(Last update : Sun, Oct 23, 2016)
L'Affaire de Baden-Baden
Extrait des minutes du Greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris
AUDIENCE du 12 Juillet 1984
29ème chambre
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APPEL INCIDENT
du
Procureur de la République
9-830610246 3 Le Procureur de la République
Madame H... Roswitha, Hélène épouse R..., demeurant ..... 92160
PARTIE CIVILE
représentée par son conseil Me R. W. qui a déposé des conclusions visées
par le Président et le greffier et jointes au dossier
Contre:
C.D. G. Michel, né le 26 Septembre 1927
à LA MOTTE D'AIGUES (84), filiation ignorée, demeurant rue Tour
Maubourg à Paris, administrateur de société, marié, quatre enfants, assisté de son conseil Me L.
CONTRADICTOIRE
C.D. J.Y.... Jean, Raymond, né le 28 Septembre 1917 à Paris 6ème, filiation ignorée, demeurant au lieu
dit La Chatrie Cancale (35)
CONTRADICTOIRE
ESCROQUERIE - COMPLICITE D'ESCROQUERIE
LE TRIBUNAL,
à son audience du 28 Juin 1984,
après avoir donné lecture des pièces du dossier, entendu les prévenus en leurs explications, la partie
civile, le Ministère Public en ses réquisitions, l'avocat du prévenu en sa plaidoirie, les prévenus en leurs
moyens de défense renvoyé l'affaire en délibéré à l'audience du 12 Juillet 1984, après en avoir donné
avis aux parties conformément aux dispositions de l'article 462-2 du Code de Procédure Pénale;
et à l'audience de ce jour, le Tribunal composé de la même façon, après en avoir délibéré conformément à la
loi.
Attendu que Jean J. Y. ... et Michel G. sont poursuivis directement devant le Tribunal
Correctionnel, à la requête du Ministère Public sous la prévention :
- Jean J. Y., d'avoir à Paris, le 23
Novembre 1982, en tout cas sur le Territoire National et depuis temps non prescrit, en employant des manoeuvres
frauduleuses pour persuader l'existence d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, savoir, en se livrent à une
mise en scène consistant dans la démonstration d'une méthode de jeu à la roulette soi-disant infaillible,
obtenu de Mme Roswitha H. épouse R. la remise ou la délivrance de 69000 Deutschmarks, escroquant par ce
moyen tout ou partie de la fortune d'autrui.
- Michel G., de s'être à Paris, le 23 Novembre 1982, en tout cas sur le territoire national et depuis temps
non prescrit, rendu complice de l'escroquerie commise par J. Y. au préjudice de Mme Roswitha H. épouse R., en
procurant les instruments ou moyens ayant servi à l'action sachant qu'ils devaient y servir, en aidant ou assistant
avec connaissance de cause l'auteur dans les faits qui l'ont préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'ont consommée ;
délits prévus et punis par les articles 59, 60, 405 du Code Pénal;
-
Attendu que les deux prévenus régulièrement cités à personne à l'audience initiale du 17 mai 1984
renvoyée à la demande de G. pour raison médicale ont comparu à l'audience du 28 Juin, assistés par
leurs avocats respectifs;
- qu'en conséquence, la décision sera contradictoire à leur égard:
- Attendu qu'il ressort de l'enquête de police, des documents de la cause ainsi que des débats à
audience que fort intéressée par une annonce parue dans le journal " Le Figaro" du Lundi 15 Novembre
1932 ainsi libellée " J'assure 20000 francs nets mensuels si vous êtes libre immédiatement disposez
150000 francs, rotation rapide, voyagez avec moi I5 jours par mois, avez 50 ans minimum, bonne
culture générale - Aucun renseignement par téléphone. Pour rendez-vous avec M. LATOUR, téléphone
555-88-32, 10H-12H, 14H-18H, Madame Roswitha H. épouse R. (Ci-après, Mme R.) née le 4 Juin
1944 (38 ans), originaire de la République Fédérale d'Allemagne mais française par mariage qui
possédait un petit capital de 69000 Deutschmarks soit 198000 francs français de l'époque, provenant de
l'héritage de son père qu'elle désirait faire fructifier, saisissait l'aubaine en téléphonant au numéro indiqué
dans l'annonce;
- qu'une voix lui répondait qui lui fixait rendez-vous pour le Jeudi 18 Novembre 1982 au 88B de
Latour Maubourg Paris 7ème, siège de la société " Finances, Techniques et Systèmes " dont Michel G. est
l'administrateur ;
- qu'elle s'y rendait au jour convenu;
- que là, accueillie par G., elle était aussitôt introduite auprès du soi-disant LATOUR, lequel
n'était autre que J. Y., qui, pour la circonstance, occupait l'un des bureaux de la société précitée, mis
gracieusement à sa disposition par G. ;
- que s'étant préalablement enquis du capital dont elle disposait, J. Y. alias
LATOUR, en présence de G., entreprenait de la convaincre de lui
confier, sans risques, ses 69000 DM, en lui expliquant que grâce à une
méthode infaillible, basée sur des calculs mathématiques dont il était l'inventeur,
qui permettait de gagner immanquablement au jeu de la roulette pratiquée
dans les casinos, il se faisait fort de lui assurer le service des 20000 francs mensuels de revenus mentionnés dans
l'annonce;
- que pour lui prouver ses dires, J. Y. procédait sur-le-champ à une démonstration de sa méthode à
laquelle il l'invitait à participer, la méthode consistant après l'observation de plusieurs parties au cours desquelles
une même couleur, noire par exemple, aura été gagnante, de choisir, au moment de jouer, la couleur inverse, soit le
rouge;
-
qu'ayant fait un essai, sur les conseils de J. Y. qui l'avait guidée dans son choix de la couleur rouge, lors du
lancement de la bille sur le plateau de la roulette, elle avait effectivement gagné;
-
que cependant, n'étant pas absolument persuadée malgré la démonstration de la viabilité du système
proposé pour la rentabilisation de son capital, elle renonçait à faire affaire avec J..
Y. et G., estimant insuffisantes les garanties offertes pour la sauvegarde de
son capital;
-
qu'elle leur laissait néanmoins son adresse personnelle ainsi que son numéro de
téléphone;
-
que le mardi 23 Novembre 1982, G. qui dans l'intervalle s'était entendu avec J.
Y. sur les termes d'une convention, par laquelle, moyennant la remise des 69000
DM par Mme R., J. Y. en employant sa méthode infaillible lui servirait à partir du 30
Décembre 1982 un revenu mensuel de 6000 DM pendant dix huit mois
renouvelables, soit 108000 DM, au surplus garanti par un nantissement sur le droit
au bail du siège de Finances, Techniques et Systèmes, se présentait seul au domicile
d'Antony (92) de Mme R., afin de la convaincre à nouveau d'investir son capital dans
la prétendue méthode infaillible de J. Y. et pour apaiser ses craintes, lui exhibait le
texte sus-analysé de la convention déjà- revêtu de deux signatures au bas du texte;
-
que devant la réticence manifestée par Mme R. à conclure tant que lui-même n'aurait
pas contresigné le texte de la convention afin que soit garantie par sa signature l'existence du nantissement offert,
G., désireux d'obtenir le versement convoité finissait par accepter la proposition de Mme R.;
-
que c'est dans ces conditions qu'il conduisait en voiture cette dernière
depuis son domicile d'Antony aux bureaux de Finances, Techniques et
Systèmes à Paris 7ème , et là, après que Mme R. ait obtenu d'ajouter à la
main au texte initial de la convention, la mention
"bon pour reçu de la somme de 69000 DM remboursable en même temps que la dernière fraction de
6000 DM, au plus tard le 30 Juin 1984. A défaut du paiement de la troisième fraction de 6000 DM le
capital mentionné ci-dessus sera exigible immédiatement" il apposait à son tour au bas de cette nouvelle
mention le cachet commercial de sa société, suivi de "Bon pour accord" (le sa main ainsi que sa
signature, étant rappelé qu'antérieurement à ces mentions figurait par avance une signature d'approbation
de J. Y.
-
que les termes de la convention alors datée du 23 Novembre !982 ayant été complétée
comme il vient d'être dit, en l'absence indiscutée de J. Y., la dame R. qui apparemment avait eu
satisfaction en échange la remise par G. d'un exemplaire de ladite convention lui versait la somme de
69000 DM, en espèces, que G. déposait aussitôt à sa vue dans le coffre de la société;
-
que début Janvier 1983, Mme R., apprenant de sa banque en Allemagne, où
devait lui être versée la première mensualité de 6000 DM, que ledit versement n'avait;-
pas eu lieu, s'en inquiétait vivement auprès de G. et J.Y.
-
que le 12 Janvier 1983, invités à son domicile afin de lui fournir les raisons de ce contretemps, G. arrivé le
premier au rendez-vous lui laissait entendre que J. Y. avait joué et perdu son capital au casino de BADEN-
BADEN, en R.F.A., tandis que ce dernier donnait une version différente en relatant que G. s'était fait voler le 18
Décembre 1982, au même Casino, sa sacoche contenant les 69000 DM, sacoche dont la bride avait été
sectionnée à son insu alors que G., se rendait aux toilettes du casino;
-
que face à ces contradictions et invraisemblances relatives aux circonstances de la disparition de son
capital, elle se décidait à porter plainte en escroquerie le 26 Janvier 1983 contre les deux prévenus;
-
Attendu que G. qui ne conteste pas avoir reçu de Mme R. les 69000 Deutsche Marks prétend les avoir remis à J.
Y., en même temps qu'un exemplaire de la convention s'y rapportant, lors du passage de ce dernier à Paris, le 6
Décembre 1982 , jour où tous deux avaient projeté de se rendre avec MERCIER, autre candidat au placement
fructueux, le 18 Décembre 1982 au casino de Baden Baden afin d'expérimenter la méthode infaillible de J. Y. ;
-
qu'il convient n'avoir pas exigé de celui-ci, en contrepartie de la remise des 69000 DM, un reçu de ladite
somme mais explique cette carence par la confiance réciproque existant alors ;entre eux en faisant observer à ce
propos que J. Y. ne pouvait, envisager de se rendre à BADEN BADEN pour jouer à la roulette au Casino que si J.
Y. était bien en possession des fonds de Mme R. , du fait .même de la convention. passée avec cette dernière, que,
par ailleurs, dans le cas contraire, il devait s'adresser à Mme R. pour lui réclamer les 69000 DM ce qu'il n'a pas fait;
-
qu'il allègue encore que si effectivement J. Y. a pu le voir, au soir du 18 Décembre 1982 au Casino de
Baden Baden en possession d'un reçu de 69000 Deutsche Mark délivré par ledit Casino, les casinos en Allemagne
pouvant faire office de banque, il ne s'agissait aucunement des 69000 DM provenait de Mme R. mais d'un (dépôt de
70000 DM que lui avait confié le Onze Décembre 1982 en Suisse une amie Suisse, Mme GERTRUDE PROBST, y
demeurant, somme qu'il avait à son tour déposée ce même Onze Décembre 1982 au casino de BADEN-BADEN,
mais à hauteur de 69000 DM, seulement, ce qui expliquerait la soi-disant confusion commise ou entretenue à
dessein par J. Y. pour lui faire supporter seul la charge de la disparition sinon de l'impossibilité de restitution des
69000 DM à Mme R.
que si G. revendique la réalité du vol d'une sacoche qu'il pointait en bandoulière le soir du 18 Décembre
1982 au casino de Baden-Baden, l'auteur de ce vol ayant coupé à son insu la de la sacoche, en revanche, il
soutient contrairement aux insinuations et allégations sur ce point de son coprévenu que la dite. sacoche ne
renfermait que son argent personnel environ. 2000 à 3000 DM mais en aucune façon les 69000 DM de Mme R.
qu'il ne pouvait plus au reste détenir puisqu'il les avait remis le 6 Décembre 1982 à J. Y. à l'occasion de son
passage à Paris;
-
qu'il ajoute qu'en raison de la modicité du vol commis à son détriment il n'y a rien d'étonnant ainsi
que l'a constaté MERCIER qui ce soir là était en sa compagnie et celle de J. Y. à ce qu'il n'ait pas manifesté une
particulière inquiétude non plus que ce dernier et explique que s'il n'a pas alerté la Direction du Casino. de même
que les autorités de Police de Baden-Baden, au sujet de ce vol, c'est parce qu'il avait voulu cacher à sa femme la
"virée" qu'il avait faite au Casino alors qu'elle le croyait en voyage d'affaires en Allemagne et non, comme l'a insinué
J. Y., parce qu'il voulait éviter d'attirer à nouveau l'attention sur lui des services fiscaux français après le contrôle
fiscal dont il avait été l'objet à Paris quelque temps auparavant;
-
qu'enfin, il prétend que si une escroquerie a été commise au préjudice de Mme R., ce ne peut être que du
seul fait de J. Y. qui après avoir été mis en possession par lui des 69000 DM de MMe R. a saisi au bond le vol
personnel dont lui G. été victime au Casino de Baden-Baden pour tenter de faire accroire à cette dernière que les
69000 DM avaient d'abord été perdus au jeu, ensuite volés dans la sacoche de G. alors que par la suite il avait
constaté que J. Y. avait amélioré son standing en s'offrant une voiture de 100.000 francs
alors qu'il affirmait ne disposer que de ressources modiques de retraité qu'il était obligé de compléter
-
Attendu que J. Y. qui se présente comme ex-directeur de société d'imprimerie-papeterie, ex-
professeur, ancien journaliste, écrivain, retraité aux revenus modeste et prétend avoir étudié et découvert
durant ses longs loisirs un procédé soi-disant infaillible pour gagner coup sûr au jeu de la roulette dans les
casinos, ne disconvient pas qu'étant à la recherche d'un commanditaire collaborateur pour exploiter son
invention et partager avec lui par moitié les bénéfices résultant de son exploitation, il était entré en
rapport avec Mme R. au moyen de l'annonce publiée avec son accord dans le Figaro du 15 Novembre
1982 par G. avec qui i1 avait d'ailleurs lié connaissance dans des circonstances identiques deux ans
auparavant;
-
qu'il précise que résidant ordinairement à CANCALE (Ille et Vilaine) , avisé pour G. qu'à suite
de la parution de l'annonce, deux candidatures d'apporteur de capitaux s'étaient manifestées, savoir,
celles de Hervé MERCIER, ex-employé de banque en chômage et en dernier lieu, chauffeur de maître
puis celle de Mme R. il s'était déplacé spécialement à Paris le 18 Novembre 1982 afin de les examiner dans les
bureaux de la société FINANCE-TECHNIQUES et SYSTEMES de G. , au 88 Bd de la Tour Maubourg à Paris
7ème.
-
qu'il relate dans un document dactylographié daté du 14 Février 1982 lui tenant lieu de déposition à l'enquête
alors qu'il avait été invité à fournir ses explications le 16-8-1983 par la brigade de Gendarmerie de CANCALE,
qu'après examen des deux candidatures sus-visées, il avoir personnellement retenu celle de MERCIER, mais que
G. lui ayant fait remarquer que la situation financière de Mme R. était bien plus intéressante que celle de
MERCIER et était, en outre, susceptible d'aider au renflouement de ses propres affaires qui en avaient bien
besoin, il avait dû s'incliner devant le choix ainsi opéré par son partenaire;
-
que c'est dans ces conditions que pour permettre à G. de déterminer avec Mme R. les modalités de remise
et de l'usage des fonds confiés il avait été conduit à signer par avance un document dactylographié dont
l'emplacement réservé à l'indication de la somme avait laissé en blanc et par lequel il reconnaissait à l'avance, avoir
reçu une somme indéterminée pour être utilisés selon les principes exposés à. Mme R., savoir, son emploi au jeu
de la roulette;
-
que s'il reconnaît s'être rendu à nouveau, à Paris, vers le 6 Décembre 1982 et avoir arrêté avec
G. et MERCIER le principe du déplacement, le 18 Décembre 1982 à BADEN-BADEN pour y expérimenter son
procédé, il dénie, en revanche, formellement que G. lui ait remis ce jour là les 69000 DM de Mme R. non plus
qu'un des exemplaires de la convention du 23 Novembre 1982 précitée;
-
qu'il affirme sans produire à l'appui de ses dires l'enveloppe appropriés et probablement la lettre
d'accompagnement normale en pareil cas, que c'est à son retour à CANCALE, donc postérieurement à son passage
vers le 6 décembre à Paris qu'il a trouvé- dans son courrier, sur sa table, une enveloppe contenant la convention
signée par lui en blanc quinze jours auparavant et expédiée par G. ;
-
qu'il prétend qu'à la lecture de la convention, tellement éberlué d'apprendre par des ajouts manuscrits
portés hors sa présence et d'une main autre que celle de G.
qu'il reconnaissait avoir reçu les 69000 DM et s'engageait à servir 6000 DM d'intérêts mensuels à
Mme R., alors qu'il n'avait rien reçu ni pris
pareil engagement, il 'osa pas en parler à son épouse,
et faisant une extrême confiance à G. à qui il
n'avait alors rien à reprocher, il se persuada avant
de le suspecter d'attendre le voyage à BADEN-BADEN pour
voir si les choses se passeraient comme prévu;
-
que de fait, il fut à peu près rasséréné lorsque
le 18 Décembre 1982 au soir au Casino de Baden Baden,
choisi par lui de préférence aux casinos français
pour diverses raisons (lenteur du lancer de la 'boule, atmosphère de salle plus sérieuse qu'en France, rentabilité
accrue à raison du cours élevé du Deutsche Mark), G. lui exhiba un reçu de 69000 DM à en-tête du casino; qu'il en
déduisit qu'il pourrait ainsi se procurer les jetons nécessaires aux parties de roulette en vue de multiplier le capitula
de Mme R. ;
-
qu'il devait s'apercevoir alors contre toute attente que loin de
pouvoir s'engager dans une partie, G. prétextant des coups de téléphone à donner faisait des allées et venues vers la
cabine téléphonique assez éloignée de la salle de jeu et à son troisième retour
s'asseyait auprès de MERCIER et lui-même en lui tendant un
morceau de bride de la sacoche qu'il portait en bandoulière, leur
signifiant ainsi qu'il venait d'être victime du vol de la sacoche,
et donc, de son contenu; que sortant de sa surprise, il insistait
auprès de G. afin que celui-ci alertât immédiatement la direction
du Casino et les services de police de BADEN-
BADEN; qu'à ses suggestions G. opposait un net refus
en objectant qu'ayant été l'objet à une date récente d'un
contrôle fiscal en France, il aurait bonne mine de
porter plainte de façon à révéler qu'il se promenait à
l'étranger, en violation des règles sur le contrôle des
changes, avec 69000 DM;
-
qu'en raison de cette situation imprévue, G. décidait
de regagner la France, dès le lendemain par le train, y laissant MERCIER et J. Y.lesquels
restèrent trois jours à Baden-Baden où tous deux devaient jouer et gagner de petites sommes
d'argens;
-
qu'il ajoute qu'à son retour à CANCALE ayant
téléphoné à Paris à G. pour savoir la conduira à tenir
vis-à-vis de Mme R. à la suite du vol de sa sacoche à
BADEN-BADEN, G. lui suggéra de lui révéler que les
69 000 DM avaient été tout simplement perdus au jeu de la
roulette à BADEN-BADEN;
-
qu'ayant pris rendez-vous avec Mme R. à son domicile pour l'informer de la mésaventure
survenue à Baden-Baden il y trouvait G. qui l'invitait à donner sa version des événements, peu après que
celui-ci avait laissé entendre mensongèrement à MMe R. qu'il lu avait confié les 69000 DM ;
-
que c'est alors qu'il révélait les circonstances du vol prétendu par G. des 69000 DM contenus
dans sa sacoche, qu'à l'audition de ce récit auquel Mme R. n'avait pas accordé le moindre crédit, cette
dernière s'emportait contre eux, menaçant de les traduire en justice d'autant plus que pas la moindre
plainte, avaient-ils tous deux reconnu, n'avait été formulée par l'un ou l'autre auprès des autorités
allemandes concernant ce vol;
-
qu'ainsi, loin d'avoir voulu escroquer Mme R., J. Y. considère qu'en raison du machiavélisme
extraordinaire dont a fait preuve G. tout au long du déroulement des divers événements de cette affaire,
il a été la victime innocente des stratagèmes savamment conçus par G. qui l'a ainsi rendu débiteur vis à
vie de Mme R. de 69000 DM qu'il n'a jamais eu en sa possession contrairement aux mentions de la
convention du 23 Novembre 1982, faites, on le sait, hors de sa présence;
-
Attendu que de tout ce qui précède, au travers tant des déclarations de la plaignante que des
explications, allégations et justifications des prévenus, il reste que G. et J. Y. dont les situations
financières respectives étaient loin d'être reluisantes, désireux de se procurer à bon compte des fonds
pour améliorer leur situation personnelle, après s'être concertés sur le meilleur moyen d'y parvenir en vue
de partager d'éventuels, bénéfices, décidèrent d'un commun accord, d'organiser une mise en scène au
cours de laquelle par des promesses alléchantes de placements fructueux de capitaux au rendement
particulièrement élevé, ils susciteraient à coup sûr le concours d'investisseurs de capitaux avides de
rentabilité ;
-
que c'est donc dans ce but, que, pour faire naître l'espérance d'un événement chimérique, savoir le
service d'un revenu exceptionnellement élevé de 20000 F par mois pour un apport initial de capital de
150000 francs, soit, un intérêt mensuel de 13,26% minimum ou de 160% par an alors que le taux
usuraire était alors de l'ordre de 30%, que les deux compères firent paraître le 15 Novembre 1982 dons
le Figaro, journal de large diffusion, à la rubrique "affaires" une annonce particulièrement attrayante
quant au rendement du capital investi agrémentée de possibilité de voyage avec des gens de bonne
compagnie puisqu'une bonne culture générale était exigée mais volontairement suffisamment imprécise
pour ne pour éveiller des soupçons, seul M. LATOUR alias J. Y. se réservant de
dévoiler au candidat au placement les modalités de l'opération financière à réaliser;
-
que Mme R. s'étant laissée appâter, les deux prévenus, sans le moindre égard aux conditions d'âge et de
niveau de culture de l'impétrante qui n'y satisfaisait manifestement pas, étant alors âgée de 38 ans et d'un
niveau culturel assez moyen, comprirent dès :l'abord qu'il ne leur serait pas difficile d'en abuser.
-
que par une démonstration faite le 18 Novembre 1982 dans les locaux de la Société de G., par
LATOUR. J. Y., venu spécialement de sa province à cet effet, celui-ci tenta vainement de persuader
Mme R. de l'infaillibilité de sa méthode pour gagner à tout coup au jeu de la roulette, et devant
l'insuccès apparent de sa démonstration, se rattrapait en signant en blanc un document intitulé
"convention" mis au point en commun avec G., en vertu duquel contre le versement par Mme R.
de 69000 DM, non seulement il lui était garanti dès le mois suivant le versement mensuel de 6000 DM
soit la contre-valeur des 20000 francs de revenus promis dans l'annonce du Figaro, mais encore pour
lever toute ultime hésitation de sa part, G. consentait à lui donner en nantissement le droit au bail du
siège social de sa société Finances, Techniques et Systèmes ;
-
que c'est dans ces conditions qu'à peu près rassurée sinon convaincue, que Mme R. acceptait de verser
entre les mains de G. qui le reconnaît, les 69000 DM dont elle n'allait plus revoir depuis lors ni les
intérêts non plus que le capital lui-même, le tout ayant mystérieusement disparu sans que les
deux prévenus aient réussi à expliquer ce qu'ils en avaient exactement fait, empêtrés qu'ils sont
dans leurs mensonges et leur désir de rejeter l'un sur l'autre, leur propre responsabilité;
-
qu'il n'en demeure pas moins que c'est cette mise en scène accompagnée des manoeuvres
frauduleuses sus décrites de même que la remise de la convention du 23 Novembre
1982 assortie de la garantie de nantissement, donnée in extremis par G. qui ont
déterminé Mme R. à remettre à celui-ci la somme de 69000 DM en vue d'une
opération purement illusoire dès lors que par définition, le jeu de la roulette, jeu de hasard par
excellence, ne peut qu'être soumis aux aléas du hasard et de la chance qu'aucun calcul
mathématique n'a encore suppléé à ce jour et qu'aucune certitude de gain ne peut être assurée à
quiconque même si celui-ci le pratique quotidiennement ;
-
qu'il n'est pas inutile de noter, que, si comme J. Y. le prétend, il avait trouvé la clef du
succès à ce jeu, il y a belle lurette étant donné ses faibles ressources qu'il en aurait profité pour
faire fortune en France plutôt que d'être obligé de se rendre à l'étranger pour y exercer ses soi-
disant talents de gagneur la roulette , car la vérité est qu'il n'ignore pas que joueur invétéré, il est
interdit de casino en France ;
-
Attendu qu'en plus des stratagèmes déployés à encontre de Mme R. , les deux prévenus ont fait
montre d'une particulière mauvaise foi, d'une part en promettant à celle-ci , outre le
remboursement de son capital, des revenus spécialement confortables alors qu'ils n'ignoraient
pas que ne disposant pas de fonds propres au moins égaux au capital confié ils ne seraient en
mesure, en cas de perte au jeu soit par suite d'erreur dans les calculs mathématiques de J. Y., soit
par simple malchance, de lui rembourser son capital et encore mains les intérêts promis, d'autre part, en
s'abstenant de fournir des explications claires quant à la destination finale donnée aux 69000 DM
reçues;
-
qu'il ne ressort pas moins de leurs protestations et allégations aussi embarrassées que confuses
qu'aucun d'eux n'a utilisé au jeu de la roulette à Baden-Baden, les 69000 DM de Mme R. alors que
ceux-ci leur avaient été remis à cet effet, afin de rapporter comme ils s'y étaient engagée dans leur
annonce et convention un nombre appréciable de DM susceptible d'être distribués à eux-mêmes et à
Mme R. au titre de bénéfices;
-
que force est de conclure que les deux prévenus ne croyant pas eux-mêmes aux vertus de leur méthode
infaillible de gain au jeu, ont préféré tout bonnement se partager le magot obtenu, non sans mal et
astuces, il est vrai, de Mme R. ;
-
que le fait demeure cependant que G. a eu en sa possession les 6900 DM en espèces le 23
Novembre 1982 à Paris remis par Mme, qu'il a produit à l'audience reçu de 69000 DM délivré
curieusement le Onze Juillet 1982 par le casino de BADEN-BADEN en prétendant que ces derniers
6900O DM lui auraient été confiés en dépôt le même jour par une providentielle Mme Gertrude
PROBST alors que celle-ci lui avait remis 70000 DM selon le manuscrit produit, que de son côté, J.
Y., avant de se rendre le 18 Décembre 1982 au casino de Baden-Baden pour y jouer à la roulette les
69000 DM de MMe R. ne s'est jamais soucié de s'informer auprès de G. pour savoir si celui-ci avait
bien apporté avec lui les 69000 DM de Mme R. ;
-
qu'à cet égard, il y a lieu de noter que J. Y., a allégué avoir été rassuré au vu du reçu précise que lui
avait exhibé G. le 18 Décembre 1982 au Casino de Baden-Baden;
-
Attendu qu'en définitive, de l'ensemble des faits ci-dessus exposés et analysés il apparaît que les deux
prévenus après concertation en employant d'un commun accord des manoeuvres frauduleuses qui ont été
déterminantes de la remise des fonds pour faire naître chez Mme R. l'espérance ce d'un gain chimérique
ont ensemble escroqué la fortune de cette dernière;
-
qu'ils doivent, en conséquence être tous deux déclarés coupables du
délit d'escroquerie, en qualité de coauteurs, et non de complicité du délit
d'escroquerie tel que imputé par la prévention à G. ;
-
que, par suite, il y a lieu de requalifier les faits en ce sens en ce qui concerne G.;
-
Attendu que pour l'application de la peine, eu
égard, d'une part, à la gravité intrinsèque des faits qui avaient pour dessein d'exploiter la crédulité des lecteurs d'un journal en
la croyance de gains faciles, d'autre part au machiavélisme agrémenté de cynisme dont ont
fait preuve les prévenus à l'endroit de leur victime il convient afin de les dissuader de recommencer à l'avenir et de
décourager par avance d'éventuels émules, de leur infliger une sanction particulièrement rigoureuse mais tenant
compte à la fois des éléments ci-dessus ainsi que de l'absence ***
-
que toutefois pour assurer l'exécution de la partie de la peine d'emprisonnement ferme qui sera
prononcée à leur encontre, il y a lieu de décerner mandat par application de l'article 465 alinéa I du Code
de Procédure Pénale.
Sur l'action civile,
-
Attendu que Mme Roswitha H. épouse R. s'est
constituée partie civile à l'audience et a fait
déposer et soutenir par son avocate des conclusions
tendant à la condamnation conjointe et solidaire de
G. et J. Y. à lui payer
- la contre-valeur en francs français des 69000 DM escroqués, augmentée des intérêts de droit à compter
du jour de la remise (23 Novembre 1982) de la dite somme aux susnommés;
- la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts
pour avoir été privé jusqu'à ce jour de la disposition de son capital;
-
qu'elle sollicite encore l'autorisation en vertu du présent jugement de prendre une hypothèque
judiciaire sur les biens immobiliers de G. sis à JOUY-EN-JOSAS Hameau de Metz, au lieu dit la
Féliciane, chemin du Vallot, dit Hameau de la Butte aux Crèches ;
-
qu'elle demande également l'exécution provisoire du jugement pour ces divers chefs de demandes ainsi
que la condamnation des prévenus aux dépens dont distraction au profit de son avocate , Mme Rosy W.
-
attendu qu'il est indubitable que les agissements frauduleux concertés des deux prévenus et retenus à leur charge
ont causé à Mme R. un préjudice personnel, direct et certain qui la rend recevable et bien fondée à obtenir
d'eux réparation;
-
qu'eu égard aux circonstances de la cause le préjudice sera équitablement réparé par la condamnation
solidaire des prévenus à lui payer, d'une part, la contre-valeur des 69000 DM en francs français au
jours du présent jugement ainsi qu'il est expressément demandé d'autre part, une somme forfaitaire de
45000 francs au titre de dommages intérêts pour tenir compte de ce que Mme R. aura été privée
pendant près de deux ans de la jouissance de son capital;
-
qu'en revanche, il ne peut être fait droit à la demande d'inscription provisoire d'hypothèque,
une telle mesure ne pouvant être ordonnée que par la Juridiction civile, ainsi qu'en dispose l'article 5-I
nouveau du Code de Procédure Pénale, non plus qu'à celle de distraction des dépens au profit de Mme
Rosy W. avocate, ce qui n'est pas le cas, les dits dépens ayant été avancés au contraire à ce jour par
l'ETAT seul;
-
Attendu enfin qu'aucune urgence particulière ne justifie l'exécution provisoire du présent jugement ; qu'il
n'y a donc pas lieu de l'ordonner
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort,
-
Requalifie en ce qui concerne Michel G. le délit de complicité d'escroquerie en délit d'escroquerie ;
-
Déclare Michel G. et Jean J. Y., tous deux coupables du délit d'escroquerie commis à Paris :le 23
Novembre 1982 ;
En répression et par application des articles 405 du Code Pénal, 465, 473, 473-I, 737 du Code de
Procédure Pénale,
CONDAMNE
- Michel G. à la peine de TROIS ANS d'emprisonnement dont UN AN d'emprisonnement avec SURSIS
et DIX MILLE FRANCS d'amende et pour garantir l'exécution de la présente condamnation, décerne
contre lui un MANDAT D'ARRET
- Jean J. Y. à la peine de TRENTE MOIS d''emprisonnement dont DIX MOIS avec SURSIS et HUIT
MILLE FRANCS d'amende, et pour garantir l'exécution de la présente condamnation, décerne contre lui
un MANDAT D'ARRET
SUR L'ACTION CIVILE
-
Reçoit Mme Roswitha H. épouse R. en sa constitution de partie civile
-
Condamne Michel G. et Jean J. Y. à lui payer solidairement :
- la contre-valeur en francs français, à ce jour, de la somme de 69000 Deutsche Marks ;
- la somme de 45.000 francs, le tout à titre de dommages intérêts, en réparation du préjudice subi;
-
Rejette toutes autres demandes comme injustifiées ou mal fondées ;
-
Dit n'y a voir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;
-
Condamne chacun des prévenus à la moitié des dépens.
-
Fixe la contrainte par corps au minimum, s'il y a lieu à l'exercer.
-
Condamne les deux prévenus, en outre, chacun à la moitié des dépens du présent jugement, lesquels
avancés par le Trésor sont liquidés à la somme de 441F60, y compris le droit fixe de procédure et les
droits de poste.
Rédacteur : M. LARMAILLARD, Président
Fait et jugé à l'audience publique de la 29ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, le 12
Juillet 1984 par M. LARMAILLARD, Président, M. CODACCIONI et M. MARTIN, Juges, en présence
de M. JOBARD, substitut du Procureur de la République, assisté de MMe DIZIN, greffier.
Signé : LARMAILLARD et DIZIN