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Document 385D0561
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385D0561
85/561/CEE: Décision de la Commission du 13 décembre 1985 relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/30.017 - Droit d'obtention: roses) (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 369 du 31/12/1985 p. 0009 - 0018
Texte:
DÉCISION DE LA COMMISSION du 13 décembre 1985 relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/30.017 Droit d'obtention: roses) (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (85/561/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,vu le traité instituant la Communauté économique euro- péenne,vu le règlement N° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 2, 3 et 4,vu la plainte adressée par M. René Royon à la Commission le 31 janvier 1980, conformément à l'article 3 paragraphe 1 du règlement N° 17,vu la décision de la Commission d'ouvrir la procédure le 9 décembre 1983,vu la demande d'attestation négative et la notification présentées le 27 avril 1985 par M. Alain Meilland, conformément à l'article 4 du règlement N° 17,après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire valoir leur point de vue au sujet des griefs retenus contre elles, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement N° 17 et aux dispositions du règlement N° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement N° 17 du Conseil (2),vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,considérant ce qui suit:I. LES FAITSA. Les parties concernées(1)Les parties concernées dans la présente affaire ont leur activité principale dans le secteur économique des plantes ornementales; elles sont spécialisées dans l'espèce «rose» qui constitue un marché particulier.(2)La société en nom collectif Meilland et Cie, à Antibes, assure l'exploitation dans tous pays de variétés de rosiers qui sont éditées et diffusées sous le nom Sélection Meilland.Les partenaires sociaux en sont:- M. Alain Meilland,- Mme Marie-Louise Paolino, veuve Francis Meilland,- M. Raymond Richardier.
Les activités de cette entreprise comprennent à la fois l'obtention de nouvelles variétés de rosiers, la production des plants, l'exploitation de ces plants (exploitation dite «jardin») ou des fleurs (exploitation «fleur coupée») et leur distribution en gros et au détail par la constitution d'un réseau de licenciés et sous-licenciés développé à l'échelle internationale.La société à responsabilité limitée Universal Plants, au Cannet des Maures, est spécialisée plus particulièrement dans la production de ces plants de rosiers. Elle est également l'obtenteur d'un certain nombre de variétés ou détenteur des droits pour leur exploitation. Les partenaires sociaux en sont:- M. Alain Meilland,- M. Raymond Richardier,- Mme Marie-Louise Paolino, précitée, en est la gérante.Ces deux entreprises agissent sous le nom Universal Rose Sélection-Meilland (URS-M, ci-après «Meilland»).Par l'importance économique qualitative et quantitative de ses variétés, offertes dans de nombreux pays, et notamment sur les deux principaux marchés de la plante ornementale, à savoir l'Amérique du Nord et l'Europe, Meilland compte depuis les trente dernières années parmi les principaux obtenteurs et producteurs mondiaux de roses. Son chiffre d'affaires, qui s'élève actuellement à environ 12 millions d'Écus, est réalisé pour les deux tiers dans les pays de la Communauté; il comprend à la fois les ventes de sa propre production et les redevances perçues sur l'exploitation de ses variétés par des tiers.(3)En France, Meilland a concédé l'exploitation commerciale de ses variétés à M. et Mme Francisque Richardier (ci-après «Richardier») qui sont unis à M. Raymond Richardier par des liens familiaux. Ceux-ci sont autorisés à titre exclusif à produire et vendre, ou faire produire et vendre, dans ce pays les rosiers et les fleurs coupées des variétés Sélection Meilland, en application d'un contrat qu'ils ont conclu avec Meilland le 30 septembre 1968. Ils agissent à ce titre sous le nom Universal Rose Sélection-France (URS-F), à Tassin-la-Demi-Lune, en qualité de licencié général, et concèdent des sous-licences aux horticulteurs et pépiniéristes français désirant exploiter ces variétés. (4)M. R. Royon, alors qu'il était employé par Meilland en tant que directeur chargé de fonctions d'adminis- tration et de gestion, et compétent notamment pour la diffusion internationale des variétés Sélection Meilland, était lui-même devenu en 1971, parallèlement et à titre indépendant et en accord avec Meilland, l'un des sous-licenciés de Richardier. À ce titre, il produisait sous serre, dans son entreprise «Les Roses du Capitou», à Antibes, des fleurs coupées de plants de rosiers dans des variétés Sélection Meilland parmi lesquelles la variété Sonia. En 1983, M. Royon a mis fin à cette exploitation en cédant les installations.B. Les produits et leur distribution(5)Les produits en cause, objet du contrat visé par la présente procédure, sont les rosiers et roses coupées des variétés Sweet Promise-Sonia Meilland et Pitica/Kyria, qui sont des variétés Sélection Meilland, la seconde étant une mutation naturelle de la première, découverte dans les serres de M. Royon en 1971. Les variétés Sélection Meilland, de façon générale, sont destinées soit aux horticulteurs professionnels spécialisés dans la production des fleurs coupées vendues comme telles au consommateur, soit aux particuliers amateurs de rosiers pour leur jardin. Pratiquement toutes ces variétés sont protégées, généralement par un certificat d'obtention végétale, ce qui est le cas dans tous les États membres (sauf la Grèce et le Luxembourg) et dans certains pays tiers, ou parfois par un brevet; en outre, chacune est distribuée sous une marque de fantaisie qui a fait l'objet d'un dépôt international. Environ 150 variétés Sélection Meilland étaient exploitées avec une production supérieure à 1 000 ou 2 000 pieds au mois de janvier 1980, date de la plainte; parmi elles, 24 étaient diffusées dans l'ensemble de la Communauté et dans 25 pays dans le monde pour la vente en fleur coupée, dont la variété Sonia. Parallèlement, un grand nombre d'autres variétés font l'objet d'une exploitation restreinte par Meilland, comme matériel de sélection.(6)a) En rosiers de jardin, qui sont destinés aux amateurs privés, on estime à 150 millions le nombre de pieds vendus chaque année en Europe; environ 20 millions sont de variétés protégées, représentant un chiffre d'affaires au détail d'environ 30 millions d'Écus et fournis à raison des deux tiers par quatre principaux obtenteurs les allemands Kordes et Tantau, et les français Meilland et Delbard ou leurs licenciés dans les différents pays de la Communauté.b) Pour le commerce de la fleur coupée, qui est réalisé à 90 % avec des variétés protégées, on estime à 200 millions le nombre de pieds de rosiers exploités par les rosiéristes du monde entier, les deux tiers se trouvant en Europe, où ils représentent 3 000 hectares de serres, et où 20 millions de ces pieds sont renouvelés en moyenne chaque année pour un montant d'environ 25 millions d'Écus; compte tenu des importations en provenance des pays tiers, près de 5 milliards de roses coupées sont vendues chaque année aux particuliers dans la Communauté, dont sensiblement la moitié dans des variétés qui sont protégées au nom de quatre principaux obtenteurs (Meilland et Kordes, à égalité d'une année à l'autre, puis l'américain Hill et le néerlandais De Ruiter).(7)En règle générale, les variétés en exploitation sont des «créations», en ce sens qu'elles sont issues d'un effort de recherche à partir d'au moins deux variétés pré- existantes, par croisements plus ou moins systématiques dans le cadre d'activités de sélection créatrice. Dans les établissements des obtenteurs, comme d'ailleurs dans la nature, les «choix» de croisement peuvent aussi se faire empiriquement par des facteurs naturels comme le vent ou les insectes. Cependant, certaines variétés sont le résultat de mutations. On distingue la «mutation naturelle», qui est apparue de façon spontanée, de la «mutation provoquée» artificiellement par application de procédés scientifiques plus ou moins aléatoires.La mutation est matérialisée par un rameau, qui est désigné communément par les mots «mutation» ou «sport», apparu sur un pied d'une variété préexistante dite «variété mère». Des boutures prélevées sur ce premier rameau permettent de le multiplier à l'infini par greffage en conservant ses caractéristiques. Une mutation naturelle intéressante au plan commercial est un phénomène relativement rare, qui, en outre, ne peut généralement être observé en connaissance de cause que par l'oeil exercé d'un praticien. Pour être admise à bénéficier d'une protection légale en tant qu'«obtention végétale», en France et dans les pays qui se sont dotés d'un système de protection dérivé de la convention UPOV (convention internationale pour la protection des obtentions végétales, établie à Paris le 2 décembre 1961), la mutation doit subir, comme toute variété nouvelle, les examens préalables destinés à confirmer qu'elle présente les caractéristiques requises au titre de la législation. Tant dans le cas des mutations que dans le cas des variétés issues de travaux de sélection, cela se fait au prix d'une suite d'examens qui s'étendent sur plusieurs cycles végétatifs et dont l'issue est différée et aléatoire; l'opportunité d'engager les frais correspondants est donc aussi affaire d'appréciation qui présuppose expérience et connaissances, notamment du marché potentiel.(8)Dans le cas particulier où, comme pour la variété Pitica/Kyria, une mutation naturelle a été découverte par un tiers sur un pied d'une variété mère qui se trouve déjà protégée elle-même au nom d'un premier obtenteur, le problème se pose de connaître l'étendue des droits éventuels respectifs de chacun (tiers découvreur et obtenteur initial), au titre de la loi, sur la variété nouvelle issue de cette mutation. Dans le domaine des espèces végétales, cette question de principe revêt une importance économique considérable, particulièrement en matière horticole et florale où toute variété nouvelle (qu'il s'agisse d'une mutation ou d'une création) peut à elle seule représenter du jour au lendemain un succès et une part de marché aussi considérables que, par exemple, la rose Baccara à son époque ou la rose Sonia encore actuellement. Les rapports entre, d'une part, l'obtenteur de la variété mère qui a muté naturellement ou de la variété qui a été employée comme source initiale de variation et, d'autre part, le tiers qui a découvert ou qui a créé la variété nouvelle issue de la première sont organisés par les dispositions suivantes de la loi française N° 70-489 du 11 juin 1970 relative à la protection des obtentions végétales:a) article 1er paragraphe 1:«Pour l'application de la présente loi, est appelée obtention végétale la variété végétale nouvelle, créée ou découverte.»b) article 3 paragraphe 1:«Toute obtention végétale peut faire l'objet d'un titre appelé ''certificat d'obtention végétale'', qui confère à son titulaire un droit exclusif à produire, à introduire sur le territoire où la présente loi est applicable, à vendre ou à offrir en vente tout ou partie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété considérée et des variétés qui en sont issues par hybridation lorsque leur reproduction exige l'emploi répété de la variété initiale.»c) article 23 paragraphe 2:«Sous réserve des dispositions de l'article 3, ne constitue pas une atteinte aux droits du titulaire d'un certificat d'obtention l'utilisation de la variété protégée comme source de variation initiale en vue d'obtenir une variété nouvelle.»La loi française dérive elle-même de la conven- tion UPOV dont, entre autres règles, l'article 5 paragraphe 3 dispose que:«l'autorisation de l'obtenteur n'est pas nécessaire pour l'emploi d'une variété nouvelle comme source initiale de variation en vue de la création d'autres variétés nouvelles, ni pour la commercialisation de celles-ci»et que cette autorisation est requise seulement«lorsque l'emploi répété de la variété nouvelle est nécessaire à la production commerciale d'une autre variété».Pour les besoins de la présente affaire, il suffit de constater que l'article 1er paragraphe 1 de la loi française ne distingue pas selon que la variété sur laquelle a été découverte une mutation était elle-même déjà protégée ou non au nom d'un obtenteur initial; le droit à l'obtention végétale pour la nouvelle variété Pitica/Kyria, découverte par M. Royon, revenait donc à celui-ci, sinon en exclusivité, du moins pour une partie essentielle dans le cadre d'un partage ex lege des droits attachés à cette obtention nouvelle. Sur la base de ces dispositions, Meilland a revendiqué ex lege, au cours de la procédure, non pas un droit exclusif mais une solution de type «copropriété» concernant la variété Pitica/Kyria. (9)Dans le cadre de l'exploitation des variétés Sélection Meilland en France, qui lui a été concédée, Richardier délivre librement à tous les horticulteurs et à tous les pépiniéristes qui le demandent trois types de sous- licences non exclusives, le cas échéant cumulativement, pour chaque variété que ceux-ci désirent exploiter:a) contrat dit «fleur coupée», concédant une sous- licence pour produire uniquement des fleurs coupées et les vendre en gros et au détail;b) contrat dit «pépiniériste fleur coupée», concédant une sous-licence pour produire et vendre uniquement des rosiers, destinés eux-mêmes à être vendus en gros aux horticulteurs producteurs de fleurs coupées (titulaires d'un contrat «fleur coupée»);c) contrat dit «jardin», concédant une sous-licence pour produire uniquement des rosiers et les vendre au détail et en gros à destination des amateurs privés.Du fait de l'extension du réseau de Meilland, et à raison d'un contrat par variété concédée, des milliers de tels contrats au contenu analogue ont été conclus en France avec environ neuf cents sous-licenciés de Richardier.C. Les accords concernés(10)L'accord en cause, visé par la présente procédure, est le contrat de sous-licence «fleur coupée» conclu entre URS-F (Richardier) et M. R. Royon le 28 octobre 1971 avec la clause suivante concernant les mutations:Article X: «L'utilisateur s'oblige à informer le distributeur ou son mandataire, dans le délai de quinze jours, de l'apparition de toute mutation dans les rosiers, de la variété considérée dans ce contrat, qu'il exploite pour fleur coupée. Cette mutation demeurera la propriété d'Universal Rose Sélection-Meilland et devra lui être remise par l'utilisateur, afin qu'il puisse l'étudier et juger si elle peut être commercialisée. Dans l'affirmative, Universal Rose Sélection-Meilland rétribuera l'utilisateur suivant les qualités que présentera la nouvelle variété.»À partir de l'année 1974, cette clause a été remplacée par la suivante:Article XII nouveau: «Mutations: l'utilisateur s'oblige à informer le distributeur ou son mandataire dans un délai de quinze jours de l'apparition de toute mutation dans les rosiers de la variété visée à l'article 17, qu'il exploite pour fleur coupée. Cette mutation devra être remise exclusivement par l'utilisateur au distributeur, afin qu'il puisse l'étudier et juger si elle peut faire l'objet d'un certificat d'obtention végétale et être commercialisée.Le distributeur sera tenu de faire connaître sa décision à l'utilisateur dans un délai de trois ans à compter de cette remise. Pendant cette période, l'utilisateur s'in- terdit de multiplier cette variété à des fins commerciales. S'il décide d'éditer la mutation, le distributeur devra le notifier à l'utilisateur. À défaut d'un commun accord, la récompense sera fixée à 15 % des redevances brutes pendant toute la durée d'exploitation de la nouvelle variété. Tous les frais d'expérimentation, de protection et de distribution seront à la charge du distributeur. Si le distributeur n'a pas fait connaître sa décision dans un délai de trois ans, il est réputé avoir renoncé à son droit sur la mutation et devra restituer celle-ci à l'utilisateur.»En outre, un article VIII intitulé «Garantie» a aussi été ajouté à partir de 1974 à ce contrat, avec le libellé suivant:Article VIII: «Garantie: le distributeur ne garantit que l'existence matérielle du brevet, de la demande de certificat d'obtention végétale ou du certificat d'obtention végétale. L'utilisateur s'interdit de contester la validité de ces titres. Si la demande de certificat d'obtention végétale venait à être rejetée ou si le brevet ou le certificat d'obtention végétale délivré venaient à être annulés à la demande d'un tiers, le contrat serait résilié à compter du jour où ces décisions auraient acquis l'autorité de la chose jugée et ce sans indemnité de part ni d'autre. Les redevances versées au distributeur resteront acquises et les redevances échues jusqu'à la date de la décision définitive devront être acquittées. Aucune redevance ne sera plus due par l'utilisateur à compter de cette date.»(11)Les dispositions de l'accord en cause en ce qui concerne les mutations avaient été stipulées initialement entre Richardier et M. Royon conformément à un contrat de licence de base établi le 30 septembre 1968 entre URS-M (Meilland) et URS-F (Richardier) et qui contenait lui-même la clause suivante:Article IV-(5): «Les époux Richardier devront informer URS-Meilland de la parution de toutes mutations de variétés de roses nouvelles susceptibles d'apparaître tant sur les rosiers exploités par eux que sur ceux exploités par leurs exploitants. Ces mutations demeureront la propriété d'URS-Meilland, qui appréciera souverainement l'opportunité de leur commercialisation.»Toutefois, ce contrat du 30 septembre 1968 a fait l'objet d'un avenant daté du 30 octobre 1972, qui a remplacé le texte précédent par le texte nouveau suivant:Article IV-(5) nouveau: «Les époux Richardier devront informer URS-Meilland de la parution de toute mutation de variété de rose nouvelle susceptible d'apparaître tant sur les rosiers exploités par eux que sur les rosiers exploités par leurs licenciés.»Cette modification du contrat de licence de base n'a pas entraîné, sur le point concernant les mutations, une adaptation équivalente de l'accord conclu entre Richardier et M. Royon le 28 octobre 1971.(12)Dans les autres États membres, l'exploitation des variétés Sélection Meilland est faite selon le cas par des licenciés exclusifs ou des agents de Meilland, qui distribuent des sous-licences à près de deux mille sous-licenciés. Sauf en Allemagne, ces derniers sont dans l'obligation de ne pas contester les titres de protection de l'obtenteur ainsi que de lui transférer la propriété des mutations. En ce qui concerne l'Alle- magne, le dispositif nouveau suivant concernant les mutations a été introduit dans tous les contrats conclus par Meilland et par son licencié allemand Strobel & Co. avec des sous-licenciés à partir de 1972:«1si, lors de la multiplication végétative des variétés faisant l'objet du présent contrat, le licencié découvrait des mutations (sports), il est obligé d'en avertir l'agent. Ce dernier ou un mandataire peut venir se rendre compte de la mutation dans l'entreprise du licencié et l'examiner, sans toutefois pouvoir influencer l'utilisation future de cette mutation. Le licencié, en tant qu'inventeur de cette mutation, peut se réserver le droit à la nouvelle variété issue de ce sport sauf décision contraire de la justice, conformément au paragraphe 12 deuxième alinéa de la loi sur le certificat d'obtention. Dans la mesure où le licencié a l'intention de vendre le droit lui revenant sur ce sport d'après les paragraphes 1 et 2, ou s'il désire faire licencier la mutation, l'agent conserve un droit d'option.»(13)Des milliers de contrats similaires à l'accord en cause sont conclus tant par Meilland que par les autres grands obtenteurs de roses de la Communauté. Tel est le contexte économique dans lequel se situe l'accord en cause.(14)La version modifiée en 1974 du contrat type «fleur coupée» qui avait été souscrit par M. Royon (ar- ticle XII nouveau concernant les mutations, précité, et article VIII intitulé «Garantie» concernant la clause de non-contestation, également précité) a fait l'objet d'une notification avec demande d'attestation négative par Meilland, le 27 avril 1985, c'est-à-dire plus de neuf mois après l'audition orale du 4 juillet 1984.D. L'application dans le cas de Pitica/Kyria de l'article X du contrat URS-F (Richardier)/R. Royon(15)Devançant la rose Baccara, qui est tombée dans le domaine public en 1974 après avoir fourni 25 millions de pieds, la rose Sonia est celle qui a connu le plus grand succès de vente dans le monde avec environ 40 millions de pieds plantés dans 15 pays depuis sa création en 1960, précédant Visa (environ 15 millions de pieds) et très loin devant toutes les autres. En 1984, environ 40 variétés Sélection Meilland étaient exploitées en «fleur coupée». Outre les variétés précitées, 10 avaient fourni entre 1 million et 5 millions de pieds au total de toutes leurs années d'exploitation, et les autres moins de 1 million, parmi lesquelles la variété Pitica/Kyria figurait en rang moyen avec environ 500 000 pieds. Ces variétés comptaient alors, avec la Pitica, six mutations naturelles découvertes par des tiers dans leurs propres établissements, représentant au total près de 4 millions de pieds plantés en «fleur coupée» dans une dizaine de pays.(16)En 1971, M. Royon fit état de la découverte de plusieurs mutations naturelles de la variété Sonia dans son établissement des «Roses du Capitou» à Antibes. Comme le stipulait l'article X (précité) de son contrat conclu le 28 octobre 1971 avec Richardier, il envoya aussitôt des greffons à Meilland pour examen de ces mutations. Resté sans nouvelles jusqu'à la fin de 1973, il déposa le 10 décembre 1973, à titre conservatoire, une demande de certificat d'obtention sur l'une d'elles sous la dénomination variétale Pitica et en informa Meilland; dans une lettre du 7 mars 1974, il confirma tout l'intérêt qu'il attribuait à cette nouvelle variété. Meilland annonça alors son intention de faire valoir ses droits sur celle-ci, ce qui ressort notamment des termes suivants d'une lettre du 10 avril 1974 adressée à M. Royon:«Cette mutation, que vous avez référencée ''RR7'', ayant été découverte dans vos plantations de ''Sweet Promise/Sonia Meilland'' faisant l'objet du contrat de licence N° 1442-2 signé le 28 octobre 1971, entre Universal Rose Sélection-France (Monsieur Francisque Richardier) et vous-même, nous pourrions convenir de ce qui suit:1) en cas de décision positive de notre part, et au plus tard le 31 mars 1975, quant à l'édition de la variété:vous procéderez à la cession en notre faveur du titre de protection que vous avez jugé nécessaire de d'ores et déjà déposer à titre conservatoire,nous vous verserons, annuellement avant le 31 décembre de chaque année, 15 % des redevances brutes perçues pendant toute la durée d'exploitation de ladite variété en tous pays et territoires,tous les frais d'expérimentation, de protection (notamment ceux que vous avez déjà engagés) et de distribution resteront à notre charge;2) en cas de décision négative de notre part, au 31 mars 1975, concernant l'édition de la variété, nous renoncerons à notre droit sur cette mutation.»(17)Une période de tractations s'ouvrit alors, au cours de laquelle M. Royon exprima son refus de se contenter de la rémunération proposée par Meilland et son désir d'assurer lui-même la protection et l'exploitation de la rose Pitica dans tous les pays où Meilland déciderait d'abandonner son droit sur elle. Le 18 novembre 1974, soit à moins d'un mois de la date d'expiration du délai d'un an ouvert par la demande de certificat du 10 décembre 1973 pour entamer les formalités de protection dans les autres pays, Meilland annonça formellement ses intentions: protéger la variété dans tous les pays où c'était possible,demander dans ces pays une protection tant pour l'exploitation en «fleur coupée» que pour l'exploitation en «jardin»,ne pas augmenter le taux de la rémunération attribuée au découvreur par le contrat de sous- licence du 28 octobre 1971, modifié en 1974.Sur cette base fut établi le 23 novembre 1974 un contrat de cession dont les dispositions essentielles étaient les suivantes:a) par un acte séparé, M. Royon cède à Meilland (en l'occurrence à Universal Plants SARL) sa demande de certificat d'obtention en France (N° 00730) concernant la variété Pitica, ainsi que ses droits de priorité dans les autres pays et, de façon générale, tous ses droits à l'invention;b) Meilland rembourse tous les frais supportés par M. Royon pour l'inscription de Pitica et organise la protection dans tous les pays où cela est possible (notamment pays du Marché commun, Espagne, États-Unis, Suède, Maroc, Hongrie) (articles 2, 3, 4); les titres de protection qui seraient abandonnés ultérieurement par Meilland seraient alors rétrocédés gratuitement à M. Royon (article 5); Meilland attribuera à Pitica une appellation commerciale protégée dans tous les pays à titre de marque de fabrique, dont M. Royon pourra user librement (article 6); la cession par M. Royon de tous ses droits sera rémunérée par une redevance de 15 % du montant brut, avant remises, des redevances versées par les licenciés au titre de Pitica (article 7); M. Royon reste libre de produire des fleurs coupées de la variété Pitica dans son établissement des «Roses du Capitou», et les licences de multiplication déjà concédées par lui à des horticulteurs seront confirmées; cependant, toute autre exploitation sera réservée exclusivement à Meilland (articles 8, 9, 10); Meilland s'engage à donner à Pitica la plus grande diffusion possible, mais restera seul maître des décisions concernant la commercialisation; il s'engage aussi à offrir cette variété de la même façon que les autres variétés dont Universal Plants détient les droits exclusifs d'édition et de distribution (articles 11, 12); Meilland s'engage à faire tous les essais permettant de tester Pitica pour l'exploitation en «jardin», à informer M. Royon des résultats et, le cas échéant, à appliquer les dispositions du présent contrat à la mise en exploitation en jardin (article 13).(18)En juillet 1977, la rose Pitica est déclarée par Meilland impropre à l'exploitation en rosier «de jardin», sur la base des essais réalisés par lui-même ou par ses agents ou licenciés aux Pays-Bas, en Allemagne, aux États-Unis et en Israël. En août 1977, les droits de protection de la variété en Hongrie et au Maroc sont rétrocédés gratuitement à M. Royon, et la protection abandonnée purement et simplement par manque d'intérêt en Suède et au Danemark. Sa commercialisation en «fleur coupée» commence en 1978, date à laquelle lui est attribuée la marque Kyria, qui a fait l'objet d'un dépôt international au nom de Meilland. À cette époque, les plantations de Pitica/Kyria s'élèvent à 50 000 pieds réparties dans trois pays; cumulées à la fin 1980, elles atteindront 265 000 pieds pour plusieurs pays (France, Japon, États-Unis, Amérique latine, et une amorce de plantations en Italie et en Suisse). Les 500 000 pieds atteints en 1984 la situent au vingtième rang en importance si on la compare aux soixante autres variétés Meilland cultivées pour la vente en fleur coupée depuis les origines. En ce qui concerne les autres mutations découvertes par des tiers, elles ont été produites dans un nombre de pays variant de cinq (Prive) à quatre (Carinella) et trois (Carlita) et ont atteint chacune entre 500 000 et 1 000 000 de pieds au total, en fonction de l'accueil des licenciés, d'abord, et du public, ensuite. D'une façon générale, le nombre et l'importance relative des facteurs qui favorisent ou qui contrarient le succès d'une variété sur un marché demeurent hautement imprévisibles et ne sont pas toujours en rapport direct avec les décisions et les moyens mis en oeuvre par l'obtenteur et ses agents. En outre, et tout particulièrement en ce qui concerne Pitica que son coloris rose pâle intègre dans la même gamme de couleur que sa variété mère Sonia, également de couleur rose, l'exploitation de chacune d'elles au sein d'une collection de variétés est nécessairement soumise aux exigences de l'exploitation globale de cette collection.E. La plainte de M. Royon et les arguments présentés par Meilland(19)M. Royon a déposé sa plainte le 28 janvier 1980, contre l'article X de son contrat du 28 octobre 1971 avec Richardier, pour infraction aux règles de concurrence du traité CEE. Il estime que cette disposition l'a obligé à céder à Meilland ses droits sur la variété Pitica, par le contrat du 23 novembre 1974, dont le principe et les modalités, notamment de rémunération, lui ont été dictés sans discussion possible. Il estime en outre que Meilland, malgré son réseau mondial de production et de distribution, n'a pas fait en faveur de cette variété tout l'effort commercial qui était possible. Il estime que l'article X incriminé, et sa généralisation à tous les sous-licenciés utilisateurs des roses Sélection Meilland, empêche ceux-ci de s'établir comme distributeurs internationaux des roses nouvelles découvertes par eux, dans des conditions qui contrarient le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, au sens de l'article 85 para- graphe 1.La procédure qui a été ouverte le 9 décembre 1983 à la suite de cette plainte a été étendue par la Commission à la clause de non-contestation contenue dans le même contrat type de licence de URS-F (Richardier) (voir point 10 in fine: article VIII intitulé «Garantie») et qui interdit au sous-licencié de contester la validité des titres d'obtention végétale délivrés à Meilland.(20)Meilland a présenté pour sa défense les principaux arguments suivants:a) en ce qui concerne l'article X visé par la plainte, il n'aurait pas été appliqué à M. Royon puisque c'est en tant qu'employé comme directeur chez Meilland jusqu'au mois de février 1972 qu'il aurait remis à son employeur d'alors les mutations de Sonia découvertes en 1971. En outre, pour la même raison, il n'avait pas à cette date la liberté d'exercer l'activité professionnelle d'obtenteur. Enfin, il se serait lui-même placé hors du cadre du contrat qu'il incrimine, d'abord en signant le 10 décembre 1973 une demande de certificat d'obtention végétale pour une variété que Meilland n'avait pas jugé bon de retenir, puis en n'invoquant pas expressément lui-même l'article X de son contrat au cours des tractations ultérieures. Meilland n'aurait d'ailleurs jamais invoqué l'article X à l'égard de ses licenciés ou sous-licenciés; du reste, depuis 1974, l'ar- ticle XII nouveau de ses contrats reconnaît les droits du découvreur sur les mutations et confère seulement à Meilland un droit de préemption qui lui paraît tout à fait légitime. À cet égard, Meilland estime que la question d'attribuer un certificat d'obtention pour une mutation découverte sur un pied d'une variété mère déjà protégée au nom d'un premier obtenteur se pose dans des termes fondamentalement différents de la question d'attribuer un brevet pour l'amélioration d'une invention industrielle protégée; en effet, le brevet de perfectionnement supposerait une «mise en oeuvre» du brevet principal impliquant elle-même un «effort» inventif, lequel est totalement absent de la découverte inopinée d'une mutation. En l'espèce, il n'y aurait aucune raison de faire bénéficier M. Royon d'une sorte de «brevet de perfectionnement»; d'une part, le «pouvoir de mutation» serait en effet déjà compris intrinsèquement dans le capital génétique de la variété mère, ce dont le mérite reviendrait exclusivement au créateur de celle-ci; d'autre part, le rameau qui matérialise la mutation naturelle d'une rose, espèce à reproduction non sexuée, est déjà en soi une variété nouvelle qui remplit les conditions de la protection légale du fait que ses caractéristiques sont fixées d'emblée par la nature de façon à rencontrer les exigences de distinction, d'homogénéité et de stabilité prévues par la loi sans rien devoir à l'intervention du découvreur.Par ailleurs, Meilland estime que la question des droits sur la mutation n'est pas réglée expressément dans la loi française précitée relative à la protection des obtentions végétales et qu'il est normal, dans le silence de la loi, que les parties à un contrat de licence d'une obtention végétale statuent d'un commun accord à ce sujet. Dans l'ensemble, Meilland estime avoir fait les mêmes efforts de promotion commerciale pour la variété Pitica que pour les autres, compte tenu de tous les impératifs inhérents à la gestion du groupe, et même si un premier examen avait pu effectivement méconnaître, en 1971, les qualités intrinsèques de la variété nouvelle. De toute façon, le licencié découvreur n'a généralement ni les moyens ni le désir de se lancer dans l'exploitation d'une mutation, et préfère de loin la remettre au besoin spontanément à Meilland, ne serait-ce que pour profiter de la capacité mondiale de distribution de celui-ci;b) en ce qui concerne la clause de non-contestation, par le licencié, des titres d'obtention végétale détenus par Meilland, celui-ci observe préalablement que nul n'est contraint de contracter; en revanche, une fois acceptées, toutes les clauses d'un contrat doivent être observées de bonne foi par les deux parties dès lors que celles-ci ont librement échangé leur consentement, et un licencié ne doit pas pouvoir, à la fois, solliciter les avantages qu'il attend de la licence d'un droit intellectuel et se réserver la possibilité de contester ce droit en tant que tel. En premier lieu, dans le cadre d'un contrat de licence, surtout pour un homme M. Royon qui est un ancien employé et connaissait donc de l'intérieur tant le groupe que ses produits et méthodes, le licencié dispose d'informations qui le placent en situation particulièrement favorable pour susciter ou exploiter des situations impliquant matière à contestation. En second lieu, et d'une façon générale, la suppression de cette clause constituerait une prime au mauvais payeur, qui pourrait alors légalement continuer à utiliser la licence tout en s'abstenant d'en payer les redevances, du seul fait qu'il aurait ouvert une procédure de contestation: donc, avec en quelque sorte l'appui des tribunaux. Enfin, d'un point de vue pragmatique, les transactions relatives aux procès en contrefaçon deviendraient impossibles, du fait qu'elles sont fondées dans la plupart des cas sur l'engagement du contrefacteur de retirer toute demande en nullité des titres du plaignant, ce qui implique à l'évidence qu'il n'introduira plus une telle demande.Tout ce qui priverait le donneur de licence des effets positifs, ainsi exposés, de cette clause découragerait immanquablement à la longue la politique de licence ouverte telle que la pratique Meilland. Cela aboutirait à paralyser les avantages d'ordre macro-économique qu'une telle politique implique, y compris au plan de la concurrence;c) la notification présentée le 27 avril 1985 par Meilland ne contient, sur le fond, pas d'éléments nouveaux par rapport aux arguments et informations déjà présentés au cours de la procédure, et notamment à l'occasion de l'audition orale du 4 juillet 1984. II. APPRÉCIATION JURIDIQUEA. Article 85 paragraphe 1(21)Aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises et toutes décisions d'associations d'entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.(22)Les parties concernées sont des entreprises au sens de l'article 85, exerçant au moment des faits leur activité principale dans le secteur économique des fleurs ornementales, et les accords en cause sont des accords entre entreprises au sens de cet article.(23)Les deux dispositions suivantes de ces accords ont pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun:a) l'article X de l'accord en cause, conclu le 28 octobre 1971 entre URS-F (Richardier) et le sous-licencié M. Royon, obligeant celui-ci à remettre à Meilland les mutations qu'il viendrait à découvrir sur les rosiers de la variété concédée Sonia:le caractère restrictif de cette première disposition en cause réside en ce qu'elle oblige le licencié à se dessaisir en fait complètement de droits qu'il est fondé à revendiquer sur ses découvertes au titre de la loi française précitée; dès lors, le contrat qui prive M. Royon de tous droits sur les mutations et le réduit à percevoir une redevance a pour conséquence d'éliminer complètement le licencié en tant qu'offreur potentiel de mutations tant au plan national que sur les marchés des autres États membres; d'une manière générale, la portée restrictive en ce sens de cette obligation n'a pas été substantiellement modifiée par les changements introduits à ce sujet en 1974 dans les contrats types considérés (article XII nouveau) pour limiter à trois ans le délai imparti à Meilland pour exiger l'exécution de ladite obligation par tous ses licenciés ou sous-licenciés; en l'espèce, la lettre adressée le 10 avril 1974 à M. Royon par Meilland se référait expressément au droit de ce dernier sur la mutation Pitica, qui était survenue en 1971, et c'est donc en application de cette obligation contractuelle préalable qu'a été établi entre Universal Plant SARL et M. Royon le contrat du 28 octobre 1971 dont l'objet était de fixer les modalités de la cession par M. Royon de ses propres droits,les arguments présentés par Meilland pour dénier à M. Royon tout droit de propriété sur la mutation de la variété mère Sonia ne sauraient être retenus; d'une part, dans la mesure où plusieurs mutations ont été découvertes dans les serres de M. Royon dans le cadre de l'exploitation à laquelle il se livrait en vertu de la licence de production et vente concédée par Richardier, toutes ces découvertes doivent être considérées comme indépendantes de travaux de M. Royon qui auraient été liés directement à des responsabilités administratives exercées par lui dans la gestion du groupe Meilland; il n'est pas contesté entre les parties, et il est corroboré par l'existence du contrat de licence faisant l'objet de la présente procédure, que M. Royon, malgré ses fonctions de directeur au sein du groupe Meilland, a parallèlement, et avec le consentement de Meilland, géré indépendamment son entreprise «Les Roses du Capitou»; le fait, d'ailleurs relevé par Meilland, que la rose est une espèce à reproduction asexuée, et que ses mutations sont fixées d'emblée par la nature dans les qualités d'homogénéité et de stabilité variétales exigées pour une protection légale, tend lui-même à exclure des efforts ou des travaux d'obtention de M. Royon qui n'auraient pas été compatibles avec ses obligations vis-à-vis de son employeur de l'époque; d'autre part, le fait même qu'il y ait eu «variété nouvelle» (la variété Pitica) au sens de la loi implique en soi une activité inventive matérialisée par cette variété nouvelle qui est incontestable à la fois dans son existence et dans le niveau d'invention qu'elle exprime; indépendamment de l'absence éventuelle d'un «effort» inventif, que relève également Meilland, une «activité» inventive n'est pas en soi, en tant qu'involontaire ou inopinée, suffisante pour écarter l'attribution d'un titre de protection; on doit relever à ce sujet que, en matière d'obtentions végétales, tant les dispositions de la loi française, notamment son article 1er paragraphe 1 précité, que les lois des autres États membres, et enfin la convention UPOV, précitée, dont dérivent les unes et les autres, prévoient expressément que la découverte d'une variété peut donner lieu à un certificat d'obtention végétale au même titre que la création d'une variété dans le cadre de travaux de sélection; par ailleurs, l'aptitude de M. Royon à l'observation correcte de l'existence et des qualités d'une mutation naturelle procédait elle-même d'un effort inventif préalable au moins implicite, et cela est particulièrement attesté en l'occurrence par le fait qu'un premier examen défavorable de la même mutation par Meilland devait être infirmé par les faits;b) l'obligation pour le licencié, contenue dans le même contrat à l'article VIII intitulé «Garantie», de ne pas contester la validité des titres de protection afférents à la variété concédée:le caractère restrictif de cette deuxième disposition tient au fait qu'elle privait le licencié de la possibilité, ouverte à n'importe quel tiers, d'éliminer un obstacle à son activité économique par la voie de l'action en annulation; l'importance de la restriction demeure en dépit des examens préalables et essais officiels qui précèdent l'attribution d'un certificat d'obtention au titre d'une variété végétale nouvelle: en effet, ces examens ne permettent pas d'exclure totalement l'hypothèse d'un droit délivré à tort, et ils n'impliquent pas que des entreprises aient à renoncer à l'avance à toute opposition ou action en contrefaçon à laquelle elles pourraient avoir intérêt; d'une façon générale, même lorsqu'un licencié ne se trouve en mesure de contester un titre de propriété intellectuelle que grâce précisément aux informations reçues du donneur de licence, le maintien d'une concurrence libre et, éventuellement, l'annulation d'un droit exclusif qui aurait été attribué à tort sont d'intérêt public et cela l'emporte sur toute considération concernant les relations privilégiées entre parties à un contrat de licence.(24)Les restrictions qui découlent de ces deux dispositions ont un caractère sensible:a) ces restrictions ont des effets sensibles sur le marché des produits en cause dans la Communauté économique européenne, étant donné l'importance qualitative et quantitative sur ce marché des variétés de roses dites «Sélection Meilland», et cela d'autant plus qu'une seule variété, éventuellement une mutation découverte par un licencié, peut acquérir une position primordiale, voire domi- nante, sur le marché; conformément à la jurispru- dence de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment l'arrêt du 12 décembre 1967 dans l'affaire 23-67, brasserie de Haecht (1), le caractère sensible des restrictions constatées en l'espèce découle en outre de l'effet cumulatif qui émane de l'existence en France et dans les autres États membres de milliers de contrats similaires obligeant pour chaque variété les licenciés et sous- licenciés à remettre au donneur de licence les mutations découvertes et à ne pas contester la validité des titres de protection concédés, ce qui confère à ces restrictions considérées dans leur ensemble une importance économique encore accrue; ces restrictions tendent à concentrer dans les seules mains du donneur de licence toutes les variétés découvertes par des centaines de licenciés;b) ces restrictions affectent sensiblement aussi le commerce entre États membres compte tenu notamment de l'effet cumulatif décrit ci-avant; d'une part, l'obligation pour M. Royon de ne pas contester la validité des titres de protection concédés est imposée aussi à l'ensemble des licenciés et sous-licenciés dans toute la Communauté, et elle s'applique également aux droits de Meilland dans les autres États membres; elle renforce ainsi la position de Meilland vis-à-vis de ses concurrents dans tout le marché commun; d'autre part, l'obligation pour M. Royon de se dessaisir de tous ses droits éventuels sur les mutations est imposée également à l'ensemble des licenciés et souslicenciés dans la Communauté, à l'exception de l'Allemagne, et elle vise les droits de M. Royon non seulement en France mais dans les autres États membres; elle l'élimine ainsi, et de façon générale tous les autres licenciés de Meilland, en tant qu'offreur international de ce type de variétés nouvelles de roses, dans le monde entier, et notamment dans toute la Communauté.(25)Les conditions d'application de l'article 85 para- graphe 1 du traité sont donc réunies.B. Article 85 paragraphe 3(26)Aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables aux accords qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.(27)En ce qui concerne l'obligation pour le licencié de renoncer complètement à ses droits éventuels sur les futures mutations:en l'espèce, cette obligation de M. Royon ne visait pas positivement ses activités de production ou multiplication ou distribution de la variété Sonia cédée en licence ou des fleurs coupées qui en sont le produit final; elle était au contraire étrangère aux conditions proprement dites de la production ou de la distribution de ce produit, de même qu'à toute préoccupation ou à tout effet même indirect de promotion du progrès technique ou écono- mique,le seul rapport que l'on puisse, dans le présent contexte, établir entre l'obligation susdite du licencié et la production, la distribution ou la promotion du progrès technique ou économique est un rapport négatif en ce sens que la clause litigieuse a eu pour effet d'ôter à M. Royon, purement et simplement, et d'avance, la variété nouvelle Pitica pour laquelle il aurait pu développer des efforts en vue de telles améliorations; le seul résultat pratique de la clause est, en éliminant ainsi complètement cette possibilité, de diminuer du même coup aussi l'intérêt du licencié pour les éventuelles qualités des mutations qu'il pourrait observer,par ailleurs, on ne saurait soutenir que les effets d'amélioration énumérés à l'article 85 para- graphe 3 seront automatiquement assurés du fait que ladite obligation transfère la responsabilité de toute initiative concernant la production et la distribution de la variété nouvelle Pitica au groupe Meilland, lequel dispose de plus de moyens d'action en ce sens que le licencié M. Royon; en effet, tant pour la variété mère cédée en licence que pour sa mutation, leur exploitation se fait alors obligatoirement dans le cadre global des impératifs de gestion propres à Meilland et à sa collection de variétés, et doit donc se plier à ces impératifs; de ce fait, la mutation ne bénéficie pas de la sollicitude exclusive dont elle aurait été assurée de la part de M. Royon, qui aurait pu concentrer pour son succès tous ses moyens, ses efforts et sa connaissance approfondie du marché international; cette appréciation est corroborée par le fait que, malgré l'insistance de M. Royon, cinq années se sont écoulées (1971-1976) entre la découverte de la variété nouvelle Pitica et le début de sa commercialisation par Meilland.Il ne s'agit donc pas d'une obligation susceptible de remplir la première condition de l'article 85 para- graphe 3 et cela exclut tout profit pour les utilisateurs au sens de cet article; enfin, cette obligation de M. Royon n'était pas indispensable à une exploitation satisfaisante de la variété Sonia qui lui avait été cédée en licence.(28)En ce qui concerne l'obligation pour le licencié de ne pas contester la validité des titres de protection qui lui sont concédés:l'obligation de ne pas contester un droit d'obtention empêche le licencié ainsi que tous les tiers intéressés par l'exploitation sous licence de la même variété d'agir librement dans la sphère des descriptions et revendications relatives à celle-ci, ce qui constitue une entrave au progrès tech- nique,dans l'hypothèse d'un droit d'obtention délivré à tort à Meilland, son licencié se trouverait alors contraint néanmoins de payer des redevances ou d'acheter les pieds de rosiers pour exploiter la variété concernée, et ne serait alors pas libre non plus de vendre celle-ci où il l'entendrait, et notamment dans d'autres pays où elle ne serait pourtant pas protégée. Il ne s'agit donc pas non plus d'une obligation susceptible de remplir la première condition de l'ar- ticle 85 paragraphe 3 et cela, en soi, exclut également à la fois un profit pour les utilisateurs et la nécessité d'un examen au regard des deux dernières conditions prévues audit article.(29)Pour les motifs exposés ci-avant, le contrat en cause ne remplit pas toutes les conditions requises pour bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85 para- graphe 3. Il n'est, par conséquent, pas nécessaire d'examiner si la notification tardive, survenue le 27 avril 1985, pourrait couvrir le contrat en cause, expiré en 1983, ou si ce contrat tombe dans les catégories d'accords dispensées de notification par l'article 4 paragraphe 2 du règlement N° 17.III. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT Ng 17(30)Au cas où la Commission constate une infraction à l'article 85 ou à l'article 86 du traité, elle peut, en vertu de l'article 3 du règlement N° 17, obliger les entreprises concernées à y mettre fin. Toutefois, en l'espèce, il n'y a plus lieu d'obliger les parties à mettre fin aux infractions relevées puisque le contrat mis en cause, que M. Royon avait conclu avec Richardier le 28 octobre 1971, a été dénoncé à l'occasion de la cessation d'activité du premier et de la vente de ses installations des «Roses du Capitou» au cours de l'année 1983.Il existe néanmoins des raisons pour constater l'existence d'infractions qui ont pu être commises dans le passé; il est nécessaire en effet de clarifier vis-à-vis du public la position de la Commission, notamment au regard de l'article 85 paragraphe 3, quant aux deux restrictions concernées; par ailleurs, la partie plaignante y a un intérêt évident,A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier Les dispositions suivantes du contrat de licence conclu le 28 octobre 1971, et modifié en 1974, entre URS-F (Richardier) et M. R. Royon pour l'exploitation de la variété de rosier Sonia Meilland (contrat «fleur coupée») ont constitué des infractions à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE: 1l'obligation imposée au licencié, M. R. Royon, à l'ar- ticle X du contrat, de remettre à Meilland toutes les mutations découvertes sur les rosiers de la variété concédée de sorte que ces mutations demeurent la propriété exclusive de Meilland et que celui-ci décide unilatéralement de leur exploitation commerciale;2l'obligation imposée à cet égard au licencié par la version nouvelle du contrat, après la modification introduite en 1974 (article XII nouveau), qui assure un délai de trois ans à l'obtenteur Meilland, à compter de la date de la remise d'une mutation par le licencié, pour imposer sa décision unilatérale concernant l'exploitation commerciale de celle-ci;3l'obligation imposée au licencié dans la version nouvelle du contrat établie en 1974 (article VIII nouveau intitulé «Garantie») de ne pas contester la validité des demandes de certificats d'obtention végétale ou des certificats d'obtention végétale qui lui sont concédés en licence. Article 2 La demande d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE en faveur des dispositions visées à l'article 1er est rejetée. Article 3 1SNC Meilland & Cie, 134, boulevard Francis Meilland, F-06600 Antibes,2Universal Plant SARL, 134, boulevard Francis Meilland, F-06600 Antibes,3Universal Rose Sélection-France (M. et Mme Francisque Richardier), F-69160 Tassin-la-Demi-Lune,4M. René Royon, 128, Les-Bois-de-Font-Merle, F-06250 Mougins,sont destinataires de la présente décision. Fait à Bruxelles, le 13 décembre 1985.Par la Commission Peter SUTHERLAND Membre de la Commission
(1) JO N° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO N° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63. (1) Recueil 1967, p. 537.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
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