RAPPORT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE.
Monsieur le Président,
L'abaissement à soixante ans de l'âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n'a pas reçu jusqu'à présent une réponse satisfaisante. Certes, le service à soixante ans d'une pension calculée au taux prévu à soixante-cinq ans a été accordé à quelques catégories d'assurés: inaptes au travail, anciens déportés et internés, anciens combattants et prisonniers de guerre, travailleurs manuels et ouvrières mères de famille, femmes justifiant de 37,5 années d'assurance dans le régime général et celui des salariés agricoles. Mais il ne s'agit là que de mesures partielles destinées à compenser la condition particulière du travail féminin et l'usure prématurée due au labeur ou à des circonstances difficiles.
Parallèlement et à défaut d'une volonté politique de réaliser pleinement l'abaissement de l'âge de la retraite, des mesures conventionnelles temporairement reconduites et destinées à remédier aux conséquences de la crise économique ont permis à certains salariés de démissionner de leur emploi à partir de soixante ans en bénéficiant jusqu'à la liquidation de leur pension d'une <<garantie de ressources>>. Dans d'autres cas, où le retrait de l'activité est la conséquence d'une privation involontaire de l'emploi, le maintien d'une <<garantie de ressources>> pour licenciement d'un montant équivalent a été prévu.
Ni ces retraites anticipées, ni ces <<préretraites>> souhaitées ou subies qui ne garantissent aucun droit durable à ceux qui sont susceptibles d'en bénéficier ne concernent la totalité des salariés. Elles ne peuvent tenir lieu du véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l'issue d'une durée de carrière normale.
L'abaissement de l'âge de la retraite constituera donc une étape significative de la politique de progrès social mise en oeuvre par le Gouvernement.
Cette réforme ambitieuse permettra à tous les salariés âgés de soixante ans qui le souhaitent de bénéficier d'une pension de retraite complète dès lors qu'ils justifient d'une durée d'assurance d'au moins 150 trimestres obtenue en totalisant les périodes cotisées et assimilées dans un ou plusieurs régimes de base quels qu'ils soient, ainsi que les périodes reconnues équivalentes.
Un décret en Conseil d'Etat précisera en particulier les conditions dans lesquelles les périodes d'activités professionnelles antérieures à l'affiliation des assurés à un régime de base obligatoire d'assurance vieillesse seront prises en compte pour l'ouverture des droits à pension.
Les diverses catégories d'assurés qui reçoivent d'ores et déjà à soixante ans une pension au taux plein sans avoir à justifier d'une durée d'assurance de 150 trimestres conserveront bien entendu le bénéfice des avantages acquis.
Le montant de la pension servie par le régime général ou celui des salariés agricoles sera fonction du salaire annuel moyen des dix meilleures années, de la durée d'assurance acquise dans ces régimes plafonnée au maximum de 150 trimestres et d'un taux variable.
La pension au taux plein sera égale à 50 p. 100 du salaire annuel moyen précité.
Les salariés qui à soixante ans ne réunissent pas la durée d'assurance de 150 trimestres auront droit à une pension, mais celle-ci sera affectée de coefficients de minoration calculés en fonction du nombre d'annuités manquantes, sans toutefois que celui-ci puisse excéder celui des années séparant les intéressés de l'âge de soixante-cinq ans.
Au-delà de soixante-cinq ans, les coefficients d'ajournement seront remplacés par une majoration de la durée d'assurance, qui permettra aux salariés qui ne réunissent pas la durée d'assurance de 150 trimestres de l'acquérir plus rapidement, étant entendu que la pension des intéressés ne pourra pas dépasser le taux plein. Le but poursuivi est en effet de permettre l'acquisition d'une pension complète, mais non d'encourager la poursuite de l'activité après soixante-cinq ans. Toutefois, les taux de pension plus élevés qui auront été acquis avant le 1er avril 1983 seront maintenus.
La présente ordonnance prendra effet à compter du 1er avril 1983, date à laquelle l'actuel accord sur la garantie de ressources démission arrivera à expiration. Toutefois, elle entrera en vigueur, selon des modalités spécifiques, dès le 1er juillet 1982 pour les agents non titulaires de l'Etat, des collectivités locales, des établissements et entreprises publiques qui n'ont pas accès actuellement au dispositif de la garantie de ressources.
De même, les chômeurs de plus de soixante ans non bénéficiaires de la garantie de ressources auront, à la même date, la possibilité de bénéficier de la pension de retraite du régime général au taux plein, selon les règles applicables en matière de retraite anticipée pour inaptitude, dès lors qu'ils auront été inscrits à l'A.N.P.E. avant le 1er février 1982, et qu'ils totaliseront dix ans d'assurance dans l'ensemble des régimes.
Enfin, les nouvelles règles applicables au régime général sont, bien entendu, étendues aux assurés ressortissant au code local d'Alsace-Moselle. Les assurés pourront opter, dans les conditions et avec les adaptations qui seront définies par décret, entre les règles du régime général et celles du code local.
La réforme entreprise prendra toute sa dimension quand les régimes complémentaires de retraite auront modifié leur règle de liquidation, compte tenu des nouvelles dispositions applicables au régime général.
Soucieux de respecter leur autonomie, le Gouvernement ne prévoit pas de dispositions particulières en ce sens dans le texte de l'ordonnance. Mais, désireux de maintenir la cohérence des systèmes de retraite, il invitera les partenaires sociaux à adapter les régimes complémentaires de manière qu'ils servent une pension au taux plein d'un montant satisfaisant dès l'âge de soixante ans aux assurés qui réunissent les conditions prévues dans le régime général. Il leur demandera de commencer rapidement les discussions de manière qu'un premier bilan puisse en être tiré à la mi-juillet, et que l'ensemble du dispositif soit arrêté à la fin de l'année.
Il ne sera plus dès lors nécessaire de maintenir les actuelles garanties de ressources, sachant que les droits acquis seront préservés, c'est-à-dire:
D'une part, que toute personne remplissant les conditions d'accès aux garanties de ressources pourra y être admise jusqu'au 31 mars 1983, en règle générale, sous réserve des exceptions résultant de dispositions particulières telles que celles prévues pour les contrats de solidarité et les préretraites du F.N.E.;
D'autre part, que toute personne qui y aura été admise à cette date pourra en conserver le bénéfice jusqu'à son soixante-cinquième anniversaire.
La concertation avec les organisations professionnelles et les régimes intéressés permettra de déterminer dans quels délais et selon quelles modalités les professions artisanales et commerciales pourront bénéficier de la retraite à soixante ans et assurer le financement de cette réforme par leurs cotisations.
Ouvriers et employés, entrés tôt dans la vie active, versent plus longtemps des cotisations pour se constituer une retraite et bénéficient moins durablement de leur pension. Conformément aux engagements pris envers le pays, la présente ordonnance contribuera à réduire ces inégalités sociales.
En adoptant cette réforme, le Gouvernement n'entend pas renoncer à la recherche d'un système où l'ouverture des droits à la retraite serait davantage fondée sur la durée d'assurance, en particulier pour les travailleurs et les travailleuses qui ont exercé les métiers les plus pénibles et qui ont effectué les carrières les plus longues,
Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre, du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, du ministre de la solidarité nationale, du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des réformes administratives, du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, du ministre de l'agriculture et du ministre du travail,
Vu la Constitution, et notamment ses articles 13 et 38;
Vu la loi n° 82-3 du 6 janvier 1982 autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à prendre des mesures d'ordre social;
Vu le code de la sécurité sociale;
Vu le code du travail;
Vu le code rural;
Vu l'avis émis par le comité interministériel de coordination en matière de sécurité sociale;
Vu l'avis émis par le conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés;
Le Conseil d'Etat entendu;
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne:
Article L. 331.
L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir de l'âge de soixante ans.
Le montant de la pension résulte de l'application au salaire annuel de base d'un taux croissant, jusqu'à un maximum dit <<taux plein>> en fonction de la durée d'assurance dans la limite de 150 trimestres, tant dans le régime général que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ou en fonction de l'âge auquel est demandée cette liquidation.
Si l'assuré a accompli dans le régime général une durée d'assurance inférieure à 150 trimestres, la pension servie par ce régime est d'abord calculée sur la base de 150 trimestres, puis réduite compte tenu de la durée réelle d'assurance.
Les modalités de calcul du salaire de base, des périodes d'assurance ou des périodes équivalentes susceptibles d'être prises en compte et les taux correspondant aux durées d'assurance et à l'âge de liquidation sont définis par voie réglementaire.
Article L. 332.
Bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires:
a) Les assurés qui atteignent l'âge de soixante-cinq ans;
b) Les assurés reconnus inaptes au travail dans les conditions prévues à l'article L. 333;
c) Les anciens déportés ou internés titulaires de la carte de déporté ou interné de la Résistance ou de la carte de déporté ou interné politique;
d) Les mères de famille salariées justifiant d'une durée minimum d'assurance dans le régime général, ou dans ce régime et celui des salariés agricoles qui ont élevé au moins trois enfants dans les conditions prévues à l'article L. 327, 2e alinéa, et qui ont exercé un travail manuel ouvrier pendant une durée fixée par voie réglementaire;
e) Les anciens prisonniers de guerre lorsque, sur leur demande, leur pension est liquidée à un âge compris entre:
Soixante-cinq et soixante-quatre ans pour ceux dont la durée de captivité est inférieure à dix-huit mois mais supérieure à cinq mois;
Soixante-quatre et soixante-trois ans pour ceux dont la durée de captivité est inférieure à trente mois mais supérieure à dix-sept mois;
Soixante-trois et soixante-deux ans pour ceux dont la durée de captivité est inférieure à quarante-deux mois mais supérieure à vingt-neuf mois;
Soixante-deux et soixante et un ans pour ceux dont la durée de captivité est inférieure à cinquante-quatre mois mais supérieure à quarante et un mois;
Soixante et un et soixante ans pour ceux dont la durée de captivité est égale ou supérieure à cinquante-quatre mois.
Les anciens prisonniers évadés de guerre, au-delà d'une captivité de cinq mois, et les anciens prisonniers rapatriés pour maladie peuvent choisir le régime le plus favorable.
Toute partie de mois n'est pas prise en considération.
Les dispositions du e ci-dessus s'appliquent à tous les anciens combattants pour leur durée de service actif passé sous les drapeaux.
Article L. 342-2.
Le père assuré ayant obtenu un congé parental d'éducation dans les conditions de l'article L. 122-28-1, 5e alinéa, du code du travail, ou un congé parental dans les conditions prévues par l'article 21-VII de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, bénéficie d'une majoration de sa durée d'assurance égale à la durée effective du congé parental.
Cette majoration est également accordée aux femmes assurées qui ont obtenu un congé parental d'éducation dans les mêmes conditions et ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article L. 342-1.
Article L. 342-3.
Les assurés âgés de plus de soixante-cinq ans bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance qui est fonction du nombre d'années supplémentaires par rapport à l'âge de soixante-cinq ans.
Au deuxième alinéa de l'article L. 350 susvisé, le membre de phrase: <<les personnes qui ne peuvent prétendre à une pension au titre des articles L. 331, L. 332 ou L. 335...>> est remplacé par: <<les personnes qui ne peuvent prétendre à une pension de vieillesse,...>>.
Dans le même alinéa 2, le membre de phrase: <<... une pension d'un montant égal à l'allocation aux vieux travailleurs salariés des villes de plus de 5 000 habitants,...>> est remplacé par: <<... une pension d'un montant égal à l'allocation aux vieux travailleurs salariés,...>>.
Au troisième alinéa de l'article L. 350 susvisé, le membre de phrase: <<... qui ne sont pas susceptibles de prétendre à une pension ou rente au titre des articles L. 331, L. 332, L. 335 ou L. 336...>> est remplacé par: <<... qui ne sont pas susceptibles de prétendre à une pension de vieillesse...>>.
Toutefois, les personnels visés aux articles L. 351-16 et L. 351-17 du code du travail, âgés d'au moins soixante-trois ans et justifiant d'une durée d'assurance de 150 trimestres, bénéficient, dès le 1er juillet 1982, du taux plein défini à l'article 1er de la présente ordonnance.
En outre, à compter du 1er juillet 1982 et jusqu'au 1er avril 1983, les assurés, âgés d'au moins soixante ans et inscrits comme demandeur d'emploi à la date du 1er février 1982, peuvent bénéficier des dispositions de l'article L. 332 b du code de la sécurité sociale sans avoir à satisfaire aux conditions posées par l'article L. 333, dès lors qu'ils justifient, dans le régime général ou dans ce régime et un ou plusieurs autres régimes obligatoires de base, d'une durée d'assurance au moins égale à quarante trimestres.
Les modalités d'application et d'adaptation du présent article seront fixées par voie réglementaire.
|