J.O. Numéro 16 du 20 Janvier 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 01010

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Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la réduction négociée du temps de travail


NOR : CSCL9903929X


Aux termes du cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Le huitième alinéa pose en outre le principe d'une participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail. C'est afin de donner un contenu plus concret aux objectifs constitutionnels ainsi énoncés qu'a été engagé un processus de réduction négociée du temps de travail.
La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est d'abord intervenue pour fixer une orientation, la réduction de la durée légale à 35 heures. Elle a retenu une méthode, la négociation. Elle a en outre institué des aides incitatives, sous forme d'exonérations de charges.
Les partenaires sociaux ont ainsi été appelés à définir eux-mêmes des solutions diversifiées pour mettre en place la réduc tion de la durée du travail, dans le cadre de nouvelles organisations du travail qui prennent en compte à la fois les besoins des entreprises et les aspirations des salariés en débouchant sur la création et la préservation d'emplois.
L'article 13 de la loi du 13 juin 1998 avait prévu l'intervention, après cette phase d'incitation et d'expérimentation à grande échelle, d'une seconde loi, afin de déterminer les conditions de la généralisation du processus, en s'inspirant du résultat des négociations. C'est ce que fait la loi relative à la réduction négociée du temps de travail, qui rénove le droit de la durée du travail, notamment en fusionnant les régimes de modulation, en clarifiant le dispositif du temps partiel, en précisant le régime de la rupture du contrat de travail en cas d'accord collectif de réduction du temps de travail et en soulignant le lien entre la réduction du temps de travail et la formation.
Tel est l'objet du texte que le Parlement a adopté le 15 décembre 1999, et qui a été déféré au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Leurs recours invoquent de nombreux moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :
I. - Sur l'exercice de sa compétence par le législateur
A. - Plusieurs dispositions de la loi font l'objet de critiques émanant tant des députés que des sénateurs requérants et mettant en cause, à divers titres, l'exercice de sa compétence par le législateur.
Ainsi, le IV de l'article 1er relatif à l'obligation de négocier sur la durée du travail avant l'établissement d'un plan social serait entaché d'imprécision en faisant obligation aux employeurs, à défaut de conclusion d'un accord, d'avoir engagé « sérieusement et loyalement » des négociations à cette fin.
Les sénateurs, auteurs du second recours, soutiennent ensuite que les dispositions des articles 3, 4 et 11 relatives à la durée annuelle du travail aboutiraient à modifier implicitement, dans des conditions incompatibles avec les exigences de clarté de la loi, les règles relatives aux jours fériés qui sont obligatoirement chômés.
Les députés requérants estiment en outre qu'est insuffisamment définie la distinction, introduite par l'article 17 relatif aux formations, entre celles qui assurent l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois et celles qui ont trait au développement de leurs compétences.
De surcroît, les parlementaires requérants estiment que le législateur a insuffisamment exercé sa compétence en adoptant le dispositif d'allégement des cotisations patronales figurant à l'article 19. La saisine des députés soutient que le XV de cet article ne définit pas suffisamment la notion de compatibilité entre les durées et horaires de travail pratiqué dans l'entreprise et les limites définies au I du même article . De leur côté, les sénateurs font valoir que les différentes dispositions de l'article 19 qui font état d'emplois créés ou préservés ne précisent pas s'il s'agit de créations brutes ou nettes. Ils considèrent aussi que le I et le XI de l'article 19 dessaisissent le Parlement de son pouvoir budgétaire en laissant aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier des dépenses publiques.
Enfin, les sénateurs, dans leur saisine, font valoir que le législateur a excédé ses pouvoirs à l'article 32, en enjoignant au Gouvernement de revaloriser le SMIC dans un délai maximum de cinq ans.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que le législateur a exercé sa compétence en conformité avec l'article 34 de la Constitution.
A titre liminaire, il convient d'observer que cette compétence se limite - qu'il s'agisse du droit du travail ou, pour les allégements de cotisations patronales, de celui de la sécurité sociale - à la détermination des seuls « principes fondamentaux ». Il ressort, à cet égard, de la décision no 98-401 DC du 10 juin 1998 qu'en ces matières la Constitution n'impose pas que le législateur fixe lui-même, dans les moindres détails, les règles dont il pose les principes. Non seulement la délimitation à laquelle procède l'article 34 laisse ainsi une large place à l'exercice du pouvoir réglementaire, mais, en outre, les dispositions du huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 conduisent également à ménager la possibilité, pour les partenaires sociaux, de déterminer eux-mêmes, par voie de négociation, certaines des règles relatives aux conditions de travail, et notamment à sa durée.
La décision précitée du 10 juin 1998 s'inscrit, à cet égard, dans le prolongement de la jurisprudence suivant laquelle la détermination des modalités concrètes de mise en oeuvre des principes constitutionnels, et notamment de celui qu'énonce le cinquième alinéa du Préambule, peut faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives (cf., par exemple, la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996).
De même faut-il rappeler que, contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants et à ce que connaissent d'autres systèmes juridiques, il n'est pas d'usage, en droit français, que le législateur fasse suivre chacun des termes qu'il emploie d'une définition précise : il appartient à tous ceux à qui la loi s'impose - et en dernière analyse aux juridictions, comme le leur prescrit le principe énoncé à l'article 4 du code civil - de l'appliquer en l'interprétant conformément aux règles jurisprudentielles qui gouvernent l'interprétation des textes législatifs.
Au regard de l'ensemble de ces principes, la loi n'encourt aucune des critiques qui lui sont adressées.
1o C'est d'abord en vain que le recours des députés invoque la prétendue imprécision du caractère « loyal et sérieux » des négociations préalables à la présentation d'un plan social, mentionné au IV de l'article 1er.
Le législateur a entendu imposer au chef d'entreprise une obligation préalable de négocier sans que, bien évidemment, les parties soient tenues d'aboutir. En précisant que ces négociations doivent revêtir un caractère « loyal et sérieux », la loi entend donner au juge, s'il est saisi, la possibilité de faire échec à des comportements abusifs qui consisteraient à faire de cette obligation une simple formalité accomplie sans aucune volonté d'aboutir. Le caractère loyal et sérieux des négociations sera alors apprécié par le juge au vu du comportement adopté par le chef d'entreprise au cours des négociations et reflétant une volonté effective de recherche d'un accord (organisation et conduite des réunions, échange d'informations propres à éclairer et à faciliter la négociation).
On observera en outre que le code du travail fait déjà appel à des notions comparables, notamment à l'article L. 122-14-3 qui confie au juge le soin d'apprécier le « caractère réel et sérieux » des motifs invoqués par l'employeur en cas de licenciement. Au demeurant, l'exigence posée par le IV de l'article 1er peut se réclamer du principe énoncé à l'article 1134 du code civil, suivant lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Ce principe général du droit des contrats trouve également application en matière de négociation des conventions ou accords collectifs, compte tenu des spécificités des relations professionnelles.
Les conséquences d'une éventuelle méconnaissance de cette obligation de procédure n'ont pas été explicitement abordées par le législateur, alors qu'il avait prévu expressément la nullité de la procédure de plan social en cas d'absence en son sein d'un plan visant au reclassement de salariés, dans le cadre de l'article L. 321-4-1 du code du travail. On peut penser - sous réserve de l'interprétation souveraine qu'il appartiendra, le moment venu, à la Cour de cassation de donner du nouveau texte - qu'une action en référé fondée sur la méconnaissance de cette obligation préalable au plan social pourrait être introduite devant le juge compétent sur le terrain du trouble manifestement illicite, et conduire celui-ci à suspendre le cours de la procédure de plan social.
2o Le moyen relatif à l'incidence du seuil de 1 600 heures sur le chômage des jours fériés manque en fait.
On rappellera d'abord que l'article L. 222-1 du code du travail énumère les onze jours fériés légaux. Les règles concernant le chômage des jours fériés sont prévues par les conventions ou accords collectifs, de branche ou d'entreprise. L'article L. 222-5 impose seulement le chômage du 1er mai. Les autres jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1 ne sont chômés que pour autant que les conventions collectives ou les usages d'entreprises le prévoient.
Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, la loi déférée n'a ni pour objet ni pour effet de modifier ces règles. En effet, le seuil de 1 600 heures fixé par le nouvel article L. 212-8 introduit par l'article 8 constitue uniquement un seuil de déclenchement du régime des heures supplémentaires. La règle qu'il fixe est sans incidence aucune sur la situation des entreprises au regard du chômage des jours fériés.
Si aucune convention ou accord n'impose le chômage de ces jours, l'employeur conserve la faculté d'occuper son personnel pendant ces journées. Les heures travaillées pendant les jours fériés seront prises en compte pour calculer la durée annuelle travaillée par les salariés. Si le nombre d'heures travaillées dépasse au total 1 600 sur l'année, les heures accomplies au-delà de ce seuil seront soumises au régime des heures supplémentaires.
Il convient enfin de préciser que, dans le cadre hebdomadaire, les heures accomplies un jour férié sont prises en compte pour déterminer le nombre d'heures travaillées au cours d'une semaine donnée.
3o La notion d'« adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois » figurant à l'article 17 ne s'expose pas davantage aux critiques des requérants.
Cette notion renvoie en effet à la jurisprudence qui s'est développée dans le cadre du contentieux des licenciements pour motif économique. Par un arrêt en date du 25 février 1992, Société Expovit c./Dehaynain, la chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi posé le principe que « l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois ». La cour fait reposer ce principe sur l'obligation générale de loyauté dans l'exécution des contrats issue de l'article 1134 du code civil. Il s'ensuit que « la qualification contractuelle constitue la mesure de l'obligation de la formation patronale » (« Formation et adaptation dans la jurisprudence sociale », P. Gomez-Mustel, Droit social, 1999).
Relèvent ainsi de cette obligation les actions d'entretien et de perfectionnement des connaissances exigées par le poste (par exemple, l'emploi d'un nouveau logiciel) et, de manière plus générale, les actions de formation indispensables au maintien du salarié sur son poste de travail, compte tenu des modifications techniques affectant ou susceptibles d'affecter celui-ci. Le contenu de l'obligation mise à la charge de l'employeur est en effet apprécié par le juge au regard de l'objectif poursuivi : le maintien dans l'emploi occupé ou le reclassement du salarié, en cas de suppression de poste, sur un emploi compatible avec les capacités du salarié et ressortissant à sa qualification. En revanche, les actions de formation ayant pour objet l'acquisition d'une nouvelle qualification ou une promotion professionnelle ne relèvent en principe pas du devoir d'adaptation. Sont également exclues de son champ les actions de reconversion visant l'apprentissage d'un nouveau métier.
Le concept « d'adaptation », que le législateur a entendu inscrire dans le droit positif, permet ainsi de faire le partage entre les formations qui sont assimilées par la loi à du temps de travail effectif parce qu'elles découlent des obligations contractuelles de l'employeur à l'égard de ses salariés, et les autres types de formation qui dépassent le cadre de ces obligations.
4o Les critères d'attribution et de suspension des aides ne sont entachés d'aucune imprécision.
On rappellera, à titre liminaire, qu'il appartenait seulement à la loi de poser le principe de l'allégement ainsi que la nature des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de cette aide. C'est donc au décret qu'il appartiendra de fournir les précisions que les requérants reprochent à la loi de ne pas comporter. Si l'on s'en tient, comme il se doit, aux exigences que l'article 34 faisait peser, sur ce point, sur le législateur, le texte contesté y satisfait pleinement. Il le fait, en particulier aux paragraphes XV et XVI de l'article 19 de la loi qui définissent les motifs de nature à justifier la suppression ou la suspension de l'allégement ainsi que la procédure applicable.
L'économie de l'ensemble de ces dispositions conduit à distinguer les motifs se rattachant, d'une part, aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement et, d'autre part, au respect des engagements figurant dans la convention ou l'accord et relatifs à la durée du travail et à l'emploi.
a) Sur les motifs se rapportant aux conditions d'ouverture du bénéfice de l'allégement :
Le bénéfice de l'allégement est ouvert sur la base d'une déclaration de l'employeur adressée aux organismes de recouvrement des cotisations sociales (XI de l'article 19) et non sur la base d'une convention conclue entre l'employeur et l'Etat.
Dans ces conditions, il est logique que le législateur ait prévu que le bénéfice de l'allégement puisse être supprimé lorsque l'entreprise en a bénéficié, alors même qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions fixées par la loi.
Tel est le cas lorsque le bénéfice de l'allégement a été obtenu sur la base d'une fausse déclaration ou d'une déclaration comportant des omissions (dernier alinéa du XV de l'article 19).
De même, sur le fondement du second alinéa du XVI de l'article 16, le bénéfice de l'allégement pourra être supprimé en cas de non-conformité de l'accord. Cette référence à la conformité de l'accord renvoie aux termes mêmes du II de l'article 19 et à l'intention claire du législateur. Le II de l'article 19 dispose en effet que le bénéfice de l'allégement est subordonné à la conclusion d'une convention ou d'un accord conclu dans les conditions prévues aux V (accord d'entreprise conclu avec un délégué syndical), VI (accord d'entreprise conclu avec un salarié mandaté), VII (accord conclu avec des délégués du personnel). Ce faisant, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de l'allégement à la conclusion d'une convention ou d'un accord qui satisfasse aux conditions de droit commun de formation des accords collectifs mais également à des conditions spécifiques :
- en cas de conclusion d'un accord avec un délégué syndical, la loi subordonne le bénéfice de l'allégement au fait que l'accord soit signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, à défaut, approuvé par la majorité du personnel lors d'une consultation organisée à cet effet ;
- en cas de conclusion d'un accord d'entreprise par un salarié mandaté, cet accord doit, pour ouvrir droit à l'allégement, être approuvé par la majorité du personnel ;
- en cas de conclusion d'un accord avec des délégués du personnel, l'accord doit être approuvé par la majorité du personnel et validé par une commission paritaire pour ouvrir droit à l'allégement.
Si la convention ou l'accord n'a pas été conclu, approuvé ou validé conformément à ces dispositions, l'organisme de recouvrement des cotisations sociales, sur rapport du préfet ou, par délégation, du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, décidera de la suppression de l'allégement.
Ainsi, si la convention ou l'accord n'a pas été signé par une organisation syndicale majoritaire et qu'aucune consultation n'a été organisée, le bénéfice de l'allégement sera supprimé. Il en est de même lorsque la convention ou l'accord n'a pas été approuvé par la majorité du personnel ou, s'agissant des accords conclus avec les délégués du personnel, validés par une commission paritaire.
La suppression dans ces cas est justifiée dès lors que, ab initio, la convention ou l'accord ne satisfaisait pas aux conditions prévues aux paragraphes V, VI, VII et VIII. En revanche, la seule circonstance que ferait défaut dans l'accord l'une des clauses visées au 2 du III ou du 1 du IV n'est pas de nature à fonder une décision de suppression ou de suspension de l'allégement, l'absence desdites clauses pouvant être cependant invoquée devant le juge compétent au soutien d'une déclaration de nullité de l'accord, ce qui est sans incidence sur le droit à l'allégement.
b) Sur les motifs relatifs au non-respect des engagements souscrits dans l'accord en matière de durée du travail :
En premier lieu, la remise en cause de l'allégement peut provenir d'un non-respect des engagements souscrits en matière d'emploi. C'est ce que précise le troisième alinéa du III de l'article 19 qui énonce que l'allégement « est suspendu lorsque l'engagement en termes d'embauche prévu par l'accord n'est pas réalisé à compter de la réduction effective du temps de travail, sauf circonstances exceptionnelles ».
Cette disposition fonde un contrôle du respect des engagements prévus par la convention ou l'accord sans que l'administration puisse se faire juge de leur contenu, cette question relevant de l'appréciation des partenaires sociaux.
Il sera mis un terme à la suspension dès lors que l'entreprise aura procédé aux embauches prévues.
En second lieu, la remise en cause peut provenir du non-respect des engagements souscrits en matière de durée du travail. C'est ainsi que le XV de l'article 19 dispose : « Il l'allégement est suspendu lorsque les durées et les horaires de travail pratiqués dans l'entreprise sont incompatibles avec les limites définies au I. Il est par ailleurs suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent mentionné au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail. »
Aux termes du I de l'article 19 : « I. - Les entreprises qui appliquent un accord collectif fixant la durée collective du travail au plus soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année et s'engagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois bénéficient d'un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale. »
Il ressort de ces dispositions que les critères sur lesquels l'organisme chargé du recouvrement des cotisations sociales doit se fonder pour suspendre le bénéfice de l'allégement sont de deux ordres :
Le premier a trait aux durées et horaires de travail collectifs pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.
L'entreprise ayant conclu un accord fixant la durée du travail dans les limites fixées au I de l'article 19 doit prendre les mesures de nature à assurer le respect de ces limites, notamment en termes d'organisation. Le respect de cette obligation de résultat doit s'apprécier en confrontant la ou les durées du travail fixées dans l'accord et les durées et les horaires collectifs de travail « pratiqués » effectivement dans l'entreprise ou l'établissement. Ces durées et ces horaires doivent être compatibles avec les limites précitées. Tel n'est pas le cas lorsque les durées du travail collectives habituellement pratiquées sont manifestement contraires aux termes de la convention ou l'accord de travail. Le décret en Conseil d'Etat prévu au XVII de l'article 19 précisera que la notion d'incompatibilité doit s'apprécier dans ce sens.
Dans cette hypothèse, le bénéfice de l'allégement sera suspendu pour tous les salariés occupés selon les durées collectives en cause.
Le second critère a trait aux durées du travail des salariés pris individuellement.
Le deuxième alinéa du XV pose le principe que l'allégement doit être suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures dépassant le contingent prévu au premier alinéa de l'article L. 212-5-1 (130 heures par an).
Il en effet possible que dans une entreprise certains salariés, affectés à des tâches précises, de maintenance des installations par exemple, effectuent un nombre d'heures supplémentaires tel que le contingent au-delà duquel se déclenche le repos compensateur (à 100 % dans les entreprises occupant plus de 11 salariés et de 50 % dans les autres) soit dépassé. Dans ce cas, l'allégement doit être suspendu pour ces salariés.
Il résulte des termes de la loi que le non-respect des engagements souscrits dans l'accord, autres que ceux se rapportant aux embauches et à la durée du travail, n'est pas de nature à fonder une décision de suspension ou de suppression. Il appartient en effet, dans une telle hypothèse, aux organisations syndicales signataires de décider, le cas échéant, de dénoncer l'accord conclu. Le quatrième alinéa du XV de l'article 19 précise les conséquences d'une telle décision, qui est susceptible d'entraîner la suppression du bénéfice de l'allégement si, à l'expiration d'un délai de douze mois, aucun accord n'a été conclu et si l'autorité administrative constate que la durée collective dépasse les limites fixées au I de l'article 19.
Enfin, la loi définit de manière précise la procédure à laquelle sont soumises les décisions de suspension ou de suppression de l'allégement. Préalablement à ces décisions, l'autorité administrative - le préfet ou, par délégation, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - sera tenue d'établir un rapport. Sur ce point, on peut indiquer qu'il est envisagé de préciser, dans le décret, que l'employeur devra être informé par écrit des motifs de la décision envisagée au moins soixante jours avant que la décision de suspension ou de suppression n'intervienne. Au demeurant, et comme le Conseil constitutionnel vient de le rappeler dans sa décision no 99-424 DC du 29 décembre 1999, le respect des droits de la défense se serait, en tout état de cause, imposé à l'autorité administrative dans le silence de la loi.
c) Enfin, on saisit mal la portée utile du moyen tiré d'un prétendu dessaisissement du pouvoir budgétaire du Parlement. D'une part, en effet, le mécanisme d'aide repose, comme on l'a vu, sur un allégement de cotisations sociales, de sorte que sa mise en oeuvre n'a aucune incidence directe sur le budget de l'Etat. D'autre part, et en tout état de cause, il est de la nature même d'un régime d'aide dont le bénéfice est subordonné à certaines conditions prévues par la loi de se traduire ensuite par un coût plus ou moins important, suivant le nombre des candidats qui satisferont à ces conditions.
Si les requérants paraissent contester l'absence d'implication des pouvoirs publics ou de leurs représentants en amont de la conclusion des accords ouvrant droit à l'aide, il faut souligner qu'aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ce que des aides soient attribuées sur la base de déclarations dont la vérification est ensuite réalisée par les services compétents.
5o Quant au moyen tiré de ce que le Parlement aurait, à l'inverse, excédé ses pouvoirs en posant, au V de l'article 32, des règles relatives à la revalorisation du SMIC dans les cinq ans, il n'est pas davantage fondé.
S'il est clair, en effet, que le législateur peut se borner, au titre des principes fondamentaux du droit du travail, à fixer le principe d'un salaire minimum et à laisser au Gouvernement le soin d'en fixer le montant, il lui est également loisible d'encadrer davantage l'exercice de ce pouvoir pour une période déterminée. Rien n'interdisait donc au Parlement de décider, afin d'assurer l'équilibre du mécanisme de garantie prévu à l'article 32, que celle-ci deviendra sans objet avant le 1er janvier 2005, notamment par l'effet des mesures de revalorisation du SMIC.
Au demeurant, l'encadrement voulu par le législateur laisse au Gouvernement une marge de manoeuvre quant à l'échéancier des décisions de revalorisation du SMIC, propre à assurer la réalisation, d'ici à 2005, de l'objectif qui lui est assigné.

II. - Sur le respect de la liberté contractuelle
A. - Selon les auteurs des recours, plusieurs dispositions de la loi porteraient une atteinte excessive à la liberté contractuelle, en remettant indûment en cause les accords précédemment conclus, notamment ceux qui l'ont été sur le fondement de la loi du 13 juin 1998.
Tel serait le cas des dispositions de l'article 5 relatives, d'une part, au contingent annuel de 130 heures supplémentaires, d'autre part, aux sommes que les entreprises dans lesquelles sont effectuées des heures supplémentaires doivent verser à ce titre. La même atteinte résulterait de l'article 8, fixant à 1 600 heures par an le plafond annuel de la durée du travail, de l'article 11 relatif au régime applicable aux cadres, de l'article 17 permettant de compter certaines formations comme un travail effectif et de l'article 32 relatif à la garantie de rémunération.
Les requérants critiquent en outre le II de l'article 28 dont la rédaction, en accordant un délai d'un an pour la mise en conformité des accords antérieurs, reconnaîtrait ainsi que la loi bouleverse les conventions.
Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, ajoutent que cet article rompt l'équilibre des conventions antérieures en laissant subsister certaines clauses.
B. - Ces critiques procèdent d'une interprétation erronée, tant du dispositif contesté que du cadre constitutionnel s'imposant au législateur.
Sur ce dernier point, il faut d'abord rappeler que la liberté contractuelle n'a pas, par elle-même, valeur constitutionnelle. Il ressort à cet égard de la décision no 98-401 DC du 10 juin 1998, déjà citée, que le législateur peut en principe porter atteinte aux conventions et contrats antérieurement conclus, le Conseil constitutionnel ayant souligné que les incidences de la loi nouvelle sur les accords en cours sont « inhérentes aux modifications de la législation du travail ». La même décision précise toutefois que la loi ne peut porter à l'économie des conventions et contrats antérieurs « une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».
C'est en fonction de ces exigences que le Gouvernement a établi le projet de loi soumis au Parlement et que celui-ci s'est prononcé. Le texte adopté ne les méconnaît nullement : non seulement aucune atteinte d'une telle gravité n'est apportée par la loi aux accords antérieurs, mais surtout, la loi respecte en réalité les conventions et accords antérieurement conclus. Elle a entendu leur assurer une stabilité bien plus grande que celle qui aurait résulté des règles normales d'application des dispositions impératives de la législation du travail aux accords conclus avant son entrée en vigueur.
1o Contrairement, en effet, à ce qui a été parfois avancé au cours des débats, et à ce que prétendent les auteurs des saisines, la loi relative à la réduction négociée du temps de travail respecte, comme le Gouvernement s'y était engagé, les conventions et les accords qui ont été négociés dans le cadre de la loi du 13 juin 1998. Elle les conforte même.
a) En premier lieu, la loi donne une base juridique aux nouveaux dispositifs qui ont été négociés et qui, jusque-là, en étaient dépourvus.
Quatre types de dispositions répondent plus particulièrement à cet objectif :
- le décompte annuel, en heures ou en jours, du temps de travail pour les cadres (art. 11 de la loi) ;
- la mise en place d'une modulation individualisée des horaires (art. 8) ;
- la possibilité d'organiser des actions de formation pour partie sur le temps libéré par la réduction du temps de travail (art. 17) ;
- les nouvelles modalités d'alimentation et d'utilisation du compte épargne-temps (art. 16).
Sur ces différentes questions, il importe de souligner que, si la loi n'avait pas comporté les dispositions précitées, la validité des clauses des conventions et accords collectifs mettant en oeuvre ces dispositifs aurait pu être utilement contestée devant les tribunaux, dès lors que ces clauses étaient dépourvues de base légale lorsqu'elles ont été conclues.
b) En deuxième lieu, la loi valide et pérennise les accords organisant la réduction du temps de travail sous forme de jours, sur le mois ou l'année.
L'article 4 de la loi du 13 juin 1998 avait prévu cette forme de réduction, qui a été mise en oeuvre par 29 accords de branche et 48 % des accords de réduction du temps de travail conventionnés. L'article 9 de la nouvelle loi lui donne une base pérenne et le paragraphe II de cet article valide les accords déjà conclus.
A défaut de l'article 9, la validité des conventions ou accords ne satisfaisant pas à certaines des conditions prévues par le nouvel article L. 212-9 et qui sont susceptibles d'être rattachées à l'ordre public social - telles que la fixation du délai maximal dans lequel les journées ou les demi-journées de repos doivent être pris - pouvait être, le cas échéant, remise en cause par les tribunaux.
c) En troisième lieu, la loi sécurise les clauses des conventions et accords collectifs relatives au travail à temps partiel :
Le IX de l'article 12 prévoit expressément le maintien en vigueur de ces stipulations. Si la loi n'avait pas incorporé cette disposition, la validité des conventions ou accords ne satisfaisant pas à certaines des nouvelles conditions introduites par l'article L. 212-4-4 pouvait être, le cas échéant, remise en cause par les tribunaux. En effet, certaines de ces clauses sont susceptibles d'être rattachées aux dispositions impératives de l'ordre public social, par exemple, la nécessité de prévoir dans l'accord des contreparties dans le cas où le délai de prévenance que doit respecter l'employeur, en cas de modification de la répartition de la durée du travail stipulée au contrat du salarié entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, est fixé en deçà de sept jours.
d) En quatrième lieu, la loi sécurise les clauses des conventions et accords relatives à la formation.
Tel est l'objet du nouvel article L. 932-2 du code du travail, introduit par l'article 17, qui maintient en vigueur, pendant trois ans, les dispositions relatives à la formation négociées après la loi du 13 juin 1998, sous réserve du respect de l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de l'employeur et de l'initiative du salarié ou de son accord écrit. Au terme de cette période, les clauses correspondantes doivent être mises en conformité avec les dispositions de l'accord national interprofessionnel étendu. Le texte prévoit enfin qu'à défaut un nouveau cadre sera fixé par la loi.
Si l'article 17 n'avait pas été adopté, les règles normales d'application des lois sociales aux accords en cours auraient pu conduire les tribunaux à remettre en cause la validité des clauses des conventions ou accords collectifs ne répondant pas au cadre légal actuel défini par l'article L. 932-1 et l'accord interprofessionnel du 3 juillet 1991 relatif au « co-investissement ». On précisera que ce dernier accord limite, par exemple, la part des heures de formation effectuées en dehors du temps de travail à 25 % de la durée totale des formations et impose que cette durée dépasse 300 heures.
e) Enfin le I de l'article 28 comporte une disposition générale permettant de valider les accords qui ont été conclus.
En effet, la validité d'un accord s'apprécie au regard du cadre juridique existant à la date de sa signature. C'est pourquoi il était indispensable de sécuriser les accords conclus avant l'entrée en vigueur de la seconde loi, dans la mesure où ils peuvent comporter des clauses qui n'étaient pas conformes au droit alors en vigueur, mais qui sont conformes aux nouvelles dispositions de la loi.
Cette disposition permet d'éviter que soit utilement contestée, par exemple, la validité ab initio des clauses des conventions ou accords mettant en place un décompte en jours pour les cadres ou une modulation individualisée, alors que ces clauses n'avaient pas de base légale à la date de la conclusion de la convention ou de l'accord.
Le I de l'article 28 a donc pour effet de permettre la levée des réserves ou des exclusions que le ministère du travail avait été conduit à formuler, sur les sujets énumérés ci-dessus, dans le cadre de la procédure d'extension des accords de branche. Son adoption permet, par exemple, l'application des clauses qui avaient mis en place, sans base légale, un forfait annuel.
2o Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les paramètres fondamentaux négociés par les partenaires sociaux sont respectés.
a) Tel est le cas, en premier lieu, pour le niveau du contingent au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise pour faire effectuer des heures supplémentaires.
Il faut à cet égard préciser qu'il existe deux types de contingents d'heures supplémentaires :
- le premier est celui au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise pour effectuer des heures supplémentaires. Ce contingent est fixé à 130 heures par un décret pris en application de l'article L. 212-6. Une convention collective ou un accord de branche peut fixer un contingent inférieur ou supérieur.
Le résultat des négociations dans les 29 branches qui ont négocié sur cette question n'est nullement remis en cause par la loi ;
- le second contingent est prévu par l'article L. 212-5-1. C'est celui au-delà duquel chaque heure supplémentaire donne lieu à un repos compensateur de 100 % dans les entreprises de plus de 10 salariés et de 50 % dans les autres. Ce contingent est également fixé à 130 heures. En application du « principe de faveur », une convention collective peut fixer un seuil inférieur mais non supérieur.
Ce contingent reste fixé au même seuil. En réalité, la quasi-totalité des accords de branche conclus n'a traité que du contingent au-delà duquel l'autorisation de l'inspecteur du travail est requise. Un seul accord a explicitement visé le contingent au-delà duquel se déclenche le repos compensateur (accord applicable aux laboratoires d'analyse médicale), et doit, à ce titre, faire l'objet d'une exclusion dans le cadre de la procédure d'extension qui est en cours.
b) S'agissant, en deuxième lieu, de la durée annuelle du travail, la loi ne fait que reprendre le seuil de 1 600 heures retenu par la plupart des accords d'entreprise.
On précisera que seuls 14 % des salariés concernés par des accords de réduction du temps de travail ayant prévu une modulation sur l'année ont une durée supérieure à 1 600 heures. Leur durée est comprise entre 1 601 et 1 603 heures.
S'agissant des accords de branche, la grande majorité des accords a fixé la durée annuelle autour de 1 600 heures. Six branches ont fixé une durée comprise entre 1 600 et 1 610 heures (presse périodique régionale, grande distribution, télécommunication, intérim, bureaux d'études techniques et métallurgie). Seules 13 branches ont fixé un seuil largement supérieur, à 1 645 heures (ameublement, bâtiment, carrières et matériaux, chimie, combustible, imprimerie, matériaux de construction, meunerie, négoce de bois d'oeuvre, papier-carton, parcs de loisirs, parcs zoologiques et tuiles et briques). Toutefois, il convient dans chaque cas de déduire le nombre d'heures correspondant aux jours fériés chômés dans la profession.
Loin de remettre en cause les accords de modulation ainsi conclus, le V de l'article 8 a précisément pour objet de les sécuriser en prévoyant expressément le maintien en vigueur des stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail antérieurement applicables. Il prévoit toutefois que, à compter de la date à laquelle la durée légale du travail est fixée à 35 heures, les heures excédant une durée moyenne sur l'année de 35 heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1 600 heures, sont considérées comme des heures supplémentaires.
Là encore, les règles normales d'application de la loi nouvelle, et notamment celles relatives à l'applicabilité immédiate et de plein droit des dispositions impératives de l'ordre public social, auraient pu conduire à la remise en cause de ces stipulations par les tribunaux, si cette disposition n'avait pas été adoptée. Cela aurait pu affecter, en particulier, la validité des conventions ou accords ne satisfaisant pas à certaines des nouvelles conditions introduites par l'article L. 212-8, telles que la nécessité de prévoir dans l'accord des contreparties dans le cas où le délai de prévenance que doit respecter l'employeur, en cas de changement des horaires de travail, est fixé en deçà de sept jours.
Ainsi, et contrairement à ce que prétendent les requérants, tous les accords de modulation conformes au droit existant lors de leur conclusion sont validés, y compris ceux stipulant une durée annuelle supérieure à 1 600 heures. Pour les heures qui dépasseront le seuil annuel de 1 600 heures, elles seront soumises au régime des heures supplémentaires qui revêt un caractère d'ordre public, et auquel les conventions ou accords ne peuvent déroger que dans un sens favorable au salarié. L'obligation ainsi posée par l'article 8, et qui peut au demeurant se réclamer des exigences tirées de l'égalité devant la loi, ne porte, pas plus que les autres dispositions critiquées au nom de la liberté contractuelle, aucune atteinte excessive à la liberté proclamée par l'article 4 de la Déclaration de 1789.
c) En troisième lieu, la loi confirme également les dispositions spécifiques aux cadres.
Dans les accords signés sur la base de la première loi, le nombre de jours travaillés fixé dans le cadre d'un forfait en jours se situe, pour les cadres, entre 205 et 217. La loi reprend le seuil de 217.
3o En réalité, le législateur s'est simplement borné à ne pas valider - comme il lui était loisible d'en décider - trois types de clauses, parmi celles qui étaient contraires à l'ordre public social lorsqu'elles ont été conclues, et le demeureront après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi :
- les clauses relatives au repos dominical incluses dans certains accords ;
- les clauses excluant du temps de travail toute la formation, y compris la formation au poste de travail et à la sécurité ;
- s'agissant enfin des forfaits « tous horaires », la jurisprudence de la Cour de cassation les limite aux cadres dirigeants. La loi traduit dans le code du travail cette jurisprudence qui repose sur le critère d'indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps. Cette indépendance rapproche les intéressés des dirigeants de l'entreprise et fait obstacle à ce que leur soient appliqués des horaires de travail.
4o Les critiques adressées au II de l'article 28 se méprennent sur sa portée exacte.
En précisant qu'« à l'exception des stipulations contraires aux articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus de l'article 2 de la présente loi, les clauses des accords conclus en application des dispositions de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 précitée et contraires aux dispositions de la présente loi continuent à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant, et au plus tard pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi », le législateur a entendu insérer une sorte de clause « balai », ayant pour objet d'éviter que, dès l'entrée en vigueur de la loi, certaines clauses ne soient immédiatement remises en cause compte tenu de l'effet immédiat qui s'attache aux dispositions légales d'ordre public.
En pratique, sont visées les clauses des conventions ou accords relatives au compte épargne-temps. En effet, la loi fixe un nouveau plafond de 22 jours par an quant à son alimentation et impose que le congé soit pris dans un délai maximal de cinq ans, sauf dérogations limitativement énumérées par la loi. Sont également visées les clauses des accords relatives à la durée hebdomadaire moyenne. Cette durée a été ramenée de 46 à 44 heures par la loi. Six accords ont fixé une durée conventionnelle égale à 46 heures et six une durée conventionnelle égale à 45 heures.
Par dérogation aux règles d'application immédiate issues de la jurisprudence de la Cour de cassation qui auraient prévalu si cette disposition n'avait pas été adoptée, les partenaires sociaux disposeront ainsi d'un délai suffisant pour procéder aux ajustements nécessaires.
Il convient de préciser par ailleurs que, s'agissant de la durée hebdomadaire maximale relative, l'article 6 de la loi, qui modifie l'article L. 212-7 du code du travail, ouvre la faculté de déroger à cette durée par décret pris après conclusion d'un accord de branche, dans la limite de 46 heures. Ainsi, sur le fondement des accords de branche déjà conclus pourront être mises en place, par décret, des dérogations pour les professions concernées.
En définitive, le Gouvernement entend souligner que la totalité des clauses étendues des accords de branche sont préservées et de nombreuses stipulations qui avaient fait l'objet d'une réserve ou d'une exclusion sont reprises dans le projet. Les accords d'entreprise sont tous validés, à l'exception de quelques rares accords reprenant les trois clauses illicites citées ci-dessus.
Il est donc inexact de prétendre que la loi bouleverse l'économie des conventions et accords conclus sur le fondement de la première loi.

III. - Sur les autres moyens tirés
de l'article 4 de la Déclaration de 1789
A. - Les requérants se prévalent également des dispositions de cet article pour soutenir que la loi méconnaît tant la liberté d'entreprendre que celle des salariés.
Le recours des députés conteste à cet égard les articles 8, 9 et 19 en soutenant que la fixation de la durée annuelle à 1 600 heures ainsi que les dispositions relatives aux cadres se traduiraient par une importante perte de la capacité de production des entreprises. Ils critiquent, de la même manière, les articles 2, 3, 4 et 17 en estimant excessives les contraintes tenant au déclenchement du repos compensateur, au temps d'habillage, aux astreintes et à la formation.
Les députés et les sénateurs voient en outre, dans ces différentes dispositions, une immixtion excessive de l'administration dans la gestion des entreprises.
Par ailleurs, la saisine des députés fait grief à l'article 5 de méconnaître la liberté des salariés en procédant, à leur place, à un choix entre temps libre et revenu. De même la loi pénaliserait-elle les salariés des entreprises dont la durée collective n'a pas été réduite à 35 heures, en les faisant contribuer au financement de la baisse des charges dans les autres entreprises.
B. - Ces moyens peuvent être accueillis.
1o S'agissant de la liberté d'entreprendre, les saisissants ne sont pas fondés à soutenir que la loi lui apporterait des limitations excédant celles qui sont admises par le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, et n'ayant pas pour conséquence de dénaturer la portée de la liberté d'entreprendre. D'une part, ainsi que l'avait relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision déjà citée du 10 juin 1998 à propos de la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, la loi soumise aujourd'hui à l'examen du Conseil poursuit des finalités d'intérêt général qui se rattachent à des exigences constitutionnelles, celles qu'énoncent les cinquième et huitième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 en matière d'emploi et de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail. D'autre part, l'abaissement de la durée légale du travail ne porte pas en elle-même à la liberté d'entreprendre une atteinte telle qu'elle en dénaturerait la portée, comme l'avait estimé au demeurant le Conseil dans sa décision du 10 juin 1998 précitée. On relèvera à cet égard que l'entrée en vigueur de la nouvelle durée légale s'accompagnera bien, comme l'avait relevé la même décision, d'un dispositif d'aide financière à caractère pérenne et structurel, rendu très largement accessible. Ce dispositif permettra de faciliter la mise en oeuvre d'organisations du travail sur la base de la nouvelle durée légale dans des conditions préservant la compétitivité des entreprises.
De façon plus spécifique, la loi n'implique nullement la baisse de la capacité de production des entreprises que les saisissants croient pouvoir annoncer comme inéluctable. De manière générale, si l'objectif du législateur est bien de susciter une diminution de la durée du travail effective de chaque salarié, cet objectif est parfaitement compatible avec le maintien, voire l'amélioration de la capacité de production globale de l'entreprise. La conjonction de gains de productivité et de création d'emplois supplémentaires est susceptible d'assurer la sauvegarde du potentiel global de production, dans des conditions financièrement supportables par l'entreprise grâce au jeu cumulé de gains d'efficience, liés notamment à une utilisation plus intensive des équipements, de la modération salariale dont conviennent les signataires des accords et de l'apport de l'aide financière. C'est au demeurant l'économie de la plupart des quelque 19 000 accords conclus en application de la loi du 13 juin 1998.
De plus, le dispositif de modulation que la loi consacre, en l'unifiant et en le clarifiant, permet aux entreprises qui ont en besoin de mieux ajuster leurs capacités de production aux caractéristiques de la demande. Il n'est pas exclusif de la possibilité de pratiquer des heures excédant le plafond de la modulation ou la durée moyenne sur l'année, qui sont alors traitées comme des heures supplémentaires. Enfin, s'agissant des cadres, la loi donne un cadre juridique, qui faisait jusqu'ici défaut, à la pratique d'horaires adaptés à la spécificité de cette catégorie de salariés et en particulier aux cadres disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. S'il est vrai que cette sécurisation et cette clarification de l'organisation du temps de travail des cadres doivent se traduire par une réduction effective de la durée du travail pour les cadres concernés, la capacité productive de l'entreprise peut parfaitement être préservée dans le cours du processus, grâce à la fois à des gains d'efficacité dans l'organisation et les méthodes de travail internes à la délégation de certaines tâches à des non-cadres, et à des embauches de cadres.
En ce qui concerne l'immixtion administrative dans le fonctionnement des entreprises que les saisissants imputent à la loi, il y a lieu de relever le caractère quelque peu paradoxal dun tel grief dans la mesure où, d'une part, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a opté pour un mécanisme d'aide souple fondé sur une déclaration et un contrôle a posteriori par les agents compétents de l'URSSAF et l'inspection du travail et où, d'autre part, les saisissants se prévalent par ailleurs de façon contradictoire de ce choix pour déplorer qu'il aboutisse à dessaisir les pouvoirs publics de toute intervention dans le processus de conclusion des accords.
En tout état de cause, l'existence de mécanismes de contrôle est légitime et même indispensable compte tenu des enjeux en cause au regard du bon usage des fonds publics. Un contrôle est par ailleurs organisé selon des modalités qui assurent son objectivité, comme il a été souligné plus haut, à propos du caractère contradictoire des procédures préalables aux décisions de suspension ou de suppression des aides susceptibles d'intervenir en cas de méconnaissance des conditions légales.
2o En ce qui concerne la prétendue atteinte à la liberté des salariés, on relèvera tout d'abord que l'arbitrage entre temps libre et revenus n'a jamais été totalement laissé à la décision purement individuelle de chaque salarié, contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants. En effet, la durée du travail dans l'entreprise était traditionnellement fixée par l'employeur avant que le législateur n'intervienne, notamment à partir de 1982, pour inciter à ce que ces questions fassent l'objet de négociations collectives, sans instituer pour autant une obligation d'aboutir. Et l'horaire collectif qui concerne encore une majorité de salariés reste fixé par l'employeur. Quant au passage à temps partiel, il ne constitue pas, en l'état de notre législation, un droit absolu et inconditionné, quand bien même la loi en cours d'examen comporte au VII de son article 12 de nouvelles dispositions destinées à rendre plus effective la notion de temps partiel choisi.
En outre, s'agissant du sort des salariés des entreprises qui continueraient de pratiquer une durée du travail supérieure à 35 heures, le choix d'une modalité spécifique de rémunération des heures supplémentaires se justifie, comme il sera précisé plus loin, par la volonté du législateur d'inciter l'ensemble des parties à s'orienter vers la réduction du temps de travail.
Enfin, il semble que les sénateurs à l'origine du recours se soient mépris sur la portée de la loi en suggérant que les salariés restant soumis à un horaire supérieur à 35 heures sans être couverts par un accord collectif se verraient imposer « le paiement en temps » de leurs heures supplémentaires. En effet, si l'octroi de la bonification sous forme de repos est de droit en l'absence de stipulation expresse d'un accord collectif prévoyant son paiement sous forme monétaire, le remplacement de l'intégralité de la rémunération des heures supplémentaires (paiement en principal de l'heure + bonification) par un repos équivalent reste subordonné à l'intervention d'un accord collectif le prévoyant, ou à défaut à l'absence d'opposition du comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans les entreprises non assujetties à l'obligation de négocier (cf. le III de l'article L. 212-5 nouveau, issu de l'article 5 de la loi).

IV. - Sur le respect du principe d'égalité
A. - Selon les auteurs des saisines, la loi déférée porterait atteinte au principe d'égalité, sur un double plan.
Ils estiment d'abord que le législateur rompt l'égalité entre les entreprises. Tel serait le cas du dispositif d'allégement des charges des articles 19 et 21, qui distingue entre les entreprises suivant qu'elles ont ou non signé un accord, alors que certaines entreprises peuvent en être empêchées contre leur volonté. Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, critiquent en outre les critères conduisant le législateur, au II de l'article 21, à exclure du bénéfice de l'allégement les entreprises en situation de monopole ou bénéficiant de concours de l'Etat de manière prépondérante.
Les requérants font ensuite valoir que la loi méconnaît l'égalité entre les salariés. Ils critiquent, à cet égard, les distinctions faites suivant que les salariés travaillent ou non dans une entreprise passant à 35 heures dès l'année 2000. Ils contestent également les règles fixées par l'article 5 en matière de rémunération des heures supplémentaires, la distinction fondée sur la réduction effective de la durée du travail dans les entreprises ne leur paraissant pas pertinente. Enfin, ils mettent en cause les critères retenus par l'article 32 pour l'attribution de la garantie de rémunération.
B. - Contrairement aux auteurs des saisines, le Gouvernement considère qu'aucune disposition de la loi ne méconnaît le principe d'égalité.
1o En effet, la loi n'introduit, d'abord, aucune différence de traitement injustifiée entre les entreprises.
a) C'est, en particulier, à tort que les saisissants estiment qu'une atteinte serait portée au principe d'égalité au motif que des entreprises pourraient être empêchées de conclure un accord ouvrant droit au bénéfice de l'allégement, faute notamment d'interlocuteur habilité à conclure.
En effet, selon les données disponibles, 49,3 % des établissements assujettis (34 000 environ) comptent au moins un délégué syndical. Cette proportion varie de 35 % dans les établissements de 50 à 99 salariés à 92,5 % dans les établissements de 1 000 salariés au plus.
Il convient de souligner que le projet de loi a ouvert plusieurs voies permettant aux entreprises au sein desquelles aucun délégué syndical n'a été désigné de conclure un accord ouvrant droit au bénéfice de l'allégement :
- en premier lieu, dans toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, un accord peut être conclu avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative au niveau national (art. 19-VI) ;
- en deuxième lieu, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent bénéficier de l'allégement en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu (art. 19-II 2o) ;
- en troisième lieu, dans ces mêmes entreprises, l'accord pourra être conclu avec des délégués du personnel sous réserve que cet accord soit approuvé par le personnel et validé par une commission paritaire de branche ou par une commission paritaire locale (art. 19-VII) ; 30 % des établissements de 11 à 49 salariés comptent au moins un délégué du personnel ;
- enfin, les entreprises comptant moins de 11 salariés pourront, à compter du 1er janvier 2002, en l'absence d'accord de branche étendu, bénéficier de l'allégement si le document précisant les modalités du passage aux 35 heures établi par le chef d'entreprise est approuvé par le personnel et validé, lorsqu'elle existe, par la commission paritaire (art. 19-VIII).
Il convient de préciser que l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives subordonne l'institution de modalités dérogatoires de négociation (accord conclu avec des représentants du personnel élus ou un salarié mandaté) à la conclusion d'un accord de branche, ce dernier devant notamment fixer l'effectif en deçà duquel ces modalités peuvent être utilisées. Le projet de loi, en revanche, ne conditionne pas l'application des modalités de négociation énumérées ci-dessus à la conclusion d'un accord de branche.
En outre, la convention ou l'accord qui n'est pas signé par les organisations syndicales majoritaires, peut néanmoins ouvrir droit à l'allégement, si le personnel l'approuve à la majorité des suffrages exprimés (art. 19-V 2e alinéa).
Enfin, eu égard à l'objectif de nature constitutionnelle de développement de la négociation collective, le législateur peut subordonner la mise en place de dispositifs dérogatoires au droit commun à la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif.
b) Le grief des sénateurs dirigé contre le II de l'article 21 n'est pas davantage fondé, dès lors que les entreprises bénéficiant de monopoles ou de concours de l'Etat de manière prépondérante ne sont pas, au regard de l'objet de cet article qui est d'instituer une aide, dans la même situation que les autres entreprises.
2o La loi ne méconnaît pas non plus l'égalité entre les salariés.
a) S'agissant de la garantie de rémunération, le dispositif mis en place par l'article 32 de la loi présente un caractère transitoire, comme il a été souligné plus haut, à propos des critiques adressées au V. Il obéit à deux principes.
Le premier découle de l'engagement, souscrit par le Gouvernement en faveur des salariés payés au taux du SMIC et réduisant leur durée du travail, que cette réduction ne se traduirait par aucune baisse de rémunération et de pouvoir d'achat.
Le respect de cet engagement se traduit dans l'article 32 par la mise en place, au I, d'une garantie pour les salariés à temps plein dont la durée du travail est réduite, et par la création, au II, d'une garantie, calculée à due proportion, pour les salariés à temps partiel dont la durée du travail est également réduite.
Le second principe auquel obéit l'article 32 est le principe « A travail égal, salaire égal », qui ne peut s'appliquer qu'aux salariés placés dans une même situation. Il consiste à accorder le bénéfice de la garantie dans les trois cas suivants :
- aux salariés à temps partiel occupés par l'entreprise à la date de la réduction de la durée du travail lorsque ces salariés ont un emploi équivalent, par sa nature et sa durée, à celui occupé par des salariés bénéficiant de la garantie, sauf si ces salariés à temps partiel ont eux-mêmes choisi de ne pas baisser leur durée contractuelle (art. 32-II 3e alinéa) ;
- aux salariés à temps complet recrutés après la date à laquelle la durée du travail a été réduite sur des emplois équivalents, par leur nature, à ceux occupés par des salariés à temps complet bénéficiant de la garantie (art. 32-II 1er alinéa) ;
- aux salariés à temps partiel recrutés après la date à laquelle la durée du travail a été réduite, sur des emplois équivalents, par leur nature et leur durée, à ceux occupés par des salariés à temps partiel bénéficiant de la garantie (art. 32-II 2e alinéa).
On soulignera, à cet égard, que la notion d'emploi équivalent trouve déjà un écho dans le code du travail s'agissant, par exemple, du mode de calcul de la rémunération versée aux salariés intérimaires (art. L. 124-3 6o). La notion d'emploi équivalent figure également dans les dispositions du code du travail relatives à la réintégration des représentants du personnel postérieurement à l'annulation d'une décision d'autorisation (art. L. 436 3o du code du travail, 1er alinéa).
Il convient de noter que la garantie accordée par les dispositions contestées est nettement plus étendue que le dispositif retenu en 1982, qui ne visait que les seuls salariés passés à 39 heures. Le champ d'application de cette garantie transitoire a été défini de manière objective et rationnelle, en n'excluant, en définitive, que les quatre catégories suivantes :
- les salariés occupés dans des entreprises n'ayant pas réduit la durée du travail ;
- les salariés à temps complet recrutés postérieurement à la réduction du temps de travail sur des postes qui ne sont pas équivalents à ceux occupés par des salariés à temps complet bénéficiant de la garantie ;
- les salariés à temps partiel recrutés postérieurement à la réduction du temps de travail sur des postes qui ne sont pas équivalents à ceux occupés par des salariés à temps partiel bénéficiant de la garantie ;
- les salariés à temps partiel qui ont choisi de ne pas réduire leur durée contractuelle ou de l'accroître alors que leur employeur leur a proposé de réduire leur temps de travail.
L'exclusion de ces quatre catégories ne saurait être utilement critiquée sur le terrain du principe d'égalité, dès lors que les salariés concernés se trouvent, par rapport à ceux qui bénéficient de la garantie de rémunération, dans une situation différente au regard de l'objet du texte :
- pour la première, la garantie serait sans objet en l'absence de toute réduction ;
- pour les deux suivantes, l'absence d'équivalence des emplois constitue une différence de situation qui exclut toute obligation d'assurer une rémunération identique ;
- enfin, la dernière catégorie ne concerne que des salariés qui, par leur propre volonté, se trouvent dans une situation différente de celle des salariés ayant fait le choix de réduire leur temps de travail.
b) C'est également à tort qu'est invoquée une inégalité de traitement entre les salariés des entreprises ayant réduit la durée du travail et ceux employés par des entreprises n'ayant pas réduit leur durée du travail.
Il faut en effet rappeler que l'objectif poursuivi par le législateur est d'inciter, par la voie d'accords collectifs, à une réduction effective de la durée du travail de nature à créer des emplois et à réduire le chômage. C'est dans ce but que le législateur a prévu un régime distinct pour les salariés qui effectuent des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures, selon que l'entreprise a ou non réduit sa durée collective à 35 heures :
- lorsque la durée collective a été fixée à 35 heures, les heures supplémentaires éventuellement effectuées entre 35 et 39 heures donnent lieu à une bonification de 25 % (10 %, dans un premier temps, en 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et en 2002 pour les autres) ;
- lorsque la durée collective n'a pas encore été fixée à 35 heures, les heures correspondant à cette différence sont nécessairement qualifiées d'heures supplémentaires, et elles donnent lieu au versement d'une bonification de 15 % aux salariés (à titre transitoire, il n'est pas prévu de bonification en 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et en 2002 pour les autres).
La distinction ainsi opérée ne méconnaît nullement l'égalité entre les salariés, dès lors que ceux qui sont passés à 35 heures sont dans une situation objectivement et pratiquement différente de ceux des entreprises qui ont conservé une durée supérieure : les premiers ont vu leur durée réduite et ce n'est par définition qu'à titre exceptionnel que la question du mode de paiement d'une ou plusieurs heures éventuellement effectuées au-delà de la durée ainsi réduite est susceptible de se poser ; les seconds restent à 39 heures comme auparavant. De ce point de vue, et contrairement aux salariés dont la durée a été réduite, leur situation demeure inchangée.
Il existe donc, entre ces deux catégories, une différence de situation dont le législateur a pu d'autant plus tenir compte que, lorsque la réduction est le fruit d'un accord, ce qui sera le cas le plus fréquent, elle impliquera pour les salariés concernés des contreparties, notamment en termes de modération salariale et de flexibilité dans l'aménagement du temps de travail, qui ne seront pas requises a priori du salarié d'une entreprise ayant conservé sa durée du travail antérieure.
On ajoutera que la distinction ainsi opérée par la loi est nécessairement vouée à présenter un caractère transitoire, dans la mesure où, par l'effet notamment du mécanisme d'abaissement progressif (sur deux ans) du seuil de déclenchement du décompte du contingent d'heures supplémentaires, prévu par le même article 5, toutes les entreprises doivent, à terme rapproché, réduire l'horaire collectif.
Enfin, et en tout état de cause, cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de favoriser le passage négocié à 35 heures. En effet, le maintien du régime de droit commun des heures supplémentaires pour les entreprises n'ayant pas réduit leur durée du travail aurait rendu extrêmement difficile le passage ultérieur à 35 heures, au regard de l'attente largement répandue d'un maintien du niveau de rémunération. La différenciation mise en place par la loi est de nature à inciter les deux parties, employeur et représentants des salariés, à s'orienter rapidement vers le passage à 35 heures, tout en leur laissant le temps nécessaire pour conduire et faire aboutir les négociations. A défaut d'un tel dispositif, la rémunération au profit des salariés des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures au taux de 25 % aurait été de nature à favoriser le statu quo, ce qui aurait été incompatible avec l'objectif d'intérêt général que le législateur s'est fixé.

V. - Sur le respect du principe de participation
et de négociation collective
A. - Le recours des sénateurs fait grief à la loi de méconnaître les dispositions du huitième alinéa au préambule de la Constitution de 1946 en ne laissant pas aux négociateurs le soin de trouver le niveau de compromis sur lequel ils pourraient s'accorder et en prédéterminant le résultat des négociations, qu'il s'agisse des durées annuelle et hebdomadaire du travail, du nombre maximal de jours de travail des cadres, des règles relatives au temps partiel et à la formation et enfin du montant de la compensation financière pour les salariés payés au SMIC.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
En effet, loin de méconnaître le principe de participation posé par le huitième alinéa du Préambule, qui se concrétise notamment par la négociation collective, la loi soumise au Conseil constitutionnel tend au contraire à en développer l'effectivité au profit d'un plus grand nombre de salariés, à un double titre.
D'une part, la loi élargit de façon significative l'espace de la négociation collective dans le domaine de l'organisation du temps de travail. Elle le fait tout d'abord en ouvrant à la négociation de nouveaux thèmes spécifiques, comme les horaires des cadres, la modulation du temps partiel ou encore le travail intermittent. Mais elle le fait aussi, dans des matières qui pouvaient déjà donner lieu à négociation, en élargissant les possibilités laissées aux partenaires sociaux, qu'il s'agisse d'allonger le délai de prise du repos compensateur (art. 5), de mettre en place en tant que de besoin des calendriers individualisés dans le cadre d'une modulation des horaires (art. 8), ou encore de diversifier les sources d'alimentation et les modalités d'utilisation du compte épargne-temps (art. 16).
D'autre part, la loi consolide et élargit les mécanismes de formation des accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, dans des conditions propres à faire accéder à la négociation collective sur la réduction du temps de travail des entreprises et des salariés pour lesquels le droit à la négociation collective n'aurait pu utilement s'exercer en dehors d'éventuels accords de branche d'application directe.
Les dispositions correspondantes de l'article 19, dont le contenu a été rappelé ci-dessus, respectent strictement les principes posés par la décision no 96-383 DC du 6 novembre 1996 en ce qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'intervention des organisations syndicales représentatives, conformément à leur vocation naturelle en matière de défense des droits et intérêts des travailleurs.
S'il est vrai que la conclusion d'accord concernant la réduction ou l'aménagement du temps de travail est subordonnée par la loi au respect d'un régime de clauses obligatoires variant selon la nature des dispositifs, cet encadrement législatif de l'activité négociatrice se situe dans la continuité des interventions du législateur en la matière, notamment depuis le début des années 1980. Il exprime en outre une nécessité d'ordre juridique, s'agissant de dispositifs négociés qui, le plus souvent, dérogent à des règles de droit commun posées par le code du travail, tel que le module hebdomadaire, le décompte horaire, ou encore l'unicité et la durée de la coupure en cours de journée. Il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, d'exiger ainsi de l'accord qu'il aborde des points nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositifs, notamment parce que de nature à assurer l'existence de garanties ou de contreparties et l'effectivité de leur suivi. Ce régime légal n'en laisse pas moins aux partenaires sociaux de vastes marges de négociation sur le fond, notamment pour fixer le niveau et la forme exacte des contreparties, pour choisir les modalités d'organisation les plus adaptées à la situation de l'entreprise ou pour régler les questions relatives à l'impact sur la rémunération des salariés.
En définitive, l'ensemble des dispositifs mis en place ou rénovés par la loi est de nature à accentuer le développement de la négociation collective en matière d'organisation du temps de travail, dans le prolongement de la loi du 13 juin 1998 qui a d'ores et déjà débouché sur près de 19 000 accords en l'espace d'un an et demi. Cela représente plus qu'un doublement du rythme annuel d'accords portant sur le temps de travail, même en incluant la situation antérieure dans les très nombreux accords qui n'abordaient que de façon marginale la réduction et l'organisation proprement dite du temps de travail pour se concentrer sur des enjeux comme la gestion des congés ou des « ponts ».
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Aucun des nombreux griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'étant de nature à en justifier la censure, le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.