J.O. Numéro 167 du 21 Juillet 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 11748

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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie


NOR : CSCL0105004X



La loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, définitivement adoptée le 26 juin 2001, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs, qui en contestent trois séries de dispositions. Leur recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - Sur l'article L. 232-12 du code de l'action sociale
et des familles

A. - L'article 1er de la loi déférée remplace le chapitre II du titre III du livre II du code de l'action sociale et des familles, qui définissait le régime de la prestation spécifique dépendance créée par la loi du 24 janvier 1997, par un nouveau chapitre intitulé « Allocation personnalisée d'autonomie ». Après une première section ayant trait aux principes fondamentaux de cette nouvelle prestation, la section 2 est relative à sa gestion. Placé au début de cette section, l'article L. 232-12 dispose que l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie est de la compétence du président du conseil général, sur proposition d'une commission qui réunit notamment, sous sa présidence, des représentants du département et des organismes de sécurité sociale.
Selon les auteurs du recours, cette disposition est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution, dans la mesure où le président du conseil général n'aura d'autre rôle que celui d'entériner les propositions de la commission. Les requérants estiment en outre que le législateur est resté en deçà de sa compétence en ne précisant pas la composition de la commission, dans laquelle le président du conseil général et ses services pourraient être minoritaires.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
1. Sur le premier point, il ressort en effet de la décision no 96-387 DC du 21 janvier 1997, rendue à propos du régime de la prestation spécifique dépendance, que la définition par la loi d'un régime de prestation d'aide sociale doit prendre en compte les dispositions du onzième alinéa du préambule de 1946 ainsi que, de manière générale, les exigences tenant au respect du principe d'égalité.
Il en résulte que, si le législateur, compétent pour fixer les conditions de la libre administration des collectivités territoriales, peut décider que la mise en oeuvre d'un régime de solidarité sera confiée aux départements - comme c'est traditionnellement le cas en matière d'aide sociale -, il ne peut le faire, ainsi que le relève un commentateur de cette décision (O. Schrameck, AJDA, 1997, p. 166) qu'à la condition d'« encadrer suffisamment, par des règles de fond et de procédure, l'exercice de leur pouvoir par les autorités décentralisées pour éviter que, au gré de la diversité des politiques locales, ne se creusent des écarts qui mettent en cause de manière manifeste le principe d'égalité ».
Il est donc clair qu'il eût été contraire à cette jurisprudence de conférer au président du conseil général, comme le préconise la saisine, un pouvoir discrétionnaire. Et c'est bien pour se conformer au cadre ainsi fixé par le Conseil constitutionnel que la loi déférée a défini des procédures permettant tout à la fois d'éclairer le président du conseil général sur les décisions qu'il aura à prendre et de s'assurer que ces décisions seront prises dans le respect des critères légaux et des principes constitutionnels.
Il est d'ailleurs fréquent, en matière d'aide sociale, que les procédures d'attribution fassent intervenir plusieurs acteurs, le cas échéant extérieurs au département, alors que ce dernier supporte la charge de ces prestations. Nul n'a jamais contesté la conformité de tels dispositifs au principe de libre administration, notamment ceux qui prévoient l'intervention de commissions telles que les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) en ce qui concerne l'allocation compensatrice pour tierce personne. On peut aussi mentionner l'obligation de financement des actions d'insertion liées au revenu minimum d'insertion (RMI) : ces actions relèvent d'un contrat passé entre l'allocataire du RMI et un agent instructeur qui ne dépend pas nécessairement du département, et le contrat est validé par une commission locale d'insertion dans laquelle les représentants du département ne sont pas majoritaires.
S'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie, son attribution fait intervenir divers professionnels et institutions aptes à prendre en compte la situation concrète des demandeurs. La commission instituée auprès du président du conseil général aura pour mission de rassembler les éléments de la décision et d'élaborer une proposition adaptée, et non pas d'émettre un avis conforme.
2. C'est également à tort que les requérants font grief au législateur d'être resté en deçà de sa compétence en ne précisant pas la composition de la commission.
En effet, si l'intervention obligatoire d'un organisme dans un processus de décision relevant d'un autorité décentralisée touche aux principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, au sens de l'article 34 de la Constitution, et doit par suite être prévue par la loi (no 99-184 L du 18 mars 1999), il en va différemment pour la composition de cet organisme, qui est en principe du domaine réglementaire. Cette composition ne relève de la compétence du législateur que lorsque l'intervention de cet organisme lie l'autorité ayant pouvoir de décision et pour autant que sa composition s'analyse comme une garantie au regard de l'une des matières rangées dans le domaine de la loi par l'article 34 (no 98-183 L du 5 mai 1998).
En l'espèce, et comme il vient d'être dit, la commission ne rend pas un avis conforme. Elle exerce seulement un pouvoir de proposition. L'autorité compétente pour statuer demeure donc libre de ne pas suivre cette proposition et de demander à l'organisme consulté d'en formuler une autre.
En tout état de cause, et en admettant même qu'il faille assimiler le pouvoir de proposition à un avis conforme au regard de cette jurisprudence, elle ne range dans le domaine de la loi que les grandes lignes de la composition de l'organisme consulté, et pour autant que ces grandes lignes - par exemple, la représentation majoritaire d'une catégorie de personnes directement visées par l'objet du texte - s'analysent comme une garantie (no 82-124 L du 23 juin 1982). Or, en l'espèce, tout en renvoyant à un décret le soin de préciser la composition de la commission, le deuxième alinéa de l'article L. 232-12 du code de l'action sociale et des familles spécifie que la commission « réunit notamment des représentants du département et des organismes de sécurité sociale ». Eu égard à l'objet de cette consultation, qui ne peut que s'inscrire dans le cadre des principes dégagés par la décision no 96-387 DC du 21 janvier 1997 - c'est-à-dire la mise en oeuvre de la solidarité prévue par le onzième alinéa du préambule, dans le respect du principe d'égalité -, la loi n'avait pas à fixer elle-même la pondération entre ces catégories de membres, et notamment le caractère majoritaire des représentants du département. En effet, cette pondération ne saurait s'analyser comme une garantie au regard de l'article 34 de la Constitution.
On soulignera toutefois que, au cours du débat parlementaire, le Gouvernement a fait connaître que ces commissions seraient majoritairement composées de représentants des conseils généraux.
II. - Sur l'article L. 232-19

A. - Le nouvel article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles précise que les sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ne font pas l'objet d'un recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire.
Selon les requérants, cet article a été adopté en méconnaissance du principe d'égalité, dès lors qu'il introduit, entre les bénéficiaires de cette allocation et ceux de la prestation spécifique dépendance, qui est soumise à un tel recouvrement, une rupture injustifiée.
B. - Cette argumentation est inopérante.
L'on ne saurait, en effet, utilement comparer sur le terrain du principe d'égalité deux régimes juridiques dont l'un a vocation à succéder à l'autre.
Par ailleurs, il appartient au Parlement de choisir en opportunité la solution qui lui paraît la plus appropriée quant à la possibilité d'opérer le recouvrement d'une prestation sur la succession du bénéficiaire de celle-ci. En adoptant, en 1997, le régime de la prestation spécifique dépendance, le législateur avait estimé souhaitable de prévoir à cet égard des conditions plus rigoureuses que pour l'allocation compensatrice pour tierce personne dont elle était issue. A l'inverse, le législateur de 2001 a jugé préférable que les sommes versées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ne fassent pas l'objet d'un tel recouvrement.
On observera, au surplus, que la loi déférée comporte des dispositions permettant aux personnes concernées de choisir librement le régime d'aide le plus favorable. Ainsi, pour régler le cas des personnes qui auraient omis de faire valoir leurs droits à l'allocation personnalisée d'autonomie, le II de l'article 19 prévoit que « il est procédé, au plus tard au 1er janvier 2004, au réexamen des droits au regard de la présente loi des bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance qui n'auraient pas sollicité l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie ».
III. - Sur l'article L. 232-21

A. - L'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 1er de la loi déférée, crée le « Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie ». Il s'agit d'un établissement public national à caractère administratif, dont la mission est de contribuer au financement de la nouvelle prestation. A ce titre, le fonds versera un concours particulier aux départements et prendra en charge les dépenses de modernisation de l'aide à domicile.
Les recettes du fonds proviendront, d'une part, d'une contribution des régimes obligatoires d'assurance vieillesse au titre de leurs dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes et, d'autre part, d'une fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG).
Les sénateurs saisissants considèrent que ce dispositif est contraire à la Constitution à plusieurs titres. Ils en mettent en cause le principe même, qui leur paraît se heurter à l'article 14 de la Déclaration de 1789, faute d'examen de ce fonds en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale. Les requérants font également valoir que la répartition des ressources du fonds entre les départements est entachée d'imprécision et d'ambiguïté. Ils y voient une méconnaissance par le Parlement non seulement de sa propre compétence, mais aussi de l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la loi. Ils critiquent également l'affectation de 0,1 point de CSG à ce nouveau fonds, au motif que seraient ainsi méconnues, d'une part, l'exigence constitutionnelle d'équilibre de la sécurité sociale en raison de la diminution corrélative des ressources du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), d'autre part, l'affectation exclusive de la CSG au financement de la sécurité sociale qui aurait, selon eux, le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Aux yeux des requérants, le législateur aurait aussi méconnu l'étendue de sa compétence en ne définissant pas de manière suffisamment précise la participation des régimes obligatoires d'assurance vieillesse au financement du nouveau fonds. Enfin, cette participation ne tiendrait pas compte de la capacité contributive des caisses.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que l'ensemble du dispositif de l'article L. 232-21 est conforme à la Constitution.
1. La création, sous la forme d'un établissement public, du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie ne porte aucune atteinte au droit de tous les citoyens de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique.
Comme le Conseil constitutionnel l'a souligné dans sa décision no 99-422 DC du 21 décembre 1999, à propos de l'affectation de la taxe générale sur les activités polluantes au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le respect de l'article 14 de la Déclaration de 1789 implique seulement, lorsque le législateur décide d'affecter une contribution à un établissement public, que le Parlement soit clairement informé des motifs de ce choix et y consente par son vote. C'est bien ce qui a été fait en l'espèce.
On soulignera en outre que ce fonds est financé par des recettes qui ont le caractère d'impositions, dont l'assiette et la quotité sont déterminées par le législateur, et dont la perception sera couverte par l'autorisation générale figurant chaque année à l'article 1er de la loi de finances. Par ailleurs, la diminution de 0,1 point de la CSG affectée au Fonds de solidarité vieillesse sera prise en compte dans les agrégats de recettes de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
2. Les règles de répartition des concours versés par le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie ne méconnaissent ni les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution ni l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la loi.
a) En premier lieu, la loi n'avait pas à préciser davantage les pondérations affectées à chacun de ces trois critères en fonction desquels les concours du fonds de financement seront répartis entre les départements.
On relèvera d'abord que, de manière générale, la répartition entre compétence législative et pouvoir réglementaire au titre des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales ne conduit nullement à faire figurer dans le domaine de la loi l'ensemble du régime des différentes dotations dont bénéficient ces collectivités. La répartition retenue par la présente loi s'inspire directement de celle qui résulte des travaux de la Commission supérieure de codification et du Conseil d'Etat, lors de l'élaboration du code général des collectivités territoriales.
On peut à cet égard citer, pour s'en tenir à des exemples concernant les départements, l'article L. 3334-7 de ce code selon lequel « un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de répartition de la dotation (de fonctionnement minimale) entre les départements en tenant compte, notamment, de leur potentiel fiscal et de la longueur de leur voirie ». Pour la dotation départementale d'équipement des collèges, l'article L. 3334-16 précise que « la part de l'ensemble des départements de chaque région dans la dotation départementale d'équipement des collèges est déterminée dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction notamment de l'évolution de la population scolarisable et de la capacité d'accueil des établissements ». Pour chacune de ces dotations, ce sont des décrets, repris respectivement aux articles R. 3334-2 et R. 3334-17 du même code, qui fixent les pondérations utilisées pour la répartition des crédits.
Au cas particulier, la loi va même un peu plus loin en indiquant nettement l'existence d'un critère principal et de critères secondaires de modulation. En effet, le 1o du II de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles précise, pour le régime permanent, que le montant de ce concours est réparti en fonction de la part prise par chaque département dans le montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constaté l'année précédente pour l'ensemble des départements : ce premier critère constitue, à l'évidence, le critère principal de répartition. Aux fins de péréquation au profit des départements défavorisés, la loi indique ensuite que ce montant est modulé en fonction du potentiel fiscal et du nombre de bénéficiaires du RMI de chaque département.
Pour le régime transitoire, rendu nécessaire par le fait que les premières données relatives au critère principal ne seront pas disponibles avant le milieu de l'année 2003, l'alinéa suivant du 1o du II de l'article L. 232-21 prévoit qu'il est remplacé par la proportion de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, qui est le critère sociodémographique qui se rapproche le plus du critère principal qu'est, dans le régime dit « permanent », le montant des dépenses au titre de l'allocation personnalisée.
Dès lors qu'il résulte des termes mêmes de la loi qu'il existe un critère principal de répartition des concours versés par le fonds et que les deux autres critères ne servent qu'à le moduler en fonction de la situation de chaque département quant à ses ressources (potentiel fiscal) et à ses autres charges d'aide sociale (nombre de bénéficiaires du RMI), l'on ne saurait reprocher au législateur d'être demeuré en deçà de sa compétence. La loi ayant ainsi fourni les indications nécessaires au titre des principes fondamentaux de la libre administration, il appartiendra ensuite au pouvoir réglementaire de préciser le poids respectif des trois critères de répartition, sous la seule réserve de ne pas dénaturer la volonté du législateur.
En l'occurrence, une telle dénaturation est d'autant plus exclue que le Parlement a été informé par le Gouvernement, au cours des débats, que le décret, qui sera soumis au comité des finances locales, affecterait respectivement aux critères de population âgée, de potentiel fiscal et de nombre de bénéficiaires du RMI des pondérations situées autour de 70 %, 25 % et 5 %.
b) En second lieu, il n'existe, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune contradiction entre les différentes règles correctrices permettant de réguler les versements de concours du fonds aux départements.
Les deux règles contestées dans la saisine, et qui figurent respectivement au 6e et au 10e alinéa du II de l'article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles, ont un objet et une portée qui diffèrent absolument :
- la première de ces règles, dite « règle d'écrêtement », limite la contribution du fonds à hauteur de 50 % des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département. Elle ne concerne que les départements qui, du fait de leur démographie et du faible taux de dépendance de leurs habitants âgés de plus de 75 ans, supportent une charge modérée au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Cette première règle s'inscrit dans la logique de répartition globale de la charge de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie entre les départements et la solidarité nationale exprimée par le fonds. Elle contribue à asseoir la légitimité de chaque département à instruire, attribuer et servir la prestation, dès lors qu'il assure en majeure partie son financement.
- la seconde règle concerne les départements dans lesquels les personnes âgées dépendantes représentent une proportion importante de la population. Elle a, quant à elle, pour objet de fixer une limite absolue à la charge finale d'allocation personnalisée d'autonomie exposée par chaque département ; elle vise à faire en sorte qu'aucun département ne soit placé par l'obligation nouvelle de verser cette allocation dans une situation telle que son autonomie financière serait vidée de toute substance et, par là même, son autonomie de décision.
Ainsi cette règle de plafonnement de la dépense permet-elle aux départements dont la dépense excédera un niveau maximum défini par le produit de 80 % de la majoration pour tierce personne (soit 4 705 F revalorisés chaque année comme les prix) par le nombre de bénéficiaires d'appeler le fonds en garantie à hauteur de ce dépassement. Contrairement à ce qu'indiquent les requérants, cette disposition n'a pas pour effet de plafonner la dépense par bénéficiaire, puisqu'elle fait référence à un « montant moyen », ni d'ailleurs de permettre aux départements d'« apprécier véritablement la charge qui leur incombe ». Elle tend seulement à fixer la portée de la dépense obligatoire mise à la charge des départements, comme l'exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel (no 90-274 DC du 29 mai 1990).
Il importe également de souligner que, au regard notamment de l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi, aucune incertitude ne ressort de celle-ci quant à la règle de plafonnement des dépenses des départements à hauteur de 4 705 F par bénéficiaire. Les auteurs du recours estiment que cette règle n'est opérante que si elle s'applique aux dépenses nettes, abstraction faite de l'apport du fonds. Mais tel est bien le cas, en vertu des dispositions de la loi déférée : la situation de chaque département au regard de ce plafonnement sera examinée ex post, une fois connues les données financières afférentes aux dépenses de l'exercice ainsi qu'aux apports du fonds.
Comme on le voit, ces deux règles ont donc une portée différente ; elles ne peuvent s'appliquer simultanément au même département et ne peuvent, dès lors, entrer en contradiction.
3. C'est également en vain que la conformité à la Constitution de l'article L. 232-21 est contestée au regard des dispositions de l'article 34 relatives à la détermination par le législateur des règles concernant les impositions de toute nature.
a) Les critiques adressées à la contribution des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, prévue au 1o du III de l'article L. 232-21, se heurtent à trois séries d'objections.
En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, la notion de régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse est dépourvue de toute ambiguïté et l'emploi de ce terme par la loi ne saurait entacher celle-ci d'incompétence négative. Au demeurant, et comme le relève d'ailleurs le recours, l'expression « régimes obligatoires de base » est employée par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Or, cet article est issu d'une loi organique que le Conseil constitutionnel a déclarée conforme à la Constitution.
En deuxième lieu, l'assiette de la participation de ces régimes au financement du fonds n'a rien d'aléatoire. En précisant, au 1o du III de l'article L. 232-21, que cette assiette est constituée des « sommes consacrées par chacun des ces régimes en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 », ce dernier article renvoie à la grille nationale, fixée par voie réglementaire, qui permet de classer les personnes âgées en fonction de leur perte d'autonomie, sur une échelle dite « GIR », allant de 1 à 6. Cette « photographie » de l'action des caisses en faveur de l'aide à domicile a pour objet de tenir compte du fait que la nouvelle allocation inclura ce type de dépenses au profit des personnes classées en GIR 4, à la différence de la prestation spécifique dépendance qui concernait les personnes classées en GIR 1 à 3. La référence ainsi faite par le 1o du III de l'article L. 232-21 exclut donc nécessairement, d'une part, les dépenses d'aide ménagère aux personnes classées en GIR 5 et 6, qui ne remplissent pas la condition de perte d'autonomie, d'autre part, les personnes classées en GIR 1 à 3, qui étaient exclues du bénéfice de l'aide ménagère, dès lors qu'elles bénéficiaient de la prestation spécifique dépendance.
Cette référence aux dépenses correspondantes de l'année 2000 permet de mesurer l'effort alors consenti par ces régimes et d'en prévoir le transfert, pour une part comprise entre la moitié et les trois quarts, au fonds de financement.
L'assiette de cette contribution, ainsi définie par la loi, est de l'ordre de 800 MF, soit moins de 0,1 % de l'ensemble des dépenses totales de ces régimes, qui dépassent 800 MdsF. L'apport des caisses de retraite sera donc situé entre 400 MF et 600 MF. Cet écart de 25 points (200 MF) entre les branches de cette fourchette constitue la marge d'appréciation normale qu'il convient de laisser au Gouvernement au regard de la contribution apportée par ailleurs par les caisses à la mise en place des équipes médico-sociales de proximité.
S'agissant enfin des règles de recouvrement applicable à cette catégorie de recette du fonds, l'absence de disposition particulière dans la loi signifie seulement que le législateur a entendu renvoyer aux règles de droit commun applicables au recouvrement des créances des établissements publics administratifs. On observera d'ailleurs que dans les nombreux précédents de prélèvements de cette nature, opérés sur un nombre limité d'établissements publics ou d'organismes privés chargés de missions de service public, la loi n'édicte généralement pas de règles particulières, analogues à celles dont on trouve le détail dans le code général des impôts ou le livre des procédures fiscales pour les impositions dues par les particuliers ou par les entreprises.
b) Quant à l'affectation au fonds de modernisation de l'aide à domicile, prévue au 2o du II de l'article L. 232-21, d'une fraction du produit de la CSG dont bénéficiera le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie en application du 2o du III du même article , elle ne saurait être utilement contestée sur le fondement des dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives à la détermination par le législateur des règles concernant les impositions de toute nature.
En effet, ce fonds de modernisation ne constitue, comme le précise le 2o du II de l'article L. 232-21, qu'une section spécifique du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il s'agit ici, non pas de déterminer le montant d'une imposition, mais de définir les conditions dans lesquelles les recettes de l'établissement public seront réparties entre ces différentes missions, au profit de celle qui correspond à l'aide apportée aux personnes âgées à domicile.
4. Enfin les autres moyens dirigés contre le nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles sont inopérants.
a) Celui qui se prévaut de l'objectif constitutionnel d'équilibre de la sécurité sociale déduit de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution repose sur un postulat erroné : contrairement à ce que suggère l'argumentation de la saisine, l'équilibre du Fonds de solidarité vieillesse, qui n'est pas lui-même un régime obligatoire de base mais l'un des organismes concourant à leur financement, au sens de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, ne correspond, en tout état de cause, à aucun objectif constitutionnel.
b) Quant au moyen tiré d'un prétendu principe fondamental reconnu par les lois de la République suivant lequel la CSG serait exclusivement affectée au financement de la sécurité sociale, il se heurte à la définition même de ces principes, qui postule nécessairement que l'on puisse les déduire de dispositions législatives antérieures au Préambule de 1946.
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En définitive, aucun des moyens invoqués n'est de nature à justifier la censure des dispositions contestées. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que les déclarer conformes à la Constitution.