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"Le Monde" Fait Une Poussée D'Henriguainite

17 février 2009 à 20h54

Notre journal de référence (très lu dans les conseils d’administration où de ventrus oligarques mangent du jeton de présence) publie ce soir un entretien avec un homme qui a beaucoup fait, jusqu’en Afrique noire (où le nègre ballot échoue à s’élancer vers un avenir concurrentiel), pour le Rayonnement de la Pensée Française (RPF).

Je veux parler, bien sûr, d’Henriguaino™, "conseiller spécial de Nicolas Sarkozy" [1].

Henriguaino™ parle de "la situation sociale" - sans jamais supposer qu’elle n’est pas née de rien, mais qu’elle est plutôt le résultat de vingt-cinq années de cauchemar où la droite régimaire, fût-ce dans sa version la plus nonchalante (1997-2002), a méthodiquement foutu en l’air, sous les applaudissements nourris d’un patronat aux anges, tout ce qui ressemblait de trop près à une quelconque sécurité sociale, justement.

Après avoir ainsi occulté [2] que les gens qu’il sert (et conseille) sont directement responsables de la "situation" qu’il évoque, Henriguaino™ dit comme ça que : "La crise économique génère beaucoup d’angoisses et de souffrances sociales, mais aussi un grand sentiment d’injustice parce que ceux qui souffrent ont le sentiment de payer à la place des responsables".

Henriguaino™, tu noteras, ne dit pas (du tout) que les gueux qui souffrent paient à la place des responsables (de leurs souffrances), mais qu’ils ont, nuance, "le sentiment de payer à la place des responsables".

J’ouvre mon dico.

Je lis qu’un sentiment est un "jugement" (ou une "opinion") qui "se fonde sur une appréciation subjective (et non sur un raisonnement logique)".

Si j’ai bien compris, Henriguaino™ induit, par sa formulation, que "ceux qui souffrent" ont juste l’impression (que nul raisonnement logique ne vient documenter) "de payer à la place des responsables" - mais que cette impression ne correspond à aucune réalité.

Bon, il suffit de l’énoncer posément, et, n’est-ce pas : tout devient très simple (et joyeusement sarkozique).

Bébert, ma couille, je comprends que tu aies l’impression que ton actionnaire pansu t’a profondément possédé, en te lourdant pour s’engraisser le pouvoir d’achat - nonobstant qu’à 50 balais, tu vas pouvoir te gratter pour ce qui serait du reclassement.

Souris, Bébert : ce n’est, comme je disais, qu’une (trompeuse) impression, qui devrait disparaître assez vite quand tu te seras donné la mort.

Du point de vue d’Henriguaino™, cette impression que la plèbe a de se faire mettre à sec par des possédant(e)s âpres au gain ?

"C’est une situation dangereuse qui offre un terreau favorable à tous les extrêmes. On sait où peut mener l’anticapitalisme extrémiste".

Là, tu l’as deviné : Henriguaino™ veut (nous) dire que si on ne fait pas trrrrrès attention, notre cher et vieux pays pourrait bientôt n’être plus qu’un gigantesque SOVKHOZE.

Et ça fout salement les jetons, mais grâce à Dieu Henriguaino™ sait ce qu’il faut faire, pour éviter que les Rouges ne nous déferlent sur.

Il faut, révèle Henriguaino™, mener un (preux) "combat pour la moralisation du capitalisme".

Mettons que Иосиф Виссарионович Джугашвили, also known as Joe Staline, ait de même, en son temps, appelé au combat pour la moralisation du communisme soviétique ?

Les gens du Monde lui auraient pouffé au nez.

(De loin : fallait quand même faire un peu gaffe, le gars était sujet à des emportements.)

Là : non.

Là, Henriguaino™ peut tranquillement nous refaire le coup de la moralisation du capitalisme, dont même Nicolas Baverez n’use plus qu’avec une prudente parcimonie : Le Monde laisse passer.

Henriguaino™ peut, dès lors, dans un finale de toute beauté, psalmodier cette ahurissante série de vraies fausses questions : "Quelle part de de risques la banque doit-elle conserver dans son bilan quand elle titrise ses crédits ? Dans quelle mesure peut-elle être autorisée à financer de la spéculation, en particulier les hedge funds ? Comment s’assurer de la transparence de leurs opérations à travers les paradis fiscaux ? Comment rémunérer les opérateurs pour qu’ils ne soient pas inctiés à prendre des risques excessifs ? (…)"

À ce moment-là, évidemment, les gens du Monde, qui ne sont pas complètement débiles, ont parfaitement compris le message d’Henriguaino™ - qui est, tu l’as saisi aussi, que jaaaaamais la droite régimaire, qu’il sert et conseille, n’interdira au banques de titriser leurs crédits, de financer de la spéculation, de s’emporter aux paradis (fiscaux).

Quand le cocasse Henriguaino™ monte au "combat pour la moralisation du capitalisme", les capitalistes, ravis, jurent qu’ils seront de la croisade : m’est avis que c’est le signe qu’un élyséen conseiller se fout un peu de notre gueule.

Antiraciste Un Amusant Document

Notes

[1] Que lui conseille-t-il, exactement ? Nul(le) ne le sait, au juste. Mais si j’en crois le spectaculaire effondrement de la popularité du chef de l’Etat francuski, c’est de toute façon assez foireux.

[2] Dois-je préciser qu’à aucun moment les salariés du Monde qui recueillent sa logorrhée ne lui suggèrent de se nettoyer la semelle, avant de faire le péremptoire ?