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(extrait du journal "Le Monde" du Samedi 17 janvier 1998 - page 22)

Commentaire

Les mesures prises par le premier ministre vont-elles donner une impulsion significative au développement d'Internet en France ? Si elles vont dans ce sens, les décisions qui font suite aux déclarations d'Hourtin n'ont pas l'ampleur qui justifie une annonce solennelle. On ne peut qu'applaudir à la modernisation de l'administration. Mais il est difficile de s'enthousiasmer devant les progrès partiels annoncés. Lorsque le contribuable doit imprimer lui-même sa feuille d'impôt, avec son encre et son papier, avant de la renvoyer par La Poste, il peut avoir le sentiment d'économiser les deniers de l'Etat, mais pas véritablement celui d'entrer dans l'ère électronique.

La multiplication des missions, rapports, études, suivis de débats publics peut même avoir l'effet opposé a celui qu'escompte le gouvernement. En effet. un tel déluge de réflexion, outre l'ignorance qu'il révèle. laisse entendre qu'Internet pose de graves problèmes qu'il faut résoudre préalablement à toute action. De quoi effrayer les citoyens au lieu de les attirer vers le réseau mondial. Or ces mêmes travaux, qui s'accumulent depuis mi-1996, concluent tous à l'urgence d'agir. Les prolonger par un débat public dans un pays aussi inexpérimenté que la France relève de la démagogie. La grande majorité des personnalités compétentes ont déjà été interrogées à maintes reprises par les rapporteurs des missions successives.

L'engagement de Lionel Jospin à Hourtin risque de se diluer dans une prudence excessive. Plus que des velléités, on attend essentiellement du gouvernement qu'il lève les obstacles. Pour l'heure, cela revient surtout à sortir de l'ornière du cryptage en publiant les décrets que le premier ministre promettait "rapidement" en août 1997. Pour le reste, Internet a largement démontré sa capacité à se développer spontanément si le contexte le permet. L'administration peut utilement montrer la voie. Encore faut-il qu'elle parvienne à rompre avec la plume d'oie.

Michel Alberganti