réduction de capacité réelle communiquée par les autorités françaises constitue la fermeture de l'usine d'Angers (185 emplois, capacité 2 000 unités par an) parce qu'elle ne présente pas la taille minimale estimée comme nécessaire par Tenneco afin de faire face aux principaux concurrents européens De plus, les réductions de capacité communiquées concernent surtout des capacités peu utilisées et n'ont par conséquent qu'un effet très limité sur le marché.
Les réductions de capacité effectuées par Tenneco sont uniquement dues à l'évolution récente du marché, puisque la demande a diminué dans des proportions considérables, de telle sorte que dans toute la Communauté les entreprises ont dû s'adapter à cette situation nouvelle.
La spécialisation des autres sites dans la production de modules de tracteurs qui sont exportés en grande partie vers les lieux de production situés dans les autres États membres pour l'assemblage final est même liée à une augmentation de capacité. En effet, à part l'abandon de la production de moissonneuses-batteuses et la spécialisation de la production des autres sites entraînant une perte de 440 emplois, le programme d'investissement aidé de 1,2 milliard de francs français comporte la création de 750 emplois dans une industrie caractérisée par des surcapacités très élevées (environ 50 %) et des échanges intracommunautaires importants. Cette augmentation nette de 310 travailleurs chez Tenneco France, liée à une augmentation de la productivité à travers le programme d'investissements de rationalisation et de spécialisation, conduit nécessairement à une augmentation de la production dans cette entreprise. Il est à noter que cet investissement a été - grâce à l'octroi des aides en question - réalisé en France et non dans l'un des autres États membres dans lesquels Tenneco possède des sites de production. Les aides en question mettent ainsi le bénéficiaire en état d'accroître ses capacités de production dans un marché souffrant fortement de surcapacité.
En considérant la situation très difficile du marché des machines agricoles, pour lequel une stabilisation n'est pas attendue avant les années 1990, il convient de constater qu'accepter la subvention de 40 millions de francs français ainsi que la bonification d'intérêt et le différé d'amortissement liés au prêt participatif de 135 millions de francs français en faveur d'International Harvester France reviendrait à infliger à ses concurrents un désavantage pouvant se matérialiser sous la forme d'une régression non justifiée de leurs ventes et/ou de les contraindre à se retirer du marché.
La gravité et la durée de la crise que traverse actuellement le secteur des machines agricoles dans la Communauté ont contraint d'autres entreprises à de très gros efforts d'ajustement sans aucune aide d'État, malgré les difficultés financières que beaucoup d'entre elles ont connues et les problèmes que leur a posés la réduction de leurs effectifs qu'exigeaient des mesures de restructuration draconiennes.
En considérant la situation financière de la société mère et son propre intérêt à réaliser le programme d'investissements prévu, il est à supposer que les forces du marché devraient être suffisantes et que les investissements auront également lieu sans l'octroi d'aides.
Par conséquent, les aides en question ne peuvent être considérées comme contribuant à une évolution susceptible de contrebalancer, sous l'angle communautaire, leurs effets de distorsion sur les échanges.
En conclusion, les aides en question sont illicites, le gouvernement français n'ayant pas rempli ses obligations au titre de l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. En outre, elles ne répondent pas aux conditions requises pour bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité CEE.
De ce fait, les aides en cause doivent être supprimées par voie de récupération. En ce qui concerne plus particulièrement le prêt participatif, la Commission n'a pas été mise en mesure de quantifier l'élément d'aide à récupérer pour les raisons indiquées dans la partie III de la motivation de la présente décision. Pour cette raison, en prenant les mesures d'exécution pour se conformer à la présente décision, le gouvernement français est tenu de déterminer lui-même le montant de l'aide à récupérer sur la base des modalités fixées par la Commission; le montant de l'aide sera égal à la différence entre le taux du prêt à l'équipement pratiqué par le Crédit national à la date de l'octroi du prêt participatif en cause et le taux d'intérêt effectivement payé par l'enteprise International Harvester/Tenneco France jusqu'à la date d'adoption de la présente décision; ces mesures doivent être communiquées à la Commission dans un délai de deux mois afin de vérifier leur conformité à la présente décision,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les aides accordées par le gouvernement français en 1985 et 1986 à International Harvester/Tenneco France sous la forme d'une subvention de 40 millions de francs français, d'une bonification d'intérêt d'un prêt participatif de 135 millions de francs français égale à la différence entre le taux d'intérêt du marché et l'intérêt effectivement payé par l'entreprise ainsi que d'un différé d'amortissement du prêt participatif pendant trois ans sont illégales pour violation des règles de procédure prévues à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. Ces aides sont en outre incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE. Article 2
Le gouvernement français est tenu de supprimer par voie de récupération les aides visées à l'article 1er.
Article 3
Le gouvernement français informe la Commission au plus tard deux mois après la date de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.
Article 4
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 29 mars 1988.
Par la Commission
Peter SUTHERLAND
Membre de la Commission
(1) JO no L 192 du 20. 7. 1984, p. 35.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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