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Circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du service public.

NOR: PRMX8910096C

Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat

Dans ma circulaire du 25 mai 1988 relative à la méthode de travail du Gouvernement, j'ai insisté sur le respect de la société civile et sur le respect de l'administration.

C'est précisément au confluent de ces deux exigences que se situe l'aspiration au renouveau du service public. Générale, cette aspiration émane à la fois des usagers, des agents publics et des responsables administratifs.

Il serait coupable de la méconnaître, il serait grave de la décevoir.

Aussi vous ai-je informés, au cours du conseil des ministres du 22 février 1989, des orientations à suivre pour mener à bien le renouveau du service public.

Pour la bonne information des agents publics et, plus généralement, des citoyens, je reprends et précise, par la présente circulaire, les termes de ma communication au conseil des ministres.

La nécessité d'une adaptation de l'Etat pour accompagner ou devancer les mutations profondes que connaît la société française a mis du temps à s'imposer. En ce domaine comme ailleurs, l'immobilisme, s'il est parfois une tentation, n'est jamais une politique.

Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est le rôle fondamental, aux yeux de l'ensemble des Français, que doivent jouer l'Etat et les services publics. Ils doivent être capables d'assurer, dans les meilleures conditions d'équité et d'efficacité, les indispensables missions de garants des valeurs républicaines, de défenseurs de l'intérêt général et de promoteurs du progrès économique et social.

Or les conditions dans lesquelles ces missions sont aujourd'hui remplies ne sont pas pleinement satisfaisantes.

Elles ne le sont pas pour les agents de la fonction publique qui ont été trop souvent dans le passé négligés, voire oubliés ou injustement critiqués. Ils doivent être les acteurs à part entière des évolutions à mettre en oeuvre. Ils peuvent l'être; ils le souhaitent. Ils ont de leur mission une idée assez haute pour espérer légitimement l'exécuter dans les meilleures conditions de travail et d'efficacité.

Ces conditions ne sont guère satisfaisantes non plus pour les citoyens ou les entreprises qui sont à la fois, selon les situations, administrés, usagers, clients, consommateurs ou contribuables, confrontés à un Etat trop concentré dans son fonctionnement, trop cloisonné dans ses structures, trop fragmenté dans ses actions et qui n'a pas suffisamment pris en compte les effets de la décentralisation.

Aussi les attentes des fonctionnaires rejoignent-elles celles des citoyens pour exiger un renouveau en profondeur du fonctionnement de l'Etat et par conséquent pour revoir les relations du travail comme les modes de décision et de gestion. L'Etat s'est trop souvent et trop longtemps organisé sur la base de la méfiance à l'égard de ses agents. On a multiplié les contrôles, les rendant par là même inefficaces. On a inscrit dans le marbre des procédures qui n'ont plus de sens à une époque où les qualifications des agents de l'Etat se sont fortement élevées.

Ce n'est pas en dévalorisant les fonctionnaires dans la société que l'Etat et les collectivités publiques seront mieux gérés; ce n'est pas en ignorant les compétences et les spécificités de chacun ou en rejetant les initiatives sous prétexte qu'elles n'entrent pas dans le carcan des procédures que l'on rendra le service public plus efficace. C'est au contraire en restaurant la dignité des serviteurs de l'Etat et des collectivités publiques, en créant les conditions juridiques et matérielles d'une prise de responsabilités effective par le plus grand nombre d'entre eux, en matière de décision comme d'exécution, que l'on pourra mieux répondre aux aspirations des fonctionnaires et mieux satisfaire les usagers.

Ce défi ne peut pas être relevé par des mesures hiérarchiques. Il suppose la mobilisation des fonctionnaires. Celle-ci passe par le développement de la négociation et des instances de participation. Le renouveau du service public doit se faire avec le soutien des personnels et de leurs organisations syndicales. Il implique qu'au-delà de la diversité des services territoriaux qui en constituent l'armature et de la situation des hommes et des femmes qui y travaillent l'Etat trouve les voies et les moyens de mieux asseoir son unité dans une nation décentralisée.

La consolidation des bases de la croissance économique, la modernisation de notre appareil de production, la restauration des grands équilibres macro-économiques, l'institution du dialogue social dans l'entreprise et la décentralisation ont été les grands accomplissements du début de la décennie. Le renouveau du service public sera l'un des enjeux de la fin de celle-ci et du début de la suivante. Cet enjeu est décisif car les services publics conditionnent de manière parfois déterminante la compétitivité de notre appareil économique, peuvent jouer un rôle clé dans la construction européenne et occupent, en tout état de cause, une place essentielle dans la vie quotidienne des Français.

Je sais que l'administration compte en son sein de nombreux pionniers qui ont ouvert les voies de ce renouveau. Je veux les encourager et les soutenir dans leurs initiatives. Leur courage et leur imagination méritent d'être suivis. Ils ne doivent plus se sentir isolés.

Je tiens à vous dire aujourd'hui ma détermination à conduire ce renouveau pleinement et durablement. Il faudra du temps et de la constance. Je vous demande d'y accorder la même attention.

Les orientations que je vous propose s'articulent autour des axes suivants:

une politique de relations du travail rénovée;

une politique de développement des responsabilités;

un devoir d'évaluation des politiques publiques;

une politique d'accueil et de service à l'égard des usagers.

I. -- Une politique de relations du travail rénovée

A. -- Une gestion plus dynamique des personnels

La richesse de notre administration, ce sont avant tout les femmes et les hommes qui la composent. Leurs qualifications, leurs motivations, leur capacité d'exprimer dans le travail toutes leurs possibilités sont les meilleurs gages de l'efficacité du service public. Au regard de ce constat, il est manifeste que les politiques de gestion des personnels mises en oeuvre dans les administrations demeurent souvent inadaptées et que les directions du personnel ont rarement l'influence et le prestige que l'importance de leurs missions justifierait pourtant amplement.

Pour avancer dans ce domaine, il n'est pas nécessaire d'abandonner le statut général des fonctionnaires. Ce statut, dans la mesure où il garantit la neutralité des fonctions publiques, participe en effet de manière essentielle au bon fonctionnement de nos administrations, qu'il met à l'abri de toute tentation partisane. C'est pourquoi le Gouvernement y est naturellement fort attaché.

Cette évolution n'implique pas davantage la disparition de la grille des rémunérations des fonctions publiques. Il n'y a pas de secteur d'activité ou d'entreprise sans classification. De plus, la grille est un instrument de promotion sociale et de mobilité professionnelle. Il faut que les administrations en tirent toutes les possibilités dans le cadre actuel. D'ailleurs, de nombreux ajustements ont été opérés pour tenir compte de l'évolution des missions de l'administration et des qualifications requises.

Cependant, le mode d'utilisation de la grille doit être adapté. Cette adaptation devrait se faire, en tenant compte de la situation et des équilibres économiques, en concertation avec les organisations syndicales, afin de prendre en considération l'évolution des missions, des techniques et des qualifications.

Je ne veux pas énumérer en détail ce qu'il convient de faire. Je sais combien les administrations sont diverses et que les priorités ne peuvent pas être exactement les mêmes partout. Mais un certain nombre d'orientations me paraissent constituer autant de voies de passage obligées pour la mise en oeuvre d'une politique de valorisation des ressources humaines.

1. Il faut revaloriser la fonction de gestion du personnel dans les administrations. La nomination aux emplois d'encadrement doit s'accompagner d'une formation des agents à la gestion des ressources humaines. Un soin tout particulier doit être porté à la gestion des responsables qui doivent être jugés prioritairement sur leur aptitude à l'animation et à la valorisation de leurs collaborateurs ainsi qu'à la pratique de la concertation sous toutes ses formes. Des formations dans ce domaine doivent être systématiquement organisées et proposées dans toutes les administrations.

2. Il faut mettre en place dans toutes les administrations une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des carrières. La gestion prévisionnelle est l'instrument privilégié d'une politique de valorisation des ressources humaines car elle seule peut assurer la cohérence entre l'évolution des missions, des métiers et des qualifications et les politiques de gestion du personnel (recrutement, formation, mobilité, qualifications, promotions, etc.). Elle seule peut également permettre une allocation optimale des emplois aux besoins des différentes administrations en fonction des priorités définies par le Gouvernement. C'est dire qu'elle doit, par hypothèse, comporter une dimension interministérielle et s'inscrire dans le respect des équilibres définis par le Gouvernement. Sa mise en oeuvre conditionne l'abandon des procédures actuelles d'ajustement des effectifs.

3. L'introduction de nouvelles technologies doit s'accompagner systématiquement d'une réflexion sur l'organisation, le contenu et les conditions de travail, menée en association étroite avec les personnels intéressés. C'est la condition indispensable pour permettre à la fois une utilisation optimale des équipements, la valorisation des qualifications des agents, l'amélioration de leurs conditions de travail et, lorsqu'il s'agit de services en contact avec le public, l'amélioration des conditions d'accueil des usagers. Il ne doit plus y avoir, dans les administrations, d'investissement physique qui ne s'accompagne d'un investissement humain.

4. La formation initiale et continue des agents doit jouer pleinement son rôle d'instrument privilégié, et de la valorisation professionnelle des agents, et de l'adaptation de leurs qualifications aux évolutions des missions et des métiers. Cela implique, en soumettant aussi souvent que nécessaire la réalisation de ces objectifs à l'accord négocié avec les organisations syndicales, de rechercher:

le développement des actions de formation continue, en particulier dans les administrations où l'effort de formation accuse un net retard;

la détermination dans chaque collectivité publique des priorités et des objectifs de la formation continue à partir d'une réflexion sur l'évolution des missions et des métiers et de l'analyse des besoins exprimés par les agents;

le développement des formations-actions orientées vers des objectifs pratiques et des transformations concrètes de situations de travail;

l'introduction, dans les concours, d'épreuves techniques et, dans les concours internes, d'épreuves valorisant la pratique professionnelle;

la prise en compte dans la gestion des affectations et des promotions des formations suivies;

l'introduction progressive de l'obligation pour l'accès aux postes d'encadrement d'avoir suivi au préalable des formations appropriées, organisées à cette fin.

Parallèlement, les actions de formation personnelle des agents doivent être encouragées, et, le cas échéant, amplifiées.

5. La mobilité des agents doit être favorisée, que ce soit au sein d'une même administration, entre administrations, entre administrations centrales et services extérieurs ou entre les trois fonctions publiques. Les cloisonnements actuels constituent des freins trop souvent dénués de véritables justifications.

Sauf exception, les concours internes doivent être ouverts à tous les candidats présentant les conditions d'ancienneté et de diplômes requises, les détachements possibles, à grade égal, d'un corps à l'autre ou d'une fonction publique à l'autre. La fusion des corps, la perspective d'un rapprochement progressif entre corps d'administration centrale et corps de service extérieur et le recours à des formes modernes de publicité des vacances d'emplois peuvent contribuer également utilement au développement de la mobilité.

Tout ne peut être fait en même temps, sans examen et étude préalables, éventuellement sans expérimentation et naturellement sans concertation ou négociation, selon les sujets, avec les organisations syndicales. Mais j'entends que l'on s'engage résolument dans les directions que je viens d'indiquer. Tout cela devra être fait avec la préoccupation, d'une part, de valoriser le remarquable potentiel humain dont disposent en France les administrations, d'autre part, de faciliter les déroulements de carrière des agents qui doivent accéder à des tâches correspondant davantage à leurs qualifications et à leurs compétences professionnelles.

B. -- Le développement du dialogue social dans les administrations

Le dialogue social dans les administrations prend aujourd'hui la forme privilégiée de l'information et de la consultation des représentants des organisations syndicales dans le cadre des conseils supérieurs des différentes fonctions publiques, des commissions administratives paritaires (C.A.P.), des comités techniques paritaires (C.T.P.) et des comités d'hygiène et de sécurité (C.H.S.). Malgré certaines améliorations, le fonctionnement de ces instances demeure souvent empreint d'un certain formalisme et suscite les critiques à la fois des administrations et des organisations syndicales.

La pratique de la négociation est centrée, comme il est naturel, sur l'évolution des rémunérations. Trop souvent elle s'y limite, au point d'exclure tout autre sujet d'engagement contractuel.

En outre, les fonctionnaires ne disposent guère de possibilités de participation directe à la définition de leurs conditions de travail et à l'organisation des activités de leur service.

Le dialogue social dans les fonctions publiques doit être renforcé et doit devenir un instrument privilégié de la modernisation des administrations.

La négociation doit s'ouvrir à de nouveaux thèmes et se décentraliser à tous les niveaux. Les questions relatives à la formation continue, à la mobilité, aux conditions et à l'organisation du travail, aux modalités de l'introduction des nouvelles technologies et à l'aménagement du temps de travail constituent autant de thèmes prioritaires, mais non limitatifs, de négociation.

La revitalisation des instances de concertation, leur généralisation dans les unités administratives disposant d'une autonomie de gestion, la définition des modalités d'une participation directe des agents à la détermination de leurs conditions de travail représentent d'autres sujets de négociation particulièrement importants.

Il est essentiel que, sous les diverses formes qu'elle peut revêtir, la concertation avec les agents et les organisation syndicales sur les différentes composantes de la politique de rénovation des administrations soit la plus étendue et la plus riche possible.

II. -- Une politique de développement des responsabilités

Il s'agit pour l'Etat de tirer toutes les conséquences de la décentralisation en engageant à ses différents échelons territoriaux une ambitieuse politique de développement des responsabilités.

1. L'objectif est de faire autant en matière de déconcentration que ce qui a été réalisé avec les lois de décentralisation. Mettre en oeuvre la déconcentration, c'est faire en sorte que les décisions, dans les domaines de compétence de chacune des administrations, soient prises au plus près de ceux qu'elles concernent directement, c'est faire en sorte que les responsables administratifs disposent d'une plus grande autonomie de décision tant sur le plan administratif que sur le plan de la gestion budgétaire. Cela passe en particulier par une déconcentration des actes de gestion des personnels et par une déconcentration de la pratique de la négociation.

Un vaste programme de déconcentration fondé sur les attentes, les besoins ou les demandes des services territoriaux de l'Etat doit être réalisé. Leur cohésion doit être renforcée. La cohérence de leurs interventions doit être assurée sous l'impulsion des préfets, garants de l'unité de l'Etat. L'un et l'autre sont indispensables pour que l'Etat soit un partenaire efficace des collectivités territoriales, dans une étroite complémentarité. La circulaire du ministre de l'intérieur du 13 décembre 1988 relative à la modernisation des préfectures constitue à cet égard un document de référence.

2. La mise en oeuvre de cette politique passe par une démarche collective, celle du projet de service, que les administrations, et notamment les services extérieurs, doivent mettre en oeuvre progressivement.

Mettre en évidence les valeurs essentielles du service, clarifier ses missions, fédérer les imaginations et les énergies autour de quelques ambitions, telles sont les raisons d'être des projets de service.

Ils doivent résulter d'une démarche collective animée par les responsables du service et ouverte sur son environnement, ses partenaires et ses usagers.

Cette démarche, digne qu'on lui consacre et du temps et du soin, doit déboucher non seulement sur la définition d'objectifs et d'une stratégie stable, mais encore sur le lancement d'actions-clés susceptibles d'améliorer de façon significative le fonctionnement du service.

Parce que je connais le goût et l'aptitude des agents à réfléchir et à s'organiser à partir de leur expérience de terrain, parce que je connais leur sens du service public, j'ai toutes les raisons de penser que la formule est adaptée aux services publics.

3. Il faut susciter dès à présent la création de centres de responsabilités expérimentaux où seraient mis en oeuvre de façon contractuelle des assouplissements des règles de gestion budgétaire, accompagnant une plus grande autonomie administrative. Le développement de ces centres, qui constituent la forme la plus achevée des projets de service, est recommandé depuis plusieurs années par le Conseil d'Etat.

Mettre en place un centre de responsabilités, c'est de la part du service un acte de volonté et de la part de la hiérarchie administrative, un acte de confiance.

Définition rigoureuse des objectifs, responsabilité dans l'allocation des ressources, utilisation d'outils de gestion modernes, acceptation de l'évaluation, telle est la teneur de l'acte de volonté incombant aux responsables de chacun de ces centres.

De leur côté, les autorités hiérarchiques et budgétaires se contenteraient, mais c'est l'essentiel, de négocier au départ les marges de manoeuvre allouées à chaque centre et de contrôler, à échéance déterminée, les résultats dégagés par son activité.

Cette négociation comme ce contrôle nécessitent un instrument contractuel. Il s'agira concrètement, pour les administrations candidates, de négocier avec le ministère de l'économie, des finances et du budget un certain nombre d'assouplissements des modalités de gestion des crédits de fonctionnement, en contrepartie d'une modernisation des méthodes et de la maîtrise de l'évolution de ces crédits selon des normes à définir au cas par cas.

Les assouplissements des règles budgétaires porteraient sur la globalisation de certains chapitres de fonctionnement du titre III dont les reports annuels seraient facilités, sur l'allégement du contrôle financier a priori, sur l'adaptation de certaines règles de gestion aux besoins spécifiques des administrations.

Une autre question devra être abordée, à travers les suggestions et réflexions des autorités administratives, les études du Commissariat général au Plan et de la direction générale de l'administration et de la fonction publique et à travers des conversations exploratoires avec les organisations syndicales: comment faire profiter tel service ou tel organisme administratif qui aurait réussi, par une réorganisation ou un changement des méthodes de travail, à diminuer sensiblement ses coûts en améliorant la qualité du service rendu, d'une partie du gain net ainsi réalisé? On peut songer à réserver à un tel service, pour accomplir des tâches nouvelles, une partie des emplois qu'il aurait économisés en rationalisant son organisation ou ses méthodes ou encore à affecter une partie de ce résultat à l'amélioration concrète des conditions de travail: confort des locaux, équipement en matériel de bureau, etc. On peut enfin songer à une amélioration de la situation des personnels associés à un tel effort.

4. Le temps est venu d'entreprendre une réflexion d'ensemble sur les règles de la comptabilité publique et les modes de gestion administrative de toutes les administrations. Nos procédures et nos règles comptables sont strictes. Ces règles, qui ont permis à la France de bénéficier d'une administration d'Etat d'une qualité et d'une intégrité qu'on nous envie, sont cependant lourdes. Elles dissuadent l'innovation et favorisent peu l'adaptation. Fréquents sont les cas où le temps perdu à cause de la lenteur des procédures aboutit à un renchérissement sensible des actions, où des tâches nouvelles du service public, rendues nécessaires par l'évolution sociale, ne sont pas prises en charge par l'administration alors qu'elles pourraient l'être, mais par des structures semi-publiques ou privées conventionnées, ce qui conduit à un inutile démembrement de l'Etat.

III. -- Un devoir d'évaluation des politiques publiques

Il ne peut y avoir ni autonomie sans responsabilité, ni responsabilité sans évaluation, ni évaluation sans conséquence.

Or l'évaluation des politiques publiques n'a pas encore véritablement trouvé sa place en France, malgré les réflexions déjà menées et en dépit de l'existence de nombreux mécanismes de contrôle.

Ce constat m'a conduit, il y a quelques mois, à confier au Commissariat général au Plan le soin de réfléchir aux meilleures modalités d'une prise en charge réelle et permanente de la fonction d'évaluation. Cette étude sera achevée au mois de mai.

Mais, dès à présent, à la lumière du travail consacré au dispositif d'évaluation du revenu minimum d'insertion, on peut dégager quelques principes qui devront guider toute démarche d'évaluation:

l'indépendance des instances d'évaluation par rapport aux administrations gestionnaires;

la compétence des acteurs de l'évaluation, puisque les résultats ont vocation à alimenter des débats importants;

la transparence du processus, c'est-à-dire des sources d'information, des critères d'appréciation et des méthodes de travail. L'évaluation ne clarifiera le débat démocratique que si elle se soumet à la critique;

la pluralité des dispositifs, puisque aucun organisme ne saurait exercer de monopole. Il faut mobiliser tout le potentiel disponible et susciter l'éclosion d'instances nouvelles.

Le développement d'études, de recherches et d'actions expérimentales doit être systématiquement encouragé. On ne peut espérer perfectionner les outils de l'évaluation et l'ancrer dans la pratique administrative que s'il y a un foisonnement de travaux dans ce domaine.

Il faut évaluer l'efficacité du service grâce à l'emploi d'instruments de gestion modernes (contrôle de gestion, comptabilité analytique adaptée aux administrations). L'utilisation de ces procédés, outre qu'elle permet une meilleure gestion interne, facilite le contrôle externe en lui fournissant des repères objectifs.

Il convient également de mieux utiliser les organismes publics dont l'évaluation est la vocation même, et qui pourraient constituer des instances d'audit permanentes, le cas échéant au prix d'un redéploiement de leurs activités ou d'un infléchissement de leurs modes de recrutement et de formation. Je pense ici notamment aux corps d'inspection et de contrôle et au comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. Je pense aussi, bien sûr, à la Cour des comptes qui s'est spontanément réorientée dans cette voie.

Enfin, nous devons associer le Parlement à l'évaluation des politiques publiques. Le vote de la loi de règlement me paraît offrir à cet égard un cadre privilégié. Il faut lui redonner ses lettres de noblesse. L'idée n'est pas neuve, mais elle est plus que jamais d'actualité.

IV. -- Une politique d'accueil et de service à l'égard des usagers

La modernisation de l'Etat a inspiré depuis plusieurs années un ensemble de lois et de décrets précisant les droits et les obligations des usagers de l'administration.

Cette réglementation est loin d'être toujours appliquée; les blocages sont nombreux. L'Etat ne s'est pas vraiment donné les moyens de dépasser les incantations ou exhortations. Il est clair, en effet, que c'est surtout par des relations de travail rénovées, par de meilleures organisations, par des efforts accrus de formation continue, par une plus grande considération à l'égard des fonctionnaires que les changements induits par les nouveaux textes verront effectivement le jour.

Il ne sera ici question que d'actualiser les orientations principales d'une politique en faveur des usagers.

1. Il convient d'abord de poursuivre et de développer l'information du public. La production des guides télématiques est un outil essentiel d'une modernisation de cette information. Toutefois, elle ne saurait faire oublier l'importance du renseignement par téléphone. Les centres interministériels de renseignements administratifs (CIRA) ne sont pas assez nombreux; leur développement progressif doit être très fortement encouragé. En outre, il convient d'engager une réflexion sur l'utilisation d'autres supports, tels que l'audiovisuel ou la télécopie, laquelle pourrait faciliter les transmissions de documents aux usagers en évitant déplacements et attentes.

L'élaboration des projets de service, en partant d'une réflexion des personnels sur les missions des organismes auxquels ils appartiennent, donnera des possibilités d'ouvrir des négociations locales sur les conditions de travail dans l'acception la plus large du terme. Les responsables devront insister sur les attentes des usagers en s'efforçant de parvenir à un assouplissement des horaires d'ouverture et en aménageant les systèmes d'attente pour améliorer le confort. On veillera aussi à faciliter l'accès et l'accueil des personnes âgées, des étrangers, des handicapés grâce à une assistance répondant à leurs besoins respectifs.

2. L'effort de personnalisation des relations entre les agents et les usagers doit être poursuivi sans relâche. Il faut veiller en particulier à ce que dans toute correspondance administrative figurent clairement le nom de l'agent chargé du dossier, l'adresse de son service et le numéro de téléphone permettant à l'usager de contacter la personne compétente pour obtenir des informations complémentaires. Le remplacement progressif des guichets par des formes d'accueil plus polyvalentes enrichira la tâche des agents tout en facilitant le traitement des cas personnels.

Le programme <<Administration à votre service>> (A.V.S.) a permis, depuis son lancement en 1982, la réalisation de quelques opérations exemplaires. Il est possible aujourd'hui de fixer à partir du bilan qui en a été fait des orientations pour des réalisations, peut-être moins ambitieuses, mais mieux adaptées aux attentes des usagers.

3. Formalités et démarches doivent être en permanence facilitées, en permettant la fourniture sur place de timbres fiscaux et de photocopies, en harmonisant et en assouplissant les modalités imposées par les différents services pour justifier de l'identité, du domicile, des charges, des revenus, en généralisant l'échange électronique de données entre les entreprises et les administrations, en poursuivant les efforts déjà entrepris pour raccourcir les délais et faciliter l'accès aux documents administratifs.

4. Il convient d'associer les usagers à l'amélioration des services publics. Les relations entre les administrations et les usagers ne seront vraiment améliorées que s'il est possible de ménager des occasions de réflexion en commun auxquelles seront associées les organisations syndicales. Il faut sortir du dilemme entre l'usager passif et l'usager critique. L'usager doit devenir un partenaire qui fait des suggestions et des propositions et qui prend aussi en compte les conditions de travail concrètes des personnels. C'est dans cet esprit qu'il faut créer de façon pragmatique à chaque fois que cela est possible des associations d'usagers. Leur travail pourrait contribuer à ce que l'appréciation des usagers devienne un des critères essentiels d'évaluation du fonctionnement des services publics.

5. Il faut aussi -- je sais bien que cela ne se décrète pas, mais je tiens à insister sur ce point -- que l'administration, lorsqu'elle a commis une erreur, apprenne à faire amende honorable. Outre le respect du droit, qui s'impose à l'administration, une attention plus grande à l'égard des citoyens, de leurs aspirations et de leurs doléances, une disponibilité plus grande à l'explication pourraient prévenir nombre de litiges.

Pour beaucoup de conflits, faute de pouvoir s'exprimer et se régler par des voies plus directes et, peut-être en équité plus fécondes, la voie contentieuse constitue malheureusement la seule issue. Toutes les procédures de conciliation sont donc à développer.

Telles sont les directives que je compte vous voir suivre dans les prochains mois pour assurer le renouveau du service public. Vous devez vous sentir personnellement responsable de leur aboutissement.

Pour leur donner un caractère plus opératoire, elles sont rassemblées dans le programme d'action suivant:

PROGRAMME D'ACTION

1. Le dialogue social à l'intérieur de l'administration, sous ses différentes formes, devra porter sur toute la gamme de mesures susceptibles de rénover l'action administrative et d'améliorer les conditions du travail administratif.

Le ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, engagera ce mouvement en ouvrant des négociations avec les organisations syndicales sur la formation continue et la mobilité des personnels en vue d'aboutir à des accords cadres conformes à l'esprit des présentes directives.

Sur la base de ces accords, des discussions auront immédiatement lieu, dans chaque administration, sur les deux thèmes considérés.

En concertation avec le ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et le ministre de l'intérieur mettront en oeuvre une procédure analogue pour les fonctions publiques hospitalière et territoriale. Les négociations dans la fonction publique territoriale devront se dérouler en liaison étroite avec les représentants des élus locaux.

2. L'apprentissage des méthodes modernes de gestion prendra une place beaucoup plus importante dans les programmes de formation initiale et continue des fonctionnaires de responsabilité. L'accent sera particulièrement mis sur la gestion du personnel, sur la connaissance des coûts, le contrôle de gestion et, pour les corps d'inspection, sur les techniques d'évaluation et d'audit.

Des outils de gestion prévisionnelle des missions, des emplois, des effectifs et des carrières devront être prioritairement mis au point dans toutes les administrations.

Le ministère de la fonction publique et des réformes administratives sera progressivement renforcé pour prendre en charge l'animation et la coordination des nouvelles actions de formation et du développement des méthodes modernes de gestion.

3. Un large mouvement de délégation des responsabilités sera engagé au profit d'unités administratives à taille humaine.

A cet effet, vous êtes invités à susciter, au sein de votre département ministériel et, plus particulièrement, dans vos services extérieurs et dans les services de votre administration centrale présentant une unité fonctionnelle:

des projets de service fédérant autour d'objectifs mobilisateurs, rendus explicites à l'issue d'une réflexion collective, les imaginations et les énergies;

à titre expérimental, des centres de responsabilités bénéficiant d'un assouplissement des modalités de gestion budgétaire, en contrepartie d'engagements de performance.

Parallèlement, un nouvel essor sera donné à la politique de déconcentration.

4. La pratique de l'évaluation et de l'audit interne sera développée systématiquement, sous l'impulsion du ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé du Plan.

A cet effet, les capacités d'expertise existant au sein de l'administration, tant dans les corps d'inspection et de contrôle que dans les corps techniques devront être renforcées et plus largement utilisées.

5. Toutes les mesures permettant d'instaurer des relations plus directes, plus faciles et plus confiantes entre l'administration et les usagers seront encouragées.

A cette fin:

des opérations concrètes seront menées dans toutes les administrations en contact avec le public, en concertation avec leur personnel, en vue d'améliorer l'accueil et l'information des usagers. Ces opérations feront l'objet d'instructions ministérielles précises;

l'effort de personnalisation des relations entre agents et usagers sera prolongé et approfondi, sous l'autorité de chacun d'entre vous;

les actions de simplification des formalités administratives seront intensifiées. Leur coordination est confiée au président de la commission pour la simplification des formalités incombant aux entreprises (Cosiforme);

l'information du public en matière de droits et de démarches sera renforcée, sous l'autorité de chaque ministre, par voie écrite et télématique. La coordination de ces initiatives est confiée à la commission de coordination de la documentation administrative (C.C.D.A.);

les usagers seront associés à l'amélioration du fonctionnement des services en contact avec le public sous des formes à déterminer au cas par cas.

6. Chaque administration élaborera un plan de modernisation regroupant de façon cohérente et avec un échéancier de réalisation, les actions envisagées pour mettre en oeuvre les directives qui précèdent ou les actions déjà engagées dans le même esprit.

Ces plans comprendront un programme de mesures concrètes à court terme adaptées à la situation propre de chaque ministère.

Ils comporteront un volet relatif à l'utilisation des technologies de l'information. Les schémas directeurs de l'informatique et de la bureautique, dont l'établissement est prescrit par le décret n° 86-1301 du 22 décembre 1986 relatif au développement de l'informatique, de du 22 décembre 1986 relatif au développement de l'informatique, de la bureautique et des réseaux de communication dans l'administration, devront s'y rattacher.

Vous voudrez bien m'adresser, avant le 1er septembre prochain, une première version de ce plan. Elle devra comporter des mesures portant sur chacune des quatre orientations de la présente instruction.

7. Avant le début de l'été, un séminaire gouvernemental fera le point des travaux engagés et décidera, le cas échéant, d'actions nouvelles ou correctives.

Paris, le 23 février 1989.

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