[Home]MichelBalluteau

Adminet | RecentChanges | Wiki:

[AdmiNet] [Bouquet] [Réforme] [Le Fil Presse]

extraits du rapport BALLUTEAU
suivis de quelques commentaires

... soumis à [consultation publique]

(...)

22/ ... à l'Internet.

L'Internet, lié au courrier électronique, constitue désormais une synthèse intéressante entre les deux modes traditionnels de publicité, puisqu'il est à la fois quérable –il est possible de rechercher un type d'information en allant sur des sites – et portable –la possibilité existe de s'abonner à des serveurs spécialisés fournissant des messages directement reçus par l'internaute -.

A condition d'être dotée d'un système infAormatique, assez largement accessible à un coût raisonnable, l'information quérable peut ainsi devenir une information portable. Les frontières traditionnelles sont largement contournées.

L'Internet est un phénomène inéluctable, facteur de larges progrès, et nul ne peut aujourd'hui, sérieusement en contester les mérites. Comme l'électronique, il n'est pas une fin en luimême, et encore moins une valeur de notre société. Il est un moyen technique, à propos duquel, cependant, plusieurs questions doivent être considérées.

D'abord, il n'est pas juridiquement possible, même si, de fait, le parc informatique français est en développement [8], d'obliger un particulier ou une entreprise à disposer d'un système d'accès à Internet et d'abonnement à un ou plusieurs sites spécialisés fournissant des informations sélectionnées. D'ailleurs, la réforme du code des marchés publics entrée en vigueur sur ce point au 1er janvier 2005, oblige les collectivités publiques à recevoir par voie électronique les dossiers de soumission aux marchés publics, mais ne contraint pas les entreprises à utiliser ce mode de transmission et de remise de leurs dossiers. Cette position de sagesse, en reconnaissant la possibilité de s'en tenir aux dossiers établis sur papier, ménage la possibilité des entreprises de ne pas supporter des coûts informatiques qu'elles jugeraient disproportionnées. A fortiori en est-il pour la recherche d'information.

Ensuite, Internet offre une surexposition à l'information, conduisant à une fragmentation de celle-ci, voire à une désinformation.

Pour l'anecdote, la recherche sur un site "grand public"[9] à partir de "Annonces judiciaires et légales" sur l'Internet français a donné 16 200 réponses, et celle à partir de "Marchés publics en France" s'est soldée par 269 000 possibilités ouvertes, dont un grand nombre de sites apparemment spécialisés.

Chacun connaît cet extraordinaire foisonnement des informations de toutes natures véhiculées sur l'Internet. Le nombre de sites recensés pour une seule question interdit toute sélection sérieuse de la part de l'internaute, sauf à y consacrer un temps et une énergie considérable.

Ce n'est pas le seul problème. Toutes choses étant égales par ailleurs, le système fait penser à ces radios d'information qui, le matin sont capables de mobiliser lors de leurs journaux les meilleurs journalistes et spécialistes des questions du jour, et ouvrent ensuite leur antenne, dans une sorte de perversion du débat public et de l'exercice de la démocratie directe, à toute personne souhaitant intervenir sur tout sujet. En d'autres termes, n'importe quel message, d'information, de propagande, d'intérêt particulier, peut être diffusé par des personnes compétentes, incompétentes, astucieuses ou non, au point de faire douter de la crédibilité d'un média qui reste cependant le plus apprécié des Français. Le Café du commerce, au moins offre une discussion à un nombre limité de personnes, dont chacun rencontre physiquement l'autre. Or, l'Internet, c'est ce mélange anonyme et incontrôlé du meilleur et du pire, mais à la puissance mille, dix mille ou un million.

S'il en est de même pour l'écrit, l'indispensable liberté constitutionnelle d'imprimer et d'éditer permettant, là encore, d'offrir le plus contestable, du moins pour ce qui intéresse ce rapport, les filtres de la CPPAP et de l'habilitation à publier les A.J.L. constituent-ils des garanties de sérieux.

Aussi bien, et dans l'hypothèse où les sites ou plate-formes de l'Internet seraient considérés comme recevables à publier les A.J.L. ou les annonces de marchés publics, il conviendrait d'imaginer les formes d'une habilitation, étant entendu que l'indispensable concurrence interdit tout monopole, de droit ou de fait, y compris bien entendu au profit du secteur public. Cette proposition ne vaut pas pour les sites, par exemple de journaux aujourd'hui habilités à ce type de publication et qui, en sus de leur édition papier, font figurer tout ou partie des annonces sur leur site Internet, puisque cette publicité ne se substitue pas à celle prévue par les textes en vigueur, et que les effets juridiques attachés à la publicité sont déclenchés par l'édition du journal.

Est il envisageable de labelliser ainsi des sites spécialisés dans l'offre d'A.J.L. ou relatives aux marchés publics ? La question est notamment soulevée en raison des évolutions propres à la réglementation des marchés publics, et envisagée ou demandée, par certains organes de presse écrite spécialisée ou par leurs représentants. C'est le cas de l'Association pour la promotion de la presse professionnelle (voir en annexe 19), ou de la Fédération nationale des travaux publics.

En réalité, les enjeux véritables résident pour l'essentiel dans le système de publicité relatif aux marchés qui sera examiné au point 5 ci-après.

Pour les annonces judiciaires et légales, prises au sens strict, recensées au point 4 ciaprès, il paraît que le système actuel –éventuellement amélioré comme il sera dit en seconde partie du présent rapport- est plutôt satisfaisant et répond largement aux diverses contraintes de l'espèce. L'Internet peut compléter ce système, mais non s'y substituer ; s'il est considéré que le "grand public" est intéressé par les A.J.L., la formule des sites Internet ne peut s'imposer comme adaptée et suffisante. Aucun particulier ne s'abonnera à un site spécialisé aux fins d'obtenir des informations sur les marchés ou sur la vie des sociétés, ni d'ailleurs sur les marchés publics passés par sa commune ou son département. Rien ne permet de penser qu'à l'avenir un mode de publicité nouveau ou rénové pourra satisfaire l'intégralité des besoins divers exprimés par la société, les donneurs d'ordres et personnes physiques et morales, publiques et privées ayant besoin de connaître ce type d'informations.

En revanche, pour les marchés publics, les demandes des donneurs d'ordres et des entreprises –au moins les plus grandes- vont clairement dans le sens d'un recours systématique aux procédés électroniques. La presse écrite aurait tort de ne pas considérer cette évolution, qui intéresse tous les pays de l'Union européenne, comme la pente naturelle des choses. A elle de s'y préparer, au besoin avec l'aide des pouvoirs publics ; mais le processus enclenché depuis quelques mois, notamment à la faveur de la modification du code des marchés publics ne sera pas remis en cause.

La sagesse voudrait qu'au moins pour les cinq à dix ans à venir, d'une part que le système de publication des A.J.L., amendé selon les propositions émises en seconde partie de ce rapport, soit préservé, et d'autre part, qu'un complément soit apporté en tant que de besoin par un ou plusieurs systèmes informatiques dédiés et labellisés qui font l'objet d'un examen au point 5/ de cette première partie. Il ne s'agit pas d'une opposition entre anciens, tenant du statu quo (car encore une fois, le monde de la presse et son environnement juridique montrent en permanence leur faculté à évoluer), et des modernes. Il s'agit plutôt de permettre d'expérimenter sans risque excessif de nouveaux modes de publicité, utilisant notamment l'Internet, sachant que ceux-ci sont techniquement maîtrisés par certains, et perçus comme des contraintes supplémentaires par d'autres. D'une certaine façon, l'exemple donné par le Journal Officiel de la République française est intéressant.

L'édition électronique de "Lois et décrets" se substitue progressivement à celle publiée sur papier. Celle-ci était lue en quelques minutes, chacun étant intéressé par un nombre restreint de textes ou extraits. De plus, l'habitude prise de survoler les autres pages avec un minimum d'attention, permettait à un regard un peu exercé de localiser rapidement une information utile. Qui voudrait lire l'équivalent à partir de son écran d'ordinateur, faisant venir les pages les unes après les autres, imprimant par précaution [10], passerait plus de vingt à quarante minutes par jour à cet exercice. C'est dire que ce changement dans les habitudes aurait, pour les fonctionnaires lisant quotidiennement le J.O., un effet comparable à la moitié de celui du passage aux 35 heures de travail hebdomadaire, ce qui est évidemment considérable. Mais la plupart des fonctionnaires ne se livrent pas à cet exercice, ce qui a une double conséquence : une information moins riche, focalisée sur les seuls éléments relevant strictement de leur sphère de compétence, et l'appel à la presse spécialisée qui indique les faits et textes particulièrement dignes d'intérêt. Et grâce à une référence précise indiquée par ce journal, le fonctionnaire se rendra, par Internet sur le site – remarquablement efficace - Légifrance, pour obtenir le texte qui lui avait précédemment échappé.

Par ailleurs, l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, énonce dans son article 3 :

"La publication des actes mentionnés (lois, ordonnances, décrets, et les autres actes administratifs lorsqu'une loi ou un décret le prévoit) est assurée, le même jour, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité, sur papier et sous forme électronique. Le Journal Officiel de la République française est mis à la disposition du public sous forme électronique de manière permanente et gratuite".

Les articles 4 et 5 de la même ordonnance renvoient à des décrets en Conseil d'Etat du soin de définir d'une part les actes individuels qui "en l'état des techniques disponibles" ne doivent pas faire l'objet d'une publication sous forme électronique, et d'autre part les catégories d'actes administratifs dont, eu égard à leur nature, à leur portée, et aux personnes auxquelles ils s'appliquent, la publication au Journal Officiel sous forme électronique suffit à assurer l'entrée en vigueur.

Ces deux décrets ont été pris les 28 mai et 29 juin 2004 [11]. La liste exhaustive de ces actes n'a pas sa place dans ce rapport ; il peut cependant être indiqué à titre d'exemples, que les actes d'état civil tels les changements de nom, naturalisation, perte de la nationalité figureront dans l'édition papier (le principe étant que toute personne, le "grand public" doit pouvoir avoir accès à ce type d'information) ; en revanche, les actes réglementaires concernant les fonctionnaires, l'organisation administrative, les délégations de signature, le budget de l'Etat, ceux pris par les autorités administratives indépendantes etc... peuvent être publiés uniquement dans l'édition électronique. Il est donc a priori considéré que ces actes intéressent des personnes dans le cadre de leurs fonctions, notamment au sein des administrations de l'Etat où ils ont accès à un système informatique professionnel.

Deux éléments doivent être soulignés, qui justifient pleinement les choix arrêtés. L'édition électronique est accessible à toute personne gratuitement, sous réserve de bénéficier d'un système informatique, et les informations réservées à l'édition informatique, essentiellement d'ordre professionnel, sont accessibles dans ce cadre par l'informatique de l'administration. En d'autres termes, les changements n'ont pas conduit le public à consentir des efforts supplémentaires pour obtenir les informations utiles ; l'électronique a apporté un supplément dans les modes de transmission sans se substituer, en tout cas pour le grand public, à un système donnant satisfaction.

(...)


[8] Fin 2004, environ la moitié des foyers français (53 %) disposaient d'un ordinateur, dont les deux tiers étaient reliés à l'Internet ; malgré une forte progression ces deux dernières années, ces chiffres montrent que plus de 21 millions de français n'ont pas, à leur domicile, accès à l'Internet. Ces proportions sont évidemment plus favorables pour les entreprises, au moins pour les plus grandes.

[9] Yahoo.fr, mais d'autres ont donné des réponses similaires

[10] Dans les administrations, la consommation de papier pour imprimante est exponentielle !

[11] Décrets n° 2004-459 du 28 mai 2004 (application de l'article 4 de l'ordonnance), et n° 2004-617 du 29 juin 2004 (application de l'article 5 de l'ordonnance)

le commentaire de l'ami Red Tape

Dans son remarquable rapport sur les annonces judiciaires légales, Monsieur Balluteau, qui plaide pour un moratoire moyennant quelques améliorations à la marge des dispositifs papier, s'inquiète des risques inhérents à l'internet pour justifier un cumul qui n'incite guère aux gains de productivité permis par l'électronique. Qu'en est-il vraiment?

- l'évolution du JORF est citée en modèle. Un historien de la chose s'intéresserait à ce que la seule façon de faire évoluer cette vénérable institution a été d'anticiper ce qu'elle devait faire par une voie qui la contournait, jusqu'à ce qu'elle réagisse. On peut craindre, à lire son rapport, que sans véritable incitation à développer les moyens électroniques, on en reste en fait au status quo et à la routine.

- les Français, qui ne sont qu'un peu plus de la moitié de la population à disposer d'internet (soit une croissance qui est bien plus rapide que la diffusion du téléphone, et qui permettait récemment à Thierry Breton d'affirrmer que nous avons rattrapé l'essentiel du retard que nous avions en l'espèce), ne sauraient s'y retrouver dans la multiplication des sources d'information en ligne. C'est supposer qu'ils savent mieux s'y retrouver dans la multiplication de documents papiers qui ne sont pas accessibles de chez eux, et sont produits par des administrations différentes, localisées à des endroits divers, et avec des sources de diffusion beaucoup plus parcellaires. C'est aussi supposer qu'ils sont totalement incapables de se servir d'un moteur de recherche, ou croire que, parce qu'une requête sur un mot dans l'un d'eux donne des milliers des solutions, l'affinage de cette requête à partir d'une très légère pratique et d'une précision sur ce que l'on cherche ne donne pas effectivement la réponse en moins d'une minute, là où auparavant il fallait des heures de démarches pour les obtenir.

- les fonctionnaires perdraient beaucoup de temps à imprimer le JO. Aussi ne l'impriment-ils pas. Et disposent-ils de nombreux modes de communication, lettres spécialisées en ligne, intranets, extranets, etc, qui permettent à la fois d'exercer leur jugement à partir d'informations variées, et cependant de restreindre par le soin de chacun le champ d'une information s'il la juge trop abondante ou de faible intérêt.

- internet serait une source redoutable de débat démocratique où l'expression d'opinions erronées serait de nature à induire le malheureux internaute en erreur, sans qu'aucune âme dévouée ne vienne lui expliquer ce qu'il doit exclusivement penser. Peut-être peut-on songer que de la diversité des expressions jaillit parfois la lumière, ou à tout le moins, la capacité, à partir d'un débat contradictoire, de se faire une opinion? Ainsi Jacques Le Goff, dans "les intellectuels au Moyen Age", explique-t-il que la période de très grand progrès de l'Université au XIè et XIIè siècle venait de la pratique du "quod libet", devenu quolibet, qui permettait au moindre bachelier d'interroger directement les plus savants docteurs sur tous sujets. Ainsi allait-on écouter les plus brillants et convaincants des savants, aiguillonés par la concurrence des idées. Deux siècles plus tard, cependant, l'ensemble s'était sclérosé par des figures imposées d'une rhétorique dictée de nouveau seulement par l'académisme. Faut-il couper la langue à Esope, pour ce quelle peut dire?

- La France était en l'an 2000 au 22è rang quant aux usages légaux de l'internet. Elle a progressé depuis régulièremen,t pour arriver au 10è rang. Elle peut encore avancer, sans nul doute, et les économies de temps procurées ainsi tant aux usagers qu'aux administrations sont une source précieuse de richesse. L'OCDE évalue à un demi-point de croissance, c'est à dire une masse considérable d'emplois l'écart qui nous sépare encore des Etats Unis en l'espèce. Alors, 5 ans, 10ans, pour conserver le charme des vieux JO qu'on feuillette en sirotant un café, comme les moines copistes en d'autres temps estimaient leurs palimpsestes à bien plus haut prix que ces nouveaux ouvrages imprimés? Combien de chômeurs faudra-t-il, pour se persuader du contraire?

- l'authenticité ne saurait être assurée que par un sceau de cire sur un parchemin, ou à tout le moins, par un peu d'encre sur un papier recyclé, agrémentée d'un tampon. C'est faire bien peu de cas des techniques de signature électronique, et de ce que l'internet a précisément été inventé, ab initio, par des responsables de la défense qui avaient comme préoccupation de ne pas perdre de l'information précieuse, quel que fût l'état de dégradation de leur organisation en cas de crise.

- bien entendu, il ne faut pas pour autant supprimer l'ecrit sous forme papier brutalement, tout en incitant aux necessaires economies de papier, dont l'importation devient un de nos principaux deficits, en meme temps qu'une source de nuisance ecologique, par la destruction excessive des forets. Mais il faut prendre acte que des outils plus modernes, plus efficaces, plus rapides à condition d'en avoir assuré la pédagogie, sont désormais nécessaires pour survivre dans un monde réellement concurrentiel, qui ne saurait asseoir de la valeur sur la capacité de retenir dans quelques officines des informations mal diffusées. A moins que nous de préférions aller revoir jouer le mariage de Figaro, et l'ineffable Brid'oison protestant "la fooorme, Monsieur, la fooorme!"

Red Tape

 http://ask.yahoo.com/ask/20030901.html
 http://www.cutredtape.gov.sg

Consultation publique à propos du rapport sur la publication des annonces judiciaires et légales par la presse écrite

 http://www.ddm.gouv.fr/article.php3?id_article=919
 http://www.admi.net/cgi-bin/wiki?MichelBalluteau 


Copyright. ©1995-2016 AdmiNet. All rights reserved
Logos : E. Rougé & A. Ventura - Partners : blog fr be by gl eu tv Beware of fake AdmiNet
URL : http://admi.net/wiki/MichelBalluteau.html
  Top of page
Feedback
(Last update : Sun, Oct 23, 2016)