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Document 372D0480

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[ 08.20.10 - Accords interdits ]


372D0480
72/480/CEE: Décision de la Commission, du 22 décembre 1972, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/26.992 - WEA-Filipacchi Music SA) (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 303 du 31/12/1972 p. 0052 - 0055



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 22 décembre 1972 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/26992 - WEA-Filipacchi Music SA) (Le texte en langue française est le seul faisant foi) (72/480/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85,
vu le règlement nº 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 3 et 15,
vu la décision de la Commission, du 20 juillet 1972, d'engager une procédure d'office à l'encontre de WEA-Filipacchi Music SA de Paris et de 18 détaillants et grossistes en disques,
après avoir entendu les entreprises intéressées, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement nº 17 et aux dispositions du règlement nº 99/63/CEE (2),
vu l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli conformément aux dispositions de l'article 10 du règlement nº 17, le 4 décembre 1972,
I. Les faits 1. considérant que l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA a envoyé, le 7 février 1972, à ses principaux clients une circulaire ainsi libellée:
«Notre société, filiale du groupe Kinney US, a seule possibilité d'exporter directement dans un certain nombre de pays réservés les produits des marques suivantes, distribuées en France:
Atlantic
Atco
Bearsville
Capricorn
Cotillon
Elektra
Reprise
Rolling Stones
Warner Bros
Étant seuls détenteurs de l'exclusivité de l'utilisation du trade-mark pour les étiquettes présentes, ci-dessus désignées, ou à venir, distributions pouvant s'adjoindre à notre catalogue, nous devons garantir qu'aucune exportation ne sera effectuée par des tiers.
Les obligations contractuelles, non seulement vis-à-vis de nos contractants, mais également vis-à-vis des sociétés d'auteurs, nous contraignent à vous informer dans le but d'éviter toute équivoque.
Nous saurions gré de bien vouloir nous accuser réception en nous faisant retour d'une copie de la présente, revêtue de votre signature et du cachet de votre Maison.»
2. considérant que les 18 grossistes et détaillants énumérés à l'article 4 de la présente décision ont renvoyé les copies revêtues de leur signature et du cachet de leur maison, certains immédiatement et d'autres à la suite d'un avertissement reçu sous forme d'une deuxième circulaire datée du 24 février 1972 ; que certains revendeurs n'ont pas répondu et que trois au moins, immédiatement après avoir reçu la première circulaire, ont attiré l'attention du directeur commercial de WEA-Filipacchi Music SA, sur le fait qu'ils refusaient de signer parce que, ce faisant, ils concluraient un accord interdit par le droit communautaire;
3. considérant que l'entreprise WEA-Filipacchi SA visait par cette circulaire à empêcher les exportations de disques vers d'autres pays, et notamment vers l'Allemagne ; que les disques de la catégorie de prix U, la plus courante, qu'elle vendait en France au prix de 14,31 FF (TVA non comprise) sont distribués en effet sur le marché allemand au prix de 14,27 DM (TVA également non comprise) par l'entreprise WEA-GmbH de Hambourg qui appartient au même groupe, les deux entreprises accordant à leurs clients sur ces prix des remises par quantité pouvant atteindre 10 % ; que la différence de prix entre 14,31 FF et 14,27 DM (correspondant actuellement à environ 22,63 FF) a incité des revendeurs français à procéder à des exportations en Allemagne et que l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA visait à empêcher ces exportations et à maintenir le niveau des prix plus élevé en Allemagne;
4. considérant que l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA avait réalisé au cours de son dernier exercice, du 1er juillet 1971 au 30 juin 1972, un chiffre d'affaires (1)JO nº 13 du 21.2.1962, p. 204/62. (2)JO nº 127 du 20.8.1963, p. 2268/63.


de 23 707 000 FF ; qu'elle ne distribue que des disques de musique légère, notamment de la musique «pop» ; qu'elle occupe dans ce domaine une position particulièrement forte puisqu'elle s'est assurée l'exclusivité d'artistes à succès tels que les Rolling Stones, Frank Sinatra, Frank Zappa et autres ; qu'elle est contrôlée à 51 % par l'entreprise américaine Warner Brothers Inc., elle-même contrôlée par la société Warner Communication Inc. à New York qui réalise un chiffre d'affaire annuel d'environ 373 millions de dollars US ; que la banque Rothschild détient 39 % du capital-actions de WEA-Filipacchi Music SA;
II. Applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la CEE 1. considérant que la circulaire du 7 février 1972, et le consentement donné par les 18 revendeurs qui l'ont revêtue de leur signature et du cachet de leur maison, constituent des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE et qu'en particulier cette signature et ce cachet ne constituent pas de simples accusés de réception comme le déclarent l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA et certains des revendeurs en cause; a) que le renvoi d'une copie signée équivaut normalement, d'après les usages commerciaux, à une approbation du contenu ; qu'un simple accusé de réception se fait par lettre recommandée;
b) que certains revendeurs ont refusé de signer en donnant pour motif que cette signature impliquerait une interdiction d'exporter contractuelle, interdite par la législation communautaire;
c) que les termes de la circulaire «... nous devons garantir qu'aucune exportation ne sera effectuée par des tiers» prouvent incontestablement que ces «tiers» sont des revendeurs résidant en France qui, selon la volonté exprimée par WEA-Filipacchi Music SA ne doivent pas exporter ; que cette interprétation est confirmée par l'entreprise «Société centrale de distribution» à Clermont-Ferrand;
d) qu'enfin, d'après les constatations faites par la Commission, les «obligations contractuelles, non seulement vis-à-vis de nos contractants, mais également vis-à-vis des sociétés d'auteurs» mentionnées dans la circulaire constituent un prétexte injustifié pour amener les revendeurs à se déclarer d'accord sur une interdiction d'exporter ; qu'il n'y a eu aucune intervention de sociétés d'exploitation de droits d'auteurs et que le contrat de licence passé le 1er juillet 1971 entre l'entreprise WEA-Filipacchi SA et sa société mère ne comporte pas de clause selon laquelle la WEA-Filipacchi Music SA serait tenue d'empêcher l'exportation, par des tiers, des disques qu'elle distribue en France;


2. considérant que ces accords visent à empêcher les exportations des disques distribués en France par WEA-Filipacchi Music SA à destination d'autres États membres, et en particulier vers l'Allemagne ; que par conséquent ils ont pour objet de restreindre le jeu de la concurrence que les revendeurs français pourraient exercer en exportant ces disques en Allemagne;
3. considérant que, contrairement à la thèse défendue par la WEA-Filipacchi Music SA, il ne s'agit pas d'une simple tentative d'infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1, mais d'une infraction consommée ; que celle-ci est déjà accomplie lorsqu'un accord a pour objet de restreindre la concurrence, même s'il n'en a pas encore l'effet ; que l'objection selon laquelle les accords n'auraient pas eu d'effet, notamment parce que la WEA-Filipacchi Music SA n'aurait pas obtenu leur exécution forcée en infligeant des sanctions aux revendeurs qui auraient continué d'exporter, n'est importante, en l'espèce, que pour la fixation du montant des amendes;
4. considérant que, contrairement aux affirmations de la WEA-Filipacchi Music SA, la restriction à la concurrence n'est pas couverte par la communication de la Commission du 27 mai 1970 concernant les accords, décisions et pratiques concertées d'importance mineure (1), car le chiffre d'affaires du groupe auquel apparitent l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA dépasse de loin les 15 millions d'unités de compte (cf. titre II point 3 de ladite communication);
5. considérant que la part du marché global des disques détenue par la WEA-Filipacchi Music SA importe pour l'appréciation de la restriction de concurrence en cause puisqu'il n'existe pas de marché unique pour la musique classique, la musique légère et la musique «pop»;
6. considérant qu'il faut tenir compte en outre que les disques, objet de l'accord, contiennent les interprétations d'artistes attachés exclusivement à la WEA-Filipacchi Music SA ou à d'autres entreprises du même groupe ; que les interprétations d'artistes en vogue sont individuelles et ne sauraient être considérées en raison de leurs propriétés comme similaires aux interprétations d'autres artistes;
7. considérant, par conséquent, que la restriction à la concurrence est sensible; (1)JO nº C 64 du 2.6.1970, p. 1.
8. considérant que les interdictions d'exporter sont également susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ; qu'elles dressent entre les États membres, notamment entre la France et l'Allemagne, des obstacles artificiels au commerce de disques ; qu'elles exercent ainsi une influence directe sur les courants d'échange entre États membres d'une manière qui peut nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique;


III. Inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 3 du traité instituant la CEE 1. considérant que le bénéfice de l'article 85 paragraphe 3 ne peut être accordé, déjà pour le motif que les interdictions d'exporter n'ont pas été notifiées à la Commission conformément à l'article 4 paragraphe 1 du règlement nº 17;
2. considérant que les interdictions d'exporter ne bénéficient pas non plus de l'article 4 paragraphe 2 point 1 du règlement nº 17 puisqu'elles concernent l'exportation entre États membres;
3. considérant que l'article 85 paragraphe 3 n'est donc pas applicable en l'espèce;


IV. Applicabilité de l'article 3 paragraphe 1 du règlement nº 17
considérant que l'article 3 paragraphe 1 dispose que si la Commission a constaté une infraction aux dispositions de l'article 85 du traité instituant la CEE, elle peut obliger, par voie de décision, les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée ; que, dans la mesure où les 18 revendeurs énumérés à l'article 4 de la présente décision se sont engagés à ne pas exporter les disques distribués en France par la WEA-Filipacchi Music SA, il suffit pour rétablir la libre concurrence d'obliger les intéressés à supprimer les interdictions d'exporter et à ne plus en tenir compte à l'avenir;
V. Applicabilité de l'article 15 paragraphe 2 a) du règlement nº 17
considérant que l'article 15 paragraphe 2 a) du règlement nº 17 prévoit que la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, ces entreprises commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la CEE ; que, pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération notamment la gravité de l'infraction et la durée de celle-ci; 1. considérant que c'est de propos délibéré que l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA a enfreint les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 ; que, d'après les constatations faites par la Commission, au moins trois revendeurs français ont attiré l'attention de cette entreprise sur le fait que l'interdiction d'exporter constituait une infraction au droit communautaire ; que l'entreprise n'en a pas moins mis en garde, par une circulaire du 24 février 1972, tous les revendeurs qui avaient refusé de signer l'accord à la suite de la première circulaire du 7 février 1972;
2. considérant que les interdictions d'exporter constituent une infraction grave aux dispositions de l'article 85 du traité instituant la CEE, car elles empêchent la réalisation d'un marché unique ; que ce fait est connu depuis la décision de la Commission du 23 septembre 1964 dans l'affaire Grundig/Consten (1) et depuis l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 1966 dans les affaires jointes 56 et 58-64 (2);
3. considérant que, pour infliger l'amende, il faut tenir compte des éléments suivants: a) peu de temps s'est écoulé entre le début de l'infraction, par l'envoi de la circulaire du 7 février 1972, et la constatation de ladite infraction, le 28 juin 1972, à la suite d'une vérification effectuée en application des dispositions de l'article 14 paragraphes 1 et 2 du règlement nº 17. La cessation de l'infraction en application de la présente décision, ne découle pas, toutefois, de la libre détermination de l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA, mais de l'intervention de la Commission;
b) d'après les constatations faites par la Commission, la WEA-Filipacchi Music SA n'a infligé aucune sanction économique aux entreprises qui avaient refusé de signer la circulaire du 7 février 1972. Toutefois, si cette entreprise n'a pas pris de telles sanctions, c'est parce que des revendeurs français lui avaient fait remarquer, dès février 1972, que le procédé constituait une infraction au droit communautaire et qu'une sanction économique prise contre un de ces commerçants l'aurait très vraisemblablement amené à déposer plainte contre la WEA-Filipacchi Music SA en application des dispositions de l'article 3 du règlement nº 17;


4. considérant que, pour ces motifs, la Commission estime qu'il convient, dans le cas présent, d'infliger à la WEA-Filipacchi Music SA une amende de 60 000 (soixante mille) unités de compte; (1)JO nº 161 du 20.10.1964, p. 2545/64. (2)JO nº 170 du 29.9.1966, p. 3015/66.


A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Il est constaté que les interdictions d'exporter des disques de l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA, résultant de la circulaire du 7 février 1972 et des consentements donnés par les dix-huit revendeurs énumérés à l'article 4 de la présente décision, constituent des infractions aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 2
Les entreprises énumérées à l'article 4 de la présente décision sont tenues de mettre fin à ces infractions.

Article 3
1. Une amende de 60 000 (soixante mille) unités de compte, soit 333 251,- (trois cent trente-trois mille deux cent cinquante et un) francs français, est infligée à l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA.
2. La présente décision forme titre exécutoire pour l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA, conformément aux dispositions de l'article 192 du traité instituant la CEE.

Article 4
La présente décision est destinée à l'entreprise WEA-Filipacchi Music SA à Paris et aux revendeurs énumérés ci-après: 1. COGEDEP à Paris
2. SA d'exploitation des Éts Gavelle et Cie Discobole à Paris
3. FNAC SA à Paris
4. Au Bon Marché à Paris
5. Au Printemps à Paris
6. Magenta Musique à Paris
7. Codimusic SA à Avignon
8. S. Wolf à Strasbourg
9. CMN Comptoir musical de Normandie à Rouen
10. Éts Discoparade à Somain
11. Disco-Centre A. Tessanne à Clermont-Ferrand
12. Instruments Claude Ridel à Caen
13. Desforges et Cº SA au Havre
14. Société centrale de distribution matériel radio-télévision à Clermont-Ferrand
15. Éts Erbel à Bordeaux
16. DEM Grossiste Disques à Nice
17. Éts Téléglobe à Lyon
18. Maison Raphaël à Marseille.




Fait à Bruxelles, le 22 décembre 1972.
Par la Commission
Le président
S.L. MANSHOLT


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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