J.O. Numéro 172 du 27 Juillet 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 11557

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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à la chasse


NOR : CSCX0004256X


La loi relative à la chasse, adoptée le 28 juin 2000, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés. Les requérants estiment que plusieurs dispositions de ce texte ne sont pas conformes à la Constitution. Ils invoquent, à cette fin, six séries de moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur le respect des règles régissant
le droit d'amendement
A. - L'article 3 de la loi déférée a pour objet d'encadrer la réintroduction volontaire de prédateurs en vue de contribuer à la conservation d'une espèce menacée d'extinction. Il impose la réalisation d'une étude, la consultation des collectivités territoriales ainsi que l'organisation d'un débat public. Il comporte également des dispositions tendant à assurer la sécurité des personnes et des biens.
Pour contester cet article , les auteurs de la saisine font valoir qu'il a été adopté en méconnaissance des règles régissant le droit d'amendement. Ils soulignent qu'il avait été adopté en termes identiques par les deux assemblées avant la réunion de la commission mixte paritaire et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'une modification en nouvelle lecture sans méconnaître l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale et les articles 34 et 45 de la Constitution. Les requérants estiment nécessaire de rétablir cet article dans sa rédaction précédemment adoptée en termes identiques.
B. - Ces critiques appellent les deux remarques suivantes.
En premier lieu, on rappellera que le fait de soumettre une disposition législative à la censure du Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 de la Constitution, ne peut aboutir, si la critique est fondée, qu'à la disjonction de l'article contesté. Contrairement à ce que semblent souhaiter les requérants, une éventuelle censure ne saurait avoir pour effet de le rétablir dans la version qui était la sienne à un stade antérieur de la procédure parlementaire.
En second lieu, le Gouvernement entend souligner qu'à la date à laquelle il a été présenté, l'amendement en cause était parfaitement conforme aux règles constitutionnelles qui encadraient alors la procédure parlementaire, telles qu'elles résultaient notamment de la décision no 98-402 DC du 25 juin 1998 pour les amendements adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire.
Cet amendement était, en effet, en relation directe avec une disposition introduite dans le texte avant cette réunion, puisqu'il s'agissait d'améliorer une rédaction qui, bien qu'adoptée par les deux assemblées, risquait, si elle était maintenue telle quelle, de soulever des difficultés d'application. Tel était le cas, en particulier, de la disposition prévoyant de recueillir le consente- ment des populations concernées par la réintroduction de ces animaux.
Par ailleurs, l'article 45 de la Constitution était jusque-là interprété comme consacrant le droit d'amender un texte en discussion, y compris en affectant des dipositions déjà votées dans les mêmes termes par les deux chambres. Fondée en particulier sur le refus du Conseil constitutionnel, depuis la décision no 78-97 DC du 27 juillet 1978, d'inclure les règlements d'assemblées parmi les normes auxquelles la loi est soumise, cette jurisprudence, marquée notamment par la décision no 86-221 DC du 29 décembre 1986, valait tant en cas d'échec de la commission mixte paritaire que dans l'hypothèse où le texte élaboré par elle est soumis à la discussion des assemblées.
Il se trouve cependant que, par sa décision no 2000-430 DC du 29 juin 2000, le Conseil constitutionnel a décidé de revenir sur l'interprétation qu'il avait jusque-là donnée de l'article 45, et d'interdire désormais que les dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire soient ensuite modifiées, sauf dans les cas où il s'agirait de mettre la disposition en conformité avec la Constitution, d'assurer la coordination avec d'autres textes en cours d'examen ou de corriger une erreur matérielle.
Le Gouvernement ne peut qu'en prendre acte.

II. - Sur l'exercice, par le Parlement,
de sa compétence en matière financière
A. - Deux dispositions de la loi déférée sont visées par des critiques fondées sur une atteinte aux règles régissant la « procédure parlementaire en matière financière », c'est-à-dire, en réalité, à la compétence du législateur en la matière.
La première concerne l'article 17, qui entend unifier les procédures annuelles afférentes au permis de chasser en fusionnant, par l'instauration d'un guichet unique, celles qui portent sur la délivrance du visa et sur sa validation annuelle. Est plus particulièrement en cause le XIII de cet article , qui modifie l'article L. 223-17 du code rural en renvoyant à la loi de finances le soin de fixer le montant et les conditions de recouvrement des redevances cynégétiques. Selon les requérants, cette disposition constitue une injonction méconnaissant l'initiative du Gouvernement en matière de lois de finances.
La seconde critique vise le VI de l'article 31, et plus précisément l'article L. 225-4 du code rural. Les auteurs de la saisine relèvent que le deuxième alinéa de cet article dispose que les taux des taxes de plan de chasse sont fixés par arrêté. Ce faisant, le législateur méconnaîtrait la compétence que lui attribue la Constitution, soit que l'on considère ces taxes comme des impositions, soit que l'on y voie des cotisations relevant des assemblées générales des fédérations de chasseurs.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. S'agissant de l'article 17, le législateur a entendu améliorer le régime juridique des redevances cynégétiques, prévues par l'article L. 223-16 du code rural et perçues lors de la validation du permis de chasser.
Comme le souligne notamment le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat annexé au procès-verbal de la séance du 20 juin 2000, le régime actuel, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat et à des arrêtés la fixation du montant de ces prélèvements, n'est pas satisfaisant, mais le législateur n'a pas estimé devoir remettre en cause, pour la campagne de chasse 2000-2001, les tarifs qui avaient été fixés sur cette base. Aussi a-t-il été jugé préférable de renvoyer à la loi de finances le soin de fixer le montant de ces redevances et les conditions de leur recouvrement.
Cette disposition ne saurait être interprétée comme une injonction méconnaissant les prérogatives du Gouvernement en la matière. Elle n'a pas non plus pour effet de dessaisir le législateur ordinaire de ses compétences en matière fiscale. Elle témoigne essentiellement de son intention de régler, à l'avenir, la difficulté qui a été mise en évidence au cours des débats, sans remettre en cause immédiatement les tarifs qui avaient été établis pour la prochaine campagne.
2. Quant aux dispositions de l'article 31, modifiant l'article L. 225-4 du code rural, elles sont, par elles-mêmes, sans effet sur celles du deuxième alinéa de cet article relatives à la fixation par arrêté du taux des taxes de plan de chasse.
En effet, le VI de l'article 31 que les auteurs de la saisine entendent faire déclarer contraire à la Constitution se borne, d'une part, à rendre les bénéficiaires d'un plan de chasse au sanglier redevables de cette taxe et à en fixer le plafond à 100 F pour cette catégorie de gibier, d'autre part, à réduire de 300 F à 200 F le plafond applicable à celle qui est due par cerf sika et par chevreuil, enfin à transférer le produit de ces taxes aux fédérations départementales des chasseurs. Ces dispositions ne touchent donc pas à celles du deuxième alinéa de l'article L. 225-4 qui renvoient aux ministres chargés de la chasse et du budget le soin de fixer, par arrêté, les différents tarifs.
En tout état de cause, et en admettant même que l'adoption du VI de l'article 31 puisse ouvrir la possibilité de remettre en cause la validité de l'article L. 225-4, celui-ci n'est pas contraire à la Constitution.
En premier lieu, on rappellera que la compétence que l'article 34 attribue au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant (cf. par exemple la décision no 99-423 DC du 21 décembre 1999). A cet égard, il convient de relever qu'en l'espèce la loi fixe elle-même le plafond de cette taxe pour chaque catégorie de gibier, et elle le fait à un niveau qui ne laisse au pouvoir réglementaire qu'une marge réduite. En outre, la loi définit clairement l'objet de cette taxe qui est, comme le précise le premier alinéa de l'article L. 225-4, « destinée à assurer une indemnisation convenable aux exploitants agricoles dont les cultures ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux ». Le montant retenu par arrêté ne peut donc qu'être fonction des besoins de financement découlant de ce mécanisme d'indemnisation.
En second lieu, il convient de souligner que, compte tenu de la nouvelle affectation qui lui est donnée (elle bénéficiera à des personnes morales de droit privé, et non plus à un établissement public administratif), la taxe en cause présente désormais les caractéristiques qui auraient permis l'institution d'une taxe parafiscale, au sens de l'article 4 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Son régime pourrait donc relever entièrement du pouvoir réglementaire en application de ce texte, sous la seule réserve que le Parlement en autorise la reconduction au-delà d'une année. Il serait donc paradoxal de reprocher en l'espèce au législateur de ne pas avoir complété le régime de ce prélèvement, au moment même où sa nouvelle affectation permettrait de s'affranchir de toute obligation au regard de l'article 34 de la Constitution.

III. - Sur les autres moyens mettant en cause
l'exercice de sa compétence par le législateur
A. - L'article 23 de la loi insère, dans le code rural, deux nouveaux articles relatifs aux règles de sécurité : l'article L. 224-13 entend prescrire l'observation de règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles ; l'article L. 224-14 confie à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les modalités.
Par ailleurs, l'article 32 crée un nouvel article L. 225-5 suivant lequel l'autorité administrative peut, après avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, fixer le nombre maximal d'animaux qu'un chasseur est autorisé à capturer dans une période déterminée sur un territoire donné.
Selon les députés, auteurs du recours, le législateur serait demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution en donnant au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive.
B. - Le Gouvernement estime, au contraire, que l'article 34 n'a pas été méconnu.
Il convient en effet de rappeler que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.
Or on est ici en présence de mesures de police, et le législateur n'est pas tenu d'énoncer les précisions qui, selon les requérants, font défaut. Il résulte en effet d'une jurisprudence traditionnelle que la mission constitutionnelle d'exécution des lois comporte le maintien de l'ordre, et en particulier de la sécurité. Issue de la décision du Conseil d'Etat du 8 août 1919, Labonne, cette thèse a été consacrée, sous la Ve République, par la décision no 87-149 L du 20 février 1987 rendue par le Conseil constitutionnel à propos, précisément, des dispositions du code rural relatives à la chasse. Cette décision met en évidence la distinction entre la police générale, qui appartient au Premier ministre sur l'ensemble du territoire et qu'il peut exercer sans aucune habilitation législative particulière, et la police spéciale, en particulier celle de la chasse, dont le principe doit être prévu par le législateur, dans la mesure où elle touche au droit de propriété.
C'est à chacune de ces deux catégories de polices que se rattachent les dispositions critiquées.
1. C'est, en effet, de la police générale que relève l'édiction de règles protégeant les personnes, qu'il s'agisse des chasseurs ou des tiers, dont la sécurité est susceptible d'être affectée par une activité dangereuse telle que le tir à balles. Suivant qu'elles concernent une commune, un département ou l'ensemble du territoire, ces règles peuvent, d'ores et déjà, être définies par arrêtés du maire, du préfet ou par décret du Premier ministre.
En adoptant l'article 23, le législateur a entendu marquer la nécessité d'une telle réglementation et prévoir, comme il lui était loisible de le faire, qu'en ce domaine le Premier ministre exercerait son pouvoir réglementaire par voie de décret en Conseil d'Etat. S'agissant de police générale, la Constitution ne lui faisait pas obligation d'en dire plus.
2. Le cadre constitutionnel dans lequel s'inscrit l'article 32 est un peu différent, dans la mesure où il s'agit ici de la police spéciale de la chasse, laquelle poursuit une finalité particulière de conservation du gibier.
C'est à ce titre que la loi prévoit déjà l'existence de plans de chasse, dont l'actuel article L. 225-1 du code rural dispose qu'ils fixent le prélèvement autorisé sur un territoire donné pendant une campagne de chasse en fonction de l'abondance du gibier. Pour les espèces soumises à ce régime, le tir des animaux n'est possible qu'en conformité avec le plan, et dans ses limites.
En faisant grief à la loi de donner au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive, les requérants se fondent sur une argumentation quelque peu paradoxale, dans la mesure où, en réalité, les dispositions critiquées ont pour objet et pour effet de renforcer l'encadrement, par le législateur, de l'exercice de la police de la chasse par l'autorité administrative.
La loi consacre expressément la possibilité de fixer des prélèvements maximaux autorisés, ce qui se déduisait en tout état de cause de la finalité de cette police. Il est d'autant plus paradoxal de contester l'article 32 sur le terrain de l'incompétence négative que le nouvel article L. 225-5 prévoit, non seulement l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat - qui pourra, par exemple, prévoir une contravention en cas de non-respect du prélèvement maximal autorisé - mais aussi un avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse. En outre, le législateur précise que les dispositions prises à ce titre devront prendre en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique.
C'est donc en vain qu'il est fait grief au législateur d'être resté en deçà de la compétence.

IV. - Sur le respect, par le législateur, des principes constitutionnels relatifs au droit de propriété et à la liberté des individus
A. - Selon les requérants, quatre dispositions mettent en cause ces principes.
Ils critiquent d'abord la formulation adoptée, à l'article 2 du texte déféré, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse. Selon eux, la troisième phrase du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, aux termes de laquelle la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété », porte en réalité atteinte à ce droit. Ils estiment que les usages ainsi visés sont eux-mêmes l'un des éléments du droit de propriété. Il s'agirait donc d'une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, faute de nécessité publique et d'indemnisation juste et préalable.
Les requérants contestent ensuite, sur le même fondement, ainsi que sur celui des articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, les dispositions du IV de l'article 14 qui définissent les conséquences de l'exercice du droit d'opposition ouvert par le 5o nouveau de l'article L. 222-10. Ils estiment que le législateur ne pouvait, sans porter une atteinte excessive à ces principes, prévoir, comme le fait le nouvel article L. 222-13-1, que cette opposition n'est recevable que si elle porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires ou copropriétaires en cause.
C'est également une atteinte excessive au droit de propriété qui résulterait, selon la saisine, de l'article 24 de la loi qui interdit la pratique de la chasse à tir un jour par semaine. Ce faisant, le législateur priverait le propriétaire de son droit de faire un libre usage de ses biens. De plus, les requérants estiment qu'aucune nécessité publique évidente ne justifie une telle mesure et relèvent qu'aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité n'est prévu.
Enfin, le droit de propriété serait méconnu par l'article 28 de la loi, dont le cinquième alinéa prévoit une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes. Cette disposition conduirait, selon eux, le propriétaire visé par l'obligation ainsi instituée, s'il n'est pas également propriétaire des plans d'eau situés à proximité de son installation, à pénétrer sur des terres sur lesquelles il ne dispose d'aucun droit.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère qu'aucune de ces dispositions ne méconnaît les principes invoqués.
Il convient à cet égard de souligner que les requérants se méprennent tant sur la portée des principes déduits de l'article 17 de la Déclaration de 1789 que sur la nature exacte des dispositions qu'ils critiquent.
S'agissant des principes, et s'il n'est pas douteux que le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, il est tout aussi constant que le législateur peut, sans prévoir une indemnisation préalable ni méconnaître l'article 17 de la Déclaration, en réglementer l'exercice en fonction de considération d'intérêt général (no 84-172 DC du 26 juillet 1984 ; no 85-189 DC du 17 juillet 1985 ; no 98-403 DC du 28 juillet 1998).
Dans toutes ces hypothèses - y compris, comme le souligne la décision no 98-403 en matière de réquisition - on se situe hors du champ des exigences posées par l'article 17 de la Déclaration, notamment en matière d'indemnisation préalable, pour le seul cas de privation du droit de propriété.
Compte tenu de cette jurisprudence, et eu égard à la nature exacte des dispositions contestées, l'argumentation des auteurs de la saisine est largement inopérante.
1. C'est évidemment en vain qu'ils invoquent l'article 17 pour contester la formulation adoptée, à l'article 2 de la loi déférée, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse : il résulte des termes mêmes du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, que si la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature », c'est aussi « dans le respect du droit de propriété ».
La formulation de ces principes ne saurait donc avoir pour effet de porter au droit de propriété une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789.
2. Cet article n'est pas davantage méconnu, non plus que les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, par les dispositions de l'article 14 relatives aux conséquences du droit, ouvert par la loi aux propriétaires dont les terrains sont inclus dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée, de s'opposer à l'exercice de cette activité sur leurs terrains.
D'une part, en effet, il n'y a, là encore, aucune privation du droit de propriété, au sens de l'article 17.
D'autre part, et compte tenu des finalités d'intérêt général poursuivies par ces associations, le législateur était fondé à soumettre à des conditions le droit d'opposition. Et dès lors que ce droit, fondé sur une objection de conscience, est ouvert aux personnes qui sont hostiles à la pratique de la chasse, il peut sembler cohérent que l'opposition porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires en cause.
Au demeurant, on observera qu'il ne résulte pas des termes du nouvel article L. 222-13-1, qui énonce cette règle, que seraient ainsi visées toutes les propriétés qu'une même personne peut posséder dans différentes communes du territoires national. Eu égard à l'objet de cette mesure, qui concerne la délimitation du périmètre d'une association communale déterminée, ainsi qu'à l'économie générale des dispositions dans lesquelles cet article s'insère, il est au contraire logique de l'interpréter comme ne visant que l'ensemble des terrains que les intéressés possèdent dans le ressort de l'association, c'est-à-dire dans la commune.
3. De même est-ce à tort que la saisine fait grief à l'article 24, relatif au jour de non-chasse, de ne pas reposer sur une nécessité publique évidente et de n'avoir prévu aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité.
Il résulte en effet de la jurisprudence rappelée plus haut qu'une telle disposition n'entre pas dans le champ des exigences posées, à cet égard, par l'article 17 de la Déclaration de 1789.
Par ailleurs, et dans la mesure où les requérants entendent soutenir que la mesure qu'ils contestent porte néanmoins une atteinte excessive au droit de propriété, cette argumentation n'est pas non plus fondée. En adoptant cette disposition, qui ne vise que la chasse à tir, le législateur a entendu tenir compte des risques que cette activité est susceptible de présenter pour les promeneurs, et en particulier pour les enfants. C'est dans ce but, qui correspond à des finalités d'intérêt général, que la loi a prévu de ménager dans la semaine une journée pendant laquelle tout risque est exclu. Ce faisant, le législateur a procédé, comme il lui appartient de le faire, à une conciliation équilibrée des différents intérêts en présence.
4. Enfin, le droit de propriété n'est pas non plus méconnu par les dispositions de l'article 28 de la loi prévoyant une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes.
En contrepartie de l'avantage que les propriétaires de postes fixes de chasse au gibier d'eau retirent de la proximité de plans d'eau, le législateur a entendu logiquement poser le principe de leur participation à leur entretien. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet de conduire ceux à qui elle s'adresse à violer le droit de propriété d'autrui. En particulier, sa mise en oeuvre peut prendre diverses formes et n'implique pas que les propriétaires de postes fixes soumis à cette obligation pénètrent sur des terres contre la volonté du propriétaire de celles-ci.

V. - Sur la conformité de la loi au principe
de la liberté d'association
A. - Dans la ligne des propositions contenues dans le rapport présenté au Premier ministre par M. Patriat, député, le projet de loi comportait un certain nombre de mesures tendant à redéfinir les missions des fédérations départementales des chasseurs. Au cours de la discussion parlementaire, d'autres dispositions allant dans le même sens ont été introduites.
C'est ainsi que les articles 10 et 12 ont prévu la création de fédérations régionales et d'une fédération nationale dont les statuts, comme le prévoit déjà l'article L. 221-4 du code rural pour les fédérations départementales, devront être conformes à un modèle adopté par le ministre chargé de la chasse. L'article 5 insère dans cet article L. 221-4 une disposition précisant les modalités de vote au sein des assemblées générales des fédérations départementales.
Par ailleurs, les paragraphes IV et V de l'article 7 définissent les types de contrôles qui s'exercent sur les fédérations. Il résulte ainsi de la nouvelle rédaction de l'article L. 221-6 du code rural que le représentant de l'Etat dans le département contrôle l'exécution des missions de service public auxquelles participent les fédérations départementales des chasseurs et approuve leurs budgets. L'article L. 221-7 précise qu'elles peuvent être soumises aux contrôles prévus par les articles L. 111-7 et L. 211-6 du code des juridictions financières. Elles sont également soumises au contrôle économique et financier de l'Etat.
Pour contester ces mesures, les auteurs du recours font valoir qu'elles donnent aux fédérations départementales des chasseurs, qui sont des associations, un statut et des modalités de fonctionnement contraires au principe fondamental de la liberté d'association. Ils critiquent, à cet égard, le principe de leur soumission à des statuts types, ainsi que les modalités de délégation de vote retenues par l'article 5.
Ils estiment également que les contrôles administratifs et financiers auxquels la loi soumet ces organismes sont excessifs et mettent en cause leur liberté de fonctionnement en portant une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'association. Ils reprochent en outre à la loi de ne pas avoir défini les modalités d'exercice de ces contrôles. Ils considèrent que le contrôle économique et financier de l'Etat, mentionné au V de l'article 7 et à l'article 12 de la loi, est dépourvu de base légale et porte gravement atteinte à la liberté d'association. Enfin, ils soutiennent que le contrôle a posteriori des fédérations des chasseurs par les chambres régionales des comptes et la Cour des comptes n'est pas justifié, dès lors que ces fédérations ne disposent pas de fonds publics ni de cotisations légalement obligatoires et ne bénéficient d'aucun avantage financier.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
Ils reposent en effet sur un postulat erroné, celui suivant lequel la liberté d'association, consacrée en tant que principe constitutionnel par la décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971, aurait nécessairement la même portée pour tous les groupements. En réalité, la liberté consacrée par cette jurisprudence revêt essentiellement un double aspect : le droit de constituer librement une association ; l'impossibilité d'instaurer un contrôle préalable à la déclaration de l'association, qui conditionne son accès à la capacité juridique.
Ces principes ne sont nullement en cause ici. Ils ne font pas obstacle à la définition d'un cadre juridique régissant des groupements qui, tout en étant créés par la loi et soumis à ses dispositions, relèvent à titre subsidiaire de la loi de 1901. De tels organismes sont donc d'une nature différente pouvant justifier, le cas échéant, un contrôle de l'autorité administraive. C'est pourquoi la décision du 16 juillet 1971 réserve expressément le cas des « mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations ». Au nombre de celles-ci figurent non seulement les associations reconnues d'utilité publique ou les congrégations mais aussi celles qui participent à des missions de service public.
Tel est précisément le cas des fédérations départementales des chasseurs. Elles se sont certes constituées, à l'origine, sous le seul régime de la loi de 1901. Mais ensuite leur rôle a évolué et elles ont fondamentalement changé de caractère à partir du décret du 25 août 1934 pris pour l'application de la loi du 28 février 1934, et surtout avec la loi du 28 juin 1941 qui leur a donné un statut législatif. Depuis ce texte, elles ont de plein droit la personnalité juridique, sans être soumises à la formalité de déclaration prévue par loi de 1901. Elles veillent à la répression du braconnage, à la constitution et à l'aménagement de réserves de chasse, et à la protection et à la reproduction du gibier. Ces associations collaborent ainsi à l'exécution d'un service public, comme le soulignait le Conseil d'Etat dans un arrêt Chevassier du 4 avril 1962, qui relevait également que leur président est nommé par un ministre et que leur activité et leur budget sont soumis au contrôle de l'administration.
Cette collaboration est également soulignée par la décision du Conseil constitutionnel, déjà citée, du 20 février 1987, qui juge en particulier que la fixation des conditions d'âge à remplir par les présidents de ces fédérations relève du pouvoir réglementaire.
Tel est le régime qui s'applique depuis longtemps aux fédérations départementales des chasseurs, et dont la conformité à la Constitution n'a jamais été mise en doute. Contrairement à ce que suggère l'argumentation des requérants, la loi ne change pas fondamentalement la nature de ce régime.
Mais dans la mesure où elle redéfinit leurs missions, notamment en les chargeant de l'indemnisation des dégâts de gibiers et en leur affectant des ressources fiscales, il est logique qu'en contrepartie des contrôles puissent être maintenus, voire renforcés, pour veiller au bon accomplissement des missions d'intérêt général et au bon emploi des fonds publics et cotisations obligatoires correspondants. La jurisprudence ayant déjà admis la possibilité d'un contrôle public de l'emploi des fonds recueillis par une association faisant appel à la générosité publique (no 91-299 DC du 2 août 1991), il doit en aller a fortiori de même pour les fédérations départementales des chasseurs, eu égard à la nature de leurs missions et de leurs ressources.
On relèvera, à cet égard, que la rédaction du nouvel article L. 221-6 marque bien que le contrôle du représentant de l'Etat défini par cet article porte sur « l'exécution des missions de service public auxquelles participent les fédérations départementales des chasseurs ». Il convient aussi d'observer que, dès lors que la loi pose le principe de dépenses obligatoires permettant de faire face à ces missions, un contrôle a priori s'avère particulièrement approprié.
De même est-il normal que - comme c'est traditionnellement le cas pour toutes les « catégories particulières d'associations », au sens de la décision précitée du 16 juillet 1971 - la loi impose que leurs statuts soient conformes à un modèle établi par l'autorité administrative.
S'agissant enfin du contrôle a posteriori exercé par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, il ressort clairement de l'article 7 de la loi déférée qu'il ne peut avoir à jouer que dans la mesure où les conditions fixées par les articles L. 111-7 et L. 211-6 du code des juridictions financières sont remplies. Or il résulte de la nouvelle rédaction que la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 a donnée à l'article L. 111-7 que ce contrôle peut s'exercer dès lors que l'organisme bénéficie du produit d'impositions, ce qui est désormais le cas des fédérations départementales des chasseurs. Quant à l'article L. 211-6 relatif au contrôle exercé par les chambres régionales des comptes, il ne peut trouver à s'appliquer que si les conditions qu'il prévoit, tenant à l'existence de concours financier provenant d'une collectivité territoriale, sont réunies.

VI. - Sur le respect du principe d'égalité
A. - L'article 28 de la loi insère dans le code rural un nouvel article L. 224-4-1 qui a pour objet d'autoriser la chasse de nuit dans un certain nombre de départements dans lesquels cette pratique présente un caractère traditionnel. Le législateur a entendu procéder lui-même à l'énumération des départements qui lui ont paru remplir cette condition, tout en ouvrant à un décret en Conseil d'Etat la possibilité de fixer la liste de cantons appartenant à d'autres départements, et dans lesquels cette pratique est également traditionnelle.
Pour critiquer cet article , les requérants soutiennent que d'autres départements répondent à ce critère, et qu'ainsi il a pour effet de traiter différemment des personnes placées dans la même situation, en méconnaissance de la jurisprudence relative au principe d'égalité.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
En dressant lui-même la liste des départements remplissant les conditions fixées par le législateur, celui-ci a exercé le pouvoir d'appréciation qui lui appartient. Il a entendu distinguer, d'une part, les départements dans lesquels il lui a semblé que cette pratique était traditionnelle sur l'ensemble de leur territoire et, d'autre part, des portions du territoire national ne se confondant pas nécessairement avec l'étendue d'un département, et dans lesquelles la même autorisation doit être accordée, dans la mesure où il s'avèrerait que la condition fixée par la loi serait remplie, d'où le renvoi à un décret pour compléter la liste.
Le Conseil constitutionnel, qui rappelle fréquemment dans ses décisions qu'il ne possède pas un pouvoir d'appréciation équivalent à celui du Parlement, peut d'autant moins suivre les requérants dans leur argumentation que celle-ci repose sur de simples affirmations, sans établir le caractère manifestement erroné en fait de la liste dressée par la loi.
En tout état de cause, il appartiendra au pouvoir réglementaire dont l'intervention est prévue de compléter cette liste, conformément au critère prévu par la loi et sous le contrôle du juge, en tenant compte de situations particulières comme celle qui préoccupe les auteurs du recours.