J.O. 204 du 4 septembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 15212

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Décision de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en date du 24 juin 2003 se prononçant sur deux demandes de règlement de différends opposant Réseau de transport d'électricité (RTE) à Réseau ferré de France (RFF) et à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF)


NOR : CREX0306743S



I. - Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée sous le numéro 03-38-02, le 4 mars 2003, présentée par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, RTE, domicilié 34-40, rue Henri-Régnault, 92048 Paris-La Défense, service d'Electricité de France, établissement public de caractère industriel et commercial dont le siège social est 22-30, avenue de Wagram, à Paris, représenté par M. Merlin, directeur de RTE, et ayant pour avocat Me Vogel, 30, avenue d'Iéna, 75016 Paris ;

RTE demande à la CRE de se prononcer sur les différends qui l'opposent à RFF et à la SNCF concernant, d'une part, la conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité et, d'autre part, les conditions d'utilisation des ouvrages à haute tension (HT) remis en dotation à la SNCF.

RTE indique qu'en novembre 2001 il a conclu avec RFF un contrat d'accès au réseau pour l'année 2001 mais que, depuis décembre 2002, tant RFF que la SNCF ont refusé à plusieurs reprises de conclure les propositions de contrat d'accès au réseau qu'il leur a faites. En particulier, ils se sont opposés à la dernière proposition que leur a adressée RTE, le 31 janvier 2003, qui avait été établie conformément aux conditions contractuelles qu'il applique à tout utilisateur du réseau public de transport. RTE précise que le refus de RFF et de la SNCF repose sur les motifs suivants :

- RFF et la SNCF réclament, à tort, l'application d'un régime dérogatoire en se fondant sur les droits détenus par la SNCF sur les ouvrages qui lui ont été remis en dotation, en vertu des dispositions de l'article 20 de la loi d'orientation des transports intérieurs no 82-1153 du 30 décembre 1982, dite loi LOTI ;

- RFF et la SNCF souhaitent intégrer dans le périmètre du contrat d'accès au réseau public de transport la convention « lignes HT » qui liait la SNCF à RTE entre le 1er janvier 2000 et le 30 novembre 2001 ;

- RTE a refusé la proposition de RFF et de la SNCF d'ajouter aux conditions générales du contrat un paragraphe indiquant que la SNCF était « implicitement partie au contrat » signé entre RFF et RTE pour l'année 2001, depuis son entrée en vigueur.

La conclusion avec RFF et la SNCF d'un contrat d'accès au réseau de transport (contrat CART) applicable à compter du 1er novembre 2002 a également été suspendue.

RTE est, par ailleurs, en désaccord avec la SNCF sur les conditions de rémunération de l'utilisation des ouvrages de transport d'énergie HT remis en dotation à la SNCF en vertu de l'article 20 de la loi d'organisation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Ces ouvrages ne sont pas visés par le cahier des charges de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique (RAG), tel qu'annexé au décret du 23 décembre 1994. Des « conventions de lignes » conclues entre la SNCF et EDF-ESE ont eu pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles EDF utilise les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF. Dans la mesure où la dernière convention de lignes conclue par EDF, le 22 décembre 1999, stipulait qu'elle pouvait s'appliquer uniquement si un contrat de mise à disposition d'énergie électrique (contrat MADE) était signé avec la SNCF, RTE estime que cette convention n'est plus applicable. Il a donc présenté à la SNCF une proposition financière pour l'utilisation des lignes HT, que celle-ci a rejetée.

RTE considère que la CRE est compétente pour connaître des deux aspects du différend dont il l'a saisie. En effet, en vertu de l'article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, la CRE est compétente pour se prononcer sur le litige qui l'oppose à RFF et à la SNCF dans la conclusion d'un contrat d'accès au réseau, en particulier pour déterminer les conditions tarifaires applicables.

RTE estime également que la CRE est compétente pour se prononcer sur les conditions de rémunération de l'utilisation des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, même si le décret devant définir le périmètre du réseau public de transport d'électricité n'est pas intervenu à ce jour. Selon RTE, la CRE dispose, en effet, d'une compétence générale pour connaître de tout différend relatif à l'accès et à l'utilisation du réseau, et cette compétence n'est pas limitée aux seuls contrats visés expressément à l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

S'agissant du désaccord qui l'oppose à RFF et à la SNCF dans la conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité, RTE soutient, au fond, qu'au regard du principe de non-discrimination auquel il est tenu la SNCF et RFF ne peuvent pas prétendre à des conditions d'utilisation du réseau public de transport d'électricité différentes de celles applicables aux autres utilisateurs du réseau.

RTE estime, en effet, que la circonstance que la SNCF ait reçu en dotation des ouvrages de transport d'électricité ne met pas la SNCF et RFF dans une situation particulière par rapport aux autres utilisateurs du réseau au regard de la loi du 10 février 2000 et des décrets pris pour son application. Les ouvrages en question doivent, selon lui, être soumis à toutes les dispositions de la loi du 10 février 2000 régissant le réseau public de transport, dès lors qu'ils y sont fonctionnellement intégrés et que leur exploitation et leur entretien sont assurés par RTE, comme le reste du réseau public de transport. RTE précise à cet égard :

- que les ouvrages remis en dotation à la SNCF sont constitués de lignes de longueurs variables, qui ne sont pas toutes connectées directement entre elles, et qu'ils sont donc pleinement intégrés, tant physiquement que sur le plan fonctionnel, au RAG ;

- qu'ils contribuent à la répartition de l'énergie sur le territoire national en permettant l'alimentation de clients, tels que les sous-stations RFF, les postes de livraison de distributeurs et de consommateurs et le transit d'énergie d'un point du RAG à un autre et qu'ils participent à la mission du service public du transport de l'électricité confiée par la loi à RTE, en garantissant « la desserte rationnelle du territoire national et le raccordement et l'accès, dans des conditions non discriminatoires, aux réseaux publics de transport et de distribution » (art. 2-II, 1° et 2°, de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée) ;

- que la dotation d'ouvrages au profit de la SNCF n'a pas eu d'incidence sur l'exploitation et l'entretien desdits ouvrages, qui sont assurés par RTE dans les mêmes conditions que s'agissant du réseau public de transport d'électricité.

Par ailleurs, l'application de conditions d'accès au réseau de transport plus avantageuses à la SNCF et RFF par rapport à celles consenties aux autres utilisateurs du réseau méconnaîtrait les règles du droit de la concurrence. Un régime particulier accordé à la SNCF et RFF constituerait, en effet, selon RTE :

- une aide d'Etat, consentie par un service d'une entreprise publique détenue par l'Etat, au bénéfice de la SNCF, elle-même établissement public, qui serait interdite par l'article 87 du Traité CE ;

- un abus, à défaut de pouvoir être justifié, de sa position dominante, sanctionné par les articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité CE ;

- une entente qui, en atténuant les charges supportées par la SNCF par rapport à celles des autres entreprises de transport ferroviaire, fausserait la concurrence sur le secteur du transport ferroviaire en voie de libéralisation et qui serait sanctionnée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE.

RTE estime, par ailleurs, qu'il était fondé à rejeter la proposition de contrat d'accès au réseau que lui ont faite RFF et la SNCF à la fin de l'année 2002, prévoyant, pour l'exercice 2001, le paiement par RTE, pour l'utilisation des ouvrages remis en dotation à la SNCF, d'une contribution financière annuelle de [secret des affaires ; mention non communicable, ni publiable] environ. RTE invoque trois raisons justifiant son refus :

- il soutient que la proposition faite par RFF et la SNCF tendait à obtenir l'application de la convention de lignes conclue avec EDF en 1999, qui, selon lui, ne serait plus applicable et dont les conditions financières seraient inadaptées au regard des règles d'élaboration du tarif réglementé d'accès au réseau prévues par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 ;

- RFF et la SNCF ne sauraient, selon lui, faire dépendre la conclusion d'un contrat d'accès au réseau d'un accord sur les conditions techniques et financières d'utilisation par RTE des ouvrages remis en dotation à la SNCF, qui relèvent d'un sujet distinct devant être traité séparément ;

- il estime que les ouvrages remis en dotation à la SNCF par l'Etat répondent, par leur destination, à la définition des ouvrages qui lui sont concédés et qu'il convient, par conséquent, de leur appliquer les mêmes règles qu'à l'ensemble des utilisateurs du réseau ; RTE soutient que les dispositions du décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont, par conséquent, également applicables à ces ouvrages et doivent être appliquées à RFF et à la SNCF ; en particulier, les modalités applicables au regroupement des points de raccordement de RFF doivent être, selon RTE, celles applicables à l'ensemble du réseau.

S'agissant du désaccord qui l'oppose à la SNCF sur les conditions de l'utilisation des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation, RTE estime que la rémunération de la SNCF doit être déterminée selon une méthode cohérente avec celle ayant servi à la CRE pour élaborer le tarif d'accès au réseau public de transport, c'est-à-dire à partir des éléments énumérés par le décret du 26 avril 2001. L'application d'une rémunération conforme aux principes dégagés par la CRE pour l'élaboration du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité permettrait, selon RTE :

- que toutes les charges supportées par la SNCF soient couvertes et que son capital soit rémunéré ; RTE précise, à cet égard, que la SNCF, en tant qu'opérateur public soumis au principe de spécialité, ne saurait être fondée à disposer et à tirer un bénéfice financier d'ouvrages relevant du réseau public de transport d'électricité ;

- que les charges financières supportées par RTE ne soient pas différentes selon que les ouvrages du réseau qu'il exploite appartiennent au RAG ou que les ouvrages, bien que fonctionnellement intégrés au RAG, aient été remis en dotation à la SNCF ; RTE précise à cet égard que le versement à la SNCF d'une rémunération supérieure au tarif en vigueur créerait une discrimination entre la SNCF et les autres clients de RTE et serait, par suite, constitutif d'une aide d'Etat, d'une entente et d'un abus de position dominante prohibés et sanctionnés par le droit de la concurrence.

RTE précise que, si la SNCF devait être considérée comme le gestionnaire d'un réseau constitué par les ouvrages que l'Etat lui a remis en dotation, elle serait assimilée à un gestionnaire de réseau à part entière, ce qui serait contraire à l'article 2 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 qui précise que RTE est l'unique gestionnaire de réseau public de transport français. En effet :

- RTE devrait contracter avec la SNCF aux limites de propriété entre le réseau RTE et le réseau remis en dotation par l'Etat à la SNCF, ce qui nécessiterait l'installation de multiples compteurs et représenterait un coût très élevé et contraire à l'intérêt général ;

- la SNCF devrait contracter avec les clients (consommateurs, producteurs et distributeurs) raccordés aux ouvrages qui lui sont remis en dotation, à un prix qui pourrait différer du tarif d'accès au réseau public de transport ;

- la SNCF devrait assurer à ses clients les prestations qui incombent, en vertu de la loi, au gestionnaire du réseau, notamment l'équilibre offre-demande ou la fourniture des services systèmes ;

- les producteurs titulaires d'un certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat ne pourraient plus bénéficier du régime institué par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 lorsqu'ils sont raccordés à des ouvrages non compris dans le RAG ;

- la SNCF devrait rémunérer RTE pour l'utilisation qu'elle ferait des ouvrages du RAG afin d'assurer la livraison des clients raccordés aux ouvrages qui lui ont été remis en dotation.

RTE, aux termes de sa saisine, considère que les contrats d'accès au réseau devant être conclus pour l'alimentation du réseau ferroviaire doivent être signés, soit de manière exclusive avec RFF, soit avec RFF et la SNCF, celle-ci intervenant en tant que gestionnaire des infrastructures ferroviaires en vertu de la loi du 13 février 1997.

RTE demande ainsi à la CRE :

- de déterminer les parties signataires, en précisant si RFF seul ou RFF et la SNCF, en tant que gestionnaire délégué des infrastructures ferroviaires, doivent être parties aux contrats d'accès au réseau destinés à assurer l'alimentation en électricité des infrastructures de transport ferroviaire ;

- d'enjoindre, soit à RFF seul, soit à RFF et à la SNCF, de conclure un contrat d'accès au réseau pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2002 et un CART à compter du 1er novembre 2002, sans référence à la convention lignes du 22 décembre 1999, et en appliquant les conditions tarifaires prévues par le décret du 19 juillet 2002 aux points physiques de raccordement de RFF, que ceux-ci soient connectés au RAG ou aux ouvrages de transport d'énergie remis en dotation à la SNCF ;

- de déterminer, en cohérence avec la méthode retenue pour l'élaboration du tarif réglementé d'accès au réseau, les conditions de la rémunération due à la SNCF pour l'utilisation des ouvrages qui lui ont été remis en dotation par l'Etat.


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Vu les observations en réponse présentées par RFF, enregistrées le 28 mars 2003 ;

RFF s'en rapporte, à titre principal, aux arguments développés dans la demande de règlement de différend qu'il a lui-même présentée dans le cadre du litige qui l'oppose à RTE pour la conclusion d'un contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité.

Il ne souhaite pas, en revanche, se prononcer sur les conditions de la rémunération par RTE de l'utilisation des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, qui relèvent, selon lui, d'un litige distinct opposant RTE à la SNCF.

RFF entend répondre néanmoins à la demande présentée par RTE tendant à obtenir la conclusion d'un contrat d'accès au réseau aux conditions tarifaires prévues par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et par le décret du 19 juillet 2002.

Contrairement à RTE, RFF soutient que la tarification prévue par la loi du 10 février 2000 et ses décrets d'application du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002 n'est pas applicable au réseau de lignes HT remis en dotation à la SNCF. En effet, sans contester l'intégration fonctionnelle au RAG des ouvrages de transport d'électricité remis en dotation par l'Etat à la SNCF et leur participation à la mission de desserte rationnelle du territoire national, au raccordement et à l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution, RFF conteste que les dispositions de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 confiant des missions à EDF et à RTE s'appliquent à la SNCF. Cette loi aurait, en effet, conféré à RTE un monopole limité aux ouvrages constitutifs du réseau public de transport, auquel aucun texte législatif ou réglementaire, ni aucun autre document, même contractuel, ne permet d'intégrer les ouvrages remis en dotation à la SNCF. L'article 20 de la loi d'orientation des transports intérieurs no 82-1153 du 30 décembre 1982 aurait, en revanche, reconnu à la SNCF les pouvoirs de gestion de ces ouvrages et défini un cadre juridique spécifique.

Dès lors, RFF estime qu'en l'absence de fondement justifiant l'application à ces lignes de la tarification publique des réseaux publics de transport et de distribution seul un accord entre RTE et la SNCF constituerait un titre juridique, objectif et incontestable à la détermination du prix de l'utilisation des ouvrages remis en dotation à la SNCF.

RFF renvoie à la saisine qu'il a déposée devant la CRE en précisant qu'il ne revendique pas que la convention « lignes HT » soit visée dans le contrat.

RFF soutient, par ailleurs, que RTE n'est pas fondé à invoquer le principe de non-discrimination pour justifier l'application de la tarification publique à la prestation de transport d'électricité rendue à RFF au moyen des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF. En effet, l'existence d'un contrat type applicable aux utilisateurs du réseau ne suffit pas, selon lui, à justifier l'application d'un tarif public pour l'utilisation d'ouvrages qui n'en relèvent pas.

RFF conteste également que l'application d'une tarification plus favorable que les tarifs publics puisse méconnaître le régime des aides d'Etat ou les règles du droit de la concurrence dès lors que le tarif d'utilisation qu'il versera à RTE sera répercuté à toutes les entreprises ferroviaires utilisant le réseau ferré sous la forme du paiement d'une redevance complémentaire. Dès lors que les entreprises ferroviaires profiteraient toutes de l'application d'une tarification différente plus favorable, celle-ci ne serait pas constitutive d'une entente illicite.

Enfin, RFF soutient que la rémunération que RTE doit verser à la SNCF pour l'utilisation des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation n'est pas susceptible de constituer une aide d'Etat dès lors qu'elle ne pourrait être considérée comme une « subvention », mais seulement comme la contrepartie des avantages que RTE retire de l'usage des lignes en question.

De même, sur les conditions de regroupement de ses points de livraison, RFF estime qu'elles concernent principalement la SNCF dans le cadre de l'accord à conclure avec RTE. Il précise toutefois que le prix à payer pour le regroupement de ses points de livraison peut être moindre que celui acquitté par les utilisateurs du réseau public de transport, dès lors que la SNCF, en sa qualité « d'affectataire légal des lignes », est dans une situation différente de celle des autres utilisateurs.

RFF conclut par conséquent au rejet des demandes de RTE tendant à obtenir la conclusion d'un contrat d'accès au réseau aux conditions tarifaires d'utilisation prévues par le décret du 19 juillet 2002 et se réfère, par ailleurs, aux conclusions qu'il a formées à l'encontre de RTE dans le cadre de la demande de règlement de différend, enregistrée sous le numéro 03-38-03, qu'il a lui-même présentée à la CRE.


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Vu les observations en réponse de la SNCF, enregistrées le 7 avril 2003 ;

S'agissant du litige qui oppose RTE à RFF dans la conclusion d'un contrat d'accès au réseau, la SNCF laisse à RFF le soin de contester la position défendue par RTE. Elle indique seulement qu'elle doit être considérée au regard du II de l'article 22 de la loi du 10 février 2000 comme un client éligible en raison de sa qualité de gestionnaire du réseau ferroviaire qu'elle tient du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 13 février 1997 et qu'elle doit, à ce titre, être elle-même partie au contrat d'accès au réseau conclu entre RTE et RFF.

S'agissant des conditions de rémunération de l'utilisation par RTE des lignes HT qui lui ont été remises en dotation, la SNCF conclut, à titre principal, à l'incompétence de la CRE pour en connaître. Elle conteste, à titre subsidiaire, que les conditions de rémunération de l'utilisation des lignes HT soient déterminées en cohérence avec la méthode d'élaboration du tarif réglementé d'accès au réseau public de transport.

Selon elle, la rémunération due par RTE pour l'utilisation des lignes HT relève du droit commun régissant les relations entre le propriétaire et l'occupant d'une dépendance du domaine public. Elle n'est liée ni à l'accès au réseau public de transport ni à son utilisation, dès lors que la SNCF n'intervient pas comme un utilisateur du réseau lorsqu'elle permet à RTE l'usage des lignes en question. Le différend qui oppose RTE à la SNCF échappe donc, selon celle-ci, à la compétence de la CRE telle qu'elle est définie par l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

A titre subsidiaire, la SNCF conteste que la rémunération due par RTE pour l'utilisation par RTE des ouvrages HT soit déterminée selon les dispositions régissant la fixation des tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. A cet égard, elle considère, contrairement à RTE, que la convention de lignes qu'elle a conclue avec EDF-ESE, le 22 décembre 1999, déterminant les conditions de leur utilisation, n'a pas cessé de produire des effets au seul motif qu'un contrat MADE aurait été conclu avec RTE depuis cette date. Elle précise qu'elle a saisi le Tribunal administratif de Paris d'un recours pour faire valoir sa créance correspondant aux sommes dues par RTE en application de cette convention.

Si elle ne conteste pas le monopole de RTE pour la gestion du réseau public de transport, elle estime néanmoins pouvoir être assimilée à un gestionnaire de réseau, dès lors que, comme le soutient RFF, les ouvrages qui lui ont été remis en dotation seraient distincts du réseau public de transport dont RTE est le gestionnaire.

Elle estime que les lignes HT qui lui ont été remises en dotation étant distinctes des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, les conditions de la rémunération de leur utilisation n'ont pas à être établies en cohérence avec les règles de fixation des tarifs d'utilisation des réseaux publics. Elle conteste donc la position de RTE selon laquelle elle devrait être rémunérée pour l'utilisation des lignes HT en application des dispositions du décret du 26 avril 2001, c'est-à-dire à la hauteur des charges qu'elle supporte et en fonction du capital investi. Elle soutient, au contraire, que ce décret n'a pas pour objet de déterminer les charges qui pèsent sur RTE, mais d'établir les coûts attachés à la gestion des réseaux qui doivent être pris en compte dans le calcul des tarifs. Elle invoque l'étendue des droits dont elle dispose en vertu de l'article 20 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 et le régime des utilisations privatives du domaine public pour en déduire qu'il lui appartient de déterminer les redevances dues par RTE pour l'utilisation des ouvrages qui lui ont été remis en dotation selon un niveau de rémunération correspondant aux avantages de toute nature qui en résultent pour RTE.

La SNCF conclut par conséquent :

- à ce que la CRE lui reconnaisse la qualité de partie signataire des contrats MADE et CART devant être conclus entre RTE et RFF pour l'alimentation des infrastructures de transport ferroviaire ;

- à l'incompétence de la CRE pour connaître des conditions dans lesquelles RTE doit rémunérer la SNCF pour l'utilisation des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation ;

- à titre subsidiaire, au rejet de la demande de RTE tendant à ce que les conditions de rémunération de l'utilisation des lignes HT soient déterminées en cohérence avec la méthode retenue pour la fixation du tarif réglementé d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, dans la mesure où la rémunération de la SNCF s'analyse comme une redevance d'occupation domaniale.


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Vu les observations en réponse présentées par RTE, enregistrées le 18 avril 2003 ;

Sur le domaine d'application du tarif d'accès au réseau public de transport, RTE soutient :

- que la loi du 10 février 2000 définit ledit réseau par sa fonction de desserte rationnelle du territoire et non par la qualité de ses propriétaires ou ayants droit ; il soutient que la position de RFF vient en totale contradiction avec la jurisprudence relative aux services publics, la participation à un service public n'étant pas liée à la propriété des ouvrages utilisés pour sa gestion ;

- que l'absence de mention explicite dans la loi du 10 février 2000 des ouvrages remis en dotation à la SNCF ne peut conduire à les exclure de l'application du droit de l'électricité alors que ces ouvrages HT participent aux missions du service public de l'électricité, ce que reconnaît expressément RFF ;

- que la SNCF ne pouvant être assimilée à un gestionnaire de réseau au sens de la loi du 10 février 2000 qui ne connaît que deux types de gestionnaires de réseaux publics, celui du réseau public de transport (RTE) et ceux des réseaux publics de distribution (« Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 »), elle ne saurait se prévaloir de cette qualité pour demander de disposer d'un tarif d'accès différent du tarif d'accès aux réseaux publics ;

- que la LOTI n'est pas inconciliable avec les dispositions de la loi du 10 février 2000, notamment celles dont il résulte que, selon lui, le tarif d'accès au réseau public de transport doit être appliqué aux ouvrages remis en dotation à la SNCF.

RTE renvoie par ailleurs aux observations qu'il a déposées dans le cadre du différend no 03-38-03 démontrant :

- que les ouvrages remis en dotation à la SNCF font partie du réseau public de transport ; RTE ajoute que, sans ces ouvrages, la desserte rationnelle et le raccordement de certains usagers par RTE ne pourraient être réalisés sans des investissements supplémentaires importants sur une partie substantielle du territoire, c'est-à-dire selon des conditions contraires au principe de gestion du service public de l'électricité au meilleur coût ;

- que la position de RFF conduit RTE à ne pas pouvoir recouvrer certaines charges qu'il supporte, relatives à la gestion des ouvrages remis en dotation à la SNCF ; en effet, selon cette position, toutes les charges relatives à la gestion de ces ouvrages assurée par RTE au bénéfice de RFF, notamment l'entretien, l'exploitation, le renouvellement des ouvrages, l'achat des pertes, l'équilibre offre-demande, la fourniture de services systèmes, resteraient à la charge de RTE.

RTE conteste que des conditions dérogatoires puissent être consenties aux entreprises du secteur ferroviaire, et soutient que le tarif d'accès au réseau de transport doit leur être appliqué du seul fait qu'il résulte, depuis juillet 2002, d'un acte réglementaire de portée générale et qu'il constitue le seul fondement possible des redevances facturées par RFF aux utilisateurs du réseau ferré national. RTE soutient que, contrairement aux affirmations de RFF, ces entreprises ne sont pas dans une situation différente de celle des autres utilisateurs du réseau au seul motif que le service est fourni par RTE au moyen des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF. Il confirme donc les termes de sa saisine concluant à une rupture d'égalité, si le tarif d'accès au réseau public de transport ne leur était pas appliqué.

RTE conclut que le décret du 19 juillet 2002 dans son ensemble, y compris les règles de regroupement tarifaire, s'applique à tous les points physiques de raccordement de RFF, même lorsqu'ils sont connectés aux ouvrages de transport d'énergie remis en dotation à la SNCF. Il conteste le montant des redevances de regroupement invoqué par RFF dans sa saisine no 03-38-03, qui consisterait, selon lui, à demander la gratuité des regroupements pour vingt-trois sous-stations.

Sur la rémunération de la SNCF pour l'usage par RTE des ouvrages HT qui lui sont remis en dotation, RTE soutient que la CRE est compétente, dès lors que :

- le litige a trouvé son origine dans un refus d'un utilisateur de signer un contrat d'accès au réseau ; RTE observe en effet que, dans son courrier électronique du 21 février 2003, RFF précisait ne pas pouvoir signer le projet de contrat en raison de divergences sur l'usage par RTE des ouvrages remis en dotation à la SNCF « et tout particulièrement la tarification de cet usage » ; RTE précise néanmoins qu'à la lecture des écritures de RFF il lui apparaît que ce dernier n'exige plus que référence soit faite à la convention lignes dans son contrat d'accès et que, dès lors, rien ne s'oppose plus à la signature de ce contrat ;

- la rémunération de la SNCF est une « question électrique » et, contrairement à ce que soutient la SNCF, ne relève donc pas du droit commun, dès lors qu'elle pose la question des modalités de l'utilisation par RTE d'ouvrages qui relèvent du réseau public de transport ;

- la CRE doit avoir connaissance de la charge financière liée à cette rémunération pour décider de sa prise en compte dans l'assiette tarifaire ;

- si la compétence de la CRE ne devait pas être retenue, le risque existerait que les différentes autorités juridictionnelles saisies rendent des décisions incompatibles sur les plans juridique et économique, rendant impossible, en pratique, l'exercice par RTE de ses missions de service public.

Au fond, RTE rappelle qu'il demande à la CRE de dire que la rémunération de la SNCF pour l'utilisation par RTE des ouvrages qui lui sont remis en dotation et l'accès au réseau des entreprises ferroviaires doivent être traités séparément, la conclusion de contrats d'accès au réseau public de transport, sur la base de conditions financières transparentes et non discriminatoires, ne pouvant être subordonnée au règlement de la question de la rémunération de la SNCF au titre de l'usage des ouvrages HT par RTE.

Concernant le montant de cette rémunération, RTE reprend à son compte la conclusion de la SNCF, selon laquelle « ce sont les coûts qui doivent déterminer les tarifs et non l'inverse », et en déduit que, dès lors que les coûts des ouvrages remis en dotation à la SNCF que supporte RTE (l'entretien, l'exploitation ou les services systèmes) sont identiques aux coûts des autres ouvrages de même nature et de même âge, la rémunération de la SNCF doit être identique à celle qui reviendrait à RTE si ces ouvrages relevaient du RAG.

RTE conteste, par ailleurs, que sa demande conduise à limiter la rémunération de la SNCF « en deçà des avantages de toute nature qu'en retire RTE », dès lors qu'il demande que cette rémunération soit égale à la somme des dotations aux amortissements et de la rémunération du capital. RTE soutient que les moyens avancés par la SNCF sur l'incompatibilité des textes régissant les secteurs ferroviaire et électrique sont, dès lors, dépourvus de pertinence. RTE rappelle, au surplus, que la loi du 10 février 2000, postérieure à la loi LOTI et transposant la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996, doit prévaloir.

Sur les signataires du contrat d'accès au réseau conclu entre RTE et RFF, RTE constate la divergence des positions de RFF et de la SNCF et précise qu'il lui est indifférent que le contrat soit signé avec RFF ou avec RFF et la SNCF, en tant que gestionnaire d'infrastructure délégué.


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Vu les observations complémentaires présentées par RFF, enregistrées le 6 mai 2003 ;

Sur le lien entre les conditions de la rémunération par RTE de l'utilisation des ouvrages remis en dotation à la SNCF et la conclusion de contrats d'accès au réseau, RFF précise :

- que la motivation de son refus de signer le projet de contrat, clairement expliquée dans ses écritures, est de déterminer quelle est la tarification applicable à la prestation de transport rendue par RTE à RFF au moyen de l'usage des ouvrages remis en dotation à la SNCF ;

- que son différend avec RTE sur la signature du contrat d'accès au réseau persiste, bien qu'il ne revendique pas la référence à la convention « lignes HT », car il maintient qu'un document contractuel doit déterminer le prix ou le tarif que RFF devra régler à RTE pour la part de la prestation de transport rendue au moyen des ouvrages remis en dotation à la SNCF.

Sur les règles de regroupement tarifaire applicables, RFF précise qu'il ne prétend pas, à travers les données chiffrées qu'il a fournies, imposer à RTE une gratuité des regroupements pour certaines sous-stations. Il précise que ce chiffrage, qui est indicatif, ne prend pas en compte le cas spécifique et complexe de vingt-trois sous-stations.


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Vu les observations complémentaires présentées par la SNCF, enregistrées le 6 mai 2003 ;

La SNCF entend seulement rappeler le sens de ses précédentes écritures, sans répondre à la polémique dans laquelle, selon elle, s'inscrivent les dernières observations de RTE.

Elle confirme que l'accès de RFF et de la SNCF au réseau public de transport d'électricité, d'une part, et la rémunération de l'usage par RTE des lignes HT qui lui ont été remises en dotation, d'autre part, sont bien deux questions distinctes.

S'agissant de l'accès au réseau public de transport d'électricité, la SNCF reconnaît que RFF est habilité à négocier avec RTE un contrat d'accès au réseau mais soutient néanmoins que, tant RFF qu'elle-même, comme gestionnaire des infrastructures de transport ferroviaire, ont qualité pour conclure ce contrat.

S'agissant de la question de la rémunération de l'usage par RTE des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation, la SNCF estime être seule concernée. A cet égard, elle soutient, à nouveau, que la rémunération due par RTE pour l'utilisation des lignes HT doit être déterminée selon le régime des utilisations privatives du domaine public, qui prévoit que les redevances d'occupation correspondent aux avantages de toute nature en résultant pour l'occupant du domaine. Selon elle, ni la loi du 10 février 2000, ni le décret du 26 avril 2001 ne s'opposent à l'application d'un tel régime. En particulier, le décret du 26 avril 2001 aurait, selon elle, pour seule conséquence que la redevance due par RTE pour l'utilisation des lignes HT serait intégrée dans les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. La SNCF conteste, par ailleurs, que la détermination de la rémunération due par RTE en fonction des avantages de toute nature dont il bénéficie puisse avoir une incidence sur les règles de concurrence, dès lors qu'elle s'acquittera des tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les mêmes conditions que les autres utilisateurs.

La SNCF soutient, à nouveau, que la CRE n'est pas compétente pour connaître de la rémunération de l'usage des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, dès lors qu'il n'appartient pas à la CRE, dans le cadre de la demande de règlement de différend présentée par RTE, de fixer la valeur locative d'un actif public. Elle soutient, en effet, d'une part, que le montant de la rémunération due par RTE à la SNCF est indépendant du différend qui oppose RTE à RFF et, d'autre part, que si la CRE a à en connaître dans le cadre de son pouvoir de proposition de l'évolution des tarifs d'utilisation des réseaux publics, elle n'est pas, en revanche, compétente pour se prononcer sur cette question dans le cadre de sa compétence de règlement des différends, telle qu'elle a été fixée par les dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

La SNCF persiste dans l'intégralité de ses précédentes conclusions.

II. - Vu la demande de règlement d'un différend, enregistrée sous le numéro 03-38-03, le 6 mars 2003, présentée par RFF, dont le siège social est situé tour Pascal A, 6, place des Degrés, La Défense 7, 92400 Courbevoie, représenté par M. Duport, président du conseil d'administration dudit établissement, ayant donné délégation à M. Rohou, directeur des relations institutionnelles et territoriales, dûment habilité et domicilié en cette qualité audit siège ;

RFF expose que, dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'accès au réseau, un désaccord l'oppose à RTE en ce qui concerne le tarif d'utilisation du réseau applicable pour l'approvisionnement d'une partie des sous-stations qu'il gère. RFF estime que le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport d'électricité n'est pas applicable dans le cas de cent quatre-vingt-cinq sous-stations qui sont alimentées par RTE à partir de lignes HT que la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 a remises en dotation à la SNCF.

RFF a soumis à RTE une proposition de contrat MADE, le 20 décembre 2002, aux termes de laquelle la rémunération due à RTE au titre de l'acheminement de l'électricité devait être déterminée sur la base des accords conclus entre RTE et la SNCF pour l'utilisation des ouvrages HT. Le 31 janvier 2003, RTE a toutefois refusé la proposition de RFF, en lui adressant, à son tour, un projet de contrat, dont les conditions tarifaires avaient été modifiées.

RFF soutient que le différend entre RFF et RTE, qui porte sur la conclusion du contrat MADE pour l'année 2002, entre dans le champ de compétence de la CRE, en vertu de l'article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000.

RFF soutient que le tarif public prévu par la loi du 10 février 2000 et ses décrets d'application du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002 ne sont pas applicables à l'utilisation des ouvrages électriques à haute tension remis en dotation par l'Etat à la SNCF. Il invoque deux raisons :

- d'une part, il estime que le réseau des lignes HT en question ne peut pas être qualifié ou même assimilé à un réseau public de transport ou de distribution, au sens de la loi du 10 février 2000, dès lors qu'aucune des dispositions de cette loi ne fait référence au réseau des lignes que la SNCF a reçu en dotation ; ce réseau n'appartient pas à EDF, selon RFF, et l'article 4 de la loi no 97-1026 du 10 novembre 1997 n'a reconnu la propriété d'EDF que sur les ouvrages relevant du RAG ;

- d'autre part, il considère que l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et ses décrets d'application qui réglementent les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ne s'appliquent qu'à ceux des réseaux qualifiés comme tels au sens de la loi, c'est-à-dire, selon l'article 2 de la loi du 10 février 2000, à ceux d'EDF, de RTE et des distributeurs non nationalisés.

Selon RFF, la SNCF est donc seule habilitée, dans le cadre des textes qui lui sont applicables, à savoir la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 et le décret du 13 septembre 1983 relatif au domaine confié à la SNCF, à fixer seule, ou convenir avec RTE, du coût d'usage des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation.

RFF précise que la question du tarif applicable à l'utilisation des ouvrages remis en dotation par l'Etat à la SNCF a un enjeu financier important : la différence de facturation s'élèverait, selon qu'il serait décidé que la tarification publique s'y applique ou non, à environ [secret des affaires ; mention non communicable, ni publiable], en considérant isolément les cent soixante-deux sous-stations alimentées à un niveau de tension de 225 kV, ou à environ [secret des affaires ; mention non communicable, ni publiable], en créant, à partir de ces mêmes sous-stations, neuf regroupements alimentés à un niveau de tension de 225 kV.

RFF indique également que d'autres divergences persistent, par ailleurs, entre RTE et lui, concernant notamment la référence à la convention « lignes HT » conclue entre la SNCF et RTE, RFF proposant de viser cette convention au titre des documents contractuels, RTE le refusant. Il précise, toutefois, que la demande de règlement de différend qu'il présente ne porte pas sur ces autres divergences.

RFF demande dans ces conditions à la CRE d'enjoindre à RTE de conclure des contrats d'accès au réseau, pour l'année 2002 et pour la période postérieure au 1er novembre 2002, selon des conditions tarifaires conformes à ses propositions, c'est-à-dire selon un prix établi sur la base des accords conclus ou à conclure entre RTE et la SNCF pour la rémunération de l'utilisation des ouvrages HT remis en dotation à celle-ci.


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Vu les observations en réponse de RTE, enregistrées le 27 mars 2003 ;

Aux termes de ses observations, RTE soutient que la tarification publique s'applique aux ouvrages HT remis en dotation à la SNCF et, à titre subsidiaire, conteste que les conditions tarifaires dans le contrat d'accès au réseau à conclure avec RFF puissent dépendre des conditions de rémunération convenues entre RTE et la SNCF pour l'utilisation des ouvrages HT.

RTE considère, tout d'abord, que les décrets du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002, qui fixent les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, s'appliquent aux biens utilisés pour le service public de l'électricité, notamment à l'acheminement de l'électricité assuré par RTE à partir des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, pour deux raisons.

En premier lieu, RTE soutient que, le réseau public de transport étant défini par la loi no 2000-108 du 10 février 2000 qui ne fait aucune référence au réseau d'alimentation générale, le périmètre du réseau public de transport peut être défini en considération de la destination des lignes concernées, précisément par leur participation ou non au service public de l'électricité, et non en considération de la propriété ou des droits spéciaux d'usage.

Dès lors, les ouvrages remis en dotation à la SNCF font, quel que soit leur régime de propriété, partie du réseau public de transport :

- ils participent, ce qui n'est pas contesté par RFF, au service public de l'électricité ;

- ils sont nécessaires à la mission d'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, qui est confiée au gestionnaire du réseau de transport par l'article 1er de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 ;

- il en est fait un usage strictement identique à celui des ouvrages dont RTE est propriétaire ;

- avec les ouvrages du réseau d'alimentation générale, ils ne forment pas deux réseaux distincts et autonomes, car les premiers sont intégrés au sein des seconds, sans être directement reliés entre eux ; ils sont donc dépendants l'un de l'autre pour l'alimentation de clients tels que les sous-stations RFF et les postes de livraison de distributeurs et de consommateurs, ainsi que pour le transit d'énergie d'un point du réseau à un autre ;

- ils ne peuvent pas être assimilés à des lignes directes, au sens de l'article 24 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, qui permettent « d'assurer l'exécution des contrats visés à l'article 22-III et des contrats d'exportation, ainsi que de permettre l'approvisionnement par un producteur de ses établissements, de ses filiales et de sa société mère dans les limites de sa propre production » et sont constituées « par l'ensemble des ouvrages électriquement reliés dédiés à l'acheminement de l'énergie électrique, sans transit par les réseaux publics de transport et de distribution [...] » en application du décret no 2001-365 du 26 avril 2001.

RTE relève que ses affirmations sont corroborées par le rapport no 2002-0094-01 du conseil général des ponts et chaussées selon lequel les ouvrages remis en dotation à la SNCF :

- « ont aujourd'hui perdu leur spécificité ferroviaire et sont physiquement intégrés dans le réseau public d'électricité » ;

- « alimentent, pour partie, le secteur ferroviaire, mais aussi d'autres consommateurs, et assurent une fonction de répartition générale de l'électricité de la même façon que les autres lignes à haute tension » ;

- entrent, pour leur exploitation, « dans le monopole que la loi no 2000-108 du 10 février 2000 confère à RTE indépendamment du régime de propriété de ces lignes » ;

- doivent « être considérées comme faisant partie du réseau public d'électricité géré par RTE ».

En second lieu, RTE soutient que les principes généraux régissant le service public, et parmi ceux-ci, au premier chef, le principe d'égalité, ainsi que les règles du droit de la concurrence s'opposent à l'application d'un tarif dérogatoire pour RFF et réitère les moyens présentés dans sa saisine no 03-38-02. RTE précise qu'en tout état de cause, s'il était fait droit à la demande de RFF, la mise en place d'un tarif dérogatoire devrait être élargie a minima à l'ensemble des distributeurs et consommateurs dans la même situation que RFF, c'est-à-dire à ceux qui sont desservis par les lignes HT ou qui bénéficient d'électricité ayant transité par ces lignes HT.

RTE indique, au surplus, que ces ouvrages relèvent du domaine public de l'Etat et que la SNCF ne dispose sur ces biens que de pouvoirs de gestion conformément à la loi d'orientation des transports intérieurs no 82-1153 du 30 décembre 1982 et à ses décrets d'application.

A titre subsidiaire, RTE conteste que l'accord devant être conclu avec la SNCF pour la rémunération des ouvrages HT qui lui ont été remis en dotation puisse avoir vocation à s'appliquer aux relations entre RTE et RFF. Il soutient, en effet, que le prix de l'accès au réseau pour les sous-stations raccordées aux ouvrages remis en dotation à la SNCF évoqué par RFF ne saurait être déterminé en fonction du seul accord financier à conclure entre RTE et la SNCF, dans la mesure où RTE assume toutes les charges afférentes à ces ouvrages et relatives à la gestion du réseau public de transport, soit, notamment, l'entretien, l'exploitation, le renouvellement des ouvrages, l'achat des pertes, l'équilibre offre-demande, la fourniture de services systèmes.

A titre subsidiaire également, RTE conteste l'estimation produite par RFF de la différence de facturation de [secret des affaires ; mention non communicable, ni publiable] selon qu'il serait décidé que la tarification publique s'applique ou non aux ouvrages remis en dotation à la SNCF, dès lors que les calculs dont se prévaut RFF ne sont ni vérifiables, ni fondés sur les charges propres à ces ouvrages, ni même conformes aux dispositions du décret tarif.

RTE estime, en outre, la demande de RFF :

- inéquitable dans la mesure où d'autres clients sont directement raccordés via les lignes HT, puisqu'elle ferait assumer à RFF la charge entière de l'accord conclu entre RTE et la SNCF, au lieu d'être répartie entre tous les clients concernés ;

- techniquement irréalisable en raison de l'imbrication de ces lignes avec le réseau d'alimentation générale et des coûts qu'une telle solution générerait.

RTE conclut, par conséquent, au rejet de l'intégralité des demandes de RFF et reprend à l'identique celles qu'il a lui-même formulées à l'encontre de RFF dans la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-02.


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Vu les observations complémentaires de RFF, enregistrées le 18 avril 2003 ;

RFF estime que les arguments de RTE sont, pour l'essentiel, identiques à ceux qu'il a développés dans sa demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-02 et entend, par conséquent, s'en remettre aux observations qu'il a lui-même présentées dans le cadre de cette procédure.

RFF conteste, néanmoins, l'interprétation faite par RTE du rapport remis par le Conseil général des ponts et chaussées. RFF estime, en effet, contrairement à RTE, que ce rapport ne s'oppose pas à ce que la tarification publique ne soit pas applicable aux ouvrages remis en dotation à la SNCF. Il se prévaut, à cet égard, de la note de bas de page no 8 du rapport, selon laquelle EDF-ESE facture, en vertu d'une convention conclue avec la SNCF le 22 décembre 1999, le transport de l'énergie sur ces lignes selon les modalités tarifaires en vigueur, y compris pour l'électricité destinée au secteur ferroviaire. Il en déduit que, si le rapport indique que les lignes HT font partie du réseau public d'électricité géré par RTE, la tarification publique doit néanmoins s'appliquer aux lignes HT par le biais d'une convention conclue entre RTE et la SNCF.

RFF persiste, par ailleurs, dans ses conclusions initiales.


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Vu les observations complémentaires de RTE, enregistrées le 6 mai 2003 ;

Selon RTE, RFF n'est pas fondé, pour prétendre que la tarification publique ne s'appliquerait pas aux lignes HT, à se prévaloir de la convention conclue entre la SNCF et EDF-ESE en 1999, dès lors que cette convention n'a pas eu pour objet de définir les conditions de l'accès au réseau public de transport des clients qui y sont, directement ou indirectement, raccordés. RTE soutient, en effet, que la rémunération due par ses clients pour leur alimentation en électricité ne peut relever que des contrats d'accès au réseau qu'il a conclus avec eux.

Il estime également que, selon le rapport du Conseil général des ponts et chaussées, le tarif en vigueur pour les ouvrages remis en dotation à la SNCF découle directement, depuis l'adoption de la loi du 10 février 2000, de cette loi et de ses décrets d'application.


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Vu la lettre du 11 avril 2003 de la direction juridique de la CRE communiquant l'ensemble des observations et des pièces produites par les parties dans l'instruction des demandes de règlement de différend no 03-38-02 et no 03-38-03 au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (direction des transports terrestres), qui n'a pas souhaité présenter d'observations dans le cadre de l'instruction de ces demandes.


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Vu le compte rendu de la réunion du 3 juin 2003, organisée, dans le cadre de l'instruction des demandes no 03-38-02 et no 03-38-03, par le rapporteur, en présence des rapporteurs adjoints et de l'ensemble des parties mises en cause ;

Sur l'utilité pour le réseau des lignes entièrement remises en dotation à la SNCF, RTE précise que, si elles n'alimentent que des charges ferroviaires dans les conditions normales d'exploitation du réseau, elles assurent également la garantie N-1 de l'alimentation des charges ferroviaires et non ferroviaires dans la zone desservie par les postes RTE qui sont situés aux extrémités de ces files, en cas de consignation sur un de ces postes. La SNCF souligne que, lors de la construction des lignes concernées, les postes alimentant des clients non ferroviaires n'existaient pas et que RTE a, par la suite, utilisé ces infrastructures existantes pour sécuriser l'alimentation de ces postes.

Sur l'utilité pour le réseau des doubles lignes remises en dotation à la SNCF, RFF précise qu'elles ont été construites à l'origine pour les besoins de l'alimentation sécurisée des postes ferroviaires et soutient qu'en cas de défaillance d'une des lignes la sécurité de l'alimentation des postes ferroviaires pourrait vraisemblablement encore être assurée actuellement. RTE précise que les deux lignes sont désormais nécessaires à la sécurisation en N-1 de l'alimentation des clients ferroviaires et non ferroviaires de la zone.

Sur l'utilité pour le réseau des lignes Cézy-Laroche et Saint-Florentin-Flogny, RTE précise que les deux lignes sont désormais nécessaires à la sécurisation en N-1 de l'alimentation des clients ferroviaires et non ferroviaires de la zone.


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Vu les réponses apportées par RTE, le 10 juin 2003, aux questions posées par le rapporteur au cours de la réunion d'instruction du 3 juin 2003 ;

Vu les réponses apportées par la SNCF le 10 juin 2003 aux questions posées par le rapporteur au cours de la réunion d'instruction du 3 juin 2003 ;

Vu la lettre du 18 juin 2003 de RFF rappelant que les informations recueillies lors de cette réunion ne sauraient, selon lui, avoir une influence sur la tarification applicable aux ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, dès lors qu'ils relèvent, selon lui, d'un corps de règles de niveau législatif différent de celui des ouvrages concédés à RTE ;

Vu l'ensemble des dossiers remis par les parties ;

Vu la décision du 5 mars 2003 du président de la CRE relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend no 03-38-02 ;

Vu la décision du 6 mars 2003 du président de la CRE relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend no 03-38-03 ;

Vu la décision de la CRE du 13 mars 2003 relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par RTE ;

Vu la décision de la CRE du 13 mars 2003 relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par RFF ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la CRE ;

Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu le décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en application de l'article 4 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la CRE relative au règlement intérieur de la Commission ;


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Après avoir entendu, le 24 juin 2003 lors de l'audience devant la Commission,

En présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag, MM. Raphaël Hadas-Lebel, Bruno Lechevin, François Morin, Jacques-André Troesch, commissaires,

MM. Thierry Tuot, directeur général, Marc de Monsembernard, directeur juridique, Damien Caby, rapporteur, Roman Picard et Philippe Blanc, rapporteurs adjoints,

MM. Lavoine, Davriu, Prost, Roy et Me Vogel, pour RTE,

MM. Richard, Ducoing, Medelenat et Mme Hazard, pour RFF,

MM. Chareire, Gibert, Blaser, Peltier et Me Guenaire, pour la SNCF,

La Commission, s'étant retirée pour en délibérer, ayant décidé, conformément à l'article 4 de son règlement intérieur, de poursuivre la séance à huis clos, à la demande de la SNCF à laquelle RTE et RFF ont déclaré ne pas s'opposer,

Le public s'étant alors retiré,

Le rapport de M. Damien Caby, présentant les moyens et les conclusions des parties,

Les observations de M. Olivier Lavoine et Me Joseph Vogel, pour RTE : RTE persiste dans ses conclusions et moyens ;

Les observations de M. Jean-Michel Richard, pour RFF : RFF persiste dans ses conclusions et moyens ; il précise, en outre, que ses conclusions tendant à ce que RTE signe le contrat MADE pour l'année 2002 sur la base de sa proposition ne portent que sur l'obligation d'y introduire les stipulations de l'article 17 de cette proposition ;

Les observations de Me Michel Guenaire et M. Jean-Noël Chareire, pour la SNCF : la SNCF persiste dans ses conclusions et moyens ; elle précise, en outre, que ses observations orales ne portent que sur la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-02 ;

La Commission en ayant délibéré le 24 juin 2003, après que les parties, le rapporteur et les agents de la CRE se sont retirés,

Sur la jonction des demandes :

La demande présentée par RTE, le 4 mars 2002, dans le cadre du différend qui l'oppose à RFF et à la SNCF, vise à obtenir, d'une part, la conclusion de contrats d'accès au réseau selon les conditions tarifaires prévues par le décret du 19 juillet 2002 et, d'autre part, la détermination des conditions financières d'utilisation des ouvrages de transport électrique remis en dotation par l'Etat à la SNCF.

Par ailleurs, RFF a saisi la CRE, le 6 mars 2003, d'un différend qui l'oppose à RTE dans la conclusion d'un contrat d'accès au réseau pour l'année 2002 et pour la période postérieure au 1er novembre 2002, en estimant que les conditions financières qui lui sont applicables dépendent de l'accord devant intervenir entre RTE et la SNCF pour l'utilisation des ouvrages qui lui ont été remis en dotation.

Dès lors que les deux saisines, enregistrées respectivement sous les numéros 03-38-02 et 03-38-03, mettent en cause les mêmes parties, se rapportent aux mêmes faits et demandent à la CRE de se prononcer sur des questions étroitement liées et, au moins pour partie, identiques, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

Sur la compétence de la CRE :

Aux termes du I de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 : « En cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés au III de l'article 15 et à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties ». La CRE est compétente en vertu de ces dispositions pour connaître des demandes de règlement de différend liées à l'accès ou à l'utilisation des réseaux publics, opposant, d'une part, un utilisateur et, d'autre part, un gestionnaire de réseau.

RTE et RFF ont, par deux saisines distinctes, respectivement enregistrées sous les numéros 03-38-02 et 03-38-03, saisi la CRE du même litige qui les oppose dans la conclusion de contrats d'accès au réseau pour l'alimentation des infrastructures de transport ferroviaire.

Aux termes de la saisine no 03-38-02, RTE demande, en outre, à la CRE de se prononcer sur les conditions financières dans lesquelles il utilise les ouvrages de transport électrique qui ont été remis en dotation par l'Etat à la SNCF en vertu de la loi du 30 décembre 1982.

La SNCF, pour les achats d'électricité auxquels elle procède, est reconnue, en vertu de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, client éligible. Elle a, à ce titre, la qualité d'utilisateur du réseau public de transport pour l'alimentation de ses sites qui sont raccordés à ce réseau. Toutefois, en tant que gestionnaire des biens qui lui ont été remis en dotation par la loi du 30 décembre 1982, lorsqu'elle autorise RTE à utiliser les lignes et ouvrages de transport électrique objets du présent litige pour lui permettre, dans le cadre de sa mission de gestionnaire du réseau public de transport, d'alimenter des utilisateurs du réseau qui sont raccordés à ces ouvrages, la SNCF n'agit pas, elle-même, en tant qu'utilisateur du réseau public de transport.

Il n'est, en effet, pas contesté que RTE assure, en pratique, la gestion, l'exploitation et l'entretien des ouvrages remis en dotation à la SNCF. Cette dernière reconnaît expressément que l'exploitation de ses ouvrages s'inscrit dans le cadre de la mission de service public confiée par la loi du 10 février 2000 à RTE. A ce titre, la fixation de la redevance dont doit s'acquitter RTE auprès de la SNCF, élément du coût couvert par le tarif d'utilisation du réseau de transport, ne saurait s'affranchir, sous le contrôle du juge compétent, de l'économie générale du système électrique et des règles le gouvernant. Toutefois, la CRE, dans l'exercice de sa compétence de règlement de différend qu'elle détient en vertu de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, a pour mission de trancher, dans le respect du principe de légalité, seulement les différends relatifs à l'accès aux réseaux ou à leur utilisation, jusques et y compris dans les questions annexes qui en sont inséparables. En l'espèce, si la conclusion d'un contrat entre la SNCF et RTE pour régler les conditions d'usage par RTE des ouvrages remis en dotation à la SNCF est impérative, elle n'est pas, au sens de l'article 38, une condition de l'exercice du droit d'accès au réseau de transport, la SNCF n'étant, en outre, pas concernée à ce titre en tant qu'utilisateur de réseau.

Contrairement à ce que soutient RTE, la circonstance que la CRE puisse être amenée à connaître de la rémunération due à la SNCF en contrepartie de l'utilisation des ouvrages en question, dans le cadre du pouvoir de proposition tarifaire qui lui est reconnu par la loi du 10 février 2000, et notamment dans le calcul des charges financières supportées par RTE devant être couvertes par le tarif d'utilisation du réseau public de transport, n'a pas d'incidence sur les limites posées par la loi à sa compétence de règlement de différend. De même, la circonstance que la SNCF et RFF aient, dans l'article 17 de leur proposition de contrat MADE, fait de la résolution de ce litige une condition de la signature de ce contrat, ou aient entendu procéder à cette résolution dans le contrat d'accès au réseau, ne suffit pas à faire de cette question un différend relatif à l'accès au réseau au sens de l'article 38 de la loi, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'accès au réseau n'est pas subordonné, pour l'application des principes dont la CRE a pour mission d'assurer le respect en application de cette loi, à la condition ainsi posée par les parties.

Le différend soumis par RTE, en tant qu'il concerne la détermination de la rémunération due à la SNCF pour l'utilisation des ouvrages qui lui ont été remis en dotation, n'appartient donc pas, eu égard, d'une part, à la qualité des parties qu'il met en cause, d'autre part, à l'objet du différend, à ceux dont il appartient à la CRE de connaître au titre de l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

Par suite, les conclusions de RTE tendant à ce que la CRE se prononce sur les conditions financières dans lesquelles il utilise les ouvrages de transport électrique remis en dotation par l'Etat à la SNCF ne peuvent qu'être rejetées, comme portées devant une autorité incompétente pour en connaître.

Sur les conditions contractuelles d'accès au réseau :

RTE et RFF demandent à la CRE de déterminer les conditions tarifaires d'utilisation du réseau applicables à RFF pour l'alimentation des infrastructures de transport ferroviaire à partir des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF en vertu de la loi d'organisation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Les parties ont précisé au cours de la séance qu'elles s'accordent sur le fait que ces ouvrages sont constitués par l'ensemble des lignes à haute tension (63 ou 90 kV) et par les ouvrages de passage dans les sous-stations RFF de ces lignes. Elles ne s'accordent pas, en revanche, sur la liste exacte de ces ouvrages.

1. En application de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, le tarif fixé par le décret du 19 juillet 2002 est applicable aux utilisateurs du « réseau public de transport ». Ce réseau, qui n'est mentionné, sous cette dénomination, dans aucun texte réglementaire antérieur, n'a fait l'objet d'aucune définition réglementaire précise. Il ne saurait notamment être assimilé, sans qu'un acte réglementaire en dispose expressément, au réseau visé au cahier des charges type du réseau d'alimentation générale, antérieur à la loi, qui prévoit, du reste, modification, non encore intervenue à ce jour.

Dès lors, il convient d'interpréter la loi au regard des dispositions de la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996 qu'elle a pour objet de transposer. L'article 2 de la directive définit le « transport » comme « le transport d'électricité sur le réseau à haute tension interconnecté aux fins de fourniture à des clients finals ou à des distributeurs ».

Or, en situation normale d'exploitation, tous les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, à l'exception des lignes et sous-stations destinées exclusivement à l'alimentation de sous-stations SNCF (énumérées dans la liste 1 ci-après annexée, qui fait partie intégrante de la présente décision, et représentant moins de 2 % des lignes remises en dotation à la SNCF), sont interconnectés avec le réseau concédé à RTE et accueillent des transits d'énergie électrique destinée à des clients finals non ferroviaires ou à des distributeurs.

Au surplus, ces ouvrages sont nécessaires pour que le réseau continue à acheminer l'énergie électrique en cas d'indisponibilité ou de défaillance d'une de ses artères ; en effet, s'ils n'étaient pas connectés au réseau concédé à RTE, c'est-à-dire, compte tenu de leur imbrication avec le réseau concédé à RTE, s'ils étaient mis hors tension, RTE ne serait pas en mesure :

- soit d'évacuer la production des centrales hydroélectriques raccordées aux postes d'Artouste, Eget et Tour-de-Carol ;

- soit d'assurer la continuité de l'alimentation des clients et distributeurs situés à proximité de ces ouvrages avec la même fiabilité que pour l'alimentation des autres clients et distributeurs.

A l'exception des ouvrages de la liste 1, ci-après annexée et faisant partie intégrante de la présente décision, les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF doivent donc être regardés, notamment pour définir les conditions financières de leur utilisation, comme relevant du réseau public de transport d'électricité, au sens de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, interprétée conformément à la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996 qu'elle a pour objet de transposer.

Dès lors, le droit d'accès de tous les utilisateurs à l'ensemble du réseau de transport qui, pour l'application du tarif d'utilisation des réseaux, doit être regardé comme comprenant les ouvrages, objet des différends, doit s'exercer « sur la base des tarifs publiés », c'est-à-dire, en l'espèce, conformément au tarif qui s'impose à RTE, désigné seul gestionnaire du réseau de transport (art. 12 de la loi, transposant l'article 7 de la directive), tarif fixé par le décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002. Il n'y a donc pas lieu, pour déterminer les conditions financières de l'utilisation des ouvrages, objet des différends, de les distinguer du reste du réseau géré par RTE, quels qu'en soient les utilisateurs, y compris la SNCF et RFF, envers lesquels toute discrimination ne saurait être compatible avec les principes régissant l'accès des tiers aux réseaux. Cette intégration de ces ouvrages dans le champ d'application des tarifs d'utilisation des réseaux est, en outre, fondée sur les éléments suivants.

2. La loi no 2000-108 du 10 février 2000 (art. 2, 4, 14 et 15) confère à RTE les missions suivantes :

- exploitation, entretien et développement du réseau public de transport ;

- desserte rationnelle du territoire national ;

- raccordement des producteurs, des réseaux publics de distribution et des consommateurs ;

- équilibre des flux d'électricité sur le réseau, sécurité, sûreté et efficacité du réseau ;

- raccordement et accès dans des conditions non discriminatoires au réseau public de transport ;

- accès au réseau public de transport sur la base de tarifs fixés par décret en Conseil d'Etat.

Elle transpose ainsi la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996 (art. 7 et 17) qui confère aux gestionnaires des réseaux de transport les missions suivantes :

- exploitation, entretien et développement du réseau de transport sur le territoire national et de ses interconnexions avec d'autres réseaux pour garantir la sécurité d'approvisionnement ;

- gestion des flux d'énergie sur le réseau et, à cette fin, garantie de la sécurité, de la fiabilité et de l'efficacité du réseau et de la disponibilité des services auxiliaires indispensables ;

- accès non discriminatoire au réseau et réglementé (selon le choix du législateur français), ce qui confère aux clients éligibles un droit d'accès au réseau de transport (ou de distribution) sur la base de tarifs publiés.

i) Les ouvrages de transport d'électricité remis en dotation par l'Etat à la SNCF sont un ensemble de lignes et de tronçons de lignes (les tronçons complémentaires appartenant à RTE), de sous-stations et de parties de sous-stations (les parties complémentaires appartenant à RTE ou relevant des concessions de distribution d'EDF). Cette situation, qui résulte de travaux de reconstruction partielle réalisés par RTE, de renouvellements d'ouvrages exploités au sein du réseau concédé par l'Etat à RTE suivant des tracés égaux ou différents, de l'intégration sur les lignes remises en dotation à la SNCF de sous-stations de RTE, a pour conséquence que les ouvrages remis en dotation par l'Etat à la SNCF ont perdu toute connexité entre eux et ne constituent pas un réseau électrique : ils ne constituent pas un ensemble cohérent d'ouvrages commandés desservant un espace géographique donné.

Comme l'illustre la figure 1 de la présente décision, leur exploitation et leur entretien séparés du réseau concédé par l'Etat à RTE s'avèrent impossibles du point de vue technique. En effet, les flux sur les ouvrages remis en dotation à la SNCF dépendent des décisions d'exploitation concernant les ouvrages concédés à RTE.

De même, l'exploitation du réseau concédé à RTE est, de fait, dépendante de celle des ouvrages remis en dotation à la SNCF. En effet, les flux sur les ouvrages concédés à RTE dépendent des décisions d'exploitation concernant les ouvrages remis en dotation à la SNCF. En outre, la disponibilité des ouvrages remis en dotation à la SNCF est nécessaire pour que RTE sécurise l'alimentation de clients ferroviaires et non ferroviaires en cas de perte d'une liaison (« sécurisation en N-1 »).


Figure 1



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 204 du 04/09/2003 page 15212 à 15221



Sur cette figure, on considère une partie de réseau simplifiée, qui peut refléter schématiquement, par exemple, la situation des ouvrages remis en dotation à la SNCF par rapport au réseau concédé par l'Etat à RTE entre les postes de Lannemezan, Beyredes et Borderes (Aquitaine). Trois lignes L1, L2 et L3 à 63 kV, de même type et de longueur respectivement l1, l2 et l3, avec l2 = l3 = l1/l2, alimentent les charges C1 et C2 à partir du poste G. Par hypothèse nécessaire à la démonstration, L2 et L3 sont exploitées par un exploitant. L1 est exploitée par un autre exploitant. Pour les exemples numériques, on prend C1/V = 600 A et C2/V = 160 A et on fixe les intensités maximales admissibles en permanence (IMAP) des trois lignes à 700 A.

En exploitation normale (cas de la figure 1.1), les intensités dans les lignes sont : I1 = 340 A ; I2 = 420 A ; I3 = 260 A.

En cas d'ouverture ou de déclenchement de L3 (cas de la figure 1.2), les intensités dans les lignes deviennent : I1 = 600 A ; I2 = 160 A. L'intensité sur L1 dépend donc des décisions d'exploitation prises par l'exploitant des lignes L2, L3 et du poste G.

Si l'exploitant de la ligne L1 décide de l'ouvrir (cas de la figure 1.3), les intensités dans les lignes deviennent : I2 = 760 A ; I3 = 600 A. Comme I2 > IMAP, les exploitants sont contraints de délester une partie des charges C1 et/ou C2 si la ligne L3 n'est pas fermée à nouveau rapidement.



Par conséquent, sauf à méconnaître les missions qui lui sont confiées par la loi, RTE ne peut que procéder à l'exploitation des ouvrages de transport électrique remis en dotation à la SNCF et, donc, traiter les ouvrages remis en dotation à la SNCF comme des ouvrages du réseau public de transport quant à leur exploitation et leur entretien.

Il est donc matériellement nécessaire et, pour la pleine exécution des missions confiées par la loi du 10 février 2000 à RTE, indispensable, que ces ouvrages soient traités, du point de vue fonctionnel, comme des ouvrages du réseau public de transport. Ces ouvrages remis en dotation à la SNCF sont, ainsi qu'en convient RFF, indispensables à la desserte rationnelle du territoire national, mission de service public confiée par la loi à RTE, et au raccordement et à l'accès des utilisateurs aux réseaux publics de transport et de distribution

ii) En outre, dès lors que les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF sont au même niveau de tension que les ouvrages HT du réseau concédé à RTE et, à l'exception des ouvrages de la liste 1, y sont intégrés physiquement sans aucune connexité, compte tenu des lois physiques de répartition des flux sur un réseau à haute tension, ils accueillent nécessairement des transits d'énergie en provenance et à destination du réseau concédé à RTE, sans qu'il soit possible d'exercer un contrôle direct sur ces flux de transit, comme l'illustre la figure 2 de la présente décision. Il est donc nécessaire que la gestion des flux sur ces ouvrages soit assurée au sein de la gestion des flux sur le réseau concédé à RTE.


Figure 2



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Sur cette figure, on considère une partie de réseau simplifiée, qui peut refléter schématiquement, par exemple, la situation des ouvrages remis en dotation à la SNCF par rapport au réseau concédé par l'Etat à RTE entre les postes de Sainte-Barbe (SNCF) et Vielmoulin (Bourgogne). Deux lignes L1 et L2 à 63 kV, de même type et de même longueur, alimentent la charge C à partir du poste P. Par hypothèse nécessaire à la démonstration, L1 est exploitée par un exploitant. L2 est exploitée par un autre exploitant. Si L2 est mise sous tension, l'intensité en provenance du poste RTE P à destination du client C transitera dans L1 et L2. L'intensité transitant dans L2 vaudra :


Z1

Z2 + Z1


fois l'intensité totale, où Z1 et Z2 sont les impédances des lignes.



Par ailleurs, RTE n'étant en mesure d'assurer ni la desserte de certains utilisateurs non ferroviaires (cf. infra point iii), ni la sécurité et la sûreté de leur alimentation (cf. supra point i) sans recourir aux capacités de transport offertes par les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF, il est tenu, sauf à courir le risque de déclenchements des protections des ouvrages et de délestages intempestifs de certains distributeurs et consommateurs, de veiller à la gestion des flux d'énergie sur ces ouvrages comme sur ceux de son réseau.

Cela nécessite, notamment, de commander l'ouverture et la fermeture des lignes, de reconfigurer le plan de production et de veiller à la disponibilité des services auxiliaires indispensables (compensation des pertes en temps réel, équilibre production/consommation, tenue de tension...), ce qui, compte tenu de l'imbrication des ouvrages remis en dotation à la SNCF avec le réseau concédé à RTE, ne peut être assuré que par le même opérateur.

Par conséquent, sauf à méconnaître ses obligations légales de sécurité et de sûreté de l'alimentation de ses utilisateurs et ses obligations de gestion des flux sur son propre réseau, RTE doit assurer la gestion des flux d'énergie sur ces ouvrages et les traiter comme des ouvrages du réseau public de transport quant à la gestion des flux d'énergie sur le réseau.

iii) Cent quarante-cinq sous-stations de distribution publique exploitées par EDF, treize sites de production (liste A ci-après annexée et faisant partie intégrante de la présente décision) et douze sites de consommation (liste B ci-après annexée et faisant partie intégrante de la présente décision) sont raccordés au réseau public de transport via des ouvrages remis en dotation à la SNCF et ne pourraient donc être alimentés sans eux dans l'état actuel des infrastructures de transport d'électricité. Le raccordement de ces sites au réseau de transport exclusivement par des ouvrages concédés à RTE nécessiterait d'importantes constructions de lignes qui compromettraient les objectifs d'intérêt général assignés à RTE par la loi, dans le cadre de sa mission de service public, notamment en entraînant des coûts inutiles.

En outre, comme l'illustre la figure 3, dans l'hypothèse où ces constructions seraient faites, dans la mesure où la connexion électrique des ouvrages remis en dotation à la SNCF entre eux est la plupart du temps assurée par des ouvrages concédés à RTE, ce dernier ne pourrait pas, aux fins de raccordement des ouvrages ferroviaires, assimiler l'ensemble des ouvrages remis en dotation à la SNCF d'une même « maille » (ensemble connexe d'ouvrages électriques au même niveau de tension reliant deux postes de transformation) à un réseau privé. Pour assurer le raccordement des ouvrages ferroviaires via les seuls ouvrages qui lui sont concédés, il faudrait qu'il alimente via ces seuls ouvrages chacune des « sous-mailles » (partie connexe d'une maille) relevant de la dotation de l'Etat à la SNCF. Il serait contraint, à cet effet, de construire de nombreux ouvrages nouveaux et redondants avec les ouvrages existants remis en dotation à la SNCF.


Figure 3



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n° 204 du 04/09/2003 page 15212 à 15221



L'exemple de la ligne à 90 kV Chaumont-Fléac montre que des ouvrages remis en dotation à la SNCF (en trait pointillé) d'une même ligne sont connectés entre eux par des ouvrages concédés par l'Etat à RTE (en trait plein et gras) ou partiellement concédés à RTE (en trait plein). Les postes entièrement ou partiellement concédés à RTE alimentent des clients non ferroviaires.

Si RTE ne pouvait traiter les ouvrages remis en dotation à la SNCF comme des ouvrages du réseau public de transport, il ne pourrait assurer l'alimentation d'aucun des postes de la ligne Chaumont-Fléac, qu'ils alimentent des charges ferroviaires ou non ferroviaires. L'alimentation ferroviaire ne pourrait, quant à elle, pas se passer des ouvrages concédés à RTE, qui sont nécessaires pour raccorder entre eux les ouvrages remis en dotation à la SNCF.

Pour faire face aux missions de raccordement des consommateurs attribués par la loi à RTE, une solution consisterait à construire un raccordement spécifique et redondant avec les ouvrages existants pour chacune des sous-mailles connexes suivantes : 1. Chaumont ; 2. Saint-Benoît ; 3. Planche + Cour ; 4. Saint-Saviol ; 5. Bodut ; 6. Longchamp ; 7. Salles-Moussac ; 8. Luxe ; 9. Palant.



Au surplus, à l'exception des ouvrages de la liste 1 et de la liste 2, ci-après annexées et faisant parties intégrantes de la présente décision, tous les ouvrages HT remis en dotation à la SNCF sont nécessaires au raccordement « sécurisé en N-1 » d'utilisateurs non ferroviaires (consommateurs finals, distributeurs ou producteurs), c'est-à-dire à la garantie de leur alimentation électrique en cas de défaillance d'un ouvrage HT.

Par conséquent, sauf à méconnaître ses obligations de desserte rationnelle et efficace du territoire national, de raccordement des producteurs, réseaux publics de distribution et consommateurs, RTE est tenu de traiter les ouvrages remis en dotation à la SNCF comme des ouvrages du réseau public de transport quant au raccordement des utilisateurs.

Il résulte de ce qui précède qu'à tous égards RTE est tenu de traiter tous les ouvrages HT (sauf les ouvrages de la liste 1) remis en dotation à la SNCF comme des ouvrages du réseau public de transport aux fins d'exploitation, d'entretien, de développement et de gestion des flux d'énergie sur le réseau. Il est également tenu de traiter tous les ouvrages HT (sauf les ouvrages des listes 1 et 2) comme des ouvrages du réseau public de transport aux fins de raccordement.

Dès lors, les utilisateurs raccordés au réseau de transport par des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF (sauf les ouvrages des listes 1 et 2) sont, nécessairement, dans une situation en tous points similaire, du point de vue de l'accès au réseau et de son utilisation, définis par la loi no 2000-108 du 10 février 2000, à celle des utilisateurs raccordés au réseau de transport par des ouvrages concédés à RTE. L'application, par RTE, à leur égard, de règles tarifaires différentes revêtirait, par conséquent, un caractère discriminatoire indéniable. RTE est donc tenu de traiter les ouvrages remis en dotation à la SNCF comme des ouvrages du réseau public de transport quant à l'accès au réseau des utilisateurs, ce qui ne préjuge en rien du régime de propriété des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF.

Ainsi qu'il résulte de ce qui précède, l'article 20 de la loi d'orientation des transports intérieurs no 82-1153 du 30 décembre 1982, qui donne à la SNCF la compétence de convenir avec RTE des modalités techniques et financières de la mise à disposition des biens qui lui sont remis en dotation, ne saurait constituer le fondement légal permettant à la SNCF d'obtenir des conditions d'accès privilégiées au réseau public de transport. De même, ni les relations particulières de RFF avec la SNCF, ni le fait que toutes les entreprises ferroviaires bénéficieraient du tarif accordé à la SNCF ne peuvent justifier l'application, en l'espèce, de règles tarifaires autres que celles issues des décrets du 26 avril 2001 et du 19 juillet 2002.

RFF reconnaît du reste implicitement que le réseau de transport et les ouvrages remis en dotation à la SNCF ne sauraient être dissociés, aux fins d'accès au réseau, lorsqu'il demande que les conditions d'accès à ces ouvrages soient définies dans le contrat visé à l'article 23 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, dont l'objet est de fixer les conditions de l'accès de leurs utilisateurs aux seuls réseaux publics de transport et de distribution, contredisant ainsi son affirmation qu'il n'existe aucun fondement juridique à l'application pour l'accès aux ouvrages remis en dotation à la SNCF des conditions prévues pour l'accès aux réseaux publics.

Dès lors, les conclusions tendant à l'inclusion, dans le contrat d'accès au réseau de RFF, de la convention « lignes HT » ou de tout autre document, aux fins de déterminer le prix de la prestation rendue par RTE au titre de ce contrat et relative à l'accès aux ouvrages à haute tension remis en dotation à la SNCF, ne peuvent être qu'écartées. Les conditions d'accès au réseau de transport ainsi défini ne dépendant en rien des droits que RTE détient par ailleurs sur les ouvrages exploités, RFF n'est pas fondé à faire de la connaissance de ces droits un préalable ou une condition à la signature de son contrat d'accès au réseau.

Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le désaccord persistant à l'issue de la réunion d'instruction du 3 juin 2003 entre RTE et la SNCF pour la détermination du statut et du régime de propriété de certains des ouvrages litigieux, RTE est tenu de refuser d'intégrer dans le contrat d'accès d'un utilisateur raccordé au réseau à haute tension via des ouvrages remis en dotation à la SNCF (en l'occurrence RFF) toutes dispositions visant à appliquer un tarif différent de celui applicable aux autres utilisateurs de ce réseau.

Sur la désignation des parties signataires des contrats d'accès au réseau :

Aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000, il appartient à RTE, en tant que gestionnaire du réseau public de transport, de conclure avec les utilisateurs qui lui en font la demande des contrats déterminant les conditions dans lesquelles ils exercent leur droit d'accès au réseau. L'article 38 de la loi du 10 février 2000 permet, en cas de différend, à l'une ou l'autre des parties de saisir la CRE du désaccord qui les opposent dans la conclusion d'un contrat d'accès au réseau.

Aux termes de sa saisine no 03-38-02, RTE a demandé à la CRE de désigner les parties signataires des contrats d'accès au réseau devant être conclus pour l'alimentation des infrastructures de transport ferroviaire. Plus précisément, il demande à la CRE de dire s'il doit conclure un contrat MADE, pour l'année 2002, et un contrat CART, pour la période postérieure au 1er novembre 2002, avec RFF seulement, ou également avec la SNCF intervenant en tant que gestionnaire délégué de l'infrastructure de transport ferroviaire. La SNCF demande, quant à elle, que la CRE lui reconnaisse la qualité de signataire de ces contrats.

Cependant, aucune des parties n'assortit sa demande d'argument de fait ou de droit démontrant qu'il existerait effectivement un différend quant aux parties devant signer les contrats en cause pour l'alimentation en électricité des infrastructures de transport ferroviaire. En effet, il résulte des observations écrites et orales des parties mises en cause que cette question ne fait pas l'objet d'un désaccord entre elles. Lors de la séance, les parties présentes et intéressées - SNCF, RFF et RTE - ont confirmé l'absence de différend sur cette question. RTE indique qu'il lui est indifférent de conclure ces contrats avec RFF seul ou avec RFF et la SNCF, sa seule exigence concernant la conclusion d'un contrat unique pour l'ensemble des besoins en électricité des infrastructures ferroviaires, pour permettre un comptage global de ces besoins. RFF indique expressément n'avoir aucune remarque sur les conclusions présentées par RTE tendant à ce que la CRE désigne les parties signataires des contrats d'accès au réseau. La SNCF sollicite, quant à elle, sa désignation, aux côtés de RFF, comme partie aux contrats d'accès au réseau devant être conclus avec RTE, en se prévalant de sa qualité de client éligible au sens de l'article 22 de la loi du 10 février 2000 en tant que gestionnaire délégué des infrastructures ferroviaires. Le ministre de l'équipement, qui a reçu communication de l'intégralité des observations et des pièces produites par les parties, n'a, pour sa part, présenté, dans le cadre de l'instruction écrite, aucune observation sur ce point.

Par suite, en l'absence de tout différend né sur cette question, la SNCF n'est pas recevable à demander à la CRE de lui reconnaître un droit qu'à la date à laquelle cette dernière statue, nul ne lui conteste. De même, RTE n'est pas recevable à demander à la CRE de se substituer à lui dans l'exercice des compétences qui lui sont conférées par la loi. Il appartiendra aux parties, si un désaccord apparaissait sur la qualité des signataires des contrats en cause, d'en saisir la CRE, sur le fondement de l'article 38 de la loi du 10 février 2000,

Décide :


Article 1


Pour la conclusion des contrats d'accès au réseau de transport de type MADE (pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2002) et CART (pour la période postérieure au 1er novembre 2002), RTE doit, aux fins de tarification, considérer comme des ouvrages du réseau public de transport l'ensemble des ouvrages HT remis en dotation à la SNCF (lignes à haute tension et partie amont des postes de transformation, c'est-à-dire l'ensemble des équipements exploités aux tensions de 63 ou 90 kV, à l'exception des transformateurs), à l'exception des postes et lignes de piquage destinés exclusivement à l'alimentation de sous-stations remises en dotation à la SNCF et des ouvrages remis en dotation à la SNCF non nécessaires à la sécurisation de l'alimentation d'utilisateurs non ferroviaires.

Article 2


Le surplus des conclusions de RTE et de la SNCF et les conclusions de RFF sont rejetés.

Article 3


La présente décision sera notifiée à RTE, à RFF, à la SNCF, au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer (direction des transports terrestres) et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 24 juin 2003.


Pour la commission :

Le président,

J. Syrota



A N N E X E


Liste A : Sites de production raccordés aux ouvrages remis en dotation à la SNCF :

- sites de production hydroélectrique de la SHEM : les centrales de Castet, Geteu, Fabrège, Bious, d'Artouste, de Soulom, d'Agos Vidalos, du lac de Gaves, d'Eget, de l'Oule et de Mauléon-Barrousse (postes de Castet, de Geteu, d'Artouste, d'Eget et de Soulom) ;

- site de production éolienne de Jeumont Industrie (poste d'Escales) ;

- site de production d'EDF (poste de Labarre).

Liste B : Sites de consommation (certains également dotés d'installations de production) raccordés aux ouvrages remis en dotation à la SNCF :

- sites de la SICA de Pithiviers et de la Société sucrière de Pithiviers-le-Vieil (poste de Toury) ;

- sites de la Coopérative agricole, de la sucrerie et de la distillerie de la région d'Artenay (poste d'Artenay) ;

- site de la Papeterie La Haye-Descartes (poste de Descartes) ;

- site de la Société métallurgique de Saint-Chély (poste de Saint-Chély [SM]) ;

- site Alstom (poste de Tarbes) ;

- site Turboméca (poste de Bordes) ;

- sites Pechiney Electro-Métallurgie & Isotral (poste de Pierrefitte) ;

- site SNECMA (poste de Villaroche).

Liste 1 : Postes (et lignes de piquage lorsqu'elles sont remises en dotation à la SNCF) destinés exclusivement à l'alimentation de sous-stations remises en dotation à la SNCF :

Cier-de-Luchon, Brunoy, Saugées, Lestiou, Veuves-Monteaux, Vernou-sur-Brenne, Sainte-Maure, Ingrande, Beaulin, Saint-Benoît, Saint-Saviol, Salles-Moussac, Perrotins, Mame, Coutras, Mouthier, Vouzon, La Genevraie, Landes, Salbris, Lothier, Ravelle, Bonichaud, Age, Faregas, Rouverade, Estivaux, Avignonet, Nissan, Arreau, Soulac-SNCF.

Liste 2 : Ouvrages remis en dotation à la SNCF non compris dans la liste 1 et non nécessaires à la sécurisation de l'alimentation d'utilisateurs non ferroviaires :

- poste d'Hendaye (et lignes jusqu'au piquage et au poste d'Errondénia) ;

- poste de Cahors SNCF (et lignes jusqu'aux piquages) ;

- poste de Saint-Jory (et lignes jusqu'aux piquages).