(Last update : Thu, 4 Sep 1997)
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COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN

Les réseaux de la société de l'information
Rapport du groupe de travail du Commissariat général du Plan
"Nouvelles technologies et réseaux de la société de l'information"
présidé par Thierry Miléo,
AspeEurope-Editions Eska, 120 francs

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Thierry Miléo



Contact :
Jean-Noël Tronc, chargé de mission
Commissariat général du Plan
18, rue de Martignac
75700 Paris 07 SP
Téléphone : 01 45 56 53 12
Télécopie : 01 45 56 54 25
Adresse électronique : jntronc@plan.gouv.fr

PRÉSENTATION DU RAPPORT

Câble et satellite, communications sans fil, nouveaux services multimédia, réseau Internet : depuis deux décennies, jamais les innovations ne se sont succédées à un tel rythme. Jamais, dans un secteur de service public, l'investissement privé n'a atteint un telle ampleur. Jamais non plus la régulation publique n'a été aussi nécessaire.

Que doivent faire les pouvoirs publics ? Pour répondre à cette question, le Commissariat Général du Plan a réuni pendant deux ans les principaux acteurs du secteur de la communication, pour un travail d'évaluation et de prospective sur le développement des réseaux de la société de l'information. A la veille de la concurrence totale dans les télécommunications européennes, le groupe présidé par Thierry Miléo dessine de grandes orientations stratégiques pour les autoroutes de l'information.

Tirant les enseignements des récents bouleversements technologiques, le rapport insiste sur la divergence durable entre besoins des entreprises et marché grand public. Deux défis sont jetés à l'Etat : faciliter, dans un environnement concurrentiel, l'émergence de services et de contenus innovants ; adapter la régulation à la fusion prochaine de l'audiovisuel et des télécommunications.

En France, la libéralisation des télécommunications est désormais chose faite. Les réseaux de la société de l'information regarde au-delà et ouvre le débat de l'après-1998.

VERS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION : UNE NÉCESSAIRE RÉFLEXION PUBLIQUE

L'entrée dans la société de l'information

L'expression -ambigue- de " société de l'information " traduit la révolution introduite par la possibilité d'accéder, en temps réel, sans contrainte de localisation ni de déplacement physique et, surtout, à l'échelle planétaire, à une masse sans cesse croissante d'informations, aussi bien sous forme de textes, de sons que d'images. Cette révolution se manifeste aussi par l'explosion des communications sans fil, l'offre de services de télécommunications de plus en plus innovants ou la multiplication du nombre des programmes audiovisuels.

Le caractère irréversible de ce mouvement, dont le rythme reste cependant difficile à prévoir, est confirmé par trois grands phénomènes :

· une plus vaste circulation et une intégration croissante des flux d'informations à l'échelle planétaire, qui se traduit souvent par une homogénéisation des contenus diffusés ;

· une accélération de la vitesse à laquelle s'échangent les informations, associée à une multiplication des moyens de transmission ;

· une compétition accrue entre les grands pôles économiques mondiaux pour la maîtrise des technologies qui permettront la domination des nouveaux marchés de l'information et de la communication.

RÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE ET DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ

La révolution des technologies de la communication

Le groupe "Réseaux de la société de l'information" a fait le point sur les évolutions technologiques et industrielles les plus récentes. Celles-ci, appuyées sur des transformations fondamentales et rapides (numérisation des données, développement de la fibre optique, moyens de stockage de très grande capacité, commutation haut débit), provoquent un changement radical de l'économie des télécommunications et une interpénétration croissante entre secteurs de la communication.

Le rapport propose une analyse détaillée des dernières innovations complétée par un glossaire et les chiffres clé les plus récents.

L'explosion des communications sans fil et de la mobilité

Les progrès considérables accomplis par les radiocommunications leur feront jouer un rôle de plus en plus important : d'ici l'an 2000, les services de radiotéléphonie mobile devraient compter près de 40 millions d'utilisateurs dans l'Union Européenne.

Le potentiel commercial de ces services est énorme. En effet, alors qu'il n'est pas envisageable, pour le téléphone fixe, de dépasser un taux d'équipement supérieur à 50% de la population (une seule ligne dans la grande majorité des foyers), les "systèmes de communication personnelle", en multipliant les occasions et les moyens de communiquer, autorisent un taux d'équipement proche d'un raccordement par adulte, soit près de 80% de la population.

La multiplication des possibilités de desserte

En multipliant les possibilités de contournement des infrastructures traditionnelles, les nouveaux moyens de desserte jusque chez l'abonné transforment l'économie des télécommunications, fondée sur l'existence d'un monopole naturel des réseaux. Il s'agit notamment :

· du réseau câblé, utilisé pour offrir également le téléphone,

· des techniques qui permettent l'acheminement de contenus audiovisuels par le réseau téléphonique (ADSL - Asymetric Digital Subscriber Line),

· de la fibre optique combinée avec la technique ATM (Asynchronous Transfer Mode) pour optimiser l'utilisation des réseaux à haut débit.

La révolution Internet

Avec moins de 500 000 utilisateurs en avril 1996, Internet demeure encore un réseau marginal dans notre pays et son succès peut sembler paradoxal si on le rapporte à son taux de diffusion chez les particuliers et aux limites techniques évidentes de son mode actuel d'utilisation. Pourtant, Internet constitue probablement l'un des modèles privilégiés des futures autoroutes de l'information, en apportant de vrais ruptures : son mode de tarification annonce l'avenir. Internet met fin au monopole de certaines catégories d'acteurs dans la diffusion de l'information puisque n'importe quel utilisateur peut diffuser ses contenus sur le réseau. Du coup, sa régulation pose des problèmes entièrement nouveaux qui appellent une réponse publique nuancée et déterminée. Il ne faudrait pas, en effet, que cette réaction entrave les espoirs énormes soulevés par Internet, à la fois pour ses utilisations professionnelles (Intranet), commerciales (téléachat) ou pour les grandes missions d'intérêt général comme l'enseignement, la santé ou la diffusion de l'information publique.

Un marché en bouleversements et en pleine expansion

Les perspectives de développement des marchés de la communication sont donc considérables. Pris dans leur ensemble (électronique grand public, informatique, télécommunications, médias, loisirs), ceux-ci devraient plus que doubler d'ici l'an 2005, pour atteindre 15 000 milliards de francs. Les services téléphoniques et télématiques sur réseaux commutés et les services audiovisuels diffusés sur le câble, par satellite ou voie hertzienne constituent, aujourd'hui encore, deux mondes essentiellement distincts. Leur fusion progressive obligera à remettre en cause profondément l'organisation des secteurs concernés et de réglementations encore distinctes. En revanche, les acteurs des autoroutes de l'information ne croient guère à l'avènement d'un réseau universel à haut débit construit sur modèle technologique unique.

Une distinction durable entre marché professionnel et marché grand public

Les marchés grand public et entreprises diffèrent sur deux points d'importance :

· l'usage intensif des infrastructures de télécommunications par les entreprises permet d'envisager une rentabilité de la desserte dans un délai raisonnable (environ 5 ans), ce qui n'est évidemment pas le cas pour les particuliers (pour lesquels l'investissement se rentabilise en 15 à 20 ans).

· le développement des autoroutes de l'information passera, chez le particulier, par le développement des contenus : les choix de consommation du grand public sont surtout déterminés, en effet, par le contenu, et peu par la seule possibilité de communiquer.

Ces conditions créent des logiques de développement différentes pour les deux marchés.

RENOUVELER LE RÔLE DES POUVOIRS PUBLICS, REFONDRE LES CATÉGORIES RÉGLEMENTAIRES

Le rôle toujours indispensable de la puissance publique

Avec l'entrée dans la société de l'information, l'Etat se trouve mis en cause dans son mode d'action traditionnelle : la convergence entre les secteurs dissout les frontières de la réglementation ; la libéralisation des télécommunications, réponse aux bouleversements technologiques, réduit les possibilités d'intervention publique directe. Mais en même temps, l'importance sociale, culturelle et politique des grands outils de communication interdit que la puissance publique s'en désinteresse.

Si les capacités des mécanismes de marché à assurer le développement de réseaux et de services innovants sont avérées, la réglementation et la régulation publiques n'en demeurent pas moins déterminantes. Les avancées réglementaires traceront en effet des perspectives que chaque acteur attend, afin de permettre une visibilité suffisante et, par là, d'inciter au développement d'une offre innovante.

En particulier, la puissance publique doit garantir la pluralité et la transparence du secteur. L'Etat conserve, de toute façon, ses missions traditionnelles, qu'il s'agisse de la politique d'enseignement et de recherche, de la gestion du domaine public et des ressources rares (le spectre hertzien, par exemple), ou de la sécurité nationale.

Enfin, dans un univers devenu concurrentiel, les pouvoirs publics doivent définir avec précision le périmètre et les moyens de financement des services qui doivent être accessibles à tous les citoyens, en veillant à ce que ces services soient fournis avec les meilleures techniques possibles.

La convergence progressive des instruments régulateurs

S'appuyant à la fois sur les exemples étrangers et sur le débat engagé, en France, à l'occasion de l'adoption du nouveau cadre réglementaire, le groupe a instruit les grands choix de régulation du secteur : régulation spécifique ou droit général de la concurrence, régulation distincte par secteur ou régulation unique, qui mêle télécommunications et audiovisuel. Enfin, l'importance croissante du cadre européen et le développement de réseaux dont la couverture devient continentale, voire mondiale, a conduit le groupe a réfléchir aux perspectives d'une régulation supranationale.

La régulation d'Internet

Internet, par sa dimension internationale et décentralisée, jette des défis nouveaux aux pouvoirs publics. L'identification et la poursuite des auteurs d'infractions y sont, en effet, souvent difficiles. Il est donc indispensable de trouver de nouveaux moyens à la régulation publique de ces réseaux, qui passent à la fois par une responsabilisation des diffuseurs et des consommateurs de l'information, par une coopération internationale et par l'exploration d'outils de contrôle et de répression nouveaux. La protection des consommateurs, qui conditionne le développement des applications commerciales prometteuses, exige en outre une sécurisation des transactions et un assouplissement des règles sur le cryptage.

Une indispensable présence internationale

Les travaux du groupe ont également permis de souligner l'importance d'une forte présence française dans les enceintes multilatérales, publiques et privées, dans lesquelles s'élaborent les réglementations internationales et les normes applicables aux réseaux et aux services du futur. Face à la puissance de grands projets activement soutenus par les pouvoirs publics américains, l'Europe doit défendre sa place dans les grands systèmes de communication mondiale de l'avenir, comme les réseaux de transmission satellitaires.

La nouvelle régulation publique, un enjeu déterminant

En un mot, seuls un cadre réglementaire stable et incitatif et une régulation souple et neutre permettront le développement des réseaux et des services innovants sans lesquels notre pays ne pourra profiter des opportunités considérables ouvertes par la société de l'information.