L'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,
L'Assemblée nationale a adopté,
La Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:
Article 1er.
Nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire on l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location, à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions ci-après.
Article 2.
Le locataire-gérant a la qualité de commerçant ou, s'il s'agit d'un établissement artisanal, la qualité d'artisan, et il est soumis à toutes les obligations qui en découlent. Il doit, selon le cas, se conformer aux dispositions des articles 47 et suivants du code de commerce, relatifs au registre du commerce et à celles du décret du 16 juillet 1952, modifié par le décret du 20 mai 1953, relatives au registre des métiers.
Tout contrat de gérance sera, en outre, publié dans la quinzaine de sa date, sous forme d'extrait ou d'avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales.
Le loueur est tenu, sait de se faire inscrire au registre du commerce, soit de faire modifier son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en location-gérance.
La fin de la location-gérance donnera lieu aux mêmes mesures de publicité.
Article 3.
Le locataire-gérant est tenu d'indiquer en tête de ses factures, lettres, notes de commande, documents bancaires, tarifs et prospectus, ainsi que sur toutes les pièces signées par lui ou en son nom, son numéro d'immatriculation au registre dit commerce ou au registre du métiers et le siège du tribunal où il est Immatriculé, sa qualité de locataire-gérant du fonds ainsi que le nom, la qualité, l'adresse et le numéro d'immatriculation au registre du commerce ou des métiers dit loueur du fonds.
Toute infraction aux dispositions de l'alinéa précédent sera punie d'une amende de 2.000 à 21.000 F.
Article 4.
Les personnes physiques ou morales qui concèdent une loaction-gérance doivent avoir été commerçants ou artisans pendant sept années ou avoir exercé pendant une durée équivalente les fonctions de gérant on de directeur commercial ou technique et avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance.
Toutefois, ne peuvent consentir une location-gérance les personnes visées par l'article fer de la loi n°47-1635 du 30 août 1947.
Article 5.
Le délai prévu par l'article 4 peut tire supprimé ou réduit par ordonnance du président du tribunal civil rendue sur simple requête, de l'intéressé, le ministère public entendu, notamment lorsque celui-ci justifie qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par i'intermédiaire de préposés.
Article 6.
L'article 4 n'est pas applicable:
1° A l'Etat;
2° Aux collectivités locales;
3° Aux établissements de crédit de statut légal spécial dont l'objet social est de consentir des prêts à moyen et à long terme aux entreprises individuelles et commerciales;
4° Aux interdits, aliénés internés ou aux personnes pourvues d'un conseil judiciaire, en ce qui concerne le fonds dont ils étaient propriétaires avant la survenance de leur incapacité;
5° Aux héritiers ou légataires d'un commerçant ou d'un artisan décédé, ainsi qu'aux bénéficiaires d'un partage d'ascendant, en ce qui concerne le fonds recueilli.
Le premier aliéna de l'article 4 n'est pas applicable:
1° Au loueur du fonds de commerce, lorsque la location-gérance a pour objet principal d'assurer, sous contrat d'exclusivité, l'écoulement au détail des produits fabriqués ou distribués par lui-même;
2° Aux loueurs de fonds de commerce de cinéma, théâtres et music-halls.
Article 7.
Au moment de la location-gérance, les dettes du loueur du fonds afférentes à l'exploitation du fonds peuvent être déclarées immédiatement exigibles par le tribunal de commerce de la situation du fonds, s'il estime que la location-gérance met en péril leur recouvrement.
L'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de trois mois à dater de la publication du contrat de gérance dans un journal habilité à recevoir les annonces légales.
Article 8.
Jusqu'à la publication du contrat et pendant un délai de six mis à compter de cette publication, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds.
Article 9.
Les dispositions des articles 4, 5 et 8 ne s'appliquent pas aux contrats de location-gérance passés par des mandataires de justice, chargés, à quelque titre que ce soit, de l'administration d'un fonds de commerce, à condition qu'ils aient été autorisés aux fins desdits contrats par l'autorité de laquelle ils tiennent leur mandat et qu'ils aient satisfait aux mesures de publicité prévues
Article 10.
La fin de la location-gérance rend immédiatement exigibles les dettes afférentes à l'exploitation du fonds ou de l'établisement artisanal, contractées par le locataire-gérant pendant la durée de la gérance.
Article 11.
Tout contrat de location-gérance ou toute auter convention comportant des clausesanalogues, consenti par le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ne remplissant pas mles conditions prévues aux articles ci-dessus est nul ; toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l'encontre des tiers.
La nullité prévue à l'alinéa précédent entraîne à l'égard des contractants la déchéance des droits qu'ils pourraient éventuellement tenir du décret n°53-960 du 30 septembre 1953 modifié, réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.
Article 12.
Si le contrat de location-gérance en cours on conclu après la publication de la présente loi est assorti d'une clause d'échelle mobile, la revision du loyer peut, nonobstant toute convention contraire, être demandée chaque fois que, par la jeu de cette clause, ce loyer se trouve augmenté ou diminué de plus du quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.
i l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vinait à disparaître, la revision ne pourra être demandée et poursuivie que si les conditions économiques se sont modifiées au point d'entraîner une variation de plus du quart de la valeur locative du fonds.
Article 13.
La partie qui veut demander la revision doit en faire la notification à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire.
A défaut d'accord amiable, l'instance est introduite et jugée conformément aux dispositions prévues en matière de revision du prix des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel.
Le juge doit, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation, adapter le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative équitable au jour de la notification. Le nouveau prix est applicable à partir de cette même date, à moins que les parties ne se soient mises d'accord avant ou pendant l'instance sur une date plus ancienne ou plus récente.
Article 14.
Les notifications régulièrement formées en vertu du décret du 1er juillet 1939 demeurent valables. Les instances ayant fait l'objet d'une décision de rejet fondée sur l'abrogation dudit décret peuvent être renouvelées et le nouveau prix prendra effet à compter du jour de la notification originaire.
Les instances en cours et celles introduites en application de l'alinéa précédent seront poursuivies et jugées conformément aux dispositions et à la procédure prévues par la loi applicable au jour de la notification.
Article l5.
Les dispositions de la. présente loi, à l'exception de l'article 4, sont immédiatement applicables aux contrats en cours.
Jusqu'à leur expiration ou leur renouvellement, ils demeureront soumis, quant à leurs conditions de validité, aux dispositions applicables au jour de leur conclusion, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée intervenues en vertu du décret du 22 septembre 1953, entre le 23 septembre 1953 et la date d'application de la loi du 28 décembre 1951 modifiés par la loi n°55-348 du 2 avril 1955.
En matière d'entreprises de transports publics et de location de véhicules industriels, la présente loi n'entrera en vigueur que trois mois après sa publication. Pendant ce délai, le Gouvernement pourra éventuellement prendre un décret fixant les conditions d'application de la loi auxdites entreprises. Ce décret sera contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme et le ministre de l'industrie et du commerce.
Les effets des dispositions prévues à l'article 12 du décret n°53-874 du 22 septembre 1953 concernant les contrats de location-gérance qui étaient en cours avant la publication dudit décret, sont reportés à la date de publication de la présente loi. Les présentes dispositions s'appliquent aux instances en cours, sauf s'il est intervenu une décision passée en force de chose jugée.
Article 16.
La présente loi est applicable à l'Algérie.
Article 17.
Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi, et notamment :
Le décret n°53-874 du 22 septembre 1953 relatif à la location-gérance de fonds de commerce;
Le décret n°53-963 du 30 septembre 1953 relatif à la location-gérance de fonds de commerce;
L'article 28 de la loi n° 53-1336 du 31 décembre 1953 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour l'année 1954;
La loi n°54-1106 du 22 novembre 1954 modifiant et complétant le décret n°53-874 du 22 septembre 1953 relatif à la location-gérance de fonds de commerce, de façon à permettre la revision du prix du loyer des baux portant sur des fonds de commerce lorsque, par le jeu d'une clause d'échelle mobile, ce prix se trouve modifié de plus du quart ;
Les lois n° 54-1281 du 28 décembre 1954 et n° 55-348 du 2 avril 1955 prorogeant les dispositions de l'article 12 du décret n° 53-874 du 22 septembre 1953 relatif à la location-gérance des fonds de commerce.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 20 mars 1956.
Par le Président de la Républiqe :
René COTY
Le président du conseil des ministres,
Guy MOLLET
Le ministre d'Etat, garde des sceaux, chargé de la justice,
François MITTERRAND
Le ministre des affaires conomiques et financières
Paul RAMADIER
Le ministre résident en Algérie.
Robert LACOSTE
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