NOR: ECOC8910051S
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre en date du 6 juillet 1987 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur du contrôle technique ;
Vu les ordonnances nos 45-1493 et 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, respectivement relatives au prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;
Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu les observations présentées par les parties ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties ayant demandé à présenter des observations orales entendus ;
Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées.
I. CONSTATATIONS
Sous la dénomination générique "contrôle technique" sont ci-après examinés trois marchés :le marché du contrôle construction, le marché des contrôles "électricité et levage" et le marché du contrôle des centres agréés pour l'expertise automobile.
L'enquête administrative a porté sur ces trois marchés ; elle a débuté par des saisies de documents aux sièges des sociétés Socotec, Bureau Veritas, C.E.P et de l'association G.A.P.A.V.E ainsi que dans les services régionaux à Marseille des sociétés Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.I.F.-Services, au siège de l'A.P.A.V.E du Sud-Est et du C.E.T.E du Sud-Est, dans les agences de Reims de Socotec, du Bureau Veritas, de C.E.P., de l'A.P.A.V.E parisienne, au bureau de Metz de l'A.P.A.V.E. alsacienne, à la direction régionale de Metz du Bureau Veritas. Les premiers procès-verbaux de saisie sont datés du 22 juillet 1986 ; ils constituent l'acte interruptif de prescription.
Si les trois marchés en cause présentent des spécificités telles qu'une présentation distincte s'impose, deux similitudes doivent cependant être soulignées. Il s'agit dans tous les cas d'une activité faisant l'objet d'une réglementation des pouvoirs publics qui s'assurent de la qualité des intervenants par la délivrance d'un agrément : ministère chargé de la construction pour le contrôle construction, ministère du travail pour les contrôles électricité et levage, ministère chargé des transports pour le contrôle des centres agréés. On retrouve les mêmes organismes dans les trois secteurs du contrôle, du moins pour les plus importants d'entre eux, même si leurs parts de marché varient en fonction du secteur considéré.
A. - Les caractéristiques des marchés
1. Le contrôle construction
a) Le cadre législatif et réglementaire :
Le contrôle technique des constructions est né au cours des années 1928-1929 à la suite d'effondrements d'immeubles. Les pouvoirs publics décidèrent alors de rendre obligatoire l'assurance de responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs. Les assureurs et les entrepreneurs suscitèrent la création d'organismes de contrôle chargés d'apprécier les risques techniques liés à la construction. L'intervention des organismes de contrôle était facultative, elle se faisait à la demande directe ou indirecte des assureurs et elle était, dans la plupart des cas, rémunérée par l'entrepreneur.
Ce système a été profondément modifié par la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 "relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction" dite loi Spinetta. La loi a prévu notamment que tout constructeur, ainsi que le contrôleur technique dans les limites de la mission à lui confiée par le maître d'ouvrage, est soumis à la présomption de responsabilité décennale. La mission du contrôleur est ainsi précisée : "contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages". Le contrôleur "intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes". Pour assurer l'indépendance et la qualité du contrôle, la loi a prévu, d'une part, que l'activité de contrôle technique était incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage et, d'autre part, qu'était délivré un agrément tenant compte de la compétence technique et de la moralité professionnelle. Cet agrément est délivré par le ministre chargé de la construction pour une durée maximum de cinq ans renouvelable après avis motivé de la commission d'agrément.
Dans la majorité des cas, le contrôle reste facultatif, mais le décret n° 78- 1146 du 7 décembre 1978, pris en application de l'article 11 de la loi du 4 janvier 1978, a précisé que le contrôle était obligatoire pour la construction d'établissements recevant du public, d'immeubles de grande hauteur ou de bâtiments autres qu'à usage industriel, exceptionnels par leurs fondations ou la portée de certains de leurs éléments; Ce contrôle doit porter tant sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement faisant corps avec des ouvrages que sur les conditions de sécurité des personnes.
Enfin, une circulaire du ministre de l'économie et des finances (Commission centrale des marchés) en date du 22 décembre 1982, et adressée à l'ensemble des ministres et secrétaires d'Etat, a précisé les conditions d'intervention du contrôleur technique et de choix du contrôleur : consultation d'un nombre suffisant de contrôleurs, choix non seulement en fonction du prix, dont il est rappelé qu'il ne doit pas résulter de l'application d'un barème professionnel, mais aussi des références et des moyens de contrôleurs. Cette même circulaire diffuse des documents types, définit les interventions pouvant être confiées au contrôleur ainsi que les conditions générales d'exécution des interventions.
b) Les particularités du contrôle construction :
Le contrôle construction a pris sa forme et son extension actuelles avec la loi du 4 janvier 1978. C'est une prestation de services qui, dans la plupart des cas, n'est pas obligatoire ; c'est pourquoi la profession affirme son attachement à la qualité du contrôle qui est sa seule raison d'exister.
Le contrôle s'effectue dans une optique de prévention du risque au stade tant de la conception que le d'exécution des projets. C'est un contrôle au second degré puisqu'il s'agit d'examiner les différents documents et l'exécution des travaux. La prestation est largement immatérielle - elle se concrétise uniquement par les rapports remis au maître de l'ouvrage à la fin des périodes de conception et d'exécution des travaux - et dont l'insuffisance éventuelle peut ne pas être immédiatement sanctionnée.
Ces caractéristiques expliquent les craintes exprimées par certains contrôleurs de voir le contrôle réduit à un simple "coup de tampon". Le contrôle technique a cependant une bonne image de marque auprès des maîtres d'ouvrage qui recourent largement aux services des contrôleurs même en l'absence de contrôle obligatoire.
c) Les caractéristiques de la demande :
Ce sont essentiellement les grands maîtres d'ouvrage publics ou privés qui recourent aux services d'un contrôleur.
Le contrôle obligatoire ne représente pas plus de 10 p. 100 du marché du contrôle construction. Pour les autres bâtiments, l'incitation à recourir au contrôle provient des assureurs qui accordent des réductions de primes d'autant plus importantes que le contrôle est plus étendu et à l'inverse infligent un malus en cas de construction réalisée sans l'intervention d'un contrôleur technique. Les réductions peuvent être calculées directement sur la prime (jusqu'à 30 p. 100) ou par rapport au coût du bâtiment (par exemple, réduction d'un montant égal à 0,15 p. 100 du montant du coût du bâtiment). Cependant, avec une forte diminution des primes en matière d'assurance dommages, cette incitation tend à disparaître, ce que déplorent tant les contrôleurs que les maître d'ouvrage.
Quoi qu'il en soit, les maîtres d'ouvrage importants, tels que les organismes d'H.L.M. ou les sociétés filiales de la S.C.I.C. (Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts), recourent au contrôle technique pour l'ensemble de leurs opérations de construction d'immeubles collectifs. En 1985, les collectivités et établissements publics, les sociétés d'économie mixte et les sociétés d'H.L.M. représentaient 60 p. 100 de la clientèle du Bureau Veritas. De même, pour Socotec, les contrôles pour les maîtres d'ouvrage tels que les H.L.M., la S.C.I.C. et la Fédération nationale des promoteurs constructeurs représentaient en 1985 et 1986 près de 40 p. 100 de son chiffre d'affaires.
Le contrôle s'opère majoritairement sur les immeubles collectifs.
Le volume du marché du contrôle construction est très dépendant de celui du marché du bâtiment. En 1986, le marché du contrôle Construction avoisinait le milliard de francs.
d) Les caractéristiques de l'offre :
Jusqu'à la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, le contrôle était effectué par trois sociétés : Socotec, Bureau Veritas, C.E.P. Puis sont intervenues dans ce secteur des sociétés ou des associations qui avaient la pratique du contrôle dans d'autres domaines : c'est le cas des A.P.A.V.E, d'A.I.F.- Services, d'A.I.N.F. et de S.G.S.-Qualitest. Enfin, une nouvelle société est apparue en 1982 : Qualiconsut.
Socotec (Société de contrôle technique) reste, malgré un fléchissement, la plus importante société de contrôle construction en termes de part de marché (45,2 p. 100 en 1986). Son activité est essentiellement orientée vers le contrôle construction (60 p. 100 du chiffre d'affaire).
Le Bureau Veritas est le plus ancien organisme de contrôle, son activité d'origine, à savoir le contrôle des navires, reste sa principale branche d'activité (29 p. 100) suivie de près cependant par le contrôle construction (27,7 p. 100). Il représente 26,5 p. 100 du marché du contrôle construction en 1986.
La société "Contrôle et prévention" C.E.P. exerce son activité tant dans le contrôle construction (un tiers de son activité) que dans le contrôle industriel et dans le contrôle technique automobile. Sa part dans le marché du contrôle construction était en 1986 de 14,8 p. 100.
Les associations de propriétaires d'appareils à vapeur et électriques A.P.A.V.E.
Diverses entités sont regroupées sous ce vocable ;
Les A.P.A.V.E sont au nombre de huit qui couvrent l'ensemble du territoire national. Il s'agit d'associations indépendantes.
Le G.A.P.A.V.E. (Groupement des associations de propriétaires d'appareils à vapeur et électriques) est l'association de ces associations. Il a un rôle technique.
Les C.E.T.E. (Centres d'études techniques et énergétiques) sont des sociétés anonymes crées par six des A.P.A.V.E, notamment pour effectuer le contrôle construction.
Le C.E.T.E. - A.P.A.V.E. international (Centre technique nationale et international des A.P.A.V.E.) est un G.I.E. qui regroupe les huit A.P;A.V.E. et les six C.E.T.E. Il joue un rôle d'expert, il peut également faire quelques prestations directes et organiser la négociation de contrats cadres.
Les A.P.A.V.E. et les C.E.T.E. ne sont présents sur le marché du contrôle construction que depuis 1979 : cette branche d'activité, bien qu'en croissance, ne représentait en 1986 que 7 p. 100 de leur activité totale. La part de marché, également en croissance, est évaluée en 1986 à 8 p. 100.
Les quatre autres intervenants sur le marché sont de moindre importance. Il s'agit de la S.G.S-Qualitest (0,9 p. 100 du marché en 1986), de l'association A.I.N.F. (Association des industriels du Nord de la France (1,3 p. 100 du marché en 1986), de la société A.I.F-Services créée par l'Association des industriels de France (1,2 p. 100 du marché en 1986), de la société Qualiconsult (2. p. 100 du marché en 1986), de la société Qualiconsult (2 p. 100 du marché en 1986).
Le poids des autres intervenants sur le marché est marginal ; il s'agit presque exclusivement de contrôleurs individuels.
Les organismes de contrôle sont regroupés dans une organisation professionnelle : le Comité professionnel de la prévention et du contrôle technique Coprec. Cette association a été fondée en juillet 1978 à la suite de la promulgation de la loi du 4 janvier 1978. En font partie l'ensemble des organismes mentionnés ci-dessus ainsi qu'un contrôleur individuel.
2. Les contrôles électricité et levage
a) Le cadre réglementaire :
En vue de prévenir les accidents du travail, des textes réglementaires ont prévu que devaient faire l'objet de contrôles les appareils de levage autres que les ascenseurs et monte-charge (décret n° 47-1592 du 23 août 1947) et les installations électriques (décret n° 62-1454 du 14 novembre 1962).
Deux types de contrôles sont prévus : les contrôles initiaux et périodiques qui peuvent être confiés soit à des techniques appartenant à l'établissement, soit à un organisme extérieur ; les contrôles sur mise en demeure de l'inspecteur du travail qui doivent être effectués par un vérificateur ou un organisme agréé. Ces derniers contrôles ne représentent qu'un infime part de l'intervention des contrôleurs.
b) La demande :
Elle émane des industriels. Il s'agit d'une demande liée dans son contenu dès lors que les contrôles sont obligatoires. Les chefs d'entreprise sont libres de choisir leur contrôleur. Dans la pratique, il y a une assez large fidélisation de la clientèle, les chefs d'entreprise passant le plus souvent un contrat annuel, tacitement reconductible, avec un contrôleur.
En 1986, le marché du contrôle technique industriel représentait un chiffre d'affaires total de plus d'un milliard de francs.
c) L'offre :
De nombreux contrôleurs interviennent sur le marché, mais la plupart des contrôles sont effectués par les A.P.A.V.E. (61 p. 100 du marché en 1986). A.I.F - Services vient loin derrière avec 11,7 p. 100 du marché en 1986 ; quant à C.E.P., A.I.N.F, Bureau Veritas et Socotec, ils occupent des positions comparables, chacun représentant 6 à 7 p. 100 du marché.
Les organismes de contrôle électricité et levage sont réunis dans un organisme professionnel : le Coprecat (accidents du travail), association créée en 1983 sur le modèle du Coprec.
3. Le contrôle des centres agrées pour les visites techniques des véhicules automobiles
a) Le cadre réglementaire :
L'arrêté du 4 juillet 1985 du ministre de l'urbanisme, du logement et des transport, complété par l'arrêté du 5 juillet 1985, a institué un contrôle technique obligatoire des véhicules mis en circulation depuis plus de cinq ans et faisant l'objet d'une mutation ou d'un changement de locataire. Il était prévu que la visite de contrôle devait être effectuée dans des centres de contrôle agréés par le commissaire de la République du lieu de leur implantation, à Paris le préfet de police. Les agréments devaient être dans la plupart des cas délivrés au vue du dossier, une expertise du centre sollicitant son agrément pouvant toutefois être demandée par le préfet, aux frais du centre, à l'un des trois experts désignés par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, à savoir le Bureau Veritas, C.E.P, le G.A.P.A.V.E.
Ce système d'agrément n'a fonctionné que jusqu'au 1er avril 1987.
b) La demande :
Elle présente la particularité d'émaner des pouvoirs publics, mais c'est le centre expertisé qui rémunère l'expert.
Le volume de la demande a été très variable selon des départements. Au 1er septembre 1986, seuls 11,4 p. 100 des centres agréées avaient fait l'objet d'une expertise par l'un des trois contrôleurs.
c) L'offre :
Elle émane des trois organismes agréés : Bureau Veritas, G;A.P.A.V.E, C.E.P.
Les 485 expertises réalisées au 1er septembre 1986 se répartissent ainsi : G.A.P.A.V.E : 51,6 p. 100 ; C.E.P : 27,8 p. 100 ; Bureau Veritas : 20,6 p. 100.
B. - Les pratiques relevées
1. Le marché du contrôle construction
Les constatations opérées révèlent que des concertations se sont déroulées au plan national au sein de Coprec tant par la mise au point et l'utilisation de barèmes de rémunération que par la répartition du marché entre les contrôleurs. Sur le plan local, des concertations organisées ont été mises à jour dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans l'Est de la France ainsi que dans la région Nord.
a) La concertation au sein du Coprec :
Suivant les statuts du Coprec, l'association se compose de membres fondateurs, de membres actifs et de membres associés. Le règlement intérieur confère une prépondérance aux membres fondateurs tant dans la prise de décision que dans la représentation de la profession, et ce même document dispose que "les membres s'engagent à respecter les clauses de conventions types ou documents types approuvés par le Coprec".
Le compte rendu d'une réunion qui s'est tenue le 12 mai 1982 entre les directions des membres du Coprec, sauf A.I.F, a été saisi lors de l'enquête. Cette réunion avait pour objet d'"établir des bases communes de concertation et de nouvelle tarification".
Un document intitulé "Les Conditions générales du Coprec" a été adopté par le Coprec le 22 février 1979 et modifié le 10 septembre 1981. Ce document définit les modalités d'exécution des missions, les règles de référence, et surtout les différentes missions : la mission "L" est la mission élémentaire prévue par loi et porte sur la solidité ; la mission "S" également prévue par loi porte sur la sécurité des personnes ; la mission "A" répond aux demandes des compagnies d'assurance ; sont également prévues des missions complémentaires.
Ces conditions sont reprises par chaque contrôleur sous son timbre. Si la présentation peut varier, le contenu reste le même.
L'"évaluation des coûts de contrôle technique" :
Le "barème Coprec" est le nom donné par la profession à un document intitulé "Evaluation des coûts de contrôle technique" et élaboré en septembre 1982. Ce document permet de déterminer u coefficient de rémunération pour chaque prestation, le montant de la rémunération résultant de l'application de ce coefficient au montant des travaux. Ce coefficient de rémunération est calculé de la façon suivante : chaque mission, L, A et S, est divisée en trois catégories correspondant à la difficulté de la mission. A chaque mission ainsi définie est affecté un coefficient technique auquel est appliqué un coefficient RO dont la valeur est fonction du montant des travaux. Un tableau des valeurs permet de lire directement les coefficients de rémunération pour un montant de travaux de 1 à 300 millions de francs. Ainsi, par l'application de ce coefficient RO, le prix - sous forme de pourcentage du montant des travaux - est automatiquement déterminé. Ce document, s'il a été établi pendant la période prescrite, a été saisi au Bureau Veritas de Metz, au siège de l'A.P.A.V.E. Normandie, à l'agence Socotec de Marseille, au Bureau Veritas de Marseille et les responsables locaux de la plupart des organismes de contrôle ont déclaré lors de l'enquête administrative utiliser le barème Coprec soit directement pour établir leur prix, soit indirectement comme instrument de référence.
Les consultations de l'office public d'habitations à loyer modéré de la ville de Paris :
Le 28 novembre 1984, l'O.P.H.L.M. de la ville de Paris consultait les contrôleurs techniques pour le contrôle des opérations de construction, réhabilitation et amélioration du patrimoine en précisant que les bureaux pourraient "proposer une rémunération indexée sur l'économie réalisée grâce à leur intervention". Jugeant cette proposition inacceptable, M. Delmas, alors président en exercice du Coprec, adressa à tous les membres de l'organisation une lettre leur demandant de ne pas accepter de telles clauses. Il reçut des réponses favorables à cette démarche.
Lors des réunions du Coprec des 30 octobre 1985 et 17 décembre 1985, est abordée la question de l'acceptation par certains contrôleurs de clauses jugées inacceptables par le Coprec, telles que des clauses relatives aux délais ou à la présence obligatoire à tous les rendez-vous de chantier. Il est demandé à ces contrôleurs et "s'engager à ne plus accepter ces clauses". La demande est restée sans effet puisque S.G.S.-Qualitest, par exemple, a continué à signer des contrats contenant de telles clauses.
La réunion des présidents de septembre 1984 :
Le 12 septembre 1984, a eu lieu une réunion entre les présidents de Socotec, Bureau Veritas, C.E.T.E.N. - A.P.A.V.E International et C.E.P. Selon une note du directeur de la branche Bâtiment du Bureau Veritas (pièce II, 1, 39) complétée par les déclarations de son auteur (pièce II, 1, 41), trois séries de mesures sont adoptées, tendant respectivement à faire appliquer les barèmes des conventions, à provoquer des réunions au niveau régional, et à éviter, entre les quatre contrôleurs, une concurrence qui risquait de modifier leurs parts de marché. Une lettre adressée par ce même directeur à son responsable Ile-de-France, le 13 novembre 1984, lui demande de s'orienter vers des affaires ne touchant pas "d'aussi près nos trois principaux confrères" (pièce II, 1, 43).
Le groupe de travail "défense de la profession" :
En mai 1985, un groupe de travail réunissant l'ensemble des membres du Coprec est constitué à l'initiative de M. Murgues, président-directeur général de Socotec. L'objet de ce groupe de travail est d'étudier les mesures de nature à remédier à la baisse du niveau de rémunération.
Les mesures adoptées lors de la réunion du Coprec le 19 février 1986, telles qu'elles résultent du procès-verbal de cette réunion, sont, d'une part, une trêve de trois ans et, d'autre part, l'organisation de tables de concentration par région. Il est prévu pour 1986 une augmentation du marché du contrôle construction de 150 millions se répartissant entre "20 millions pour les petits, 130 millions pour les grands".
La tenue de réunions régionales a été suivie d'effets, en Ile-de-France par exemple. Une pièce saisie chez C.E.P. à Evry est une note adressée par le responsable C;E.P. Ile-de-France au président de cette société le 9 janvier 1986. Il y est fait état de la reprise des réunions Coprec Ile-de-France à compter de mars 1985 et de la répartition de 21 millions de francs d'honoraires de mars à décembre 1985 entre C.E.P. (33 p. 100), Socotec (33. p 100), Bureau Veritas (17 p. 100), A.P.A.V.E. parisienne (17 p. 100). Lors de son audition, le responsable C.E.p. Ile-de-France a indiqué que ces réunions faisaient suite aux travaux réalisés au sein du Coprec et avaient pour but d'éviter une chute trop importante des rémunérations.
Dans les mêmes locaux a été saisie une note concernant une concertation relative à une opération de construction "Saint-Camille" réalisée en 1985.
A la direction commerciale de Socotec a été saisi un dossier concernant la vérification des installations électriques et de gaz dans les établissements scolaires du second degré, correspondant à une demande du département des Hauts-de-Seine du 3 février 1986. Ce dossier comporte la liste des établissements concernés en face desquels figurent les initiales de quatre contrôleurs. En marge des tableaux sont reportées des colonnes de prix. L'examen des dossiers déposés par le Bureau Veritas, Socotec et le groupement A.P.A.V.E.-C.E.P. révèle que l'initiale du contrôleur portée devant chaque établissement scolaire est celle du moins disant pour l'établissement considéré, et les prix indiqués au crayon sont les prix effectivement déposés. Or, le conseil général des Hauts-de-Seine n'a pas réalisé l'opération envisagée, les prix communiqués par chaque contrôleur n'ont pas été rendus publics.
b) Les contrats-cadres :
Des contrats-cadres ont été conclus entre les contrôleurs et les principaux groupements de maîtres d'ouvrage, qui souhaitaient voir préciser les conditions d'exécution des missions. Lors de l'enquête administrative ont été saisis un certain nombre de ces contrats-cadres :
La convention signée le 19 février 1979 entre l'Union nationale des fédérations d'organismes H.L.M., d'une part, et Bureau Veritas, C.E.B.T.P., le C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E., C.E.P., Socotec, d'autre part, et complétée par un avenant du 1er juin 1984 dont l'objet était notamment de rendre A.I.F., A.I.N.F., Qualiconsult et Qualitest parties à la convention ;
La convention signée le 27 mars 1979 entre la Fédération nationale des promoteurs constructeurs (F.N.P.C.), d'une part, et Bureau Veritas, C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E et Socotec, d'autre part, modifiée et complétée les 19 juillet 1979, 1er juin 1982 et 19 novembre 1982, ce dernier avenant ayant pour objet de rendre notamment A.I.F.-Services, A.I.N.F., Qualitest et Qualiconsult parties à la convention ;
La convention signée le 1er juin 1982 entre la S.C.I.C. et le Coprec agissant pour le compte de ses membres, suivie d'un avenant du 1er novembre 1984 et d'une nouvelle convention du 8 juillet 1987 ;
La convention signée le 23 novembre 1983 entre la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte et Socotec, Bureau Veritas et C.E.P., remplacée par une convention conclue le 1er juin 1985 entre la F.N.S.E.M. et A.I.F., A.I.N.F., C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E., C.E.P., Qualiconsult, Qualitest, Socotec, Bureau Veritas.
Ces conventions sont construites selon un schéma identique, à savoir une partie consacrée à la définition des missions et un barème de rémunération des contrôleurs. Lors de la conclusion d'un marché particulier, le contenu de la mission ne fait pas l'objet de négociations.
Les organismes de contrôle ont élaboré en commun des barèmes de rémunération qui, après négociation avec les maître d'ouvrage, ont été inclus dans les contrats-cadres. Dans la plupart des cas, le barème est exprimé en pourcentage du montant des travaux T.T.C. ; cependant pour les petites opérations, il y a détermination d'un prix forfaitaire.
Le respect des barèmes figurant dans les conventions est recommandé par les organismes de contrôle à leurs services locaux, et l'instruction a permis d'établir que certains marchés se traitent au barème. En tout état de cause, même pour les marchés qui se traitent à des niveaux inférieurs à ceux résultant de l'application du barème, les rémunération sont calculées sous forme de réductions par rapport audit barème. Ces barèmes servent de plus de référence même pour les affaires traitées en dehors des accords cadres.
c) La concertation dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur :
Dans cette région, les huit contrôleurs déjà cités sont présents, même si certains d'entre eux (Qualitest, Qualiconsult, A.I.N.F.) ne sont implantés que dans certains centres.
Socotec, Bureau Veritas, C.E.P. et C.E.T.E.-A.P.A.V.E du Sud-Est détiennent plus de 96 p. 100 du marché du contrôle construction dans la région.
Les documents saisis lors de l'enquête au siège des agences régionales de Socotec, Bureau Veritas, C.E.P. et A.P.A.V.E. et, en particulier, deux cahiers de notes datées, tenus par le responsable régional Socotec, révèlent, d'une part, l'existence de concertations préalables à près de 400 marchés publics ou privés de contrôle technique de construction de 1982 à 1986, et, d'autre part, la tenue d'une comptabilité assurant la gestion de l'entente sur la base de quotas établis en fonction des chiffres d'affaires respectifs.
Il y a lieu de distinguer deux périodes :
De 1983 au début 1986, la concertation ne concerne que le département des Bouches-du-Rhône. Les notes révèlent l'existence de concentrations préalables au dépôt des offres. Les réunions sont parfois notées "réunion Coprec" et des informations sont échangées concernant les offres de soumission faites par chacun. Certaines notes établissent qu'il s'agit de renseignements préalables aux soumissions : emploi du futur, des termes "couverture", "OK".
Le rapprochement des propositions et des dates démontre, lui aussi, l'échange d'informations préalable à la soumission. Ainsi, par exemple, une note du 12 février 1985 du directeur commercial de Socotec établit une concertation sur le contrôle des lycées des Bouches-du-Rhône, qui concerne Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., C.E.T.E.-A.P.A.V.E. du Sud-Est.
La répartition des marchés s'accompagne d'une comptabilité de l'entente : les positions des entreprises sont comparées aux quotas attribués. Un tableau établi par le responsable Socotec récapitule pour les marchés ouverts dans les Bouches-du-Rhône du 15 avril 1982 au 18 février 1985, l'ensemble des offres faites par les six organismes de contrôle : Socotec, Veritas, C.E.P., C.E.T.E.-A.P.A.V.E. du Sud-Est, A.I.F., A.I.N.F. L'examen des documents saisis montre que périodiquement le total des marchés obtenus par chaque entreprise est effectué et comparé avec les quotas fixés, ce qui permet de déduire des pourcentages d'avance ou de retard. En outre, chacune des quatre grandes sociétés de contrôle compare systématiquement sa part de marché à celles des trois autres.
A partir du début de 1986, la concertation s'étend aux huit contrôleurs et à l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Une réunion a lieu le 21 mars 1986 entre les représentants des huit organismes de contrôle : les parts de marché souhaitées par chacun sont précisées, avec attribution de pourcentages : A.I.F. (0,83 p. 100), A.I.N.F. (1,60 p. 100), Qualiconsult (1,14 p. 100), S.G.S.-Qualitest (0,76 p. 100), Socotec (53,35 p. 100), Bureau Veritas (22,86 p. 100), C.E.P. (11,43 p. 100), C.E.T.E.- A.P.A.V.E. du Sud-Est (8 p. 100). Il est précisé que la répartition prendra effet à compter du 7 avril 1986, qu'une réunion générale se tiendra tous les deux mois, qu'une réunion se tiendra tous les quinze jours au niveau des deux secteurs géographiques : Est et Ouest de la région.
Cette concertation fut effectivement mise en oeuvre. A chaque organisme est attribué un numéro, et chaque marché est répertorié avec les propositions.
D u 7 avril 1986 au 7 juillet 1986, 155 affaires ont été attribuées concernant la partie Ouest de la région. Un tableau, également saisi chez Socotec, présente avec la même classification une liste de 71 affaires attribuées pour la partie Est de la région. Sur ce tableau, ne figurent pas les numéros 6 et 7 correspondant respectivement à Qualiconsult et Qualitest qui n'étaient pas alors implantés dans cette partie de la région. Les déclarations des responsables Socotec attestent le caractère préalable des échanges d'informations. Pour neuf marchés, l'antériorité de la date de la réunion d'attribution sur celle de remise des offres est établie. Le recoupement entre des notes manuscrites saisies chez Socotec et le tableau récapitulatif démontre l'existence d'offres de couverture : marchés de la maison de retraite à Champtercier, de l'auberge de la Portette, aux Orres, de l'établissement pour handicapés à Château-Arnoux.
Enfin, les offres réelles sont parfois différentes de celles figurant sur le tableau : maison de retraite de Pignans, extension de l'hôpital Montperrin, à Aix-en-Provence.
Comme pour la période précédente, les documents saisis révèlent que la répartition des marchés est soigneusement comptabilisée. Pour la partie Ouest de la région, le tableau sus évoqué totalise à chaque page et pour chaque contrôleur le montant des marchés attribués et le montant des marchés facturés.
Un autre tableau, établi pour la partie Est de la région et présenté selon le même code chiffré par entreprise, donne le chiffre d'affaires prévisionnel et les pourcentages théoriques de chaque organisme, d'une part, et le chiffre d'affaires attribué et les pourcentages réels, d'autre part.
Un document concernant l'ensemble des régions et reprenant la même numérotation des contrôleurs a été saisi chez A.I.F.-Services. Les mêmes pourcentages de répartition de chiffre d'affaires y figurent au regard de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
d) La concertation dans l'Est de la France :
Les organismes de contrôle sont inégalement implantés dans l'Est de la France. Ainsi, dans le département de la Marne, sur lequel porte l'essentiel de l'enquête administrative, seuls les quatre plus importants organismes sont présents. Qualiconsult n'est pas implanté dans l'Est de la France. S.G.S.- Qualitest et A.I.N.F. ne sont implantés qu'à Metz, et A.I.F.-Services à Metz et à Strasbourg.
L'ensemble des pièces recueillies lors de l'instruction mettent en lumière, d'une part, un concertation particulièrement bien organisée dans le département de la Marne, et, d'autre part, des concertations ponctuelles dans le reste de la région.
L'existence d'une concertation dans le département de la Marne entre les autres organismes de contrôle : Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.P.A.V.E. parisienne est reconnue par les responsables de chacun de ces organismes. Le fonctionnement de cette concertation concerne tant l'attribution d'un marché, lorsqu'il y a appel à la concurrence, que l'organisation d'une répartition de l'ensemble des marchés du département.
En deux ans, de juillet 1984 à juillet 1986, une cinquantaine de marchés ont été répartis. Pour un certain nombre d'entre eux, les pièces du dossier permettent de préciser l'étendue de la concertation : concertation Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.P.A.V.E. pour quatre marchés ; concertation Socotec, C.E.P., A.P.A.V.E. pour deux marchés ; concertation Socotec, Bureau Veritas, A.P.A.V.E pour un marché ; concertation Socotec, Bureau Veritas, C.E.P. pour trois marchés ; concertation Socotec, C.E.P. pour six marchés ; concertation Socotec, A.P.A.V.E. pour quatre marchés.
Le groupement entre Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.P.A.V.E. parisienne pour répondre à l'appel d'offres lancé en mai 1985 par le département de la Marne en vue du contrôle de cinquante collèges est à l'origine de l'enquête diligentée par la brigade interrégionale d'enquête de Metz. Le département de la Marne avait déclaré l'appel d'offres infructueux, notamment en raison d'une présomption d'entente.
Ce groupement ne s'est pas fait sur la base de la complémentarité des différents contrôleurs. Il s'est agi d'une répartition par quart des collèges à contrôler, effectuée sur la base des contrôles déjà effectués par chaque organisme.
La concertation dans les autres départements de l'Est s'est déroulée au sein du Coprec local. Elle est attestée par les fiches saisies au Bureau Veritas de Metz. Figurent en face de chacun des intitulés de trente-cinq marchés un attributaire précédé de la mention "en principe" ou "a priori" ou suivie de la lettre C qui indique, selon les déclarations d'un responsable du Bureau Veritas à Metz, une attribution préalable au sein du Coprec.
Les déclarations recueillies lors de l'enquête établissent également une concertation préalable pour six marchés.
L'ensemble de ces concertations concerne Socotec, C.E.P., Bureau Veritas et plusieurs A.P.A.V.E. un compte rendu de communication téléphonique du 26 avril 1986 prévoit également de mettre en place une concertation avec Qualiconsult, S.G.S.-Qualites, A.I.F., A.I.N.F.
e) La concertation dans la région Nord :
Selon une lettre adressée par le responsable du Bureau Veritas de Lille au siège de cet organisme, des accords entre les quatre grands, à savoir Socotec, C.E.P., Bureau Veritas, A.P.A.V.E. Nord-Picardie ont fonctionné pendant quatre années et se sont rompus en juin 1985, ces accords ayant pour objet de maintenir les taux devant la volonté d'expansion d'A.I.N.F. Ce partage de marché est confirmé par les déclarations des intéressés.
f) Autres concertations :
Un cahier de notes relatives à l'année 1985 et saisi au Bureau Veritas fait état de concertations aussi bien en Ile-en-France que sur l'ensemble du territoire et concernant notamment le siège social de Bouygues, un C.E.S à Nantes, une affaire "Meunier-Promotion" à Bordeaux, le respect du protocole S.C.E.T.
2. Le marché des contrôles "électricité et levage"
Le Coprec-A.T. a défini le contenu des vérifications des installations électriques et des instruments de levage sous forme de cahier des charges. Ces méthodologies furent élaborées lors de réunions paritaires organisées dans les locaux du ministère du travail et présidées par un représentant du ministère. Le travail élaboré en matière de contrôle des installations électriques servit de base à l'élaboration de la circulaire ministérielle n° 86-8 du 22 septembre 1986.
Par ailleurs, le Coprec-A.T. a déterminé des temps de référence aussi bien en matière de contrôle des installations électriques servit de base à l'élaboration de la circulaire ministérielle n° 86-8 du 22 septembre 1986.
Par ailleurs, le Coprec-A.T. a déterminé des temps de référence aussi bien en matière de contrôle des appareils de levage. Ces estimations de temps comprennent : la vérification proprement dite ; les temps divers liés au contrôle : déplacements à l'intérieur de l'entreprise, compte rendu verbal ou responsable... ; le trajet dans un rayon de 25 kilomètres maximum à partir de l'inspecteur ; la rédaction du rapport, la frappe et l'envoi des documents. Pour le contrôle des installations électriques, les estimations de temps sont traduites en points ; pour le contrôle des appareils de levage, un temps exprimé en minutes est affecté à chaque type d'appareils. Dans les deux cas, il est prévu un minimum de perception.
Les tarifs d'intervention sur mise en demeure de l'inspecteur du travail doivent être déposés auprès du ministère du travail. Une note saisie au Bureau Veritas fait état de l'accord des confrères, sauf Socotec, pour porter le tarif d'intervention en 1986 à 2 300-2 500 F.
L'examen des listes de prix déposées au ministère du travail montre que se situent seuls dans cette fourchette, en matière de contrôle électricité le Bureau Veritas et A.I.F., et, en matière de contrôle levage, le Bureau Veritas.
3. Le marché du contrôle des centres agréés
Les trois experts agréés (G.A.P.A.V.E., C.E.P., Bureau Veritas) se sont concertés, dès avant la parution des arrêtés ministériels des 4 et 5 juillet 1985, en vue, d'une part, d'élaborer un cahier des charges commun, d'autre part, de fixer un prix d'intervention identique.
L'élaboration d'une méthodologie commune aux trois contrôleurs a été suscitée par le ministère chargé des transports. Le projet de cahier des charges soumis au ministre le 28 mars 1986 a été accepté par ce dernier et joint à la circulaire du 28 juin 1986. Il définit les trois phases de l'expertise - le relevé de renseignements généraux, les constatations matérielles, les observations, appréciations et conclusions - qui doivent être consignées dans un rapport dont la conclusion générale doit permettre au commissaire de la République de se prononcer.
La concertation sur un prix d'intervention de 2 500 francs est attestée par une note commerciale établie par la société C.E.P; le 17 juillet 1987 pour ses directions de province, et confirmée par les déclarations des responsables du secteur du Bureau Veritas et à C.E.P. Ile-de-France. Les prix d'intervention diffusés par les trois organismes en juillet et septembre 1985 sont identiques. Une réunion a eu lieu entre les trois organismes concernés, le 18 septembre 1985, afin de faire respecter ce prix de 2 500 francs.
Enfin, il est arrivé localement que le contrôle des centres agréés fasse l'objet d'une concertation préalable en vue d'une répartition. C'est le cas en Ille-et-Vilaine où, en réponse à une demande de la préfecture en date du 31 décembre 1986, C.E.P. et le C.E.T.E.-A.P.A.V.E de l'Ouest ont répondu dans les mêmes termes en soulignant que, compte tenu du nombre d'expertises à réaliser, il serait souhaitable que ces dernières soient réparties entre les trois organismes agréés.
II. - A LA LUMIERE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Considérant que les faits ci-dessus décrits, antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doivent être appréciés au regard des dispositions des articles 50 et 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, qui demeurent applicables en l'espèce ; que ces dispositions sont d'application générale, quelle que soit la configuration des marchés ;
En ce qui concerne la procédure :
Considérant que l'association A.I.N.F. a fait valoir que, lors de l'enquête administrative, ses responsables locaux n'ont pas été entendus contrairement à ce qui s'est passé pour la plupart que, si son responsable avait été entendu, ses intérêts auraient été mieux protégés que par la défense écrite contre un grief ;
Considérant qu'aucune disposition de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, sous l'empire de laquelle s'est déroulée l'enquête administrative, ne faisait obligation d'entendre l'ensemble des intéressés ni de les associer à l'ensemble des actes de l'enquête ; que, de même, la circonstance qu'une partie n'ait pas été entendue par le rapporteur est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que, comme en l'espèce, ladite partie a été mise en mesure de présenter en temps utile ses observations tant sur la notification de griefs que sur un rapport ; qu'enfin, l'A.P.A.V.E parisienne ne peu valablement soutenir que les pièces saisies aux mains de tiers ne lui seraient pas opposables ;
En ce qui concerne la prescription :
Considérant que les procès-verbaux de saisie susmentionnés en date du 22 juillet 1986 ont interrompu le cours de la prescription ; que les faits antérieurs au 22 juillet 1983 ne peuvent, par conséquent, être qualifiés par le Conseil de la concurrence ; qu'ils peuvent cependant être relatés à seule fin de permettre la compréhension des griefs retenus et relatifs à des faits encore susceptibles d'être sanctionnés ;
En ce qui concerne les pratiques relevées sur la marché du contrôle construction :
Considérant que le Coprec réunit les principales entreprises intervenant sur le marché du contrôle construction en conférant d'ailleurs des pouvoirs importants aux membres fondateurs (Bureau Veritas, Socotec, C.E.P., C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E. international) et dispose d'une force d'entraînement considérable sur la profession ; que son règlement intérieur prévoit que "les membres s'engagent à respecter les clauses des conventions types ou documents types approuvés par le Coprec" ; qu'en l'état actuel de leur rédaction, ces dispositions sont de nature à influencer le jeu normal de concurrence, dès lors qu'il n'est pas expressément précisé que les documents auxquels il est fait allusion ne peuvent être que des documents techniques sans référence tarifaire ;
Considérant que si, le 12 mai 1982, les membres du Coprec, excepté A.I.F., ont entendu se partager le marché lors d'une réunion, ces faits sont atteints par la prescription et ne peuvent plus être qualifiés par le conseil ;
Sur le document intitulé "les conditions générales du Coprec" :
Considérant que le document intitulé "les conditions générales du Coprec" adopté le 22 février 1979 et modifié le 10 septembre 1981 est toujours en vigueur ; qu'il est repris par chaque contrôleur sous son timbre ; que ce document fournit des informations uniquement techniques sur les modalités d'exécution et sur les définitions des différentes missions ; qu'il entre dans le cadre des missions d'une organisation professionnelle de fournir de telles informations qui, en l'espèce, étaient nécessaires tant pour les organismes de contrôle que pour leurs clients, s'agissant d'une activité nouvelle dont le contenu n'était pas précisé par les textes législatifs et réglementaires ; qu'au surplus, l'utilité de ce document est attestée par le fait que la définition des missions qu'il contient a été partiellement reprise dans la circulaire du ministre de l'économie et des finances (commission centrale des marchés) en date du 22 décembre 1982 ;
Sur le document intitulé "Evaluation des coûts de contrôle" :
Considérant que le document intitulé "Evaluation des coûts de contrôle", connu dans la profession sous le terme de "barème Coprec", a été élaboré au sein du Coprec et adopté le 21 septembre 1982 ; qu'il comporte des coefficients techniques qui sont fonction du type de mission demandée et de la difficulté de cette dernière ; que par l'application à ces coefficients techniques d'un "coefficient RO", le prix de la prestation est automatiquement déterminé ; que l'existence d'une détermination automatique et uniforme du prix dissuade les entreprises de procéder à la fixation autonome de leurs prix ;
Considérant que si ce document a été élaboré pendant la période prescrite et s'il ne ressort pas des pièces de dossier que le Coprec l'ait diffusé après le 22 juillet 1983, ni que S.G.S.-Qualitest, Qualiconsult, A.I.N.F. l'aient utilisé, il résulte par contre des déclarations des responsables C.E.P., Bureau Veritas, C.E.T.E.-A.P.A.V.E. à Marseille, Socotec, C.E.P., A.P.A.V.E. et Bureau Veritas à Reims, A.I.F. et A.P.A.V.E. à Metz, que ce document était encore utilisé en 1986 tant directement pour établir les prix que comme instrument de référence ; que le Bureau Veritas ne peut, dès lors, se prévaloir de la brièveté de l'utilisation qu'il en aurait faite ; que, même lorsqu'il est utilisé à titre indicatif, le barème, en fournissant à chaque entreprise un information sur les prix considérés comme normaux dans la profession peut avoir l'effet anticoncurrentiel ci-dessus décrit ; qu'il ressort du texte même de la notification de griefs que le grief relatif à ce document consiste dans son utilisation pendant la période non prescrite ; que, dès lors, le Bureau Veritas n'est pas fondé à soutenir qu'il s'agit d'un grief nouveau pour lequel la procédure contradictoire prévue aux articles 18 et 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'aurait pas été respectée ;
Considérant que la circonstance qu'une enquête administrative déclenchée en 1980 au cours de laquelle un délégué du Coprec a été entendu n'ait donné lieu ni à la rédaction d'un procès-verbal de constat, ni à la saisine de la commission de la concurrence ne saurait, à supposer même que la question du barème Coprec ait été évoquée, priver le Conseil de la concurrence de la possibilité d'examiner ce document ;
Sur les réponses aux consultations de l'O.P.H.L.M. de la ville de Paris :
Considérant que le Coprec, en émettant des injonctions à l'encontre de ses membres qui ne respecteraient pas la discipline en ce qui concerne les réponses à donner aux demandes de l'office, notamment en matière de délai et de présence aux rendez-vous de chantier, est allé au-delà de sa mission d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels ; que l'objet de sa démarche, même si celle-ci est restée sans effet pratique, était de nature à fausser le jeu de la concurrence ;
Sur la réunion du 12 septembre 1984 :
Considérant qu'il résulte de la note du directeur de la branche bâtiment du Bureau Veritas que, lors de la réunion des présidents de Socotec, Bureau Veritas, C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E. International et C.E.P., tenue le 12 septembre 1984, il a été décidé de maintenir leurs parts de marché par limitation de la concurrence entre eux, et non pas seulement, comme l'indique C.E.P., d'inciter au respect des contrats-cadres ; que cette concertation a été reconnue par l'auteur de ladite note et également attestée par la lettre qu'il a adressée le 13 novembre 1984 à son responsable Ile-de-France afin qu'il s'oriente vers "d'autres affaires, peut-être de moindre importance, mais qui ne toucheraient pas d'aussi près nos trois principaux confrères" ;
Sur le groupe de travail "défense de la profession" ;
Considérant que l'objet du groupe de travail réunissant, à partir de mai 1985, l'ensemble des membres du Coprec était d'éviter la dégradation du niveau de rémunération en raison de l'arrivée de nouveaux intervenants sur le marché ; que les mesures adoptés par le Coprec le 19 février 1986, à l'issue des travaux du groupe, et résultant du procès-verbal de la réunion et des notes de l'un des intéressés, consistent en l'organisation de tables de concertation et en un trêve de trois ans dans la concurrence, formulée dans les termes suivants : "Quand un organisme s'est déclaré absent d'une région, il ne doit pas s'y manifester pendant les trois années à venir par ces incursions sauvages" ; que cette dernière mention, contrairement aux affirmations de C.E.P., ne peut viser seulement la nécessité pour un contrôleur d'avoir un établissement fixe dans la région où il intervient ; que si S.G.S.-Qualitest soutient qu'elle s'est implantée dans de nouvelles régions en 1986 et 1987, cette circonstance est sans influence sur l'objet anticoncurrentiel des mesures sus rappelées ; que si le C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E., A.I.N.F. et Qualiconsult ont affirmé n'avoir que peu participé aux travaux du groupe et n'avoir pas appliqué les mesures adoptées, il résulte du procès-verbal de la réunion du 19 février 1986 que l'ensemble de ces organismes étaient représentés, aucune pièce du dossier n'indiquant une remise en cause des orientations du groupe par ces organismes ; que ces mesures ont été suivies d'effets ;
Considérant qu'ainsi la note saisie chez C.E.P.-Evry fait état de réunions en Ile-de-France au cours desquelles sont répartis les honoraires ; que, compte tenu des pourcentages figurant sur cette note (C.E.P. : 33 p. 100 ; Socotec : 33 p. 100 ; Bureau Veritas : 17 p. 100 ; A.P.A.V.E : 17 p. 100), de l'emploi du terme "répartition" et des déclarations du responsable C.E.P.-Ile-de- France, il ne peut s'agir que d'une répartition a priori ; qu'en soutenant à la fois que ces pourcentages sont irréalistes et qu'ils correspondent aux affaires obtenues, les organismes visés ne contestent pas sérieusement ces pièces ; que, contrairement aux affirmations du Bureau Veritas, cette répartition n'est pas en contradiction avec les recommandations du groupe de travail, le statu quo qui y était prévu ne concernant que certaines régions et ne visant pas les quatre plus grands organismes de contrôle ;
Considérant qu'en Ile-de-France une note figurant sur le cahier tenu par un responsable du Bureau Veritas fait état de différentes propositions des confrères, d'échanges téléphoniques et d'une "réunion de concertation entre les trois confrères (C.E.P., Socotec et Veritas) sur le siège (social) de Bouygues" ; que la circonstance que Socotec ait remis une offre initiale antérieurement à ces échanges ne saurait remettre en cause le bien-fondé du grief dès lors que d'autres propositions ont été déposées postérieurement ; que la note concernant l'opération Saint-Camille, si elle n'est pas datée, révèle par ses termes mêmes - "suite à Coprec-A;P.A.V.E. couvert" - une entente préalable confirmée par la circonstance que c'est finalement C.E.P. et non l'A.P.A.V.E. qui a obtenu le marché ; que le dossier saisi chez Socotec et concernant le contrôle des établissements scolaires des Hauts-de-Seine révèle également une entente préalable puisque y figurent les propositions des concurrents alors que le conseil général n'a pas réalisé l'opération envisagée et que les prix communiqués par chaque contrôleur n'ont pas été rendus publics ;
Sur les conventions-cadres :
Considérant que les conventions-cadres passées entre les contrôleurs et les principaux groupements de maîtres d'ouvrage ont en premier lieu pour objet de définir le contenu des missions qui peuvent être confiées à un organisme de contrôle ; que les parties contractantes et en particulier les maîtres d'ouvrage ont, en effet, ressenti la nécessité de préciser ces missions en l'absence de disposition des missions, qui répond à une nécessité d'information pour les maîtres d'ouvrage, n'est anticoncurrentielle ni par son objet ni par ses effets ;
Mais considérant que des barèmes de rémunération des contrôleurs sont inclus dans les conventions-cadres que les propositions de barème ont été élaborées par concertation entre les principaux contrôleurs ; que dans le conventions- cadres, les barèmes sont, pour les opérations importantes, exprimés en pourcentage du montant des travaux, et, pour des petites opérations, en valeurs forfaitaires ; que les organismes de contrôle invitent leurs services locaux à aligner leurs propositions sur ces barèmes lors de la signature des conventions particulières ; que, dans ces conditions, ces barèmes de rémunération peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence par les prix ;
Considérant que, selon les déclarations des contrôleurs, l'objet de ces barèmes est notamment de faire en sorte que la concurrence s'exerce par la qualité plutôt que par le prix et d'éviter ainsi que ne soient effectuées des missions "au rabais" ; que si le souci des contrôleurs d'assurer des prestations de qualité est légitime, il n'en demeure pas moins qu'une concurrence par la qualité ne peut jouer entre eux que si les maîtres d'ouvrage sont à même d'apprécier cette dimension des prestations offertes ; que dans cette hypothèse il n'existe pas d'incompatibilité entre la concurrence par les prix et la concurrence par la qualité, le jeu global de concurrence étant de nature à permettre aux maîtres d'ouvrage de choisir la prestation qui, compte tenu de leurs exigences de qualité, est la moins coûteuse financièrement ; que s'il est soutenu que certains maîtres d'ouvrage ne seraient pas en mesure d'apprécier la qualité de la prestation, la référence à un barème, en supprimant la concurrence par la qualité implique une limitation de la concurrence par les prix ;
Considérant que les pièces du dossier établissent que les barèmes étaient respectés jusqu'en 1984, et qu'un certain nombre de marchés ont continué entre 1984 et 1986 à se traiter aux prix résultant des barèmes ; que, par ailleurs, ces barèmes servent de référence même pour les affaires traitées hors accord- cadre ; qu'il suit de là que ces barèmes dès lors que les propositions de prix s'articulent par rapport à ces barèmes ;
Considérant que la circonstance que les barèmes soient inclus dans les conventions librement négociées n'est pas propre à les soustraire à l'application des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 dès lors qu'ainsi qu'il a été démontré ils peuvent fausser le jeu de concurrence par les prix ; qu'en admettant même que les accords-cadres concernent la presque totalité de la profession, cette circonstance serait sans portée au regard du droit de la concurrence dès lors que leur caractère anticoncurrentiel est démontré ; que, contrairement aux affirmations des parties, la définition précise des missions ne débouche pas nécessairement sur la fixation automatique et uniforme d'un prix ; que la circonstance qu'une enquête diligentée en 1980 n'ait pas eu de suites est sans incidence sur la qualification des actes en cause ; que, de même, est sans portée la circonstance que deux autres conventions-cadres n'ont pas fait l'objet de griefs, l'instruction n'ayant en tout état de cause pas permis d'établir que ces conventions élaborées pendant la période prescrite étaient encore en vigueur pendant la période non prescrite ; que, si le dernier avenant à la convention signée par la F.N.P.C. a été signé le 19 novembre 1982, l'article 10 de ladite convention prévoit expressément qu'elle est conclue pour une durée d'une année à compter du 30 juin 1982 et qu'elle se renouvellera par périodes annuelles, par tacite reconduction, sauf dénonciation sous préavis de 3 mois ; qu'il est constant que cette convention n'a pas été dénoncée et qu'il n'est pas contesté qu'elle a été utilisée pendant la période non prescrite ; que la F.N.P.C. ne peut, pour soutenir que la prescription est acquise, se prévaloir de l'absence de nouvelle diffusion après 1982, et ce d'autant moins que, la même convention étant toujours en vigueur, une nouvelle diffusion était inutile ;
Sur les concertations dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur :
Considérant qu'il résulte des pièces saisies lors de l'enquête administrative que du 22 juillet 1983, point de départ de la période non prescrite, jusqu'au début 1986, se sont déroulées des concertations préalables au dépôt de nombreuses offres concernant des marchés publics et privés du département des Bouches-du-Rhône ; que les notes prises par le responsable Socotec concernant les réunions d'informations montrent qu'il ne s'agissait pas seulement d'informations sur les résultats des appels d'offres mais de renseignements préalables aux soumissions ; que, par exemple, la note du directeur commercial de Socotec du 12 février 1985 (pièce II, 1, 61 p. 4) et le dossier d'appel d'offres établissent une concertation préalable entre C.E.P., Bureau Veritas, Socotec et C.E.T.E.-A.P.A.V.E. du Sud-Est sur le contrôle des lycées des Bouches-du-Rhône ;
Considérant que la répartition du marché s'est accompagnée d'une comptabilité de l'entente retraçant les activités de Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.P.A.V.E., A.I.F.,A.I.N.F. et permettant aux quatre principaux organismes, comme il a été précisé dans l'exposé des faits, de comparer leurs positions respectives ;
Considérant qu'à partir de la réunion du 21 mars 1986 à laquelle participaient des représentants des huit organismes de contrôle, la concertation s'est étendue à l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ; que lors de cette réunion ont été attribués à chaque organisme des quotas, établis en fonction des parts de marché souhaitées par chacun d'eux ; que cette concertation a été effective à partir du 7 avril 1986 ; que les notes saisies chez Socotec établissent l'attribution de 155 affaires dans la partie Ouest de la région, du 7 avril 1986 au 7 juillet 1986, et de 71 affaires pendant la même période pour la partie Est de la région ; que, de même, les documents saisis établissent la gestion de l'entente ; que si Socotec soutient que cette concertation n'a porté sur un volume limité d'affaires, soit environ 15 p. 100, il n'en reste pars moins qu'elle a faussé le jeu de la concurrence ;
Considérant que la circonstance que les rémunérations sont restées éloignées du barème est sans incidence sur la réalité de la concertation ; que si des écarts sont constatés entre la répartition théorique des marchés et leur répartition effective, cette constatation montre tout au plus que l'entente n'a pas été pleinement efficace, mais est sans portée sur le caractère anticoncurrentiel de son objet ;
Considérant, en ce qui concerne les marchés de l'hôpital Montperrin à Aix-en- Provence, l'établissement pour handicapés à Château-Arnoux, l'U.E.R. de sciences économiques à Aix, les classes de Vitrolles, que les observations des parties ne permettent pas de remettre en cause les constatations effectuées, sauf en ce qui concerne l'auberge de la Portette, aux Orres, pour laquelle le C.E.T.E.-A.P.A.V.E. du Sud-Est affirme ne pas avoir soumissionné ; que, quels que soient les marchés effectivement obtenus par S.G.S. Qualitest et Qualiconsult, il ressort des pièces du dossier que ces sociétés ont participé à l'entente, et notamment à la réunion du 21 mars 1986 ;
Sur les concertations dans la région Est :
Considérant que les responsables locaux de Socotec, Bureau Veritas, C.E.P., A.P.A.V.E. parisienne ont reconnu avoir participé à des concertations préalables au dépôt des offres portant, de juillet 1984 à juillet 1986, sur une cinquantaine de marchés dans le département de la Marne ; que les pièces du dossier établissent cette concertation qui n'a pas été sérieusement contestée par les parties pendant l'instruction, ces dernières se bornant à faire état de son caractère limité ; que, quels que soient le montant et le nombre des affaires, il s'agit d'une entente de nature à fausser le jeu de la concurrence ;
Considérant que, pour répondre à l'appel d'offres lancé en mai 1985 par le département de la Marne pour une mission de diagnostics thermiques et de vérification des installations électriques et de sécurité incendie dans les collèges, Socotec, C.E.P.-A.P.A.V.E. parisienne, Bureau Veritas ont présenté une offre groupée, chaque entreprise proposant d'effectuer le contrôle d'un certain nombre d'établissements ; que si les intéressés motivent ce groupement par l'impossibilité dans laquelle aurait été chaque organisme d'effectuer seul l'ensemble des contrôles dans le délai imparti, ils n'apportent aucun élément de nature à justifier une répartition par quart du marché ; qu'à supposer même que les nécessités techniques alléguées soient établies, les organismes en cause - qui sont, au surplus, les seuls organismes nationaux implantés dans le département de la Marne - ne pouvaient, sous le couvert d'un groupement, procéder à une répartition du marché sur les bases préétablies ; que, contrairement aux allégations de l'A.P.A.V.E. parisienne, le département n'a pas invité les entreprises en cause à se grouper ;
Considérant que la concertation dans les autres départements de l'Est est établie non seulement par les fiches tenues par le directeur des relations extérieures du Bureau Veritas pour l'Est de la France, mais aussi par les déclarations des responsables d'A.P.A.V.E. et d'A.I.F. à Metz, la circonstance qu'existent des écarts entre les propositions déposées et le barème Coprec étant sans incidence sur la réalité de la concertation ; que, de même, la circonstance que des organismes prédésignés n'aient pas finalement obtenu les marchés ne remet pas en cause les indications figurant sur les documents saisis, mais démontre seulement qu'en dépit de son objet, la concertation n'a pas été totalement efficaces ; que si Socotec fait valoir que, pour un certain nombre de marchés, la date de sa soumission est antérieure à celle figurant sur les fiches ci-dessous mentionnées, cette seule circonstance ne peut, en l'espèce, remettre en cause l'existence d'une concertation préalable dès lors que les seuls marchés retenus sont ceux pour lesquels figurent des mentions telles que "en principe", "a priori" ou la lettre C désignant une attribution préalable au sein du Coprec ; qu'aucune pièce ne corroborant l'existence d'une participation de S.G.S.-Qualitest, Qualiconsult, A.I.N.F.; A.I.F.-Services à la concertation dans l'Est de la France, cette participation ne peut être considérée comme établie ;
Sur la concertation dans la région Nord ;
Considérant que les pièces saisies établissent la concertation entre les quatre principaux organismes dans la région Nord pour limiter la part de marché des nouveaux arrivants ; que cette concertation n'est contestée ni par le Bureau Veritas, ni par C.E.P. ; que Socotec, sans remettre en cause les pièces sur lesquelles est fondé le grief, se borne à soutenir qu'une concurrence très vive a toujours existé dans la région ; que la volonté de développement affirmée par l'A.P.A.V.E. Nord-Picardie ne suffit pas à la mettre hors de cause, dès lors que sa participation à la concertation est attestée par les pièces du dossier ;
Sur les autres concertations ;
Considérant que la teneur des notes figurant sur le cahier établi en 1985 par un responsable du Bureau Veritas (pièces II, 1, 57, 58, 59) concernant la concertation à Nantes sur un C.E.S., l'affaire Meunier Promotion à Bordeaux et le respect du protocole S.C.E.T. n'est pas sérieusement remise en cause par les parties ; que ces notes témoignent de la volonté de mettre en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles ;
En ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché des contrôles électricité et levage.
Considérant que l'élaboration de méthodologies d'intervention répondait à la nécessité de formaliser le contenu des vérifications en l'absence de précisions dans les textes réglementaires ; que ces méthodologies contribuent à définir la prestation et servent ainsi à l'information du client ; qu'elles ne sont anticoncurrentielles ni dans leur objet ni dans leurs effets dans la mesure où elles ne comportent pas de temps de référence ;
Considérant qu'en effet, si les temps de référence déterminés par le Coprec- A.T. ne sont pas utilisés par les principaux intervenants sur le marche, à savoir les A.P.A.V.E. et A.I.F.-Services, il n'en demeure pas moins que ces barèmes sont diffusés et qu'ils sont respectés par plusieurs organismes de contrôle : que l'application de temps de contrôle différents est de nature à rigidifier le marché en ne permettant pas de répercuter les gains de productivité qui peuvent être réalisés ; que l'existence d'un minimum de perception est également de nature à fausser le jeu de la concurrence ;
Considérant enfin que si une pièce saisie au Bureau Veritas fait été d'un accord des confrères pour relever les tarifs d'intervention sur mise en demeure, la preuve de l'existence de cet accord n'est pas rapportée ; qu'aucun grief ne peut, dès lors, être retenu de ce chef ;
En ce qui concerne les pratiques relevées sur le marché du contrôle des centres agréés pour les visites techniques de véhicules automobiles.
Considérant que c'est à l'initiative du ministère chargé des transports qu'à été élaboré par C.E.P., G.A.P.A.V.E. et Bureau Veritas une méthodologie commune d'intervention sous forme de cahier des charges joint à la circulaire du ministre du 28 juin 1986 ; que ce cahier des charges, qui se borne à énoncer le contenu des opérations de contrôle ; que cette élaboration ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
Mais considérant que les trois organismes de contrôle, au-delà de l'élaboration d'une méthodologie, se sont entendus pour fixer un prix uniforme d'intervention, soit 2 500 francs antérieurement aux répartitions qu'ont pu effectuer des préfets entre organismes ; que ce prix a été diffusé par les trois organismes qui ont donné à leurs agences locales des directives pour qu'il soit respecté ; que l'argument tiré par l'un des organismes du fait qu'il a communiqué son prix au ministère des transports est inopérant à l'égard du grief d'entente ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les pratiques ci-dessus relevées, qui faussent le jeu de la concurrence, sont visées par les dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945.
Sur l'application de l'article 51 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945.
- En ce qui concerne les consultations de l'O.P.H.L.M. de Paris :
Considérant que le Bureau Veritas, le Coprec et l'A.I.N.F. soutiennent que la position prise sur la demande de l'O.P.H.L.M. de la ville de Paris, concernant l'indexation de la rémunération sur l'économie réalisée grâce à l'intervention des contrôleurs, était commandée par les termes de la loi du 4 janvier 1978 qui interdit aux contrôleurs de faire acte de conception ; que, si le Coprec estimait que la demande de l'office était contraire aux dispositions de cette loi, il lui appartenait d'en informer ses membres et, à la demande de ces derniers, l'office, mais que les dispositions de la loi ne l'autorisaient pas à mettre en oeuvre les pratiques reprochées ; qu'il ne peut, par conséquent, être fait application des dispositions de l'article 51 (1°) de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
- En ce qui concerne la concertation dans le département de la Marne :
Considérant que, se bornant à soutenir qu'on pourrait estimer que la concertation entre les quatre organismes de contrôle avait pour but d'assurer aux clients des prestations de qualité, l'A.P.A.V.E. parisienne ne saurait se prévaloir utilement des dispositions de l'article 51 (2°) de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;
- En ce qui concerne le groupement pour le contrôle des 50 collèges de la Marne :
Considérant, d'une part, que si le Bureau Veritas a souligné que la formule du groupement est recommandée par les pouvoirs publics et par les instances communautaires, l'argument ainsi invoqué est inopérant du fait que le grief retenu vise non pas le groupement en tant que tel mais les modalités préalables de répartition du marché et d'établissement des prix sus analysées ; qu'il n'y a par conséquent pas lieu de faire application des dispositions de l'article 51 (1°) ;
Considérant, d'autre part, que si l'A.P.A.V.E. parisienne soutient que le recours au groupement tendait au meilleur profit de l'utilisateur elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation, le département de la Marne ayant au surplus déclaré l'appel d'offres infructueux, notamment en raison du montant des offres ;
- En ce qui concerne les barèmes des contrats-cadres :
Considérant que les parties soutiennent que l'existence des barèmes dans les contrats-cadres représentent un progrès et que leur suppression porterait atteinte à la qualité des contrôles ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'existe pas, comme il a été indiqué ci- dessus, de lien de cause à effet entre l'élimination de la concurrence par les prix et la qualité de la prestation ; qu'ainsi l'existence de barèmes de rémunération ne peut être regardée comme une condition nécessaire de la qualité des contrôles ;
Considérant, en second lieu, que si la définition du contenu des missions de contrôle présente des avantages pour la bonne exécution de celles-ci, elle n'implique pas et ne saurait par conséquent justifier l'établissement de barèmes de rémunération ;
Considérant enfin que le fait de stabiliser ou d'harmoniser les prix ne saurait, en tout état de cause, être considéré comme une contribution au progrès économique au sens de l'article 51 (2°) ;
- En ce qui concerne les estimations de temps en contrôle "électricité de levage" ;
Considérant que si les méthodologies d'intervention ont été définies avec l'accord du ministère chargé du travail, aucune disposition réglementaire n'impose la détermination corrélative des temps de référence ;
Considérant que si les méthodologies d'intervention ont été définies avec l'accord du ministère chargé du travail, aucune disposition réglementaire n'impose la détermination corrélative des temps de référence ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la qualité de la prestation en cause est nécessairement fonction du temps passé ; qu'en l'absence de lien de causalité entre temps et qualité, il ne peut être fait application des dispositions de l'article 51 (2°) ;
En ce qui concerne le contrôle des centres agréés :
Considérant que les dispositions réglementaires qui ont confié aux préfets le soin de déterminer l'organisme auquel sera confié l'examen du centre qui a présenté une demande d'agrément pour les visites techniques de véhicules ne peuvent justifier une entente préalable et nationale sur les prix entre les intéressés ; que le dossier ne comporte aucun élément de nature à justifier l'application de l'article 51 de l'ordonnance ;
Sur les suites à donner
Considérant que les pratiques constatées en matière de contrôle construction, de contrôle "électricité et levage" et de contrôle des centres agréés pour l'expertise automobile qui tombent sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 sans pouvoir bénéficier de celles de l'article 51, sont également visées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 13 de ladite ordonnance,
Décide :
a) Au Coprec, aux sociétés Socotec, C.E.P., Bureau Veritas, au G.I.E; C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E. international, A.I.F.-Services, S.G.S.-Qualitest, Qualiconsult, et à l'association A.I.N.F. de cesser d'élaborer et de diffuser des clauses de rémunérations uniformes destinées notamment à être insérées dans les conventions-cadres, ainsi que les documents contenant des dispositions tarifaires ;
b) Au Coprec.-A.T. de supprimer les évaluations de temps à passer pour les contrôles électricité de levage, ainsi que les minima de perception.
- 7 millions de francs à Socotec ;
- 4,5 millions de francs au Bureau Veritas ;
- 2 millions de francs à C.E.P. ;
- 250 000 francs à l'A.P.A.V.E parisienne ;
- 90 000 francs au C.E.T.E.-A.P.A.V.E. du Sud-Est ;
- 80 000 francs au C.E.T.E.-A.P.A.V.E. alsacienne ;
- 60 000 francs à l'A.P.A.V.E Nord Picardie ;
- 100 000 francs à S.G.S.-Qualitest ;
- 120 000 francs à A.I.N.F. ;
- 160 000 francs à A.I.F.-Services ;
- 280 000 francs à Qualiconsult ;
- 200 000 francs au Coprec ;
- 200 000 francs au G.I.E.-C.E.T.E.N.-A.P.A.V.E. international ;
- 50 000 francs au Coprec-A.T. ;
- 100 000 francs au G.A.P.A.V.E.
La partie II de la présente décision sera publiée dans La Tribune de l'expansion et dans les Echos.
Le coût de ces publications sera supporté par l'ensemble des organismes mentionnés à l'article 2 ci-dessus, à proportion des amendes qui leur sont infligées.
La justification de cette publication sera adressée au conseil dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Délibéré en formation plénière sur le rapport de Mme A.M. Camguilhem, dans la séance du 21 mars 1989 où siégeaient :
M. Laurent, président ; MM. Beteille et Pineau, vice-présidents ; MM. Azema, Cerruti, Cortesse, Gaillard ; Mme Lorenzeau, MM. Martin-Laprade, Schmidt, Urbain, membres.
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