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Document 384D0282

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384D0282
84/282/CEE: Décision de la Commission du 16 mai 1984 relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne (IV/30.658 - Polistil/Arbois) (Les textes en langues française et italienne sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 136 du 23/05/1984 p. 0009 - 0015



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 16 mai 1984
relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne
(IV/30.658 - Polistil/Arbois)
(Les textes en langues française et italienne sont les seuls faisant foi.)
(84/282/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS
EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne,
vu le règlement no 17, du 6 février 1962 (1), premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité CEE, modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 3 et 15,
vu la demande d'attestation négative et la notification effectuées conjointement par la société italienne, Polistil SpA et la société française Arbois-Modelud (ci-après Arbois), le 18 mai 1982, conformément aux articles 2 et 4 du règlement no 17,
vu la décision de la Commission, du 19 mai 1983, d'engager la procédure,
après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et à celles du règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
(1) La Commission avait été informé, par une société française distributrice de jouets, de certaines difficultés rencontrées lors de ses importations en France, de jouets d'origine italienne.
(2) À la suite d'une enquête, la Commission eut connaissance qu'un accord de concession exclusive avait été conclu entre Polistil et Arbois.
(3) Lors des vérifications effectuées, conformément à l'article 14 du règlement no 17, auprès de ces deux sociétés, respectivement les 16 décembre 1981 et 5 mars 1982, la Commission a reçu copie de ce contrat. Celui-ci a été conclu le 18 janvier 1978. Il est entré en vigueur le 1er janvier 1979 et a pris fin le 31 décembre 1983.
(4) Polistil et Arbois ont notifié ce contrat le 18 mai 1982, en demandant à la Commission de leur octroyer une attestation négative ou une exemption en application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE.
A. Les produits et le secteur concernés
(5) Les produits concernés par la présente affaire sont les véhicules et motos miniaturisés, téléguidés ou non, les circuits à rail et à voie surélevée, de la marque Polistil.
(6) Ces types de jouets, qui rentrent dans la famille des jouets traditionnels, sont, actuellement, en déclin dans tous les pays de l'Europe occidentale. Ce déclin est dû, principalement à l'impact, de plus en plus fort, des jouets électroniques et au rétrécissement de la tranche d'âge des consommateurs potentiels de jouets traditionnels, combinés avec la stagnation de la natalité dans la plupart des États membres. Il en résulte une contraction non négligeable de la demande de ces types de jouets, dont les ventes, en Europe occidentale, ont baissé de 12 % environ, entre 1980 et 1982, passant de (environ) 5 à (environ) 4,4 millions de dollars des États-Unis.
B. Les entreprises concernées et leurs marchés respectifs
a) Polistil
(7) Polistil est le principal producteur italien de jouets. Son chiffre d'affaires a été, en 1982, de . . . (1), dont 70 % environ sont constitués de produits fabriqués par elle-même, et les 30 % restant de produits importés, notamment des pays d'Extrême-Orient.
(8) Polistil réalise environ 70 % de son chiffre d'affaires sur le marché italien et 30 % à l'exportation. Les exportations vers la Communauté économique européenne représentent environ la moitié du total exporté, celles vers la France, . . . en 1982, environ un tiers des exportations vers la Communauté économique européenne.
(9) Les parts de marché détenues par Polistil dans les divers pays de la Communauté économique européenne, pour les produits en cause étaient, en 1982, les suivantes: . . . en Italie, . . . en France, . . . en Allemagne, . . . au Royaume-Uni, . . . aux Pays-Bas, . . en Belgique, . . au Danemark. Les exportations de Polistil en Grèce et en Irlande ont été, en 1982, respectivement de . . . et . . . Polistil n'exporte pas au Luxembourg.
(10) Polistil vend ses produits, en Italie, par l'intermédiaire de trois canaux de distribution:
i) les grossistes, qui sont parfois en même temps des importateurs de produits provenant d'autres pays, et qui assurent environ 80 % de ses ventes;
ii) les détaillants spécialisés qui en couvrent environ 10 %;
iii) les grandes surfaces, qui assurent les 10 % restants.
Polistil applique une liste de prix unique à l'exportation. Les prix « grossistes » actuels en Italie sont normalement plus élevés que les prix à l'exportation, l'écart entre ces deux listes de prix varie entre . . . %, voire davantage. Polistil ne concède pratiquement pas de rabais sur les prix « grossistes » en Italie, ni sur ceux à l'exportation.
(11) Dans les pays de la Communauté économique européenne autres que la France, Polistil vend uniquement par l'intermédiaire d'agents qui lui commandent les produits au coup par coup et avec lesquels elle n'a pas de contrat de concession de vente.
(12) Le marché des jouets, en Italie, est caractérisé par la présence d'un nombre considérable d'entreprises - plus d'une centaine - de taille modeste, voire très modeste. Une dizaine d'entre elles seulement ont un chiffre d'affaires dépassant les 10 milliards de lires italiennes.
(13) La crise du secteur, déjà évoquée au point b), s'est répercutée sur Polistil. En effet, son chiffre d'affaires pour 1983 serait de . . . , alors qu'il a été de . . . en 1982. De plus, reconnue comme entreprise en état de crise par le gouvernement italien, son personnel se trouve actuellement en « cassa integrazione » (2).
b) Arbois
(14) Arbois appartient au groupe CEJI-Compagnie du jouet (ci-après CEJI), auquel appartiennent également les sociétés françaises Joustra, CEJI-Interlude et Jouef. Toutes ces sociétés, dont CEJI détient la totalité du capital, opèrent en France dans le secteur du jouet.
(15) CEJI est le principal producteur français dans le secteur du jouet. Son chiffre d'affaires global, en France, a été en 1982, de . . . francs français. Sa part sur l'ensemble du marché français des jouets est de . . . % environ.
(16) Arbois est la société d'importation de CEJI. Elle importe, fabrique et vend des jouets en France. Son chiffre d'affaires a été, en 1982, de . . . francs français, dont . . . % représentés par les produits importés et les . . . % restants par les produits de sa propre fabrication. Environ . . . % de ses importations proviennent des pays de la Communauté économique européenne en particulier d'Italie, notamment de Polistil, et du Royaume-Uni. Les achats effectués par Arbois auprès de Polistil ont été, en 1982, de . . . environ et couvrent . . . % du marché français des produits concernés sur lequel CEJI détient environ. . . %.
(17) En France, actuellement, le circuit de distribution d'Arbois est composé surtout:
i) des magasins en libre service, qui couvrent 35 % du marché;
ii) des détaillants spécialisés, qui en couvrent 20 %;
iii) des grands magasins qui représentent environ 10 %. Les autres composants du circuit de distribution sont les ventes par correspondance, les magasins populaires, les collectivités et les comités d'entreprises.
(18) Arbois vend ses produits en Allemagne et au Royaume-Uni par l'intermédiaire de filiales. Dans les autres pays de la Communauté économique européennes elle livre et facture directement aux clients, avec une commission pour l'agent qui a éventuellement pris la commande.
(19) Comme en Italie, le marché du jouet, en France, est très fragmenté au niveau de la production. Plus de 150 entreprises y opéreraient, mais leur taille serait plutôt modeste. Seulement dix d'entre elles ont un chiffre d'affaires dépassant les 100 millions de francs français.
(20) La crise dans le secteur du jouet, déjà évoquée au point 6, s'est répercutée sur la CEJI, dont les pertes d'exploitation, fin 1982, auraient été de . . . francs français environ, ce qui représente environ . . . % de son chiffre d'affaires. Toujours en 1982, les pertes d'exploitation d'Arbois auraient été de . . . francs français environ, ce qui représente un peu plus de . . . % des pertes totales de CEJI.
C. Le contrat
(21) Le contenu essentiel du contrat peut être résumé comme suit:
(22) a) Polistil concède à Arbois l'exclusivité de vente en France de tous ses produits existants et futures (article 1er paragraphe 1). Polistil, sur demande d'Arbois, pourra vendre directement à des clients français, mais sur ces ventes il devra verser à Arbois une commission de 10 % (avenant no 1);
(23) b) Polistil s'engage à faire tout son possible pour que les prix facturés à Arbois permettent à celle-ci de pratiquer des prix de revente compétitifs à l'égard des produits similaires, et de lutter contre une éventuelle concurrence d'importateurs étrangers de produits Polistil ou de grossistes italiens (article 1er paragraphe 3);
(24) c) Arbois s'engage, pendant la durée du contrat, à ne pas importer ou distribuer, en France, des produits susceptibles de concurrencer ceux de Polistil (article 3);
(25) d) Arbois doit s'approvisionner uniquement auprès de Polistil ou de ses affiliés ou associés et/ou de ses concessionnaires, à certaines conditions (article 12);
(26) e) Polistil s'oblige à imposer à ses concessionnaires, distributeurs et aussi aux grossistes l'interdiction de vendre dans le territoire concédé (article 14 paragraphe 1). Polistil, par contre, ne répondra en propre en aucun cas d'éventuelles importations abusives dans le territoire concédé de la part de concessionnaires et de distributeurs (article 14 paragraphe 2). Cet article a été abrogé le 30 avril 1982.
D. Actions ménées contre les importations parallèles
a) Affaire Crystève Diffusion
(27) Arbois a adressé, le 11 septembre 1979, une lettre à Polistil pour se plaindre des importations parallèles effectuées par l'entreprise française Crystève Diffusion, qui propose aux clients d'Arbois les jouets Polistil à des prix inférieurs aux siens de 10 à 15 %. Elle signale aussi qu'un hypermarché de la région lyonnaise achète directement à un grossiste milanais.
(28) Arbois pense qu'à la base de cela il y a « un problème de structure de prix et un manque de cohérence entre les prix "grossistes" italiens et les prix "export", alors qu'il avait été convenu dans notre contrat avec vous que ces prix seraient établis de manière à éviter cet écueil ».
(29) Arbois demande à Polistil de « procéder à des recherches chez tous vos grossistes afin de stopper immédiatement toute livraison effectuée directement à des clients français », considère « qu'il y a là concurrence déloyale tolérée par vous (Polistil) » et qu'il semble impératif que « votre tarif "grossistes italiens" soit toujours au minimum 15 % supérieur à votre tarif "export" et ceci sur tous les produits ».
(30) Arbois a adressé, le 23 octobre 1979, une nouvelle lettre à Polistil, lui signalant avoir la preuve que ses clients français, qui passent commande à Crystève Diffusion sont livrés par l'entreprise génoise Repetto Angelo.
(31) Arbois demande à Polistil « d'entreprendre les actions qui s'imposent auprès de ce grossiste italien afin de stopper ses agissements sur le marché français ». (32) En vue d'une réunion, les 30 et 31 octobre 1979 à Paris, Arbois demande à Polistil d'apporter « Le dossier des commandes Repetto 1979, le tarif "grossistes italiens" 1980, le tarif Arbois 1980, qui devra être au moins 15 % inférieur à celui des grossistes italiens 1980 pour stopper la concurrence de Crystève Diffusion ».
b) Affaire Timky
(33) Par lettre du 23 mai 1980, Arbois signale à Polistil que la firme Timky importerait directement de grossistes italiens les jouets Polistil, qu'elle vendrait aux détaillants français au même tarif que le tarif Arbois « grossistes ».
(34) Arbois estime que ces situations ne peuvent pas durer et qu'il devient urgent que « vous mettiez en application un nouveau tarif "exportations" qui seul permettra à Arbois, votre agent, de se mettre dans des conditions de concurrence normale vis-à-vis de ces importations sauvages ».
(35) Par une nouvelle lettre du 18 juin 1980, Arbois signale à Polistil les propositions de vente faites par Timky à la Société allumettière française, et lui demande « instamment de faire toutes les recherches nécessaires auprès des grossistes italiens susceptibles de fournir cet importateur, de manière à enrayer d'urgence cette importation à grande échelle ».
E. Objet de la présente procédure
(36) Cette procédure concerne uniquement la période comprise entre le 1er janvier 1979, date d'entrée en vigueur dudit contrat, et le 18 mai 1982, date de la notification.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. Applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE
(37) L'article 85 paragraphe 1 déclare incompatibles avec le marché commun, et interdit tous accords entre entreprises qui sont suceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
(38) Polistil et Arbois sont des entreprises au sens de l'article 85, et l'accord de concession exclusive conclu entre elles le 18 juin 1978 est un accord au sens de cette disposition.
(39) L'accord en cause, en raison notamment des dispositions combinées de son article 1er paragraphe 3 et de son article 14 paragraphe 1, avait pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun.
a) Article 14 paragraphe 1
(40) Par cet article, Polistil s'engageait à « imposer à ses concessionnaires, distributeurs et aussi grossistes, l'interdiction de vendre dans le territoire de l'exclusivité ».
(41) Cette clause avait, à l'évidence, comme objet et but d'assurer à Arbois une protection territoriale absolue. Elle visait, en effet, à empêcher, d'une part, les revendeurs d'autres pays, notamment de la Communauté économique européenne, de vendre les produits Polistil en France, et, d'autre part, les commerçants français de s'approvisionner directement auprès des revendeurs de ces pays.
(42) L'argument selon lequel cet engagement de Polistil serait privé d'effet par le deuxième paragraphe de cet article 14, qui exempte Polistil de toute responsabilité pour les importations parallèles en France, n'est pas pertinent, car l'exemption de responsabilité prévue par le paragraphe 2 de cet article ne saurait aucunement mettre en cause la portée de l'engagement librement assumé par Polistil aux termes de l'article 14 paragraphe 1.
(43) Le fait que, par lettre adressée le 30 avril 1982 par Arbois à Polistil, et approuvée par celle-ci, les deux parties aient convenu de « considérer comme abrogé rétroactivement pour être nul et non avenu l'article 14 du contrat » ne saurait effacer la restriction que, de par son objet même, il comportait ni les actions menées à son titre (voir point I.D).
b) Article 1er paragraphe 3
(44) Par cet article, Polistil s'engageait à facturer ses produits à Arbois à des prix permettant à celle-ci de pratiquer des prix de revente compétitifs pour pouvoir, entre autres, « lutter contre une éventuelle concurrence d'importateurs étrangers de produits Polistil ou de grossistes italiens ».
(45) Cette clause limite l'autonomie de Polistil de fixer les prix de cession de ses produits à Arbois, en fonction des conditions du marché concerné, des quantités livrées et de sa propre politique commerciale.
(46) En outre, cette clause visait à permettre à Arbois, qui, par ailleurs, s'en est prévalue à l'égard de Polistil (voir point I.D), de contrecarrer non seulement la concurrence des produits similaires de ceux qui font l'objet du contrat, mais également celle de ces derniers qui seraient éventuellement importés par le circuit parallèle, en décourageant, voire en empêchant celui-ci d'opérer. (47) Par ailleurs, l'argument (1) selon lequel l'article 14 paragraphe 1 serait « en contradiction avec le troisième paragraphe de l'article 1er, dans la mesure où Polistil s'est engagé envers Arbois à pratiquer des prix à son égard permettant à cette société . . . de concurrencer les importations parallèles (de produits Polistil) . . . , le phénomène des importations parallèles est ici reconnu donc accepté », ne peut être retenu (2).
(48) Les deux affaires évoquées au point I.D montrent que l'article 14 paragraphe 1, loin d'être en contradiction avec l'article 1er paragraphe 3 et neutralisé par celui-ci, constitue, en fait, l'autre volet d'un même diptyque normatif visant, par le jeu combiné de ces deux dispositions, à assurer à Arbois une protection territoriale absolue. L'article 1er paragraphe 3 vient, en réalité, renforcer l'efficacité de la restriction de la concurrence de l'article 14 paragraphe 1.
(49) Enfin, l'argument avancé par Polistil selon lequel, loin de s'opposer aux importations parallèles, elle aurait « dès le début du rapport (contractuel) fortement opéré dans le sens de favoriser de telles importations: les doléances du concessionnaire concernant Crystève Diffusion et Timky constituent la preuve la plus évidente de ce comportement », comportement qu'elle aurait adopté en contrevenant sciemment aux clauses du contrat contraires aux règles de concurrence, ne peut non plus être retenu. Comme le dit la Cour de justice dans son arrêt dans l'affaire Grundig-Consten: «. . . aux fins de l'application de l'article 85 paragraphe 1, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue dès qu'il apparaît qu'il a pour objet de restreindre, empêcher ou fausser le jeu de la concurrence » (3). Or, il ne fait pas de doute que les dispositions des articles 1er paragraphe 3 et 14 paragraphe 1 avaient, manifestement, un tel objet restrictif.
(50) Les dispositions combinées des articles 1er paragraphe 3 et 14 paragraphe 1 du contrat en cause étaient suceptibles d'affecter le commerce entre États membres du fait qu'elles visaient à interdire aux cocontractants de Polistil sis en dehors du territoire français, et en particulier à ses grossistes italiens, de vendre à l'intérieur de celui-ci, et à assurer, ainsi, à Arbois une protection territoriale absolue. Il convient, à ce propos, de rappeler que dans son arrêt dans l'affaire Miller International (4), la Cour a dit que l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE n'exige pas qu'il soit établi que des accords « ont, en effet, sensiblement affecté ces échanges (entre États membres), preuve qui, dans la plupart des cas, ne saurait d'ailleurs que difficilement être administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet », et elle affirme, ensuite, dans ce même arrêt, que « les clauses d'interdiction d'exporter constituent un type de restriction à la concurrence qui, par sa nature même, met en danger les échanges entre États membres ».
(51) L'argument avancé par Arbois selon lequel cette affectation du commerce ne serait pas significative, ne peut, de surcroît, être retenu, compte tenu notamment des parts des marchés concernés couvertes par les entreprises en cause (voir points 9 et 16). À ce propos, la Cour de Justice, évoquant son arrêt Miller International déjà cité, a affirmé dans son arrêt dans l'affaire AEG-Telefunken (5) que « une entreprise couvrant environ 5 % du marché concerné est une entreprise d'une taille suffisamment importante pour que son comportement soit en principe susceptible d'affecter le commerce ».
Dans ces conditions, l'on ne saurait contester que les dispositions en cause étaient de nature à exercer une influence sur les courants d'échanges entre États membres dans un sens susceptile de nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique.
B. Inapplicabilité de l'exemption prévue par le règlement no 67/67/CEE de la Commission (6)
(52) Aux termes de l'article 1er paragraphe 1 du règlement no 67/67/CEE, les accords de concession exclusive bénéficient d'une exemption générale de l'interdiction prévue à l'article 85 paragraphe 1 lorsqu'ils remplissent les conditions posées par ce règlement. Le règlement no 67/67/CEE n'est plus en vigueur depuis le 1er juillet 1983; toutefois, en vertu de l'article 7 du règlement (CEE) no 1983/83 (7), ses dispositions restent applicables aux accords existant avant le 1er janvier 1984.
(53) L'accord en question n'est pas susceptible de bénéficier de l'exemption que prévoit le règlement no 67/67/CEE, du fait que son article 1er paragraphe 3 et son article 14 paragraphe 1 imposent aux cocontractants des obligations restrictives de la concurrence qui dépassent le cadre des restrictions autorisées par les articles 1er paragraphe 1 et 2 paragraphe 1 du règlement. En outre, le jeu combiné de ces deux clauses contractuelles tend à restreindre la possibilité, pour les intermédiaires ou utilisateurs, de se procurer les produits visés au contrat auprès d'autres revendeurs à l'intérieur du marché commun, ce qui, aux termes de l'article 3 point b) du règlement exclut l'application de l'exemption générale.
C. Inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE
(54) Aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions du paragraphe 1 de cet article peuvent être déclarées inapplicables à tout accord entre entreprises qui contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et sans:
- imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,
- donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
(55) Pour pouvoir éventuellement bénéficier de l'exemption au titre dudit article 85 paragraphe 3, un accord doit être notifié conformément aux articles 4 et 5 du règlement no 17, à moins qu'il ne rentre dans une des catégories décrites à l'article 4 paragraphe 2. Le contrat en cause n'appartenait à aucune de ces catégories et n'était, dès lors, pas exempté de notification.
(56) L'argument avancé par Polistil selon lequel cette société devrait bénéficier de l'exemption de notification aux termes de l'article 4 paragraphe 2 point a) du règlement no 17 du fait qu'elle n'a jamais appliqué l'article 14 paragraphe 1 du contrat et que l'article 1er paragraphe 3 devait constituer, selon elle, une simple limite à la liberté d'Arbois de fixer les prix, ne peut être retenu pour les motifs déjà évoqués (voir point 49).
(57) En vertu de l'article 6 du règlement no 17, le contrat ne peut donc pas bénéficier de l'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3, pour la période qui fait l'objet de la présente décision.
(58) Au surplus, les dispositions contractuelles en cause, qui visaient à assurer une protection territoriale absolue à Arbois, ne remplissaient pas les conditions prévues par l'article 85 paragraphe 3, et notamment la première de ces conditions. En effet, on ne voit pas de quelle manière lesdites dispositions auraient pu contribuer à améliorer la distribution des produits concernés.
D. Applicabilité de l'article 15 paragraphe 2 du règlement no 17
(59) Aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement no 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille Écus au moins, et d'un million d'Écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.
(60) La Commission est d'avis que, en l'espèce, l'infliction d'une amende est justifiée. L'infraction que constitue le jeu combiné des articles 1er paragraphe 3 et 14 paragraphe 1 du contrat en cause a été commise de propos délibéré, ou tout au moins par négligence. Les deux parties, en effet, savaient ou auraient dû savoir que ces clauses, introduites pour empêcher les importations parallèles et assurer une protection territoriale absolue à Arbois, étaient de nature à constituer des restrictions au jeu de la concurrence interdites par l'article 85 paragraphe 1. Il en est d'autant plus ainsi que la Commission et la Cour de justice se sont maintes fois prononcées à l'encontre des clauses visant à assurer une protection territoriale absolue.
(61) L'argument avancé par Arbois selon lequel elle ignorait, en stipulant lesdites clauses, qu'elle commettait une infraction aux règles de concurrence du traité, et qu'elle n'en avait pas non plus été informée par ses conseils juridiques, ne peut, ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Miller International (1), être retenu pour la disculper de l'infraction commise.
(62) Le contrat qui fait l'objet de la présente décision est entré en vigueur le 1er janvier 1979. Le 30 avril 1982, les parties ont convenu de « considérer comme abrogé rétroactivement pour être nul et non avenu l'article 14 du contrat » (voir point 43). Le contrat, par ailleurs, a été notifié le 18 mai 1982. Il a pris fin le 31 décembre 1983. Dans ces conditions, l'on peut estimer que la durée de l'infraction, à prendre en compte pour l'infliction de l'amende, a été d'un peu plus de trois ans.
(63) En ce qui concerne la gravité de l'infraction, pour fixer le montant de l'amende à imposer à chacune des entreprises, les éléments suivants ont été pris en considération:
a) les clauses du contrat visées par la présente décision constituent une infraction grave aux dispositions du traité CEE. En effet, elles entravent la liberté des échanges intracommunautaires et, de ce fait, empêchent la réalisation d'un marché unique, qui est un des objectifs du traité;
b) le chiffre d'affaires réalisé avec les produits faisant l'objet de l'infraction (voir points 7 et 16) était assez limité, et le marché en cause présente une structure concurrentielle;
c) les entreprises visées par la présente décision ont décidé rapidement après avoir eu connaissance de l'action de la Commission, de supprimer l'article 14 du contrat en cause et de notifier celui-ci.
(64) Pour ces motifs et compte tenu des éléments ci-avant, la Commission estime devoir infliger à Polistil et à Arbois les amendes dont le montant est indiqué à l'article 2 de la présente décision,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les dispositions combinées des articles 1er paragraphe 3 et 14 paragraphe 1 du contrat entre Polistil et Arbois, conclu le 18 janvier 1978 et entré en vigueur le 1er janvier 1979, visant à protéger des importations parallèles le marché français, constituent une infraction à l'article 85 du traité CEE.
Article 2
1. En raison de l'infraction visée à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises ci-après:
- à Polistil, une amende de 30 000 (trente mille) Écus, soit 41 405 700 lires italiennes,
- à Arbois, une amende de 30 000 (trente mille) Écus, soit 206 491,80 francs français.
2. Ces amendes devront être payées:
- par Polistil, à la Cassa di risparmio delle provincie lombarde, Servizio estero, à Milan, au compte no 26952-018 de la Commission des Communautés européennes,
- par Arbois, à la banque Société générale, agence internationale, à Paris, au compte no 5.770.0065 de la Commission des Communautés européennes,
dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision.
Article 3
La présente décision est adressée à:
- Arbois-Modelud
14-22, rue Bon-Houdart
Boîte postale 32
F-93700 Drancy,
- Polistil SpA
Corso Europa, 1
I-20020 Lainate.
La présente décision forme titre exécutoire en application de l'article 192 du traité instituant la Communauté économique européenne.
Fait à Bruxelles, le 16 mai 1984.
Par la Commission
Frans ANDRIESSEN
Membre de la Commission
(1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(1) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certains chiffres ont été omis, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement no 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(2) En principe, par le système de la « cassa integrazione », le gouvernement prend en charge pour vingt-quatre mois au maximum, 80 % des traitements des effectifs d'une entreprise reconnue en état de crise.
(1) Lettre du conseil d'Arbois à la Commission, du 17 mai 1982.
(2) Ces mêmes arguments ont été repris à l'annexe 3 de la notification.
(3) Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 juillet 1966, dans les affaires jointes 56-64 et 58-64 - Grundig/Consten, Recueil 1966, p. 429.
(4) Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, du 1er février 1978, dans l'affaire 19-77 - Miller International Schallplatten GmbH, Recueil, 1978-2, p. 131 et suivantes.
(5) Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 octobre 1983, dans l'affaire 107-82 - Allgemein Electrizitaets-Gesellschaft AEG-Telefunken AG (non encore publié).
(6) JO no 57 du 25. 3. 1967, p. 849/67.
(7) JO no L 173 du 30. 6. 1983, p. 1.
(1) Arrêt déjà cité (voir page 13).

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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