Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de la défense,
Vu le code du travail ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu l'ordonnance no 59-147 du 7 janvier 1959 modifiée portant organisation générale de la défense, notamment son article 16 ;
Vu la loi no 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs et portant modification de la loi du 19 décembre 1917, notamment son article 8 ;
Vu la loi no 80-572 du 25 juillet 1980 modifiée sur la protection et le contrôle des matières nucléaires ;
Vu le décret no 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires ;
Vu le décret no 64-726 du 16 juillet 1964 modifié relatif aux attributions, à l'organisation générale et au fonctionnement du contrôle général des armées ;
Vu le décret du 22 janvier 1970 relatif à l'inspection des armements nucléaires ;
Vu le décret no 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié pris pour l'application de l'article 2 de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;
Vu le décret no 80-813 du 15 octobre 1980 relatif aux installations classées pour la protection de l'environnement relevant du ministre de la défense ou soumises à des règles de protection du secret de la défense nationale ;
Vu le décret no 81-512 du 12 mai 1981 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires ;
Vu le décret no 81-558 du 15 mai 1981 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires dans le domaine de la défense ;
Vu le décret no 94-1033 du 30 novembre 1994 relatif aux conditions d'application de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, aux opérations, travaux ou activités concernant des installations ou des enceintes relevant du ministre de la défense ou soumis à des règles de protection du secret de la défense nationale, modifié par le décret no 95-540 du 4 mai 1995 ;
Vu le décret no 96-520 du 12 juin 1996 portant détermination des responsabilités concernant les forces nucléaires ;
Le Conseil d'Etat (section des finances) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Art. 1er. - Le ministre de la défense et le ministre chargé de l'industrie définissent la politique de sûreté nucléaire relative aux installations et activités nucléaires suivantes :
1o Installations nucléaires de base secrètes, mentionnées à l'article 17 du décret du 11 décembre 1963 susvisé ;
2o Systèmes d'armes conçus ou adaptés pour mettre en oeuvre une arme nucléaire et navires militaires à propulsion nucléaire, dénommés ci-après « systèmes nucléaires militaires » ;
3o Sites et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense, dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie ;
4o Transport des matières fissiles ou radioactives à usage militaire.
Ils fixent les exigences de sûreté nucléaire auxquelles ces installations et activités doivent satisfaire en tenant compte, dans le cas des systèmes d'armes et des navires à propulsion nucléaire, de leurs différentes situations et configurations de mise en oeuvre.
Ils fixent la réglementation de sûreté nucléaire et notamment la réglementation technique générale applicable à ces installations et activités.
Ils veillent à ce que soient prises les dispositions propres à assurer la protection des personnes et des biens contre les dangers, nuisances ou gênes résultant de la création, du fonctionnement et de l'arrêt des installations, ainsi que des activités couvertes par le présent décret.
Ils s'assurent en particulier :
a) Du respect de la réglementation prévue pour assurer la protection radiologique du public et du personnel ;
b) De la prévention et du contrôle des pollutions, nuisances et gênes de toute nature.
Art. 2. - I. - Il est créé, auprès du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie, un délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense. Ce délégué est nommé par décret, sur proposition conjointe du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie, pour une durée de cinq ans renouvelable.
Il est chargé d'étudier et de proposer aux ministres compétents la politique de sûreté nucléaire applicable aux installations et activités nucléaires définies à l'article 1 er du présent décret. Il en contrôle l'application. Il leur propose également, en tenant compte des spécificités propres aux activités intéressant la défense, toute adaptation de la réglementation de sûreté nucléaire qu'il juge nécessaire.
Pour ces mêmes installations et activités, il propose des dispositions techniques relatives à la protection contre les rayonnements ionisants. Il donne en ce domaine son avis sur toute adaptation de la réglementation qu'il juge nécessaire pour tenir compte des spécificités propres aux activités intéressant la défense.
Pour l'application du présent article , il établit des échanges réguliers d'informations avec les autorités responsables de la sûreté nucléaire et de la radioprotection des installations civiles soumises au régime général.
Il rend compte au ministre de la défense et au ministre chargé de l'industrie de la sûreté nucléaire des installations et activités relevant de leurs compétences respectives, de leur création jusqu'au terme de leur démantèlement ou de leur déclassement. Il rend compte également de l'ensemble de son action et de ses constatations, dans l'exercice de ses attributions en matière de radioprotection. A ce titre, il remet au ministre de la défense et au ministre chargé de l'industrie un rapport annuel sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de ces installations et activités. Il leur fait des propositions relatives à l'information du public en ces domaines.
Le délégué est notamment chargé :
1o De proposer au ministre de la défense et au ministre chargé de l'industrie la réglementation de sûreté nucléaire ;
2o De contrôler l'application de la réglementation de sûreté nucléaire en faisant procéder à l'inspection de ces installations et activités ;
3o De contrôler la pertinence des dispositions techniques prises dans le cadre de la protection contre les rayonnements ionisants ;
4o De contrôler l'application de la réglementation relative aux sources radioactives dans les installations définies à l'article 1er du présent décret ;
5o D'instruire les demandes d'autorisation mentionnées aux articles 9 et 18 du présent décret, d'établir les prescriptions de sûreté nucléaire correspondantes et de donner son avis au ministre de la défense et au ministre chargé de l'industrie dans le cadre des procédures conduites au titre du présent décret ;
6o De proposer aux ministres compétents ou de prendre, dans la limite des délégations qui lui sont consenties, toute mesure de sûreté nucléaire et de radioprotection nécessaire, notamment pour prévenir les accidents ou incidents impliquant ces installations ou activités et d'en limiter les conséquences ;
7o De conduire des études prospectives et de proposer à chaque ministre compétent la réalisation d'enquêtes en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Sans préjudice de l'exercice des compétences générales de surveillance au sein des installations ou des enceintes relevant du ministre de la défense, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection exerce, à l'égard des installations et activités nucléaires relevant du ministre de la défense mentionnées à l'article 1er du présent décret, les compétences définies par les articles 2, 6 et 7 du décret du 30 novembre 1994 susvisé.
A l'intérieur du périmètre des installations nucléaires de base secrètes relevant du ministre de la défense, le délégué exerce les compétences définies par l'article 5 du décret du 15 octobre 1980 susvisé. Dans l'exercice de ces compétences, le délégué recueille l'avis des services du ministre de la défense compétents en matière de protection de l'environnement.
Le délégué peut recevoir délégation des ministres compétents pour signer en leur nom tout acte ou décision concernant l'application du présent décret, à l'exception des décrets, des décisions de mise en service des systèmes nucléaires militaires ainsi que des décisions ayant une incidence directe sur la disponibilité opérationnelle des forces nucléaires.
II. - Le délégué est assisté de deux adjoints, l'inspecteur des armements nucléaires, officier général, responsable des inspections et un adjoint, responsable de l'instruction des dossiers, nommé par le ministre chargé de l'industrie.
Il s'appuie sur l'avis de commissions techniques de sûreté nucléaire dont la composition, le fonctionnement et les attributions sont précisés, sur sa proposition, par les ministres compétents.
Il bénéficie du concours de personnel mis à sa disposition, notamment par le ministre de la défense et le ministre chargé de l'industrie et peut avoir recours à des experts de son choix, dont en particulier ceux de l'institut de protection et de sûreté nucléaire. Ce personnel et ces experts sont habilités au secret de la défense nationale et astreints au secret professionnel dans les conditions et sous les sanctions prévues par les articles 226-13 et suivants du code pénal, sans préjudice de l'application des dispositions prévues par les articles 413-9 et suivants du code pénal, réprimant les atteintes au secret de la défense nationale.
Art. 3. - Les inspections nécessaires à l'exercice des missions définies à l'article 2 du présent décret sont assurées sous la responsabilité de l'inspecteur des armements nucléaires. Celui-ci dirige l'action d'inspecteurs mis à la disposition du délégué notamment par le ministre de la défense et le ministre chargé de l'industrie.
Les inspecteurs contrôlent le respect de la réglementation de sûreté nucléaire applicable aux installations et activités nucléaires et des prescriptions contenues dans les autorisations de création ou imposées ultérieurement pour le maintien de la sûreté nucléaire.
Les inspecteurs contrôlent le respect de la réglementation de la radioprotection applicable aux installations et activités nucléaires, sans préjudice des inspections prévues par le code du travail. Cette mission de contrôle est exercée, s'il y a lieu, conjointement avec les agents chargés de l'inspection du travail en application des articles L. 611-1, L. 611-2 ou L. 611-4 du code du travail.
Ils contrôlent l'application des règles et des prescriptions et le suivi des mesures relatives aux effluents et à la gestion des déchets radioactifs et de leur impact, sans préjudice de l'application des règles existantes pour les contrôles effectués par les services de l'Etat compétents.
A l'intérieur du périmètre des installations nucléaires de base secrètes, ces inspecteurs sont chargés de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi que des installations, ouvrages, travaux et activités relatifs à l'eau.
Ils sont associés aux travaux des commissions techniques de sûreté nucléaire mentionnées à l'article 2 du présent décret.
Ils portent à la connaissance du délégué tout fait susceptible de mettre en cause la sûreté nucléaire de ces installations ou activités.
Art. 4. - Des commissions d'information sont créées respectivement par arrêté du ministre de la défense ou du ministre chargé de l'industrie pour les sites d'exploitation des installations nucléaires de base secrètes soumises au présent décret et pour les lieux habituels de stationnement des navires militaires à propulsion nucléaire.
Elles ont pour mission d'informer le public sur l'impact des activités nucléaires sur la santé et l'environnement.
Elles reçoivent les informations nécessaires à l'accomplissement de leurs missions de la part des représentants du ministre de la défense pour les installations nucléaires relevant de son autorité, des exploitants dans les autres cas, dans le respect des dispositions relatives aux secrets protégés par la loi.
Lorsqu'il existe, pour le même site, une commission locale d'information pour une installation nucléaire de base et une commission d'information pour une installation nucléaire de base secrète, ces deux commissions s'échangent toutes informations utiles et peuvent se réunir en formation commune.
Art. 5. - Les commissions d'information sont présidées par les préfets de département ou des personnalités qualifiées nommées par eux. Outre les représentants des services de l'Etat intéressés, elles comprennent des représentants :
1o Des intérêts économiques et sociaux, des associations agréées de protection de l'environnement et, sur leur demande, des collectivités territoriales ;
2o Du ministre de la défense pour les installations et activités relevant de son autorité ou des exploitants dans les autres cas.
Les représentants du ministre de la défense ou de l'exploitant, selon les cas, transmettent à ces commissions un bilan annuel de la sûreté nucléaire du site, des risques d'origine radiologique et des rejets produits par l'installation, ainsi que des mesures prises pour en réduire les impacts.
Art. 6. - I. - Le classement en installation nucléaire de base secrète est décidé par le Premier ministre sur proposition du ministre de la défense ou du ministre chargé de l'industrie pour leurs installations respectives.
Ce classement est prononcé lorsqu'une au moins des installations comprises dans le périmètre, ci-après dénommée installation individuelle, présente les caractéristiques techniques définies par l'article 2 du décret du 11 décembre 1963 susvisé, intéresse la défense nationale et justifie d'une protection particulière contre la prolifération nucléaire, la malveillance ou la divulgation d'informations classifiées. Il est proposé par le ministre de la défense pour les installations nucléaires de base secrètes affectées à son département et par le ministre chargé de l'industrie pour les autres installations nucléaires de base secrètes.
II. - Les installations nucléaires de base secrètes sont définies par leur périmètre. En font partie l'ensemble des installations et équipements, nucléaires ou non, compris dans le périmètre défini par la décision de classement.
Art. 7. - Les attributions confiées à la commission interministérielle des installations nucléaires de base prévue par l'article 7 du décret du 11 décembre 1963 susvisé et définies par l'article 8 du même décret sont exercées, pour les installations relevant du présent décret, par la commission spéciale des installations nucléaires de base secrètes, dont la composition est fixée par un décret pris sur le rapport du ministre de la défense et du ministre chargé de l'industrie.
Art. 8. - La création d'une installation nucléaire de base secrète est soumise à autorisation. L'autorisation est délivrée, après avis de la commission spéciale des installations nucléaires de base secrètes, par décret pris sur le rapport du ministre compétent.
Ce décret n'est pas publié lorsque sa publication serait de nature à compromettre la protection des intérêts de la défense nationale.
Les demandes d'autorisation sont instruites par des personnes habilitées au secret de la défense nationale.
Art. 9. - I. - La demande d'autorisation de création d'une installation nucléaire de base secrète est adressée par le futur exploitant ou service utilisateur au ministre compétent.
La demande porte sur l'ensemble des installations individuelles comprises dans le périmètre mentionné à l'article 6 du présent décret.
A l'appui de la demande d'autorisation, sont soumis au délégué mentionné à l'article 2 du présent décret des rapports préliminaires de sûreté comportant la description de chaque installation individuelle et des opérations qui y seront effectuées, l'inventaire des risques de toutes origines qu'elles présentent et l'analyse des dispositions prises pour prévenir ces risques et des mesures propres à réduire la probabilité des accidents et de leurs effets.
II. - A la demande d'autorisation est joint un dossier comprenant les pièces suivantes :
a) L'identification du demandeur ou du service utilisateur ;
b) Une description et une analyse des fonctions et des opérations que doivent assurer les installations individuelles, accompagnées :
1o D'une carte au 1/25 000 situant le périmètre de l'installation nucléaire de base secrète et l'emplacement des installations individuelles ;
2o D'un plan de situation au 1/10 000 portant le périmètre et indiquant notamment les bâtiments avec leur affectation, les voies de chemin de fer, les voies publiques, les points d'eau, les canaux et cours d'eaux, les réseaux de transport d'énergie et de produits énergétiques ;
3o D'un plan détaillé des installations individuelles au moins à l'échelle de 1/2 500 ;
c) Un document donnant les caractéristiques de l'installation nucléaire de base secrète et de son fonctionnement et exposant, à partir des principes énoncés dans les rapports préliminaires de sûreté des installations individuelles, les mesures prises pour faire face aux risques qu'elle présente et limiter les conséquences d'un accident éventuel. Ce document précise les dispositions destinées à faciliter le démantèlement des installations individuelles ;
d) Une étude d'impact sur l'environnement dont le contenu est identique à celui prévu par l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 susvisé.
Art. 10. - I. - Le décret d'autorisation de l'installation nucléaire de base secrète précise le périmètre de cette installation, la nature et la fonction des installations individuelles, ainsi que les prescriptions générales auxquelles doit se conformer le titulaire de l'autorisation, sans préjudice de l'application de la réglementation technique générale prévue par l'article 1er du présent décret et de l'application des polices administratives au titre des décrets susvisés du 15 octobre 1980, du 30 novembre 1994 et du 4 mai 1995.
Il détermine notamment les justifications particulières que le détenteur de l'autorisation doit présenter au délégué aux étapes successives de la construction, de la mise en service, de l'arrêt définitif et du démantèlement des installations individuelles.
Il prévoit la transmission au préfet des éléments lui permettant d'établir le plan particulier d'intervention relatif à l'installation nucléaire de base secrète.
Il désigne le titulaire de l'autorisation.
II. - Le titulaire de l'autorisation soumet au délégué, six mois au moins avant la date prévue pour le premier chargement en combustible d'un réacteur ou pour la mise en oeuvre d'un faisceau de particules ou de substances radioactives :
1o Un rapport provisoire de sûreté comportant en particulier les éléments permettant de s'assurer de la conformité de la réalisation avec les prescriptions prévues par le décret d'autorisation ;
2o Les règles générales d'exploitation à observer au cours de la période antérieure à la mise en service pour assurer la sûreté de l'exploitation ;
3o Un plan d'urgence interne précisant l'organisation et les moyens à mettre en oeuvre sur le site en cas d'accident.
III. - Le décret d'autorisation de création fixe les délais dans lesquels les installations individuelles sont mises en exploitation ou en service.
IV. - Lorsqu'une installation individuelle est créée postérieurement au décret d'autorisation de création de l'installation nucléaire de base secrète en respectant les prescriptions générales, sont transmis au délégué :
1o Six mois au moins avant le début de la construction, les rapports préliminaires de sûreté prévus par le troisième paragraphe du I de l'article 9 du présent décret ;
2o Une mise à jour du dossier mentionné au II de l'article 9 du présent décret.
L'autorisation de création de l'installation individuelle nouvelle est accordée par arrêté du ministre compétent. Cet arrêté fixe les délais dans lesquels les installations individuelles doivent être mises en exploitation ou en service.
Art. 11. - Avant la mise en service définitive de chaque installation individuelle, le détenteur de l'autorisation soumet au délégué un rapport définitif de sûreté ainsi qu'une mise à jour des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne de l'installation nucléaire de base secrète.
Si une installation individuelle n'est pas mise en service dans le délai fixé au III ou au IV de l'article 10 du présent décret, une nouvelle autorisation, délivrée dans les mêmes formes, est nécessaire sauf prorogation de l'autorisation initiale. Les conditions de la prorogation sont définies par décrets pris sur le rapport des ministres compétents.
Art. 12. - La modification du périmètre d'une installation nucléaire de base secrète est soumise à une nouvelle décision de classement délivrée dans les formes et conditions prévues à l'article 6 du présent décret.
Un nouveau décret d'autorisation de création, délivré dans les formes et conditions prévues aux articles 8 à 11 du présent décret, est pris :
1o Lorsqu'une installation nucléaire de base secrète change d'exploitant ;
2o Lorsqu'à une installation nucléaire de base secrète sont projetées des modifications de nature à entraîner l'établissement de nouvelles prescriptions générales.
Art. 13. - I. - Le ministre compétent est avisé et le délégué informé de toute modification envisagée des installations individuelles, de nature à entraîner une mise à jour des rapports de sûreté, des règles d'exploitation ou du plan d'urgence interne de l'installation nucléaire de base secrète.
II. - Le ministre compétent peut à tout moment faire procéder au réexamen de la sûreté de tout ou partie de l'installation nucléaire de base secrète et, en fonction des résultats de ce réexamen, soumettre la poursuite de l'exploitation à son autorisation ou à l'intervention d'un nouveau décret.
III. - Sans préjudice de l'application des mesures prévues par les règlements en vigueur, tout accident ou incident, nucléaire ou non, ayant ou pouvant avoir des conséquences sur la radioprotection ou la sûreté de l'installation nucléaire de base secrète, est déclaré au délégué et au ministre compétent selon les instructions particulières de ce dernier.
IV. - Le ministre compétent prend, en cas d'urgence, toute mesure de nature à faire cesser le trouble et à assurer la sécurité, notamment par suspension du fonctionnement de l'installation.
Art. 14. - Lorsque le détenteur de l'autorisation prévoit, pour quelque raison que ce soit, la mise à l'arrêt définitif d'une installation individuelle, il en informe le délégué et lui adresse :
1o Un document définissant et justifiant l'état choisi pour l'installation après son arrêt définitif et, le cas échéant, les phases de son démantèlement ultérieur ;
2o Un rapport de sûreté applicable aux opérations de mise à l'arrêt définitif et les dispositions permettant d'assurer la sûreté de l'installation ;
3o Les règles générales de surveillance et d'entretien à observer pour l'application des règles relatives à la radioprotection et le maintien d'un niveau satisfaisant de sûreté ;
4o Une mise à jour du plan d'urgence interne au périmètre dans lequel l'installation nucléaire de base secrète est située.
La mise en oeuvre de ces dispositions est subordonnée à leur approbation par le ministre compétent ou par le délégué agissant par délégation.
Art. 15. - La décision mettant fin au classement d'une installation nucléaire de base secrète est prise dans les formes prévues à l'article 6 du présent décret. Lorsque ce déclassement ne s'applique qu'à une ou plusieurs installations individuelles, le périmètre de l'installation nucléaire de base secrète est modifié en conséquence.
Chaque installation individuelle relevant de la compétence du ministre de l'industrie répondant à la définition de l'article 2 du décret du 11 décembre 1963 susvisé, ainsi déclassée, fait l'objet d'une autorisation de création dans les formes prévues par l'article 3 de ce décret sans enquête publique. Les étapes ultérieures du fonctionnement de chacune de ces installations sont régies par ce décret.
Les installations nucléaires de base secrètes existant antérieurement à la publication du présent décret sont soumises à ses dispositions, à l'exception de celles relatives à l'autorisation de création. Les prescriptions générales de ces installations sont établies par décision du ministre compétent.
Art. 16. - Pour l'application des décisions de réalisation d'un nouveau type de système nucléaire militaire, les prescriptions nécessaires à la sûreté nucléaire et à la radioprotection sont approuvées par décision du Premier ministre prise sur le rapport du ministre de la défense, après avis du délégué. La mise en service d'un système nucléaire militaire respectant ces prescriptions est décidée par le ministre de la défense. Ces décisions peuvent ne pas être publiées.
Art. 17. - Lorsqu'est prévue la réalisation d'un nouveau type de système nucléaire militaire, le ministre de la défense fixe les délais dans lesquels chaque système de ce type doit être mis en service.
Dans la conduite des programmes, le ministre de la défense et le ministre chargé de l'industrie définissent les conditions permettant d'assurer la protection radiologique des personnes et la sûreté nucléaire des systèmes d'armes d'un même type. Le ministre de la défense détermine les justifications correspondantes que les services doivent présenter au délégué avant chaque étape de la conception, de la réalisation et de la mise en service, puis au cours de l'exploitation des systèmes de ce type.
Après avis du délégué, le ministre de la défense fixe par arrêté la répartition des responsabilités de sûreté nucléaire entre ses services, au cours de chacune de ces étapes, en précisant les dispositions à prendre pour garantir la sûreté nucléaire lors des transferts de ces installations et systèmes entre les services.
Il transmet également aux préfets intéressés des éléments leur permettant d'établir le plan particulier d'intervention relatif aux lieux où le stationnement habituel de ces systèmes sera autorisé.
Art. 18. - Dès le début de la phase de conception du premier système du type, les services désignés par le ministre de la défense font connaître au délégué l'organisation des programmes d'armement et la démarche retenue pour assurer la protection radiologique des personnes ainsi que pour acquérir et démontrer la sûreté nucléaire de ce type de systèmes.
Ils établissent la demande d'autorisation de réalisation d'un type nouveau de systèmes nucléaires militaires.
En vue de soumettre cette demande au Premier ministre, ils constituent un dossier exposant les dangers inhérents à ce type de systèmes, analysant les risques qu'il présente et proposant les dispositions à prendre pour prévenir tout accident et en limiter les effets éventuels.
Ce dossier comprend :
1o Un rapport préliminaire de sûreté ;
2o Les prescriptions de sûreté nucléaire et de radioprotection auxquelles devront se conformer les services dans l'exploitation des systèmes de ce type ;
3o Les études de site et d'impact sur l'environnement et les populations, relatives à leurs lieux habituels de stationnement.
Le rapport préliminaire de sûreté comprend lui-même un descriptif du système nucléaire militaire et de ses conditions de mise en oeuvre, une description des mesures envisagées pour garantir la sûreté nucléaire dans les différentes situations de cette mise en oeuvre, ainsi que les dispositions destinées à en faciliter le démantèlement.
Lorsque les lieux prévus pour le stationnement habituel de ces systèmes sont proches d'une installation nucléaire de base secrète, les études de site et d'impact sont complétées par l'étude des risques induits par cette proximité ; elles indiquent les mesures préventives correspondantes.
Art. 19. - Six mois avant la date prévue pour la première mise en oeuvre de matière nucléaire dans le premier système nucléaire d'un type donné, les services du ministre de la défense présentent au délégué :
1o Un rapport provisoire de sûreté comportant, en particulier, les justifications permettant de s'assurer de la conformité de la réalisation aux dispositions prévues dans le dossier dont la composition est définie à l'article 18 du présent décret ;
2o Les règles générales d'exploitation à observer pour garantir la sûreté nucléaire de l'exploitation et la protection radiologique des personnes au cours de la période précédant la mise en service ;
3o Les plans d'urgence précisant l'organisation et les moyens à mettre en oeuvre en cas d'accident.
Pour les réacteurs nucléaires de propulsion navale, dans les six mois qui suivent le premier chargement de combustible, le rapport provisoire de sûreté est complété des dispositions adoptées pour tenir compte des écarts éventuels constatés et acceptés entre la définition et la réalisation des installations.
Avant la mise en service du premier système nucléaire d'un type donné, ces services adressent au délégué :
a) Une mise à jour du rapport provisoire de sûreté tenant compte notamment des compléments d'études et des résultats des essais ;
b) Une mise à jour des règles générales d'exploitation ;
c) Une mise à jour des plans d'urgence.
Deux ans au plus tard, après la mise en service, ils lui adressent le rapport définitif de sûreté intégrant les enseignements tirés de l'exploitation du système. Les enseignements ultérieurs, tirés des différentes phases de vie du système, notamment des opérations majeures de maintenance, y sont intégrés au fur et à mesure de leur acquisition.
Art. 20. - Six mois avant la date prévue pour la première mise en oeuvre de matière nucléaire dans les systèmes suivants du même type, les services du ministère de la défense fournissent au délégué un dossier de sûreté nucléaire justifiant de leur conformité au premier système du type et précisant, le cas échéant, les mises à jour des documents précités rendues nécessaires par les évolutions matérielles de ces systèmes, par les changements de leurs conditions d'emploi ou de leurs lieux habituels de stationnement, ainsi que du fait d'exigences nouvelles en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Art. 21. - Les services du ministère de la défense informent le délégué de tout projet de modification ou de tout événement de nature à mettre en cause les analyses de sûreté nucléaire d'un système ou d'un type de système. Ils tiennent à jour les rapports de sûreté nucléaire, les règles et prescriptions d'exploitation et les plans d'intervention. Ces mises à jour sont approuvées par le délégué.
Lorsque ces modifications ou les événements survenus sont de nature à remettre en cause la décision de mise en service du système concerné, le service responsable de l'exploitation soumet au délégué la procédure conduisant, le cas échéant, à un nouvel examen de la sûreté nucléaire, voire au renouvellement de la décision de mise en service.
Le stationnement occasionnel d'un système nucléaire militaire en dehors d'un site habituel, sur le territoire national, donne lieu à des études spécifiques de sûreté nucléaire et de radioprotection, soumises à l'avis du délégué. Si nécessaire, des prescriptions particulières sont décidées par le ministre de la défense, sur proposition du délégué.
Art. 22. - Le ministre de la défense prend les décisions de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement des systèmes nucléaires militaires. Il en approuve les modalités de mise en oeuvre, après avis du délégué. Il désigne les autorités responsables des différentes phases de ces opérations.
Lorsque le retrait du service ou la mise à l'arrêt définitif du premier système d'un type sont prévus, les services compétents du ministère de la défense en informent le délégué. Ils lui fournissent :
1o La définition de l'état choisi pour ces systèmes après leur arrêt définitif et lors des phases successives de leur démantèlement ;
2o Un rapport de sûreté spécifique pour les opérations correspondantes ;
3o Les règles générales de sûreté nucléaire et de radioprotection à observer au cours de ces différentes phases.
La mise à l'arrêt définitif de chacun des autres systèmes relevant du même type est déclarée au délégué par les services concernés du ministère de la défense. Elle donne lieu à la transmission des mêmes documents modifiés, le cas échéant, notamment pour prendre en compte les enseignements de l'expérience d'arrêt des premiers systèmes du même type.
Art. 23. - Les systèmes nucléaires militaires existant antérieurement à la publication du présent décret sont soumis à ses dispositions dans un délai de deux ans. Les autorisations de réalisation et les décisions de mise en service déjà délivrées n'ont pas à être renouvelées.
Art. 24. - Les sites d'expérimentations nucléaires du Pacifique conservent le statut d'installations nucléaires intéressant la défense au sens des décrets des 12 et 15 mai 1981 susvisés. Ils font l'objet de mesures de surveillance radiologique et géomécanique.
Cette surveillance est réalisée selon des modalités arrêtées par le ministre de la défense.
Le délégué est chargé de s'assurer du suivi radiologique de ces sites, d'apprécier l'évolution de leur état géomécanique et de soumettre au ministre de la défense toute proposition visant à adapter, le cas échéant, la réglementation technique de sûreté nucléaire et de radioprotection aux spécificités de ces sites.
Art. 25. - Le délégué prête son concours aux services compétents de l'Etat pour assurer la surveillance en matière de protection de l'environnement, de sûreté nucléaire et de radioprotection des sites et installations d'expérimentations nucléaires intéressant la défense dont la liste est fixée par l'arrêté prévu à l'article 1er du présent décret.
Art. 26. - En ce qui concerne les transports de matières fissiles et radioactives intéressant la défense effectués sous la responsabilité du ministre de la défense ou du ministre chargé de l'industrie, le délégué exerce les attributions prévues par l'article 2 du présent décret. Il est, à ce titre, l'autorité compétente au sens de la réglementation des transports de matières dangereuses.
Art. 27. - Les responsables de l'exploitation d'installations ou d'activités nucléaires mentionnées à l'article 1er du présent décret sont tenus de déclarer sans délai au délégué tout incident ou accident nucléaire ou non, ayant ou risquant d'avoir des conséquences notables sur la sûreté des installations ou des activités ou de porter atteinte, par exposition aux rayonnements ionisants, aux personnes ou à l'environnement.
Lorsque survient un tel incident ou accident mettant en cause la sûreté nucléaire ou la radioprotection, le responsable précité en informe les préfets intéressés selon les modalités définies respectivement par arrêtés pris par le ministre de la défense ou le ministre chargé de l'industrie.
Le délégué ou, en cas d'empêchement, l'un de ses adjoints, propose aux ministres concernés ou fait adopter, en application de l'article 2 du présent décret, les mesures destinées à restaurer la sûreté nucléaire.
Art. 28. - Le décret no 99-873 du 11 octobre 1999 relatif aux installations nucléaires de base secrètes est abrogé.
Art. 29. - L'article 17 du décret du 11 décembre 1963 susvisé est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 17. - Les installations nucléaires de base intéressant la défense nationale, classées secrètes par le Premier ministre sur proposition du ministre de la défense ou du ministre chargé de l'industrie, cessent d'être soumises, à compter de la décision de classement, aux dispositions du présent décret. »
Art. 30. - Le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de la défense, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 5 juillet 2001.