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INTERVENTION DU PREMIER MINISTRE

RADIOS ET TELEVISIONS

MATIGNON LE 5 DECEMBRE 1995

Chers compatriotes, j'ai souhaité ce soir vous parler personnellement parce que je sais que la vie quotidienne de beaucoup d'entre vous est difficile et que depuis quelques temps elle est plus difficile encore. Je pense à ceux d'entre vous qui veulent travailler et qui doivent parfois se lever à trois ou quatre heures du matin pour rejoindre leur bureau ou leur atelier. Dans les grandes villes vous devez parfois faire des heures de marche, et avec le froid qui revient c'est de plus en plus dur. Puis je pense aussi aux grévistes. Je sais que ça n'est pas une décision facile que de décider la grève. Pour les plus modestes, cela implique des sacrifices. Alors il n'est plus possible de continuer comme cela. Nous sommes dans une situation de blocages et d'affrontements dont chacune et chacun va finir par pâtir. Il faut en sortir, il faut en sortir d'urgence. Et pour ma part, je souhaite de tout coeur que les choses s'apaisent. Certains formulent des exigences. Il disent: "Le préalable à toutes discussions, c'est que le gouvernement retire son plan de réforme et de sauvegarde de la sécurité sociale". Je veux vous parler les yeux dans les yeux Je ne retirerai pas le plan de réforme et de sauvegarde de la Sécurité sociale parce que ce serait une erreur, et je dirais même une faute que de le faire. Cela irait contre l'intérêt de chacune et de chacun d'entre vous et contre l'intérêt de la France.

Ces réformes, nous les avons longuement préparées et je crois aujourd'hui qu'elles sont à la fois urgentes et justes. Nous allons les faire dans la concertation et elles donneront des résultats. Elles seront utiles. Voilà au moins quatre raisons pour lesquelles il ne faut pas les retirer et je voudrais essayer, si vous voulez bien m'écouter ce soir, de vous en convaincre.

Elles sont d'abord urgentes. Si nous les retirions, que ce passerait-il ? Il n'y a aucune autre proposition qui soit faite par qui que ce soit. Ce serait donc le statu quo, l'immobilisme. Ce serait très dangereux, et je voudrais en prendre quelques exemples:

D'abord l'assurance maladie. Vous savez bien que chaque année, on dépense en prestations plus qu'on encaisse en cotisations. Cela veut dire qu'il y a un moment où l'assurance maladie va être en cessation de paiement, qu'on ne pourra plus vous rembourser et cela je ne le veux pas bien entendu.

Autre exemple, les régimes spéciaux de retraite dont on parle beaucoup ces temps ci, c'est-à-dire les retraites des fonctionnaires, des agents de la RATP ou de la SNCF. Là encore, il y a un problème. Pas tout de suite, pas demain, pas après demain, mais dans dix ou quinze ans. Et gouverner, c'est prévoir ce qui va se passer dans dix ou quinze ans. Quel est le problème ? Vous le comprenez facilement. Comment ça marche ? Ce sont les travailleurs actifs qui paient des cotisations afin de financer les retraites de ceux qui sont déjà pensionnés. Or, que se passe-t il ? On entre dans la vie de travail de plus en plus tard, on arrête de travailler de plus en plus tôt, il y a donc de moins en moins de cotisants. Et dans le même temps, les retraités qui ont pris leur retraite de plus en plus jeunes vivent et c'est heureux, grâce soit rendue au ciel de plus en plus longtemps. Le rapport entre les cotisants et les inactifs est donc déséquilibré et cela va continuer et voilà pourquoi il faut faire quelque chose.

Autre exemple encore: la SNCF. Nous sommes tous très fiers de cette grande entreprise nationale Nous connaissons les TGV, c'est une des belles réalisations de l'industrie française. Mais ce que l'on ne nous a pas dit, ce que l'on nous a caché trop longtemps, c'est que cette entreprise ne se porte pas bien. Elle a des dettes considérables dont je ne vous donnerai pas les chiffres parce qu'ils ne parlent pas à l'imagination. Elle perd de l'argent chaque année et ce qui est plus grave peut être, c'est qu'elle transporte proportionnellement de moins en moins de passagers et de marchandises parce qu'elle résiste mal à la concurrence d'autres modes de transport, en particulier la route. Et donc, là encore, si nous ne faisons rien, cette entreprise va aller vers des difficultés extrêmement graves. Il y a donc urgence à agir et je voudrais que vous en soyez convaincus.

Ces réformes urgentes, elles sont aussi justes. Nous avons tout fait pour qu'elles le soient. Ne croyez pas tous les mensonges qu'on vous raconte depuis quinze jours, en vous expliquant que les efforts ne seront pas équitablement répartis, ce n'est pas vrai.

La première chose que nous voulons faire pour l'assurance maladie, c'est d'abord un régime universel. Cela veut dire quoi ?. Actuellement, les Français ne sont pas égaux devant l'assurance maladie, ils ne reçoivent pas tous les mêmes prestations. Nous voulons que ça change. Nous voulons la même couverture maladie pour tous les Français. C'est une mesure de justice. Et puis, nous voulons aussi que les efforts soient équitablement répartis, je vous l'ai dit. Et là, je voudrais rétablir une fois encore quelques vérités. Il n'est pas vrai que les plus petits vont supporter le poids du redressement de l'assurance maladie. Deux exemples précis:

- Le remboursement de la dette sociale : rien ne sera demandé aux cinq millions de Français les plus modestes et pour le cotisation maladie supplémentaire, là aussi, je l'ai expliqué déjà à la télévision, je dois le redire car ceci a été un peu perdu de vue: les retraités qui ne sont pas imposables il y en plus de six millions, près de 60 % de tous les retraités ne supporteront pas cette cotisation supplémentaire, de même les chômeurs qui ont des ressources inférieures au SMIC ce qui représente 2,5 millions de personnes, soit plus de 80 % de tous les chômeurs. Vous le voyez, les Français les plus modestes ne seront pas appelés à participer au redressement financier de la Sécurité sociale.

Justice aussi en ce qui concerne la SNCF. On vous a beaucoup parlé du contrat de plan. Je voudrais vous dire ce qu'est ce contrat de plan. Il ne consiste en aucune manière à remettre en cause le caractère d'entreprise publique de la SNCF. Elle restera un service public, j'en prends l'engagement. Il ne remet pas en question non plus le statut des cheminots qui doit être défendu. Il prévoit un très large effort de la collectivité pour redresser la situation de la SNCF. Les contribuables, nous toutes et nous tous, nous allons apporter, dès 1996 et sans contrepartie, 37 milliards d'aides financières à la SNCF pour lui permettre de payer ses dettes et cela continuera ensuite. Il n'y a pas de blocage des salaires à la SNCF, il n'y a pas non plus de listes de suppressions de lignes, ceci n'est pas vrai, cela ne figure pas dans le contrat de plan. Qu'est ce que nous demandons ? Nous demandons que l'entreprise se modernise, qu'elle motive davantage tous ses collaborateurs, qu'elle fasse preuve d'un nouveau dynamisme commercial, c'est bien le moins que l'on puisse demander à une grande entreprise publique.

Voilà donc pourquoi les réformes sont justes. Nous allons aussi les faire dans la concertation, ces réformes. On vous dit parfois que le gouvernement va tout décider tout seul, ce n'est pas vrai. Prenons l'exemple des ordonnances. Ce n'est pas la première fois que l'on fait des ordonnances. Tous les gouvernements l'ont fait, qu'ils soient de droite ou de gauche. Je me suis engagé à ce que ces ordonnances qui sont nécessaires pour aller vite soient l'objet d'une information auprès du Parlement, mais aussi auprès des partenaires sociaux, et je l'ai annoncé cet après midi à l'Assemblée Nationale. De même, j'ai demandé à Monsieur Barrot, vous le connaissez, vous l'avez vu souvent ces jours derniers, vous avez apprécié à la fois son calme et son ouverture d'esprit, qu'il reçoive toutes les confédérations syndicales pour organiser cette concertation. J'ai prévu un table ronde sur l'avenir de nos services publics auxquels nous sommes très attachés.

Et puis enfin, il y a les régimes spéciaux de retraites, et là aussi je veux être très clair. Aucune décision n'est prise a priori. Je vous ai dit pourquoi ces régimes connaissaient des difficultés, il faut remettre tout cela à plat. J'ai chargé une commission, chargée de personnalités très respectées et très éminentes, de toutes sensibilités, de faire un Livre blanc, un peu comme l'avait fait Monsieur Rocard pour le régime général il y a quelques années. Mais sur la base de ce Livre blanc, le moment venu, nous prendrons les décisions en concertation avec tous ceux que cela concerne.

Enfin, et c'est la quatrième raison pour laquelle il faut faire ces réformes, je suis persuadé qu'elles seront utiles, qu'elles réussiront, elles ne sont pas faites pour brimer, pour gêner, mais pour aider la SNCF, pour aider l'assurance maladie, pour aider les régimes spéciaux de retraite à se redresser, et je suis persuadé que la France a en elle même tous les atouts pour réussir Je ne comprends pas cette espèce de sinistrose, de morosité qui est en train de s'installer Est ce que nous mesurons suffisamment bien la chance que nous avons d'être français et je vous pose tout simplement la question: "Y a-t-il un seul pays au monde où vous préféreriez vivre plutôt qu'en France ?". Je dis cela tout particulièrement à nos jeunes qui se sont beaucoup exprimé depuis quelque temps, parfois dans la rue, parfois bruyamment, c'est de leur âge, mais il faut essayer de les comprendre. Il y a les attentes des lycéens et des étudiants, il y aussi parfois l'angoisse des jeunes des quartiers en difficulté, nous les avons entendus, nous les avons compris et le Ministre de l'Education Nationale, François Bayrou a annoncé dimanche dernier des mesures d'urgence qui rejoignent concrètement ce qui avait été envisagé.

Donc aujourd'hui, sur ce plan là toutes les raisons sont réunies, toutes les conditions sont réunies, pour que l'Université, les universités françaises se remettent au travail. J'ai bien conscience que derrière ces mesures d'urgence il y a quelque chose de plus grave et de plus profond et ce phénomène plus grave et plus profond, c'est quoi ? C'est tout simplement l'angoisse de l'avenir. C'est cette question que nous lancent les jeunes: "A quoi va servir le diplôme qui me sera donné par mon université? Est ce qu'il débouchera sur un emploi, sur un travail ? )>. Là nous retrouvons ce qui est le fléau essentiel d'aujourd'hui auquel nous devons faire face et contre lequel nous devons lutter qui est le fléau du chômage.

J'avais fait de la bataille pour l'emploi, la priorité des priorités de mon gouvernement et je n'ai pas changé d'avis. Depuis six mois nous avons marqué quelques points. Le chômage de longue durée a diminué et le contrat initiative emploi qui avait été un des grands engagements de Jacques Chirac pendant sa campagne présidentielle est une réussite. Il concerne près de cent cinquante mille Français aujourd'hui. En revanche, et je le dis en toute franchise, pour le chômage des jeunes, nous avons subi des revers. Il a progressé depuis deux ou trois mois et ce n'est pas acceptable. Il faut donc que toute la nation se mobilise. Il faut faire des réformes au lycée, à l'université, les réformes de fond, elles aussi trop longtemps différées, qui vont nous permettre d'attaquer ce fléau.

Et puis, il faut aussi que tous les employeurs se mobilisent et je m'adresse là à toutes les entreprises, aux moyennes, aux grandes. Nous avons fait beaucoup d'efforts envers elles depuis quelques mois. Nous avons allégé leurs charges, et pris toute une série de décisions qui correspondent à ce qu'elles attendaient pour trouver un nouveau dynamisme. Eh bien il faut qu'à leur tour maintenant elles tendent la main aux jeunes, qu'elles leur offrent une chance d'entrer dans la vie de travail, qu'elles leur mettent un peu le pied à l'étrier. Et c'est ce que j'ai appelé le devoir national d'insertion. Il faut maintenant le concrétiser et ce sera la nouvelle frontière que nous allons ouvrir dans les mois qui viennent: la mobilisation pour l'insertion des jeunes, qu'ils soient étudiants ou pas, des quartiers en difficulté et des autres quartiers, leur insertion dans la vie professionnelle. Voilà, mes chers compatriotes, ce que je voulais vous dire ce soir. La France a besoin de réformes, nous allons les faire. Nous allons les faire dans la concertation, nous allons les faire pour réussir et nous réussirons si nous retrouvons entre nous, Françaises et Français, ce lien, cette fraternité, qui font notre force. Il ne faut pas dresser les Français les uns contre les autres, les usagers contre les grévistes, les cheminots contre les salariés du secteur privé. Ce sont de vieux combats ou de vieux débats. Il faut se réunir, se rassembler, se mobiliser pour réussir.

Nous allons réussir, je le crois de tout mon coeur et de toutes mes forces.


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