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Document 369D0243

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369D0243
69/243/CEE: Décision de la Commission, du 24 juillet 1969, relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité C.E.E. (IV/26.267 - Matières colorantes) (Les textes en langues allemande, française et italienne sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 195 du 07/08/1969 p. 0011 - 0017



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 24 juillet 1969 relative à une procédure au titre de l'article 85 du traité C.E.E. (IV/26.267 - Matières colorantes) (Les textes allemand, français et italien sont les seuls faisant foi) (69/243/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85,
vu le règlement nº 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 3 et 15,
vu la décision de la Commission du 31 mai 1967 d'engager, en application de l'article 3 du règlement nº 17, une procédure d'office contre divers producteurs de matières colorantes, en raison de la constatation de l'existence de hausses simultanées de prix et de l'identité de leurs conditions d'application à l'intérieur du marché commun,
après avoir entendu les entreprises intéressées conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement nº 17 et au règlement nº 99/63/CEE (2),
vu l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, recueilli conformément à l'article 10 du règlement nº 17 les 8 et 9 juillet 1969,
I
considérant qu'à la suite d'indications fournies par des organisations professionnelles de l'industrie du cuir, de l'industrie textile, de la teinturerie et de l'imprimerie de plusieurs pays du marché commun concernant l'existence de hausses simultanées de prix par divers producteurs de matières colorantes, la Commission a procédé, dans les six États membres, en application de l'article 14 du règlement nº 17, à plusieurs séries de vérifications se rapportant aux hausses successives de 1964, 1965 et 1967;
que ces vérifications lui ont permis de constater les faits suivants: a) entre le 7 et le 20 janvier 1964, une hausse uniforme de 15 % des prix de la plupart des colorants à base d'aniline, à l'exclusion de certaines catégories (telles que les pigments et préparations pigmentaires, les noirs au soufre et les colorants destinés à l'alimentation, à la biologie et à la fabrication de cosmétiques) a eu lieu en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg;
b) le 1er janvier 1965, cette hausse de 15 % s'est étendue à l'Allemagne ; le même jour, la quasi-totalité des producteurs ont appliqué dans ce pays, ainsi que dans les pays déjà touchés par la hausse de 1964, une augmentation uniforme de 10 % du prix des colorants et des pigments exclus de la première hausse;
c) le 16 octobre 1967, une hausse de 8 % de tous les colorants a été appliquée par presque tous les producteurs en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg ; cette hausse a été de 12 % en France ; elle n'a pas eu lieu en Italie;


considérant que ces trois hausses ont été, dans les conditions qui seront précisées ci-après, le fait des producteurs suivants: (1) JO nº 13 du 21.2.1962, p. 204/62. (2) JO nº 127 du 20.8.1963, p. 2268/63. - Badische Anilin- und Soda-Fabrik AG (B.A.S.F.) à Ludwigshafen (Allemagne),
- Cassella Farbwerke Mainkur AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
- Farbenfabriken Bayer AG à Leverkusen (Allemagne),
- Farbwerke Hoechst AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
- Française des matières colorantes S.A. (Francolor) à Paris (France),
- Aziende Colori Nazionali Affini S.p.A. (A.C.N.A.) à Milan (Italie),
- S.A. Ciba à Bâle (Suisse),
- J.R. Geigy S.A. à Bâle (Suisse),
- Sandoz S.A. à Bâle (Suisse),
- Imperial Chemical Industries Ltd. (I.C.I.) à Manchester (Grande-Bretagne);


II
considérant qu'aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la C.E.E., sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun;
considérant que les hausses de prix intervenues en janvier 1964, janvier 1965 et octobre 1967 dans le secteur des matières colorantes remplissent ces conditions;
qu'elles sont, en effet, le résultat de pratiques concertées entre les entreprises énumérées sous le paragraphe I ci-dessus pour la fixation du taux des hausses de prix de certaines matières colorantes et des conditions d'application de ces hausses à l'intérieur du marché commun;
considérant que, dans leur réponse à l'exposé des griefs et au cours de l'audition, les entreprises visées ont nié que les hausses constatées en 1964, 1965 et 1967 soient le résultat de pratiques concertées ; qu'elles soutiennent, notamment, qu'il ne s'agissait là que d'un comportement parallèle, chaque entreprise calquant, sur chaque marché, son comportement sur celui du producteur qui déclenche la hausse, ce qui constituerait une pratique parfaitement normale dans un marché oligopolistique, où tous les producteurs se connaissent, connaissent les prix pratiqués par chaque concurrent et où, lorsque, à la suite d'une érosion continue des prix due à une série de petites concessions individuelles de prix consenties après chaque hausse à la clientèle en raison de la présentation par celle-ci d'offres plus favorables émanant de producteurs concurrents, ces prix sont tombés à un niveau trop bas au gré des entreprises et que, l'une d'entre elles, c'est-à-dire presque toujours celle qui occupe la plus forte position sur ce marché, décide de relever ses prix, les autres s'alignent immédiatement sur elle ; que ces entreprises n'auraient pas d'intérêt à agir autrement parce qu'elles ne seraient pas capables d'augmenter leur production aussi vite qu'il leur serait nécessaire pour pouvoir faire face à la brusque augmentation de la demande que leur décision de maintenir les anciens prix ne manquerait pas de provoquer et parce que, d'autre part, compte tenu du bas niveau des prix, elles n'auraient aucun avantage à déclencher une vive concurrence dé prix avec les autres producteurs;
considérant que les enquêtes auxquelles a procédé la Commission ont fait apparaître que les hausses successives de prix et les conditions dans lesquelles elles ont été réalisées ne peuvent pas être expliquées par la seule structure oligopolistique du marché, mais sont bien la conséquence d'une pratique concertée;
considérant qu'une première preuve du caractère concerté de ces hausses réside dans l'identité des taux appliqués dans chaque pays lors des différentes hausses, ainsi qu'à de très rares exceptions près, dans l'identité des matières colorantes qui en ont fait l'objet ; qu'au surplus, le caractère concerté de ces hausses est confirmé par la très grande proximité - voire même l'identité - de leur date de mise en application par les producteurs visés dans les différents pays du marché commun touchés par ces hausses ; qu'il n'est pas croyable que, sans une minutieuse concertation préalable, les principaux producteurs approvisionnant le marché commun aient à plusieurs reprises majoré de pourcentages identiques le prix d'une même et importante série de produits, pratiquement au même moment, et cela dans plusieurs pays où les conditions du marché des colorants sont différentes;
qu'en ce qui concerne la hausse de janvier 1964, elle a été annoncée et immédiatement appliquée en Italie le 7 par Ciba, aux Pays-Bas le 9 par I.C.I. et en Belgique le 10 par Bayer, les autres producteurs visés ayant chaque fois suivi dans un délai de deux ou trois jours;
qu'en Italie, mis à part Ciba, qui, dès avant le 7 janvier, avait déjà donné à sa filiale italienne l'ordre d'augmenter ses prix, les autres producteurs visés, à l'exception de A.C.N.A., qui se trouvait sur son marché national, adressèrent tous par télex ou par télégramme à partir de leurs maisons-mères respectives, dont les sièges sont établis dans des endroits très éloignés les uns des autres, leurs instructions de hausse à leurs représentants respectifs dans la soirée du 9 janvier, Sandoz à 17 h 05, Hoechst à 17 h 09, Bayer à 17 h 38, Francolor à 17 h 57, B.A.S.F. à 18 h 55, Geigy à 19 h 45 et I.C.I. à une heure qui n'a pu être déterminée, la communication des instructions de cette société ayant eu lieu par téléphone;
qu'en ce qui concerne la hausse de janvier 1965, elle a été annoncée à des dates diverses mais appliquée uniformément le 1er janvier, aussi bien pour les colorants liquides en Allemagne, que pour les pigments en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne;
qu'en ce qui concerne la hausse d'octobre 1967, qui a été annoncée dans le courant du mois de septembre, elle a été mise en application dans presque tous les cas aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et en France à la même date, le 16 octobre, par tous les producteurs, les seules exceptions étant le fait de A.C.N.A., qui l'a appliquée le 6 en France et le 30 en Belgique, de Sandoz, qui l'a appliquée le 14 et le 15 en Allemagne et le 15 en Belgique et de Hoechst qui l'a appliquée le 16 et le 17 en Allemagne;
qu'il est à noter que A.C.N.A. n'a pas participé à la hausse de 1965 sur le marché italien et, par son comportement, a empêché que la hausse envisagée par les autres producteurs en 1967 ait lieu sur ce marché;
considérant qu'une autre preuve du caractère concerté de ces hausses réside dans la similitude du contenu des ordres de hausse envoyés par les producteurs à leurs filiales ou représentants sur les différents marchés, en particulier lors de la hausse de janvier 1964 ; qu'il est, en effet, remarquable de retrouver dans plusieurs de ces instructions l'obligation formelle faite par les producteurs à leurs filiales ou représentants de mettre la hausse en vigueur immédiatement, de refuser de délivrer des factures antidatées et d'annuler toutes les offres en suspens;
que l'existence d'une concertation est d'autant plus certaine que, si les producteurs ont tous fait subir une hausse de 15 % aux prix de revente aux utilisateurs, ce n'est, cependant, pas toujours de ce pourcentage qu'ils ont augmenté leurs propres prix de cession à leurs filiales ou représentants;
que les ordres de hausse adressés à leurs filiales ou représentants lors de la hausse de janvier 1964 par plusieurs producteurs présentent de très grandes similitudes du point de vue rédactionnel, au point même de contenir des phrases exactement identiques (identité qui atteint son plus haut degré dans les télex envoyés le 9 janvier 1964 par Geigy et par Hoechst à leurs représentants italiens), ce qui ne peut pas davantage s'expliquer sans une concertation préalable des entreprises en cause, étant donné qu'ils ont été envoyés souvent à la même date, voire à la même heure, constatation qui rend inacceptable l'affirmation des parties suivant laquelle les ressemblances rédactionnelles ne seraient que la conséquence du fait qu'elles se seraient mutuellement copiées par facilité;
considérant que des contacts d'information entre les producteurs ont eu lieu à plusieurs reprises, notamment par des réunions à Bâle ou à Londres;
qu'il ressort du compte rendu d'une des ces réunions, tenue à Bâle le 18 août 1967, à laquelle assistaient tous les producteurs visés, à l'exception de A.C.N.A., que non seulement la question des prix des matières colorantes y a été débattue mais que la société J.R. Geigy S.A. y a annoncé, comme cela résulte du compte rendu de la réunion, «qu'elle envisageait sérieusement d'augmenter ses prix de vente à la clientèle avant même la fin de l'année» et, comme il résulte de la décision du Bundeskartellamt du 28 novembre 1967, «qu'elle augmenterait le prix de ses colorants de 8 % à la date du 16 octobre 1967»;
considérant qu'il apparaît bien dans ces diverses conditions que les hausses de prix constatées par la Commission sont à tout le moins l'effet de pratiques concertées au sens de l'article 85 paragraphe 1 ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner si les hausses constatées sont le résultat d'un accord;
considérant que les preuves de l'existence de pratiques concertées ont été relevées à l'encontre des divers producteurs, qu'ils soient établis à l'intérieur ou hors du marché commun, et non à l'encontre de leurs filiales ou représentants ; que les ordres de hausse adressés à ces derniers ont revêtu un caractère impératif ; que, même s'ils avaient librement pu décider de leurs prix, il leur eût été impossible de subir une augmentation de 12 à 18 % des prix de cession qui leur étaient consentis sans répercuter au moins une partie notable de cette hausse sur leurs propres prix de vente ; qu'en conséquence, c'est bien aux producteurs et non pas à leurs filiales ou représentants qu'il y a lieu d'imputer les pratiques concertées;
considérant que ces pratiques concertées restreignent le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'en effet, ayant pour objet l'application par toutes les entreprises visées, à des dates presque identiques, et pour les mêmes catégories de produits, de taux de hausse de prix identiques, elles fixent d'une manière directe les prix de vente des divers colorants commercialisés par chacune de ces entreprises à l'intérieur du marché commun;
qu'en l'occurrence, dans le secteur des colorants, les hausses de prix pratiquées par les producteurs ont affecté le prix de vente à l'ensemble des utilisateurs parce que la distribution des produits est assurée soit par les services commerciaux du producteur lui-même lorsqu'il s'agit de livraisons sur son propre marché national, soit par l'intermédiaire de ses revendeurs exclusifs, étroitement soumis aux instructions du producteur, lorsqu'il s'agit de ventes sur les marchés étrangers ; que, de ce fait, une telle hausse restreint le jeu de la concurrence qui ne peut plus porter que sur la qualité ou l'aide à la clientèle;
que, lors des hausses de 1964 et de 1965, cette restriction de la concurrence a été d'autant plus sensible que les taux adoptés étaient identiques par catégories de produits pour toutes les entreprises et pour tous les pays touchés par la hausse, c'est-à-dire tous les États membres à l'exception de la France ; que, dans ces pays, l'identité des taux aboutissait, en effet, à maintenir à l'intérieur de chaque marché national, malgré la hausse, les prix des diverses entreprises au même niveau relatif ; qu'il en a été de même en France où les prix restaient inchangés ; que, lors de la hausse de 1967, cette identité des taux adoptés s'est également vérifiée pays par pays, puisque les prix de tous les produits ont été augmentés de 12 % en France et de 8 % dans le reste du marché commun à l'exception de l'Italie, où ils n'ont pas varié;
considérant que les effets de cette identité des dates d'application des hausses et des taux adoptés pour celles-ci, compte tenu de la présence parmi les sociétés participant aux pratiques concertées de la quasi-totalité des entreprises qui vendent des colorants à l'intérieur de la C.E.E. où elles assurent plus de 80 % des livraisons, se sont fait sentir d'une manière particulièrement nette pour les utilisateurs ; que ceux-ci n'ont, en effet, pas eu la faculté de s'approvisionner partiellement ou totalement aux anciens prix auprès d'un autre producteur qui n'aurait pas participé à la hausse afin d'en atténuer les répercussions sur la marche de leur propre entreprise, les autres producteurs ayant tous, à plus ou moins brève échéance, aligné leurs prix sur ceux des producteurs qui avaient pris part à la pratique concertée;
que cette situation a donc eu non seulement pour effet de modifier de manière sensible la position des producteurs mais également, et d'une manière défavorable, celle de tiers, en l'occurrence des utilisateurs, sur le marché des produits dont il s'agit;
considérant que les parties ont soutenu que, surtout dans un marché oligopolistique, la concurrence qui s'exerce entre les producteurs ne porte pas exclusivement ni même principalement sur les prix, mais sur la qualité des produits et l'assistance technique à la clientèle ; qu'en outre, le maintien des prix de tous les producteurs au même niveau relatif sur chaque marché, que ces prix aient augmenté ou non, ne peut avoir pour effet de restreindre la concurrence, mais seulement de la déplacer du plan des prix vers celui de la qualité et celui de l'assistance technique;
considérant que ces arguments ne démentent pas que le jeu de la concurrence a été empêché, restreint ou faussé par les pratiques concertées en cause ; qu'en effet, la concurrence qui s'exerce entre les producteurs porte également, voire même principalement, sur les prix ; que les intéressés affirment eux-mêmes qu'en dehors des périodes de hausse, il règne entre eux une vive concurrence de prix qui se manifeste sous la forme de concessions individuelles aux acheteurs et qui tend à faire baisser les prix ; que la concurrence ne s'exerce donc pas seulement sur la qualité des produits et l'assistance technique à la clientèle et que, en conséquence, le maintien artificiel des prix au même niveau relatif a eu pour effet de restreindre la concurrence en la limitant à ces deux seuls aspects ; qu'au demeurant, s'il devait s'avérer impossible à chaque producteur d'agir isolément d'une manière efficace et durable sur le niveau de ses prix, il n'en reste pas moins que toute action concertée dans ce domaine empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence;
considérant que les pratiques concertées en matière de prix en cause, dont les effets s'étendent à plus d'un pays du marché commun, sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres;
qu'en effet, les pratiques concertées en cause s'appliquent non seulement aux produits nationaux vendus sur chacun des marchés où elles s'exercent, mais également à la totalité des produits étrangers et, notamment, d'origine communautaire importés et vendus sur ce marché par les filiales ou représentants des producteurs participant aux pratiques concertées ; que l'ensemble de ces produits constitue en fait la quasi-totalité de la gamme de ceux qui sont offerts sur ce marché;
considérant que, en outre, ces pratiques sont susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire par la manière dont les hausses ont été mises en application;
qu'en effet, les entreprises en cause ont voulu empêcher que l'entrée en vigueur de ces hausses ne pousse les utilisateurs à se livrer à des importations directes en provenance d'autres États membres, importations que la hausse des prix sur leur propre marché aurait rendues rentables et qui auraient pu modifier la position respective des différentes entreprises sur leurs marchés nationaux ou celle des différents groupes sur le marché européen ; que, pour obtenir le résultat recherché, les hausses ont été mises en vigueur avec des taux identiques pratiquement au même moment dans plusieurs États membres et d'une manière simultanée pour les entreprises établies dans un même État;
considérant que les arguments des parties tendant à démontrer l'impossibilité d'un commerce intracommunautaire dans le secteur des colorants, à savoir le coût élevé des frais de transport, les lenteurs douanières, les difficultés linguistiques, la nécessité d'une assistance technique permanente du producteur à l'utilisateur et la nécessité de livraisons rapides et fréquentes de petites quantités de produits ne permettent pas d'exclure la possibilité d'importations intracommunautaires de la part d'utilisateurs, dans la mesure où des disparités suffisantes se manifestent entre les niveaux des prix des colorants dans les différents pays, et parce que l'achat dans un autre État de colorants identiques ou substituables, surtout s'ils sont d'un type déjà connu de l'utilisateur et s'ils sont commandés par grandes quantités, ne peut être a priori considéré comme non rentable ; que la pratique démontre d'ailleurs, que si les utilisateurs de colorants restent en principe, notamment pour des raisons techniques, fidèles à un fournisseur donné pour la livraison d'un colorant déterminé, cette fidélité est loin d'être absolue et qu'il n'est nullement exclu que les utilisateurs ne changent de fournisseur au cas où ce dernier leur appliquerait une hausse trop importante;
considérant qu'il n'y a pas lieu, pour la Commission, d'examiner l'application éventuelle de l'article 85 paragraphe 3 du traité relatif à l'exemption de l'interdiction, étant donné que les pratiques concertées dont il s'agit n'ont pas été notifiées, bien qu'elles entrent, en application de l'article 4 paragraphe 1 du règlement nº 17, dans la catégorie des ententes soumises à notification ; que, en vertu de l'article 6 du règlement nº 17, une telle notification constitue la condition nécessaire pour que l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 puisse être déclarée non applicable avec effet rétroactif;
considérant qu'aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent pour chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité;
considérant qu'en participant aux pratiques concertées en cause, les entreprises visées par la présente décision ont commis, à tout le moins par négligence, des infractions aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 ; que ces entreprises savaient ou en tout cas ne pouvaient ignorer que de telles pratiques constituaient des infractions à l'article 85 et tombaient sous le coup de l'article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17 relatif aux amendes ; que les conditions pour l'application de l'article 15 paragraphe 2 sont, dès lors, remplies ; que la Commission peut donc infliger des amendes aux entreprises en cause et qu'elle estime opportun de le faire, compte tenu de l'importance et des circonstances des infractions constatées;
considérant que, pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération, conformément à l'article 15 paragraphe 2 du règlement nº 17, la gravité des infractions et leur durée;
que les infractions dont les entreprises intéressées sont responsables revêtent un caractère de gravité certain parce que, par les pratiques concertées de hausse des prix auxquelles elles se sont livrées, ces entreprises ont restreint d'une manière très importante le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'en effet, la gravité de ces infractions découle du fait que ces entreprises, qui sont, par ailleurs, toutes de grande taille, assurent à elles seules plus de 80 % des livraisons de matières colorantes à l'intérieur de la C.E.E. et, d'autre part, du fait que les produits qu'elles fabriquent sont utilisés par de nombreuses autres industries;
qu'en ce qui concerne la durée des infractions aux dispositions de l'article 85 il y a lieu de tenir compte du fait qu'elles résultent d'une concertation qui s'est manifestée déjà en 1964 puis en 1965 et encore en 1967;
considérant que, pour la fixation du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte du fait que les entreprises en cause ont toutes pris part dans une mesure identique aux différentes pratiques concertées et que, d'autre part, la participation de chacune d'entre elles était d'une égale importance pour la réussite de ces dernières;
considérant que les entreprises en cause sont d'une importance comparable à l'intérieur du marché commun, même si cette importance ne se manifeste pas pour toutes de la même façon et n'existe pas dans la même proportion dans tous les États membres;
..................................................
considérant que la part de responsabilité qui doit être imputée à chacune des entreprises en cause du fait de sa participation à la préparation et à la mise en application des différentes hausses est identique, à l'exception toutefois de A.C.N.A., qui n'a pas participé à la hausse de 1965 sur le marché italien et y a empêché, en refusant de s'y associer, la réalisation de celle de 1967;
considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des éléments qui précèdent en mettant à la charge de chacune des entreprises productrices en cause, à l'exception de A.C.N.A., une amende de cinquante mille unités de compte ; qu'en ce qui concerne A.C.N.A., il convient de fixer l'amende à quarante mille unités de compte;
considérant qu'en ce qui concerne les entreprises allemandes B.A.S.F., Cassella, Bayer et Hoechst, le fait qu'elles font l'objet d'une procédure d'amende devant les autorités allemandes sur la base du droit allemand pour s'être mises d'accord pour appliquer de concert la hausse des prix qui a eu lieu en 1967 en Allemagne est, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, sans incidence sur le droit de la Commission de leur infliger elle-même des amendes en application du règlement nº 17;
considérant que cette décision est applicable à toutes les entreprises qui ont participé aux pratiques concertées, qu'elles soient établies à l'intérieur du marché commun ou en dehors de celui-ci ; qu'aux termes de l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la C.E.E., sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; que les règles de concurrence du traité sont, dès lors, applicables à toutes les restrictions de concurrence qui produisent à l'intérieur du marché commun des effets visés par l'article 85 paragraphe 1 ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner si les entreprises qui sont à l'origine de ces restrictions de concurrence ont leur siège à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté;
considérant qu'en application de l'article 191 paragraphe 2 du traité de Rome, la décision prend effet par la notification au destinataire;
que cette notification est effectuée dès lors que la décision est régulièrement entrée dans la «sphère interne» du destinataire, (voir arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 10 décembre 1957 dans l'affaire nº 8-56);
que les filiales des entreprises Ciba, Geigy, Sandoz et I.C.I. dans le marché commun qui sont entièrement contrôlées par leurs maisons-mères font partie de la «sphère interne» des quatre entreprises précitées ; que, dès lors, la notification à ces entreprises peut être valablement effectuée au siège d'une de ces filiales,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Les pratiques concertées de fixation du taux des hausses de prix et des conditions d'application de ces hausses dans le secteur des matières colorantes, qui ont eu pour effet des hausses de prix en 1964, 1965 et 1967 et qui ont été relevées à la charge des entreprises suivantes: - Badische Anilin- und Soda-Fabrik AG (B.A.S.F.) à Ludwigshafen (Allemagne),
- Cassella Farbwerke Mainkur AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
- Farbenfabriken Bayer AG à Leverkusen (Allemagne),
- Farbwerke Hoechst AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),
- Française des matières colorantes S.A. (Francolor) à Paris (France),
- Aziende Colori Nazionali Affini S.p.A. (A.C.N.A.) à Milan (Italie),
- S.A. Ciba à Bâle (Suisse),
- J.R. Geigy S.A. à Bâle (Suisse),
- Sandoz S.A. à Bâle (Suisse),
- Imperial Chemical Industries Ltd. (I.C.I.) à Manchester (Grande-Bretagne),


constituent des infractions aux dispositions de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne.

Article 2
La Commission inflige: - à Badische Anilin- und Soda-Fabrik AG (B.A.S.F.) à Ludwigshafen (Allemagne), une amende de cinquante mille unités de compte (1).
- à Cassella Farbwerke Mainkur AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Farbenfabriken Bayer AG à Leverkusen (Allemagne), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Farbwerke Hoechst AG à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Française des matières colorantes S.A. (Francolor) à Paris (France), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Aziende Colori Nazionali Affini S.p.A. (A.C.N.A.) à Milan (Italie), une amende de quarante mille unités de compte,
- à S.A. Ciba à Bâle (Suisse), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à J.R. Geigy S.A. à Bâle (Suisse), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Sandoz S.A. à Bâle (Suisse), une amende de cinquante mille unités de compte,
- à Imperial Chemical Industries Ltd. (I.C.I.) à Manchester (Grande-Bretagne), une amende de cinquante mille unités de compte.


Le paiement de ces montants à la Commission doit être effectué dans les trois mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3
En ce qui concerne son article 2, la présente décision forme, conformément à l'article 192 du traité, titre exécutoire à l'égard des entreprises qui y sont désignées.

Article 4
La présente décision est destinée aux entreprises mentionnées à l'article 1er.
En ce qui concerne les sociétés S.A. Ciba, J.R. Geigy S.A., Sandoz S.A. et Imperial Chemical Industries Ltd., elle peut leur être également notifiée au siège d'une de leurs filiales établies dans le marché commun.


Fait à Bruxelles, le 24 juillet 1969.
Par la Commission
Le président
Jean REY

(1) Conformément à l'article 18 du règlement nº 17 et en liaison avec l'article 17 paragraphe 1 du règlement budgétaire des Communautés du 30.7.1968 (JO nº L 199 du 10.8.1968), la valeur d'une unité de compte est de 0,88867088 gramme d'or fin, ce qui correspond actuellement à une contre-valeur de 4 DM, 50 FB, de 4,93706 FF, de 625 lires ou de 3,62 Fl. hollandais (JO nº C 65 du 2.6.1969).

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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