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Document 378D0823

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[ 08.20.10 - Accords interdits ]


378D0823
78/823/CEE: Décision de la Commission, du 21 septembre 1978, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/28.824 - droit d'obtention - semences de maïs) (Les textes en langues allemande et française sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 286 du 12/10/1978 p. 0023 - 0037



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 21 septembre 1978 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/28.824 - droit d'obtention - semences de maïs) (Les textes en langues allemande et française sont les seuls faisant foi.) (78/823/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85,
vu le règlement nº 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 2, 3 et 4,
vu la notification faite le 1er novembre 1965 par M. Kurt Eisele, négociant en semences à Darmstadt (république fédérale d'Allemagne), en application de l'article 4 du règlement nº 17, d'un contrat de licence de multiplication et de vente de semences de maïs, conclu le 5 octobre 1965 entre lui-même et l'Institut national de recherche agronomique (INRA), à Paris,
vu la plainte déposée conformément à l'article 3 du règlement nº 17, le 20 février 1974, par M. Robert Bomberault, négociant en semences à Argent-sur-Sauldre (Cher, France), contre le contrat Eisele/INRA du 5 octobre 1965,
après avoir entendu les entreprises en cause le 11 mars 1977, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement nº 17 et au règlement nº 99/63 (2) de la Commission,
vu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli, conformément à l'article 10 du règlement nº 17, le 7 décembre 1977, I. LES FAITS
considérant les faits suivants: A. Les produits 1. les produits concernés sont les semences de maïs, de certaines catégories définies ci-dessous, dans les variétés pour lesquelles l'INRA a obtenu ou obtiendra, en France et en république fédérale d'Allemagne, un certificat d'obtention puis l'inscription au catalogue national des variétés officiellement admises à la certification et à la commercialisation ; ces variétés sont actuellement les suivantes, désignées par leur appellation enregistrée aux catalogues respectifs des deux pays concernés: >PIC FILE= "T0012860"> conformément à un contrat des 14 et 16 décembre 1960 conclu entre l'INRA et M. K. Eisele, ce dernier a procédé lui-même et sous son nom à leur inscription en république fédérale d'Allemagne, où il assume, conformément à la réglementation en vigueur, les droits et obligations de l'obtenteur et du responsable de la sélection conservatrice;
les catégories de semences concernées par la présente procédure sont, dans chacune de ces variétés, les catégories qui sont normalement commercialisées pour être utilisées, directement ou après multiplication visant à en obtenir des quantités suffisantes, par les (1)JO nº 13 du 21.2.1962, p. 204/62. (2)JO nº 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.
agriculteurs pour leurs semis annuels ; par référence à la directive 66/402/CEE du Conseil, du 14 juin 1966, concernant la commercialisation des semences de céréales (1), modifiée par la directive 78/387/CEE de la Commission du 18 avril 1978 (2), ces catégories sont les suivantes: - semences qui ont été officiellement certifiées au sens de cette directive, dont l'article 3 arrête le principe général de la certification préalable et obligatoire des semences destinées à la commercialisation,
- semences qui n'ont pas été officiellement certifiées, mais ont néanmoins été mises exceptionnellement dans le commerce en tant que semences, ceci en application des dérogations prévues à l'article 3 paragraphe 4 de la même directive visant certains cas où de telles ventes peuvent être faites hors certification;


la présente procédure ne s'étend pas aux semences qui sont destinées, non pas à la commercialisation proprement dite aux fins de la grande culture, mais aux essais et aux travaux scientifiques ou de selection visés à l'article 3 paragraphe 4 sous b) et c) de la même directive;
2. l'importance économique des semences de maïs est liée à celle du maïs de consommation, dont près de 250 millions de quintaux sont utilisés chaque année dans la Communauté économique européenne (CEE) sous forme de maïs-grain ou de maïs fourrager ; dans ses deux utilisations principales, l'industrie et surtout l'alimentation du bétail, les balances de rentabilité assurent actuellement le succès du maïs sur d'autres céréales (blé, orge, avoine, etc.) dont la part de marché a été réduite d'autant alors qu'elles lui seraient techniquement substituables ; en vingt ans, les rendements moyens dans la CEE sont passés de 23 à 50 quintaux à l'hectare (100 quintaux sur les bonnes terres) et les superficies mises en culture de 500 000 à 4 ou 5 000 000 hectares selon les années, dont un quart pour le maïs fourrager ; la production communautaire des semences de maïs tend à s'adapter à la demande du produit final, et elle varie chaque année entre 1 000 000 et 1 500 000 quintaux, qui représentent un chiffre d'affaires de 200 à 300 millions d'unités de compte (3) au stade du commerce de détail ; 30 à 35 kilogrammes de semences sont nécessaires pour les semis d'un hectare ; aux prix de vente courants actuels, l'agriculteur qui utilise les semences pour faire ses semis, c'est-à-dire l'«agriculteur-utilisateur», achète celles-ci de 1,5 à 3 unités de compte le kilogramme, et le revenu qu'il tire de sa récolte dépend du rendement en culture et du prix indicatif commun fixé pour chaque campagne (4) ; plus des trois quarts des semences de maïs utilisées chaque année dans la CEE sont produits en France ; l'Italie et, accessoirement, la république fédérale d'Allemagne produisent le reste ; il y a relativement peu d'échanges avec les pays tiers;
3. la production de masse des semences de maïs destinées aux agriculteurs-utilisateurs, appelée «production grainière», est assurée par les «établissements-producteurs», qui procèdent pour cela à la multiplication du matériel de départ (géniteurs, semences de base) fourni par les obtenteurs ; par la sélection créatrice, les obtenteurs étudient des combinaisons nouvelles entre des variétés préexistantes, fixent sur celles-ci des caractères nouveaux, créant ainsi les variétés nouvelles qu'ils font inscrire au catalogue des variétés ; en pratique, toutes les semences de maïs vendues aux agriculteurs-utilisateurs sont des semences de variétés hybrides résultant de croisements successifs entre deux ou plusieurs autres variétés et appelés couramment «hybrides commerciaux» ; c'est notamment une adaptation systématique du maïs aux régions agricoles tempérées et la création de variétés de plus en plus précoces qui ont permis d'élargir sa zone de culture et d'améliorer les rendements ; le catalogue national français contient aujourd'hui plus de 100 variétés, qui sont donc admises à la commercialisation en France, et le sont aussi dans les autres États membres depuis la publication d'un catalogue communautaire (5) ; cependant, et comme pour toutes les céréales de grande culture, entre les deux tiers et les trois quarts des ensemencements dans chaque État membre sont assurés chaque année avec tout au plus quatre ou cinq variétés à succès : de 1958/1959 à 1971/1972, ce fut le cas pour deux variétés précoces de maïs, INRA 200 et INRA 258 ; les droits d'obtention de toutes ces variétés commercialisables sont détenus par une dizaine d'obtenteurs principaux opérant en France, dont l'INRA, qui détiennent aussi des droits d'obtention dans la plupart des autres espèces de céréales ; à part l'INRA, ces obtenteurs principaux sont tous en même temps des établissements-producteurs et ils se trouvent ainsi à l'origine du cycle de production de la quasi-totalité des «semences certifiées» utilisées par les agriculteurs dans la Communauté ; ils sous-traitent chaque année une partie plus ou moins grande de cette production en confiant la culture de ces semences à plusieurs milliers de petits et moyens (1)JO nº 125 du 11.7.1966, p. 2309/66. (2)JO nº L 113 du 25.4.1978, p. 13. (3)Les évaluations, ainsi que les comparaisons chiffrées, qui sont mentionnées dans la présente décision sont fondées sur les taux moyens annuels de conversion des différentes monnaies nationales en «EUR», unité de compte retenue jusqu'en 1977 par l'Office statistique des Communautés européennes ; ces taux sont publiés dans le bulletin mensuel des statistiques générales Eurostat dudit Office, rubrique «Finances» (voir par exemple le bulletin de février 1977, page 168). (4)Celui-ci était de 15,2 unités de compte agricoles (correspondant alors sensiblement à respectivement 53 marks allemands et 86 francs français) le quintal à la fin de la campagne 1976/1977 ; pour un rendement moyen de 40 quintaux à l'hectare, on peut estimer que le coût moyen théorique de la semence représentait alors de 10 à 15 % de la recette de l'agriculteur-utilisateur. (5)Catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, quatrième édition intégrale (JO nº C 48 du 20.2.1978). agriculteurs, les «agriculteurs-multiplicateurs», qui offrent les surfaces ou la diversification climatique nécessaires ; la totalité de cette production est donc rachetée et concentrée par l'établissement-producteur proprement dit, qui procède lui-même au conditionnement puis à la mise en circulation des «semences certifiées», et ceci en se conformant aux réglementations nationales et communautaires en la matière;


B. Les réglementations communautaires et nationales 1. au plan communautaire, un certain nombre de réglementations sont intervenues pour instaurer, compte tenu du caractère spécifique tant des semences en général que du monde agricole dont elles conditionnent l'activité, un contrôle très élaboré des conditions de production ainsi que des normes minimales de tous les éléments déterminant la qualité, et en particulier de la pureté et de la qualité germinative (1) ; elles ont pour effet de garantir aux agriculteurs-utilisateurs que toute semence mise dans le commerce à l'intérieur de la CEE est un produit de qualité élevée, c'est-à-dire à ses meilleures potentialités génétiques et au meilleur comportement germinatif, et identique dans toutes les régions ; une nouvelle variété ne peut pas être commercialisée avant d'avoir été admise au catalogue national ou au catalogue commun des variétés, et des conditions rigoureuses sont exigées pour cela : elle doit être distincte, homogène, stable dans ses caractères essentiels, et démontrer sa valeur culturale par rapport à celle de variétés déjà inscrites ; les établissements-producteurs qui assurent la production grainière le font sous leur responsabilité : ils procèdent ou font procéder à la multiplication en culture, puis au conditionnement (2) selon les règles requises pour la certification des lots ; un lot ne peut être vendu qu'après sa certification ; celle-ci atteste que le lot s'est avéré, après inspections sur pied par les services de certification et analyses d'échantillons par les laboratoires officiels de contrôle, conforme aux normes CEE d'identité et de pureté variétales, de pureté spécifique, de germination et autres ; les résultats de ces analyses sont consignés sur un bulletin d'analyse établi par les laboratoires de contrôle et destinés aux services de certification;
ceux-ci apposent sur chaque sac une étiquette, comportant un certain nombre d'indications qui permettent de retrouver l'origine du lot et par-là les voies par lesquelles il aura été éventuellement exporté, ainsi qu'une date permettant à l'utilisateur de déterminer aisément si le produit risque de s'être écarté de ces normes depuis les dernières analyses, ou si, au contraire, celles-ci sont suffisamment récentes pour lui donner toute assurance à cet égard ; à la demande de l'acheteur, chaque lot voyage accompagné, entre autres documents, de son bulletin d'analyse ; en ce qui concerne plus particulièrement les qualités de germination, elles sont exprimées quantitativement sur ce bulletin en termes de «faculté germinative» qui indique la proportion exacte, constatée sur échantillon, des graines levées par rapport aux graines semées ; par contre l'«énergie germinative» désigne seulement une aptitude probable et difficilement mesurable à supporter un climat défavorable (3) ; la directive du Conseil précitée a fixé à 90 % des semences pures (selon le point B 1 ci-dessus) la norme communautaire minimale de faculté germinative pour les semences de maïs (4) ; dans la réalité, la tendance unanime des producteurs de semences de maïs est de livrer des lots de qualité aussi élevée que possible ; en particulier, la faculté germinative des lots de semences de maïs INRA produits par l'ensemble des producteurs français, constatée par la Commission pour les dix dernières années, s'est toujours située nettement au-dessus de 90 % et le plus souvent au-dessus de 95 % ; pour ces années, la Commission n'a pu constater, dans les contrats de vente ou les contrats de livraison conclus par les producteurs français ou pour leur compte avec M. Eisele, aucune exigence spéciale, significative au plan des coûts, en ce qui concerne la germination aussi bien que le calibrage ; la Commission n'a d'ailleurs constaté aucune différence entre les statistiques de calibrage ou de germination en comparant les bulletins officiels d'analyse de tous les lots exportés en république fédérale d'Allemagne à ceux des lots vendus en France pendant les mêmes périodes ; enfin, ces réglementations de contrôle sont complétées, dans certains des États membres et notamment en France, par la délivrance à tout obtenteur, à tout producteur grainier, et même à tout négociant, et c'est donc le cas de M. Robert Bomberault, d'une carte professionnelle l'autorisant à exercer son activité en raison des qualités qui lui sont reconnues, dans sa spécialité, quant à sa compétence technique, son équipement professionnel et sa moralité;
2. au plan national, des réglementations sont intervenues pour reconnaître et protéger les droits des obtenteurs sur les variétés qu'ils créent ; elles résultent notamment: - en république fédérale d'Allemagne, de la loi de protection des espèces végétales (Sortenschtuzgesetz) du 20 mai 1968 et de son amendement du 9 décembre 1974,
- en France, de la loi nº 70-489 du 11 juin 1970 relative à la protection des obtentions végétales; (1)Directive 66/402/CEE précitée. (2)Essentiellement le nettoyage, les traitements chimiques, le calibrage. (3)Il est généralement admis que, au-delà d'un certain seuil, tout accroissement de faculté germinative entraîne un accroissement plus que proportionnel d'énergie germinative et par conséquent du nombre des levées réelles sur le terrain ; mais ces caractéristiques de comportement germinatif sont de peu d'intérêt pour des semences destinées à produire du maïs fourrager, lequel représente environ 80 % de la production allemande globale de maïs. (4)Directive 66/402/CEE précitée ; l'énergie germinative, parfois utilisée comme argument publicitaire, n'a pas été normalisée.


cinq autres États membres se sont dotés d'une législation de même effet (Danemark, Royaume-Uni, Belgique, Italie, Pays-Bas) et deux n'en disposent pas, ou pas encore (Irlande, Luxembourg) ; ces lois ont été adoptées, ou modifiées, en conformité avec la convention internationale pour la protection des espèces végétales, établie à Paris le 2 décembre 1961, qui a jeté les bases des dispositifs nationaux aujourd'hui en application ; compte tenu par ailleurs de la mise en oeuvre progressive, dans tous les États membres, des directives communautaires précitées sur la commercialisation et le catalogue commun, l'obtenteur peut donc bénéficier d'une protection légale du droit d'obtention qui lui sera reconnu sur toute variété nouvelle créée par lui et ayant fait la preuve de qualités objectivement définies ; dès lors, un certain nombre de conséquences découlent, au plan de la concurrence, et dans les circonstances de droit ou de fait qui prévalent actuellement, de l'ensemble de ces réglementations;
3. ces conséquences sont les suivantes: - en république fédérale d'Allemagne, la lettre de la loi confère à l'obtenteur un droit exclusif pour produire et commercialiser sur le territoire national le matériel de multiplication de ses variétés ; ce droit exclusif s'étend expressément aux exportations vers des pays ne disposant pas d'une protection équivalente (Sortenschutzgesetz, paragraphe 15),
- en France, la lettre de la loi confère à l'obtenteur un droit exclusif à produire, introduire sur le territoire national, et vendre ou offrir en vente tout ou partie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété, dont il détient les droits (loi nº 70.489, article 3);


en fait, l'interprétation et les conséquences tirées de ces lois nationales par la pratique (contrats privés, organisations professionnelles et structures publiques d'encadrement des activités agricoles, administrations nationales et services officiels de contrôle qui en dépendent), voire par certains tribunaux nationaux, ont généralisé la situation suivante qui prévaut progressivement pour toutes les espèces végétales : tout acte de production, ou tout acte de vente ou d'importation, y compris entre deux États membres, et que ce soit par un licencié ou par un tiers, est soumis au consentement préalable et exprès de l'obtenteur ou de ses ayants droit ; cette autorisation est requise pour toutes les semences, y compris les semences destinées à produire directement, c'est-à-dire par une utilisation unique, les céréales de consommation ; dès lors, organisant sur les nouvelles bases légales l'exploitation des variétés protégées, les obtenteurs ont désormais recours à des formules contractuelles de représentation réciproque ou d'accords de licence verticaux soumettant à leur contrôle la production et la vente de toutes les générations et catégories de semences et de plants de leurs variétés ; tous les échanges entre États membres sont en particulier soumis à leur autorisation préalable et expresse et ainsi se trouve progressivement expulsée de ce marché toute une catégorie professionelle traditionnellement spécialisée qui en constituait le principal facteur de transparence : celle des négociants indépendants (1), qui travaillent pour leur compte, et des courtiers intermédiaires qui agissent pour compte d'autrui;
4. en ce qui concerne plus particulièrement les semences de maïs, on peut considérer que toutes les variétés figurant sur les catalogues nationaux sont désormais protégées ; en règle générale, chaque obtenteur privé entreprend lui-même directement, dans son propre pays, l'exploitation de ses variétés au sens de production, multiplication et mise en circulation des «semences certifiées», mais confie cette exploitation à un licencié exclusif dans chaque autre pays ; en l'absence d'échanges de ces variétés entre États membres, sinon sous le contrôle des obtenteurs et de leurs licenciés, il n'y a donc pas de concurrence intramarque pour ces variétés ; les variétés de l'INRA, elles, sont exploitées en commun par l'ensemble des obtenteurs privés qui opèrent en France, par l'intermédiaire obligatoire d'un organisme commun (actuellement la Frasema) qui répartit la production et les commandes entre ceux-ci ; les marges bénéficiaires dégagées ces dernières années ont permis aux plus grands de ces obtenteurs privés de contrôler ou d'intégrer l'ensemble des structures de production et de distribution des variétés qu'ils exploitent ; au plan mondial, cette tendance s'est accompagnée de récentes prises de participation majoritaire de Sandoz, Ciba, Geigy, Shell et autres groupes dans le capital de grands obtenteurs américains et donc de leurs agents et filiales en Europe, qui soulignent l'intérêt que portent désormais à ce secteur les grandes firmes internationales diversifiées;


C. Les parties 1. l'INRA est un établissement public national à caractère administratif dont la mission est notamment d'améliorer et de développer la production végétale ; dans ce cadre, ses travaux de recherche et de vulgarisation ont été déterminants pour l'évolution de la culture du maïs dans toute l'Europe, et ils ont permis un bond de 25 % des rendements dès 1957/1958 grâce à la création, précisément, des INRA 200 et 258 ; entre les années 1958/1959 et 1973/1974, les trois quarts des ensemencements de maïs précoces dans la Communauté ont été faits avec des variétés INRA ou issues d'INRA ; l'institut national n'est pas habilité, par son statut de droit public, à exploiter commercialement lui-même ses variétés ; il a confié cette exploitation, à titre onéreux, aux obtenteurs et producteurs de maïs privés qui opèrent en France, lesquels se sont groupés pour cela au sein d'une société commerciale : ce fut, jusqu'en 1973, le rôle de la Société des semences de (1)Dont un certain nombre de coopératives agricoles.
base de maïs (SSBM), à Paris ; puis par une convention du 13 août 1973, l'INRA a cédé, contre redevance, une licence exclusive pour l'exploitation commerciale de ses variétés dans tous pays et, à ce titre, l'exécution de tous ses contrats antérieurs à la société anonyme Française des semences de maïs (Frasema), à Paris ; dans cette convention, qui vise globalement les variétés INRA, géniteurs compris, l'INRA confie notamment à la Frasema l'exclusivité des achats à l'importation et des ventes à l'exportation et s'engage à interdire les réimportations sur la France ; sur cette base, la Frasema a donc été subrogée à l'INRA dans les relations contractuelles entre celui-ci et M. Eisele ; la présente décision ne concerne cependant pas cette convention, qui n'a pas été notifiée, et dont l'appréciation éventuelle au regard du droit communautaire reste réservée pour une procédure ultérieure;
2. la Frasema a été créée le 18 juin 1973 ; son objet social est de programmer la production grainière des variétés INRA et en établir un plan de répartition entre ses actionnaires, d'assurer aussi la production et la vente des semences de base INRA ainsi que la vente et l'achat à l'exportation des semences certifiées INRA ; dix-huit actionnaires, fournissant ensemble la quasi-totalité des semences certifiées de toutes variétés utilisées par l'agriculture française, se partagent actuellement son capital social, mais les quatre principaux (coopérative Limagrain à Chappes, coopérative CACBA à Pau, établissement RAGT à Rodez, SICA France-maïs à Toulouse) en détiennent ensemble plus de 60 %, et huit autres moins de 2 % chacun ; Limagrain, qui représente à elle seule la moitié de la production française, est l'obtenteur de la variété actuellement la plus vendue : la variété concurrente LG 11, d'ailleurs issue de géniteurs INRA, inscrite au catalogue officiel français en 1973, et qui représentait sensiblement le tiers des utilisations pour le groupe des variétés précoces en 1975 ; dès cette année-là, et après avoir pris en deux ans le contrôle du premier distributeur français (établissement Genest, à Lyon), puis de son principal concurrent dans la production (établissement Hodée, à Corné, dans le Maine-et-Loire), Limagrain a porté son chiffre d'affaires à près de 40 millions d'unités de compte ; tous les sociétaires importants de la Frasema produisent aussi sous licence de l'un ou l'autre des grands obtenteurs nord-américains (Pioneer, Dekalb, Funks, Cargill, Northrup King, Astrow) qui détiennent ainsi chacun entre 1 et 10 % du marché dans l'ensemble des États membres : mais il s'agit là de variétés largement éclipsées, depuis 1958 et encore aujourd'hui, par les variétés INRA ou issues d'INRA;
3. M. K. Eisele, obtenteur, négociant en semences à Darmstadt, avait conclu, le 5 octobre 1965, avec l'INRA un accord qui lui confiait l'exclusivité de la production et de la distribution des variétés INRA en république fédérale d'Allemagne ; il a fait apport de ce droit exclusif à la société en commandite Nungesser KG, à Darmstadt, dont il est l'unique commandité et le sociétaire majoritaire ; cette société a ainsi été subrogée dans les droits de M. Eisele pour ses relations contractuelles avec l'INRA et la Frasema, sauf en ce qui concerne les inscriptions des variétés auprès du Bundessortenamt, qui sont toutes faites au nom de M. Eisele ; c'est donc la Nungesser KG qui accomplit les opérations liées à l'application du contrat du 5 octobre 1965;
4. la Nungesser KG est une entreprise spécialisée dans la production et le négoce des semences en général ; elle a réalisé jusqu'en 1973/1974 environ 20 % du total de ses ventes en république fédérale d'Allemagne avec les variétés INRA en cause et, en 1974 en particulier, celles-ci ont représenté 13 millions de marks allemands dans son chiffre d'affaires global, lequel s'élevait alors à 64 millions de marks allemands ; pour ce qui est des semences de maïs, les semences INRA vendues par la Nungesser KG de 1960 à 1972 ont représenté entre 50 et 70 % environ du marché allemand chaque année, et encore près de 40 % pour la campagne 1973/1974 ; à partir de 1974/1975, cette proportion a diminué, mais, M. K. Eisele étant devenu entre-temps le licencié exclusif de Limagrain aussi pour la république fédérale d'Allemagne, la Nungesser KG a distribué en même temps des variétés INRA et la variété LG 11 et maintenu ainsi au-dessus de 25 % sa part globale du marché allemand des semences de maïs;
5. la Louis David KG, à Meisenheim / Glan (république fédérale d'Allemagne), est une entreprise familiale de taille moyenne, traditionnellement spécialisée dans le négoce des semences de toutes espèces, y compris de maïs, et notamment dans les opérations d'import-export;


D. Les accords 1. les accords concernés dans cette affaire et leur contenu au regard des règles de concurrence du traité sont les suivants: 1.1. le contrat conclu les 14 et 16 décembre 1960 entre l'INRA et M. Kurt Eisele:
Article premier
M. Eisele est chargé de représenter l'INRA auprès du Bundessortenamt en vue de l'inscription de ses variétés de maïs (...).
Article 4
M. Eisele s'engage à informer l'INRA de toutes les questions relatives à la commercialisation desdites variétés en république fédérale d'Allemagne;
sur la base de ce contrat, M. Eisele a fait inscrire à son nom, auprès du Bundessortenamt, les variétés de maïs créées par l'INRA et est donc devenu le titulaire en république fédérale d'Allemagne des droits d'obtention sur ces variétés;
1.2. le contrat conclu le 5 octobre 1965 entre l'INRA et M. Kurt Eisele:
Article premier
L'INRA confie à M. Eisele l'exclusivité de l'organisation de la vente en république fédérale d'Allemagne de ses variétés (...).
M. Eisele s'engage pour sa part à ne pas se charger de l'organisation de la vente d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA.
Article 2
M. Eisele s'engage à fournir des semences à tout établissement allemand présentant des garanties techniques et morales suffisantes ; les prix consentis à ces établissements, jusqu'au niveau des coopératives agricoles d'utilisateurs, seront fixés en accord avec l'INRA ; ces prix devront prendre en considération le prix de vente des exportateurs français (...).
Article 3
M. Eisele a l'obligation d'importer de France les deux tiers au minimum des semences nécessaires aux besoins du marché allemand par l'intermédiaire obligatoire de l'organisation française chargée de centraliser et coordonner ces exportations (d'abord la SSBM, puis la Frasema) ; il est autorisé à produire ou à faire produire sous sa responsabilité le surplus, c'est-à-dire le tiers au maximum, de ces besoins, contre redevance.
Article 4
M. Eisele s'engage à faire respecter les droits de propriété de l'INRA sur les variétés en cause, notamment contre des démarques ; il est autorisé à faire usage de la marque INRA, qui fait l'objet d'un dépôt international, et à tous pouvoirs pour intenter les actions nécessaires.
Article 5
L'INRA se charge d'engager l'organisation prévue à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher toute exportation vers la république fédérale d'Allemagne des variétés de maïs INRA en dehors des dispositions de M. Eisele;
1.3. une transaction conclue le 14 novembre 1973 entre M. K. Eisele et Louis David KG, devant le Landgericht de Bad Kreuznach (2.0 174/73):
Article 1
Louis David s'engage à ne plus vendre ou mettre en circulation sans autorisation de M. Eisele des semences de variété INRA 258 / INRA Korn qu'il aura importées de France.
Article 2
Louis David s'engage à verser à M. Eisele la somme de 4 000 marks allemands à titre de dommages et intérêts pour avoir importé sans autorisation.
Article 3
Louis David s'engage à supporter les frais de procédure;


2. l'application et les effets de ces accords ont été les suivants entre les parties ; d'une façon générale, aucune multiplication, vente ou importation, y compris de semences certifiées INRA, n'a été faite en république fédérale d'Allemagne par la Frasema ou l'un de ses membres en dehors du licencié allemand ; cette abstention constante est considérée par les intéressés comme découlant de l'exclusivité concédée à M. Eisele dans ce pays ; les prix de vente en république fédérale d'Allemagne ont toujours été fixés sans intervention de l'INRA, contrairement à ce que prévoyait le contrat du 5 octobre 1965 ; entre les trois quarts et les deux tiers des semences INRA vendues par la Nungesser KG en république fédérale d'Allemagne ont été importés chaque année de France en lots certifiés par le Service officiel de contrôle français, soit notamment 50 000 quintaux sur 60 000 en 1973, et 60 000 quintaux sur 80 000 en 1974 ; le reste des semences vendues en république fédérale d'Allemagne par la Nungesser KG a été produit sur place par les soins du licencié, M. Eisele, celui-ci achetant à la Frasema les semences de base nécessaires et payant les redevances contractuelles prévues sur la vente des «semences certifiées» ; il faut noter cependant que, pendant la campagne 1977/1978, les semences produites en république fédérale d'Allemagne ont représenté la quasi-totalité des ventes de la Nungesser KG dans ce pays en ce qui concerne les variétés INRA ; par ailleurs, M. Eisele n'a ni produit ni vendu en république fédérale d'Allemagne d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA jusqu'à la campagne 1973/1974 où, sans opposition de l'INRA, il a commencé à commercialiser aussi la variété de LG 11 ; en ce qui concerne les exportations, l'INRA avait précisé à la Commission, dans une réponse à une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement nº 17, que les restrictions que peuvent contenir ses contrats «ne concernent que les géniteurs mais en aucun cas les semences commerciales» ; pourtant, et entre autres, une lettre à en-tête du ministère l'agriculture, à Paris, et émanant du bureau de gestion des variétés de l'INRA était encore adressée à la Frasema le 29 décembre 1975, sous la signature de M. P. Bezot, dénonçant «la manière dont se seraient déroulées certaines opérations de vente de maïs INRA à l'étranger» et ordonnant, sans faire de distinctions:
«aucune importation ou exportation de la variété ... ne doit être faite sans l'accord exprès de l'obtenteur ... ; le non-respect de cette clause peut entraîner, à tout moment et sans indemnité, le retrait par l'obtenteur de la licence d'exploitation ... ; je vous serais reconnaissant de bien vouloir rappeler aux membres de la Frasema l'obligation d'obtenir, préalablement à toute vente à l'étranger de semences de maïs INRA, l'autorisation de l'INRA ou de son délégataire exclusif, à savoir la Frasema»;
3. l'application et les effets de ces accords ont été les suivants à l'égard des tiers : au titre de l'exclusivité concédée à M. Eisele, toute importation ou revente en république fédérale d'Allemagne de leur part ont été strictement empêchées par des menaces de poursuites et par des actions en justice basées sur le Sortenschutzgesetz du 20 mai 1968, aussi bien par la Frasema que par le licencié allemand ; c'est ainsi que Louis David KG, en particulier, a dû conclure devant le juge la transaction du 14 novembre 1973 et, à ce titre, payer 4 000 marks allemands de dommages et intérêts parce qu'elle avait importé de France et revendu en république fédérale d'Allemagne, sans autorisation de M. Eisele, 15 tonnes de semences certifiées de variétés INRA ; de même, l'entreprise Robert Bomberault, à Argent-sur-Sauldre, après avoir inséré dans le Journal Ernährungsdienst (numéro du 19 février 1974), publié à Hanovre par les éditions Alfred Strothe, une première offre de semences certifiées INRA, qu'elle avait acquises régulièrement en France auprès d'établissements-producteurs membres de la Frasema, s'est vu refuser l'insertion d'autres annonces analogues ; ce refus était motivé par les pressions et menaces de poursuites contre l'éditeur, en cas de répétition de ces annonces, exercées tant par M. Eisele que par la Frasema invoquant à la fois la loi nationale allemande et le droit exclusif contractuel concédé à M. Eisele ; par ailleurs, la Frasema exerça des pressions dans le même sens sur M. Bomberault pour le dissuader d'exporter en république fédérale d'Allemagne, notamment par plusieurs télex des 20, 21 et 22 février 1974 invoquant l'exclusivité contractuelle du licencié allemand et la loi française du 11 juin 1970 ; enfin, le 23 février suivant, M. Eisele fit insérer dans le même journal un avis de mise en garde générale contre toute importation de semences INRA sans son autorisation, y compris d'autres pays du Marché commun ; les jours suivants, un certain nombre d'entreprises allemandes qui s'étaient déclarées intéressées par l'offre de M. Bomberault lui adressèrent par télex leur désistement par crainte des poursuites ; même après avoir reçu la communication des griefs que lui avait adressés la Commission le 3 novembre 1976, la Nungesser KG a continué à agir en sorte que les exportations de semences de variétés INRA de la république fédérale d'Allemagne vers la France soient faites exclusivement par elle sur la base des contrats de licence précités conclus avec l'INRA ainsi, interrogée le 4 avril 1977 par la Baywa AG, à Munich, qui sollicitait l'autorisation d'exporter des semences INRA vers la France, la Nungesser KG n'a recontacté celle-ci que le 19 avril suivant pour donner sa réponse ; dans ce commerce, où les opérations se déroulent avec la plus grande rapidité et souvent en quelques heures, un tel délai exclut évidemment toute possibilité de conclure une affaire;
4. dans ces conditions, le licencié exclusif bénéficie en république fédérale d'Allemagne d'une protection territoriale absolue ; cette situation lui a permis notamment de faire supporter aux agriculteurs-utilisateurs allemands des prix de vente beaucoup plus élevés que ceux pratiqués en France pour des semences rigoureusement identiques et offertes dans les mêmes conditions de traitement, de calibrage et d'emballage ; en ne considérant que des prix moyens pour un kilogramme hors taxe sur la valeur ajoutée, constatés au même stade de la distribution et sur les périodes significatives, les prix de vente des semences certifiées INRA Korn (INRA 258) par les établissements-producteurs de France à la Nungesser KG (franco Kehl) ont été légèrement inférieurs (de 10 à 12 % selon les déclarations de la Frasema) aux prix consentis par eux aux grossistes en France : pour les semailles du printemps de chaque année considérée, les prix payés par les grossistes français ont été de 2,60 francs français en 1972, 2,55 francs français en 1973, 2,75 francs français en 1974 et 3 francs français en 1975 ; les prix de revente moyens des mêmes semences en France par les coopératives agricoles et les détaillants locaux aux agriculteurs-utilisateurs sont demeurés voisins de 3,3, 3,10 et 4 francs français tout au long des quatre campagnes de vente considérées (1) ; en revanche, en république fédérale d'Allemagne, les prix moyens de revente au détail n'ont pas été inférieurs, seon les catalogues et tarifs publiés par la Nungesser KG et les grossistes et à l'examen des déclarations des coopératives et des commerces locaux communiquées par M. Eisele lui-même à la Commission, à 2,70 marks allemands en 1972, 2,80 marks allemands en 1973, 2,85 marks allemands en 1974 et 2,90 marks allemands en 1975 ; les cours variaient donc de 3,10 francs français à 2,85 marks allemands d'une rive du Rhin à l'autre, (1)En particulier, la filiale strasbourgeoise de la Nungesser KG a établi trois factures de vente en avril et mai 1974 : les prix unitaires étaient respectivement 3,2,80 et 3,20 francs français le kilogramme ; il s'agit là de prix de vente à des détaillants ou coopératives locales, et ces prix sont donc eux-mêmes légèrement supérieurs à la moyenne française.
soit sensiblement 70 % d'écart, au printemps 1974 où se situent la tentative d'exportation et la plainte de M. Bomberault ; il existe pour cette raison chaque année en république fédérale d'Allemagne une importante demande potentielle pour des semences fournies par des négociants français ; à l'inverse, pour les seules semences de maïs INRA écoulées en 1974 par M. Eisele (80 000 quintaux selon ses déclarations), et par rapport à la situation qui aurait pu prévaloir dans un marché unique entre États membres, les marges commerciales supplémentaires supportées par l'agriculture, et finalement le consommateur allemand, se sont élevées à plusieurs millions d'unités de compte;


E. Les principaux arguments développés par la Frasema et par M. Eisele 1. Les semences figurent à l'annexe II du traité ; par ailleurs, le système contractuel INRA-Frasema-Nungesser entre, d'une certaine manière, dans l'hypothèse prévue à l'article 2 du règlement nº 26 du Conseil (1) concernant les accords relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l'annexe II et qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité ; dans ce cadre, notamment, la Frasema et la Nungesser KG constituent le prolongement commercial d'une activité agricole (la multiplication) et sa condition nécessaire (par la vente), et ces activités, ainsi que l'objet social même de la Frasema, sont essentiellement en concordance avec les objectifs définis à l'article 39 du traité concernant la productivité, le niveau de vie, la stabilité des marchés, la sécurité des approvisionnements et des prix raisonnables pour le consommateur ; dès lors, et conformément à l'article 2 du règlement nº 26, l'article 85 n'est pas applicable en l'espèce;
2. La Frasema est chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général au sens de l'article 90 paragraphe 2 du traité, par délégation de l'INRA qui est lui-même un établissement public national placé sous l'autorité administrative du ministre de l'agriculture ; une application pure et simple des règles de concurrence et de libre circulation à leurs activités doit être exclue car elle ferait échec à l'accomplissement de leur mission ; ceci serait particulièrement le cas si la Commission devait interdire la plupart des clauses qualitatives et quantitatives qui permettent seules d'assurer, en France et en république fédérale d'Allemagne, la qualité de la semence, la stabilité du marché, et par-là le meilleur profit pour l'utilisateur;
3. le droit d'obtention est un droit spécifique et les semences ne peuvent pas être assimilées, dans l'application des règles de concurrence, à un produit industriel ; celui-ci n'est pas susceptible de voir ses caractéristiques affectées par le lieu ou les conditions de sa fabrication ou de sa commercialisation ; au contraire, la semence n'est pas véritablement un «produit» et sa fonction commerciale doit subir les restrictions nécessitées par la préservation de toutes ses caractéristiques d'organisme vivant : depuis sa «production», au sens strict, jusqu'à sa mise en terre par l'agriculteur-utilisateur ; dans le cas contraire, rien ne pourrait garantir l'obtenteur contre l'insuffisance d'un maillon incontrôlé du circuit de distribution occasionnant une perte de qualité - énergie germinative ou calibrage notamment - au risque d'une altération de l'image de marque et engageant même la responsabilité de cet obtenteur ou de son représentant devant la loi ; les mêmes considérations peuvent imposer une limitation de la production du licencié lui-même, notamment en raison de conditions climatiques, comme c'est précisément le cas pour la culture du maïs en république fédérale d'Allemagne;
4. une exception à l'application stricte de l'article 85 est déjà justifiée, au titre de l'article 36 du traité, pour des raisons évidentes de protection des végétaux ; par ailleurs, la Cour de justice et la Commission ont elles-mêmes admis jusqu'à présent, en matière de droits nationaux de propriété industrielle, la compatibilité du maintien de ces droits avec l'établissement d'un marché unique, même si leur protection doit conduire à une interdiction ou restriction d'importation ou d'exportation ; la condition de cette compatibilité est que ces restrictions soient justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle à préserver ; dans le cas d'espèce et s'agissant d'obtention végétale, la mise en circulation de semences INRA par le licencié en république fédérale d'Allemagne n'épuise donc pas le droit de l'obtenteur, pas plus que leur mise en circulation dans le même pays contre le consentement du licencié ; une raison suffisante à cela réside dans les soins constants et le contrôle permanent exigés pour les semences;
5. les clauses jugées restrictives dans les accords en cause trouvent leur fondement dans les lois nationales allemande et française protégeant les obtentions végétales, qui datent de 1968 et 1970 et sont inspirées elles-mêmes de la convention internationale de 1961 ; la mise en cause de ces accords par la Commission au titre de l'article 85 n'est donc pas possible, mais seulement une procédure au titre de l'article 169 du traité dirigée contre ces lois nationales pour manquement des États membres à une de leurs obligations découlant du traité ; par ailleurs, la présente procédure est aussi en contradiction avec l'article 14 de la loi fondamentale de la république fédérale d'Allemagne en ce (1)JO nº 30 du 20.4.1962, p. 993/62 (règlement portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles).
qu'elle porte atteinte au droit de propriété considéré comme un des droits fondamentaux ; la présente procédure est, enfin, en contradiction avec la convention de Luxembourg (convention sur le brevet communautaire, du 15 décembre 1975) dont l'article 43 paragraphes 1 et 2 prévoit la possibilité qu'une licence contractuelle territoriale soit exclusive;




II. APPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1
considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises et toutes décisions d'associations d'entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun; 1. considérant que l'INRA, la Frasema, la Nungesser KG et la Louis David KG sont des entreprises au sens de l'article 85 ; qu'il en est de même de M. K. Eisele du fait qu'il est négociant en semences, obtenteur des variétés INRA qu'il commercialise par importation, multiplication et vente ; que, par conséquent, les accords exposés ci-dessus au point I sous D sont des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
2. considérant que ces accords ont pour objet et pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun par leurs dispositions reprises ci-après et par l'interprétation et l'application qui leur ont été données ; que les restrictions qui en découlent ont des effets sensibles sur le marché des semences de maïs, notamment en république fédérale d'Allemagne et en France, étant donné la part importante de ce marché détenue depuis vingt ans par les semences des obtentions INRA;
3. considérant que ces restrictions sont les suivantes: A. Contrat des 14 et 16 décembre 1960 et contrat du 5 octobre 1965 entre l'INRA et M. Eisele a) l'exclusivité de la licence concédée à M. Eisele, à l'article 1er du contrat de 1965, dans la mesure où elle est interprétée et appliquée par les parties comme impliquant: - l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit (Frasema et producteurs français sociétaires) de ne pas autoriser d'autres entreprises à produire ou utiliser les variétés INRA en république fédérale d'Allemagne et l'obligation de ne pas les produire ou les utiliser eux-mêmes à l'intérieur de ce territoire,
- l'obligation pour l'INRA ou les mêmes ayants droit de ne pas autoriser d'autres entreprises à distribuer ces variétés en république fédérale d'Allemagne et l'obligation de ne pas les distribuer eux-mêmes dans ce territoire;


le caractère restrictif de ces obligations tient à ce que, en concédant à une seule entreprise l'exploitation de ses droits d'obtention dans un territoire déterminé, le donneur de licence se prive pour toute la durée du contrat de la faculté de concéder dans ce même territoire une licence à d'autres entreprises, ce qui élimine celles-ci en tant qu'offreurs concurrents dans ce territoire même si elles en ont la volonté, l'aptitude et les moyens ; en outre, en s'engageant à ne pas produire et vendre lui-même dans le territoire concédé, le donneur de licence s'élimine lui aussi, et élimine également la Frasema et les membres de celle-ci en tant qu'offreurs dans ce territoire ; ces obligations qui restreignent la liberté du titulaire d'un droit d'obtention dans l'exploitation de celui-ci ne font pas partie de l'objet spécifique de ce droit; - l'obligation pour l'INRA et les mêmes ayants droit d'empêcher les tiers d'exporter pour vendre ou pour utiliser en république fédérale d'Allemagne les variétés INRA,
- le recours par M. Eisele à ses propres droits d'obtention, en application du contrat des 14 et 16 décembre 1960, pour s'opposer à toute importation en république fédérale d'Allemagne ou à toute exportation vers un autre État membre de la Communauté, qui serait effectuée par des tiers, desdites variétés;


l'impossibilité pour les tiers, sans autorisation de l'INRA ou de M. Eisele, d'importer en république fédérale d'Allemagne ou d'exporter de ce pays les mêmes semences en provenance ou à destination d'autres pays du Marché commun, contribue à une répartition de débouchés et prive les agriculteurs-utilisateurs allemands de toute possibilité de discussion réelle puisque ces semences leur sont proposées par le canal obligatoire d'un offreur unique au départ ; en particulier, les pressions exercées en ce sens sur M. Bomberault pour le dissuader d'exporter en république fédérale d'Allemagne en invoquant l'exclusivité contractuelle du licencié allemand et la loi française du 11 juin 1970, ainsi que les actions entreprises contre Louis David KG et contre les éditions A. Strothe par M. Eisele, étaient restrictives à cet égard et à ce titre ; les mêmes considérations s'appliquent pour ce qui est de l'action entreprise par la Nungesser KG contre la Baywa AG pour empêcher celle-ci d'exporter vers la France ; le fait que l'INRA a transféré ses droits originaires aux obtentions sur ses créations à M. Kurt Eisele pour la république fédérale d'Allemagne, où, de ce fait, celui-ci est devenu obtenteur enregistré et titulaire d'un droit dérivé, ne saurait faire échapper ni le contrat de 1960 ni celui de 1965 à l'application de l'article 85 ; aussi longtemps que M. Eisele ne crée pas lui-même les variétés concernées, il demeure un licencié malgré ledit enregistrement en république fédérale d'Allemagne ; au contraire, la cession à M. Eisele de droits exclusifs sur des obtentions végétales de l'INRA est un élément constitutif du système de distribution des variétés INRA en république fédérale d'Allemagne, dans la mesure où cette position formelle du licencié peut alors être utilisée pour s'opposer à toute importation de produits originaux et renforcer ainsi l'exclusivité de ce licencié tant à l'égard du donneur de licence qu'à l'égard des tiers;
b) l'obligation pour l'INRA et les mêmes ayants droit, à l'article 5 du contrat de 1965, de faire en sorte que toute exportation vers la république fédérale d'Allemagne soit empêchée, obligation qui explicite la portée de l'exclusivité de vente et qui implique pour les intéressés, et a effectivement été appliquée en ce sens par ceux-ci simultanément, une obligation pour eux-mêmes: - de ne pas exporter en république fédérale d'Allemagne (interdiction des exportations directes)
et
- de prendre toute mesure nécessaire en vue d'empêcher les tiers d'exporter en république fédérale d'Allemagne (interdiction des exportations indirectes);


les effets de cette obligation ont déjà été examinés plus haut dans le contexte de l'exclusivité;
c) l'obligation imposée au licencié, à l'article 1er également, de ne pas produire et/ou vendre des semences d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA, qui a été de nature à l'éliminer du marché allemand en tant qu'offreur potentiel de ces autres variétés pendant les années où cette obligation a été respectée;
d) l'obligation pour le licencié, à l'article 2, de ne fournir des semences en cause qu'à des établissements allemands offrant des garanties morales et des garanties techniques suffisantes, qui laisse à sa convenance le choix des critères de la détermination de telles garanties et lui confère ainsi un moyen de rétorsion suffisant pour dissuader toute tentative de vente ou d'importation sans son autorisation ; du reste, chaque sac de semences est destiné à être détenu finalement par un agriculteur-utilisateur, sur lequel demeure sans effet cette disposition de l'article 2, qui n'est donc pas apte aux fins d'un contrôle de qualité;
e) l'obligation pour les deux parties, à l'article 2 également, de fixer ensemble les prix de revente en république fédérale d'Allemagne ; cependant, cette disposition, qui aurait eu pour effet de restreindre la liberté d'action du licencié pour un élément déterminant au plan de la concurrence, est restée lettre morte à la connaissance de la Commission;
f) l'obligation pour le licencié, à l'article 3, d'importer de France au moins les deux tiers des besoins du marché allemand et de ne pas produire ou faire produire lui-même plus du tiers ; cette obligation relative aux quantités maximales a supprimé la liberté d'action du licencié pour un autre élément déterminant au plan de la concurrence, sa politique de production, pendant les années où elle a été respectée, c'est-à-dire jusqu'à l'année 1977;


B. Transaction du 14 novembre 1973 entre L. David KG et M. Eisele
l'obligation pour Louis David de ne plus importer en république fédérale d'Allemagne à l'avenir, qui élimine un concurrent au niveau de l'offre et contribue aussi aux effets exposés ci-dessus sous A ; cette obligation est d'autant plus restrictive qu'il s'agit d'une marchandise déjà mise licitement sur le marché en France et qui doit donc pouvoir, de ce fait, selon la jurisprudence de la Cour de justice dans son arrêt du 8 juin 1971 (affaire 78-70), circuler librement dans toute la Communauté;


4. considérant que les restrictions exposées ci-dessus organisent une répartition de débouchés en soumettant les échanges entre la France et la république fédérale d'Allemagne à un intermédiaire unique obligatoire ; qu'elles affectent de façon sensible le commerce entre États membres et exercent une influence directe sur le courant des échanges entre ces États d'une manière susceptible de nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique;
5. considérant que les semences figurent à l'annexe II du traité ; qu'il convient donc d'examiner si les dispositions de l'article 2 du règlement nº 26 précité sont applicables aux accords concernés dans la présente affaire ; que, à cet égard, il apparaît que l'exception de l'article 2 doit être écartée en l'espèce et que, par conséquent l'article 85 paragraphe 1 peut être appliqué pour les raisons suivantes: - ces accords ne font pas partie intégrante et ne sont pas le prolongement d'une organisation nationale du marché des semences de maïs ; en effet, la Frasema a pour seule mission l'exploitation commerciale des semences de maïs INRA, dont la spécificité n'est pas telle que leur marché puisse être distingué de celui des semences de maïs en général, et, par, conséquent, la convention qui lie l'INRA et la Frasema ne peut pas constituer une organisation nationale du marché des semences de maïs ; une telle organisation nationale n'existe par ailleurs ni en France, ni en république fédérale d'Allemagne, et ce marché des semences de maïs est régi par les dispositions du règlement (CEE) nº 2358/71 du Conseil, du 26 octobre 1971, portant organisation commune des marchés dans le secteur des semences (1),
- ces accords ne sont pas nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité ; il résulte du troisième considérant du règlement nº 26 précité que l'exception de l'article 2 n'est destinée à jouer que dans la mesure où l'application de l'article 85 paragraphe 1 du traité à ces accords mettrait en péril la réalisation des objectifs de la politique agricole commune dans le secteur des semences de maïs ; les moyens nécessaires à cette réalisation ont été déterminés par le règlement (CEE) nº 2358/71 précité ; ces accords ne peuvent, en aucune façon, s'insérer dans le cadre des dispositions de ce règlement, et leur suppression ou leur modification ne risque donc nullement d'en empêcher la bonne application ; d'ailleurs, ces accords ont permis à M. K. Eisele d'éliminer toute concurrence sur le marché allemand pour ce qui concerne les semences de maïs INRA et ils ont eu ainsi pour résultat, comme cela a été indiqué plus haut, que les prix de ces semences en république fédérale d'Allemagne ont été longtemps très supérieurs aux prix pratiqués en France ; ce résultat est en soi en contradiction, au moins en république fédérale d'Allemagne, avec deux des objectifs de l'article 39 du traité : assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture, et assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ; enfin, en limitant la production en république fédérale d'Allemagne des semences de maïs INRA, ces accords ont été aussi pendant de nombreuses années de nature à s'opposer à l'objectif de l'article 39 concernant la sécurité des approvisionnements, en restreignant de façon non négligeable la dispersion géographique de cette production dans des zones de la Communauté où elle apparaît possible, alors que cette dispersion pourrait permettre à la Communauté d'être plus à l'abri d'un déficit conjoncturel de production tenant, notamment, à des phénomènes climatiques localisés,
- ces accords ne sont pas des accords entre exploitants agricoles, associations d'exploitants agricoles ou association de ces associations ressortissant à un seul État membre;


6. considérant que la présente procédure ne concerne pas le matériel de reproduction destiné aux essais en culture, à la recherche scientifique ou aux travaux de sélection ; qu'elle ne peut donc pas faire échec à l'accomplissement de la mission confiée à l'INRA en tant qu'entreprise publique, et ceci indépendamment de la question de savoir si l'INRA peut être considéré ou non comme une entreprise au sens de l'article 90 paragraphe 2 du traité ; que cette mission est en effet déterminée limitativement comme suit par le décret nº 64-54 du 16 janvier 1964, de la République française, relatif à l'Institut national de la recherche agronomique (Titre II), lequel ne mentionne pas la distribution des semences dans un but de rentabilisation au sens commercial:
Article 8
L'INRA (...) a pour mission d'organiser, d'exécuter et de publier tous travaux de recherches scientifiques intéressant l'agriculture, (...) en particulier relatifs à: - l'amélioration et au développement de la production végétale (...),
- la conservation et à la transformation des produits agricoles (...).


L'Institut effectue toutes recherches à caractère économique et sociologique intéressant l'agriculture et le monde rural ; il étudie, détermine et diffuse les modalités pratiques de l'application des résultats de ses recherches (...);
il prend les brevets afférents aux découvertes réalisées;
7. considérant que ne se pose pas, en l'espèce, la question soulevée par les parties quant à l'inopportunité d'une application stricte des règles de concurrence ou de libre circulation du traité en raison des caractéristiques propres aux semences et de l'objet spécifique du droit d'obtention ; que, en effet, les catégories de semences concernées ont été définies limitativement ci-dessus, dans des conditions qui réservent la position et l'appréciation de la Commission pour les catégories destinées à la recherche ; que les produits concernés, dès lors, sont mis en circulation sous la responsabilité de l'établissement-producteur et selon des prescriptions de réglementation publique établies précisément pour pallier tous les risques inhérents à leurs caractéristiques de produits végétaux ; que, par ailleurs, comme la protection d'un licencié contre la concurrence du donneur de licence ou d'autres colicenciés, ou des tiers, ne relève pas de l'objet spécifique du droit d'obtention, l'article 36 du traité ne justifie pas des obstacles à la libre circulation des semences qui ont été officiellement certifiées, et ceci qu'il s'agisse d'importations d'un État membre vers un autre (article 30 du traité) ou d'exportations d'un État membre vers un autre (article 34 du traité); (1)JO nº L 246 du 5.11.1971, p. 1.
qu'en outre n'a été établie aucune conséquence liée aux caractéristiques particulières des semences et qui pourrait rendre nécessaire une limitation de la production du licencié, par exemple en raison de conditions climatiques peu favorables dans son pays ; que, notamment, la Commission n'a pas pu constater en quoi ces conditions climatiques, jugées favorables pour la production en république fédérale d'Allemagne de 21 000 quintaux en 1974, ne l'étaient pas pour la production des 80 000 quintaux qui ont été nécessaires à l'agriculture allemande cette année-là ; que les parties n'ont pas établi non plus ni la Commission décelé, pour les lots de variétés INRA offerts en république fédérale d'Allemagne la même année par M. R. Bomberault, un comportement germinatif ou autre décevant lié à la nature particulière du produit ; que, au contraire, il s'agissait de lots acquis régulièrement auprès des établissements-producteurs français, donc dûment certifiés, et proposés par un distributeur agrée lui-même par l'État français ; que, de toute façon, un comportement présumé préjudiciable à l'utilisateur, donc à terme au renom d'une marque, d'un maillon incontrôlé d'une chaîne de distribution ne peut à aucun titre fonder une exclusion générale des articles 30 et 34 ou de l'article 85 du traité;
8. considérant que la présente procédure, engagée en application de l'article 85 du traité, ne vise pas à mettre en cause, dans leur existence ou dans leur object spécifique, des droits consacrés par une loi nationale ou par l'ordre constitutionnel interne d'États membres ; qu'elle vise seulement à marquer, comme le prévoit l'article 36 du traité, des limites à l'exercice de tels droits pour le rendre compatible avec les principes du traité;
9. considérant que l'article 85 paragraphe 1 est donc applicable;


III. INAPPLICABILITÉ DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3
considérant que, aux termes de l'article 85 paragraphe 3, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables aux accords qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans: a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence;

1. considérant que, en ce qui concerne le caractère exclusif de la licence: a) en principe, comme c'est le cas pour un brevet, l'exclusivité de production par multiplication concédée par le titulaire d'une obtention végétale à un licencié à l'intérieur du territoire du Marché commun, comme celle concédée à M. K. Eisele par l'INRA ou ses ayants droit qui sont les autres obtenteurs et producteurs groupés au sein de la Frasema, pourrait être considérée comme réunissant toutes les conditions de l'exemption visée à l'article 85 paragraphe 3 ; l'exclusivité de vente comportant des interdictions d'exporter pourrait aussi, dans certains cas, bénéficier de cette exemption, notamment lorsqu'elle apparaît nécessaire à la protection de petites ou de moyennes entreprises au moment de pénétrer un marché nouveau ou de promouvoir un produit nouveau et que des importations parallèles demeurent possibles;
b) en l'espèce, cependant, la Commission laisse en suspens l'appréciation, au regard de l'article 85 paragraphe 3, de l'exclusivité de production par multiplication concédée à M. K. Eisele, car les conditions prévues pour l'exemption ne sont en tout cas pas remplies par l'exclusivité de vente et les interdictions d'exporter qui l'accompagnent, et ceci pour les raisons suivantes: - l'hypothèse de la pénétration d'un marché nouveau ou du lancement d'un produit nouveau est exclue,
- de toute façon, et même pendant les années de lancement des variétés INRA 200 et 258 ou de leur introduction en république fédérale d'Allemagne, M. K. Eisele a bénéficié, pour distribuer dans ce pays les semences dont il a l'exclusivité, d'une protection territoriale absolue ; une telle protection a eu pour seule et directe conséquence, par son caractère absolu, d'empêcher toute importation par d'autres canaux des produits originaux, à savoir les semences INRA en provenance de France, malgré une demande persistante en république fédérale d'Allemagne pour de telles importations, ce qui en soi ne constitue ni ne peut contribuer à une amélioration au sens de la première condition de l'article 85 paragraphe 3 ; en outre, les variétés INRA ont pu être revendues pendant toutes ces années aux utilisateurs finals, les cultivateurs allemands, à un niveau de prix excluant pour eux, par rapport aux prix pratiqués en France, la participation équitable à d'éventuels profits au sens de la deuxième condition de l'article 85 paragraphe 3;

Dans cette appréciation, la Commission ne méconnaît pas les frais particuliers de publicité, diffusion ou autres qui peuvent incomber plus lourdement à un licencié sur un territoire important, ou nouveau, ou à fortes particularités de langue, usages, réglementation, climat, etc. ; en effet, les intéressés peuvent remédier à cette situation sans recourir à des restrictions incompatibles avec le traité ; par exemple, ils peuvent, et c'est d'ailleurs ce que fait la Frasema en faveur de la Nungesser KG, réserver des prix d'achat plus favorables au licencié qui doit faire face à de tels frais particuliers;


2. considérant que l'interdiction de produire ou de vendre des produits concurrents, lorsqu'elle est stipulée dans des contrats de licence et suivie d'effet, est contraire au progrès technique en ce qu'elle empêche le licencié de développer d'autres produits, éventuellement meilleurs, ou de prendre des licences en ce sens ; que, en l'espèce, la production ou la vente par M. Eisele de la variété concurrente LG 11 démontre qu'aucune raison technique liée aux caractéristiques particulières des semences ne justifie a priori, au sens de l'article 85 paragraphe 3, une clause de non-concurrence dans des contrats de multiplication ou vente de celles-ci ; qu'en l'espèce, cependant, cette clause n'est plus appliquée;
3. considérant que l'obligation pour le licencié de ne vendre qu'à des établissements offrant des garanties morales ou techniques pourrait aussi contribuer à une amélioration au sens de l'article 85 paragraphe 3, à condition que ces garanties soient appréciées selon des critères définis de façon objective ; que, en l'espèce, de tels critères n'ont pas été retenus;
4. considérant que l'obligation pour le licencié de fixer ses prix de revente en accord avec le donneur de licence ou avec l'obtenteur, et l'obligation de s'y conformer, ne sont susceptibles par nature d'aucun des effets favorables envisagés à l'article 85 paragraphe 3 ; que, toutefois, les parties en cause n'ont jamais appliqué cette disposition, à la connaissance de la Commission;
5. considérant que l'obligation pour le licencié de ne pas produire ni faire produire plus d'une partie déterminée de ses besoins pour la vente sur son territoire n'apparaît pas, en l'espèce, susceptible de contribuer à une amélioration technique ou économique ; que, en effet, les parties en cause n'ont pas établi, ni la Commission constaté, qu'il n'a pas été possible jusqu'en 1978 de produire en république fédérale d'Allemagne dans des conditions satisfaisantes - eu égard aux normes communautaires de qualité - plus de 20 000 ou de 25 000 quintaux ou toute autre quantité de semences de maïs INRA;
6. considérant que les appréciations qui précèdent ne sauraient être modifiées par les allégations de M. K. Eisele d'après qui l'emploi des semoirs à disques - encore les plus répandus en république fédérale d'Allemagne, alors que les semoirs pneumatiques sont déjà vulgarisés en France - rendrait nécessaire une plus grande exigence quant au calibrage des semences livrées aux exploitants agricoles sur son territoire ; que ces allégations sont en effet en opposition avec les constatations suivantes: a) les trois quarts des semences de maïs utilisées en Allemagne au cours des vingt dernières années ont été importées de France, en lots aux calibres courants et aux normes courantes de germination et pureté;
b) mentionner, par écrit et au besoin oralement lors de la livraison, les calibres et les disques préconisés ne présente guère de difficultés surtout pour un commerce de gros qui est traditionnellement spécialisé, équipé et compétent tant en république fédérale d'Allemagne qu'en France;
c) les utilisateurs eux-mêmes, en république fédérale d'Allemagne comme ailleurs, sont parfaitement capables de déterminer le disque approprié et d'armer un semoir classique en conséquence, en attendant la généralisation du semoir pneumatique qui est effectivement susceptible d'une plus grande souplesse dans les calibrages;


que, pour ces raisons, M. K. Eisele n'est pas fondé à soutenir que le système de distribution exclusive tel qu'il est appliqué en l'espèce est la seule façon d'éviter à coup sûr l'importation désordonnée de semences non adaptées au marché allemand, et qu'il améliore donc la distribution au sens de l'article 85 paragraphe 3 ; que, de façon générale, il n'est donc pas fondé non plus à soutenir que, en tant que distributeur exclusif, seule une protection territoriale absolue peut le mettre en mesure d'assurer et de maintenir à terme un acheminement et une conservation du produit ainsi qu'un conseil à l'utilisateur satisfaisants, et que toute autre solution mettrait en péril la préservation de la marque INRA dans le temps ; que, d'ailleurs, aucun exemple précis n'a été fourni durant l'instruction, ou constaté par la Commission, de semences introduites en république fédérale d'Allemagne au détriment des utilisateurs ou du renom de la marque concernée;
7. considérant que la transaction du 14 novembre 1973 entre M. K. Eisele et Louis David KG et les restrictions qu'elle contient ne sont pas de nature à entraîner des améliorations au sens de l'article 85 paragraphe 3;
8. considérant que les accords exposés ci-dessus au point I sous D ne réunissent pas toutes les conditions cumulatives de l'article 85 paragraphe 3 et ne peuvent donc pas être exemptés à ce titre de l'interdiction contenue à l'article 85 paragraphe 1;
considérant que, en application de l'article 3 du règlement nº 17, les entreprises concernées sont tenues de mettre fin immédiatement à toute infraction constatée dans la présente décision,




A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Le contenu et l'application des dispositions suivantes: a) du contrat des 14 et 16 décembre 1960 concernant la cession par l'INRA à M. K. Eisele du droit aux obtentions allemandes;
b) du contrat d'exclusivité de multiplication et vente de semences de maïs conclu le 5 octobre 1965 entre l'INRA et M. K. Eisele;
c) de la transaction intervenue le 14 novembre 1973 entre M. K. Eisele et l'entreprise Louis David KG pour empêcher celle-ci d'importer et vendre des semences INRA en Allemagne sans autorisation,


sont en infraction avec l'article 85 paragraphe 1 du traité: a) le contrat des 14 et 16 décembre 1960, dans la mesure où il permet à M. K. Eisele d'invoquer ses propres droits d'obtention pour s'opposer à toute importation en république fédérale d'Allemagne, ou à toute exportation vers un autre État membre de la Communauté, de semences de maïs des variétés INRA ayant été officiellement certifiées;
b) dans le contrat du 5 octobre 1965:
à l'article 1er:
l'exclusivité de la licence de production par multiplication et de vente des semences de maïs de ses variétés, ayant été officiellement certifiées, qui a été concédée par l'INRA, en tant que cette exclusivité est interprétée et appliquée comme impliquant: - l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit de ne pas faire produire ou faire vendre par d'autres licenciés en république fédérale d'Allemagne,
- l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit de ne pas produire ou vendre eux-mêmes en république fédérale d'Allemagne,
- l'obligation pour l'INRA ou ses ayants droit d'empêcher les tiers d'exporter les produits concernés en république fédérale d'Allemagne sans autorisation du licencié, pour les utiliser ou pour les vendre,
- le recours par M. Eisele à la fois à son droit exclusif contractuel et à ses propres droits d'obtention pour s'opposer à toute importation en république fédérale d'Allemagne, ou à toute exportation vers un autre État membre, des produits concernés;


à l'article 1er:
l'obligation pour le licencié, pendant les années où elle a été suivie d'effet, de ne pas produire ou vendre de semences d'autres variétés de maïs que celles de l'INRA;
à l'article 2:
l'obligation pour le licencié de ne vendre qu'à certains revendeurs;
à l'article 3:
l'obligation pour le licencié de ne pas produire plus du tiers des semences nécessaires aux besoins de son territoire, et d'importer de France la partie complémentaire;
à l'article 5:
l'obligation pour l'INRA de faire en sorte que toute exportation de ses variétés vers la république fédérale d'Allemagne soit empêchée, dans la mesure où cette obligation vise des semences qui ont été officiellement certifiées;
c) dans la transaction du 14 novembre 1973:
à l'article 1er:
l'obligation pour Louis David KG de ne plus vendre ou mettre en circulation en république fédérale d'Allemagne, sans autorisation du licencié allemand, des semences des variétés INRA.



Article 2
La demande d'exemption de l'interdiction des ententes, conformément à l'article 85 paragraphe 3, qui a été introduite par M. K. Eisele est rejetée.

Article 3
Les parties en cause INRA, Frasema, M. K. Eisele et L. C. Nungesser KG sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées à l'article 1er ci-dessus ; elles sont tenues de s'abstenir immédiatement de toute mesure juridique ou de tout acte visant à, ou ayant pour effet de, empêcher ou rendre plus difficile l'importation ou l'exportation, entre les États membres de la Communauté, de semences ayant été officiellement certifiées.

Article 4
La présente décision est destinée à: 1. Institut national de la recherche agronomique (INRA), 149, rue de Grenelle, F-75341 Paris;
2. société anonyme Française des semences de maïs (Frasema), 15, rue du Louvre, F-75001 Paris;
3. M. Kurt Eisele, Bismarckstraße 59, D-6100 Darmstadt;
4. L. C. Nungesser KG, Postfach 110846, D-6100 Darmstadt 11;
5. Firma Louis David KG, Postfach 27, D-6554 Meisenheim / Glan.




Fait à Bruxelles, le 21 septembre 1978.
Par la Commission
Raymond VOUEL
Membre de la Commission


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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