J.O. Numéro 303 du 31 Décembre 1998       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 20275

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Décret no 98-1305 du 30 décembre 1998 relatif, d'une part, à la première étape de la mise à l'arrêt définitif de l'installation nucléaire de base no 91, dénommée centrale nucléaire à neutrons rapides de 1 200 MWe de Creys-Malville (département de l'Isère), d'autre part, au changement d'exploitant de cette installation ainsi que de l'installation nucléaire de base connexe no 141, dénommée atelier pour l'évacuation du combustible (APEC)


NOR : ECOT9801033D


Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
Vu la loi no 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs ;
Vu la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales modifiées, et notamment son article 5 ;
Vu la loi no 72-1152 du 23 décembre 1972 autorisant la création d'entreprises exerçant sur le sol national une activité d'intérêt européen en matière d'électricité, en conformité avec la loi no 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, ensemble le décret du 13 mai 1974 autorisant la création de la Société centrale nucléaire européenne à neutrons rapides SA (NERSA), approuvant les statuts de cette société et la soumettant au contrôle économique et financier de l'Etat ;
Vu la loi no 80-572 du 25 juillet 1980 modifiée sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, ensemble les textes pris pour son application ;
Vu la loi no 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs, ensemble les textes pris pour son application ;
Vu la loi de finances rectificative pour 1987 (no 87-1061 du 30 décembre 1987), et notamment son article 30 ;
Vu le décret no 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié relatif aux installations nucléaires, et notamment son article 6 ter ;
Vu le décret no 66-450 du 20 juin 1966 modifié relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants ;
Vu le décret no 75-306 du 28 avril 1975 modifié relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants dans les installations nucléaires de base ;
Vu le décret du 12 mai 1977 autorisant la création par la société NERSA d'une centrale nucléaire à neutrons rapides de 1 200 MWe sur le site de Creys-Malville (département de l'Isère), modifié par décrets des 24 juillet 1985, 25 juillet 1986 et 10 janvier 1989 ;
Vu le décret du 24 juillet 1985, modifié par décret du 28 juillet 1993, autorisant la création par la société NERSA de l'atelier pour l'évacuation du combustible de la centrale nucléaire de Creys-Malville (APEC) ;
Vu la lettre de la société NERSA en date du 22 octobre 1998 relative à la mise à l'arrêt définitif de la centrale nucléaire à neutrons rapides de Creys-Malville et le dossier associé comportant notamment les pièces prévues à l'article 6 ter du décret du 11 décembre 1963 modifié susvisé ;
Vu la demande conjointe de la société NERSA et d'Electricité de France en date du 22 octobre 1998 relative au changement d'exploitant de la centrale nucléaire de Creys-Malville et de son atelier pour l'évacuation du combustible ;
Vu l'avis émis par la commission interministérielle des installations nucléaires de base lors de sa séance du 30 novembre 1998 ;
Vu l'avis conforme du ministre chargé de la santé en date du 7 décembre 1998,
Décrète :

Art. 1er. - Les dispositions relatives aux opérations de la première étape de la mise à l'arrêt définitif de la centrale nucléaire à neutrons rapides de Creys-Malville, prévues dans les documents ci-après énumérés :
- la note de synthèse justifiant l'état choisi pour l'installation au terme des opérations visées à l'article 2 et indiquant les étapes ultérieures ;
- le rapport de sûreté applicable aux opérations de mise à l'arrêt définitif prévues à l'article 2 et les dispositions permettant d'assurer la sûreté de l'installation ;
- les règles générales de surveillance et d'entretien de l'installation à observer pour maintenir un niveau satisfaisant de sûreté ;
- la mise à jour du plan d'urgence interne du site de l'installation,
présentés à l'appui de la lettre susvisée de la société NERSA, sont approuvées, sous réserve du respect des conditions particulières prescrites par le présent décret.

Art. 2. - Sont seules autorisées par le présent décret les opérations de mise à l'arrêt définitif de la centrale nucléaire de Creys-Malville qui ont pour objet :
- le déchargement du réacteur ;
- la vidange et l'entreposage du sodium ;
- le démontage d'installations non nucléaires définitivement mises hors service ainsi que de systèmes et matériels qui ne sont plus requis pour la sûreté. Ces installations, systèmes et matériels sont notamment ceux de l'installation de production d'énergie, des bâtiments des auxiliaires et des bâtiments des générateurs de vapeur.
Les autres étapes de la mise à l'arrêt définitif de l'installation, groupées ou non, devront faire l'objet d'approbations ultérieures par décret.

Art. 3. - L'exploitant établira les consignes de sécurité et les procédures détaillées à respecter relatives aux opérations de manutention du combustible, de vidange et d'entreposage du sodium conformément aux règles générales de surveillance et d'entretien de l'installation mentionnées à l'article 1er.
L'exploitation mènera les opérations de mise à l'arrêt définitif en maintenant à tout moment l'installation dans un état conforme à celui découlant de la stricte application des documents mentionnés à l'article 1er et en respectant plus particulièrement les prescriptions énoncées ci-après :

3.1. Déchargement du réacteur
Les éléments déchargés du réacteur seront entreposés dans l'installation nucléaire de base no 141 dénommée atelier pour l'évacuation du combustible, créée par le décret du 24 juillet 1985 modifié susvisé.
Un dossier de sûreté comportant un plan de déchargement sera adressé, pour approbation, au directeur de la sûreté des installations nucléaires au plus tard trois mois avant le début du déchargement.
Le déchargement et l'entreposage devront respecter, outre les documents énumérés à l'article 1er, les conditions suivantes :
- l'entreposage et toute manutention des éléments déchargés seront réalisés de manière à exclure tout risque de criticité et à limiter les risques d'échauffement ou de chute pouvant endommager le combustible ;
- le transfert des éléments déchargés utilisera notamment le poste de transfert du combustible prévu à cet effet.

3.2. Vidange et entreposage du sodium
La vidange du sodium contenu dans les circuits primaire, secondaires, de sauvegarde et leurs auxiliaires conduira à entreposer ce sodium, ainsi que le sodium provenant du démantèlement réalisé en 1988 du poste de transfert et de stockage du combustible (barillet), à l'état solide et sous gaz neutre dans les capacités présentes ou, le cas échéant, à créer sur le site. Un dossier de sûreté sera adressé, pour approbation, au directeur de la sûreté des installations nucléaires au plus tard six mois avant le début de la vidange du sodium primaire. Ce dossier devra respecter les documents énumérés à l'article 1er et précisera les dispositions prévues en vue de la résorption des rétentions de sodium, en particulier pour ce qui concerne :
- la localisation précise des zones potentielles de rétention ;
- la définition et la qualification des procédés retenus pour résorber les rétentions ;
- la rédaction des procédures de résorption précisant les contrôles préalables, les paramètres surveillés, les critères d'arrêt des opérations et les actions de repli, enfin les contrôles réalisés à la fin des opérations ;
- les éléments justificatifs des procédures, en particulier les analyses de sûreté des opérations telles que définies dans les procédures et le retour d'expérience d'opérations similaires réalisées sur d'autres installations utilisant du sodium.

3.3. Conservation du circuit primaire
et des circuits secondaires et auxiliaires
Tout éventuel traitement chimique du sodium résiduel restant sur le circuit primaire et les circuits secondaires et auxiliaires après les opérations de vidange et de résorption des rétentions importantes de sodium fera l'objet d'un dossier de sûreté, soumis pour accord au directeur de la sûreté des installations nucléaires avant tout début d'exécution. Ce dossier précisera l'objectif visé pour l'état final du circuit, dans le respect des documents énumérés à l'article 1er.

3.4. Confinement et protection
contre le risque de dissémination de la radioactivité
Une surveillance permanente sera exercée, notamment au niveau des barrières de confinement dont l'efficacité devra toujours être suffisante pour que soient respectées les règles de prévention de la dissémination de substances radioactives, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'installation.
En particulier :
- l'étanchéité de l'enceinte secondaire, constituée par le bâtiment réacteur, fera l'objet de vérifications périodiques ;
- l'efficacité des pièges à iode des circuits de ventilation des zones présentant des risques permanents de contamination à l'iode radioactif sera contrôlée périodiquement ;
- le circuit de rejet à la cheminée sera muni de filtres à poussières, ininflammables et à haute efficacité, et d'un dispositif de contrôle continu de l'activité des rejets.
Les contrôles susmentionnés feront l'objet de comptes rendus qui seront adressés à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants et au directeur de la sûreté des installations nucléaires.
La surveillance de l'ensemble des alarmes liées aux systèmes de contrôle et de protection sera assurée en permanence par un personnel qualifié depuis un lieu situé à l'intérieur du site de la centrale nucléaire de Creys-Malville.
Toute modification des dispositions particulières prévues pour le confinement dans les documents énumérés à l'article 1er devra être autorisée par le directeur de la sûreté des installations nucléaires. A l'appui de sa demande d'autorisation, l'exploitant transmettra un dossier présentant les nouvelles dispositions prévues, ainsi que :
- l'ensemble des conséquences sur la sûreté, notamment en cas de ruptures de gaines, de ces nouvelles dispositions ;
- les éventuelles dispositions compensatoires retenues, notamment à l'égard des autres barrières de confinement.

3.5. Protection des travailleurs et du public
contre l'exposition aux rayonnements ionisants
Des zones réglementées seront délimitées à l'intérieur de l'installation dans les conditions prévues par le décret du 28 avril 1975 modifié susvisé.
Sans préjudice de l'application de la réglementation en vigueur sur la limitation des doses annuelles pouvant être reçues par les travailleurs et par le public, des dispositions appropriées seront prises pour que, dans le cadre des règles générales de surveillance et d'entretien, et compte tenu des différents travaux prévus, notamment des opérations de déchargement du réacteur et de transport de substances radioactives, les équivalents de doses individuelles et collectives reçus par les travailleurs et le public restent aussi faibles que raisonnablement possible.
A l'issue des opérations autorisées par le présent décret, l'exploitant transmettra à la direction de la sûreté des installations nucléaires et à la direction générale de la santé, ainsi qu'à l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, un bilan radiologique des travaux.

3.6. Effluents liquides et gazeux
Toutes dispositions seront prises pour respecter les autorisations de rejets d'effluents liquides et gazeux en vigueur.
Elles auront notamment pour objet d'éviter la contamination de la nappe phréatique. Un contrôle périodique en sera effectué.
Des mesures de surveillance appropriées seront prises pour ce qui concerne les risques de fuites des systèmes de traitement et de stockage des effluents.

3.7. Gestion des déchets
Aucun stockage définitif de déchets radioactifs ne sera réalisé dans le périmètre de l'installation.
Le délai d'entreposage des déchets de toute nature devra être aussi court que possible.
L'exploitant s'efforcera de réduire la quantité totale et la nocivité des déchets. Leur traitement, leur conditionnement et leur stockage ultérieur seront facilités par un tri, également réalisé par l'exploitant, par nature et par catégorie de nuisance radioactive ou chimique. Toute expédition de déchets devra faire l'objet de contrôles adaptés et ne pourra être effectuée qu'après obtention des autorisations nécessaires.
Un inventaire de tous les types de déchets, indiquant notamment leur destination, leurs caractéristiques, leur conditionnement et leur quantité (volume ou masse), sera tenu à jour par l'exploitant. Cet inventaire et un bilan des expéditions seront adressés périodiquement au directeur de la sûreté des installations nucléaires.

3.8. Protection contre l'incendie
Des dispositions seront prises pour réduire les risques et les conséquences des incendies d'origine interne à l'installation, permettre leur détection, empêcher leur extension et assurer leur extinction.
Les chemins d'évacuation devront être parfaitement définis et dégagés. Ils devront avoir été portés à la connaissance de l'ensemble des agents présents sur l'installation.
A l'intérieur du périmètre de l'installation, tous les circuits mis définitivement hors service et contenant des liquides inflammables seront vidangés. Les circuits non contaminés pourront être démontés et évacués.
Des règles internes préciseront les précautions à prendre lors de l'ouverture des circuits ou systèmes ayant contenu des matières inflammables ainsi que les conditions particulières d'entreposage des matériels démontés.

3.9. Protection contre les séismes
L'exploitant veillera à ce que la capacité de tenue au séisme des différentes parties de l'installation ne soit pas diminuée, tant pour celles qui seront maintenues en l'état que pour celles qui seront modifiées dans la perspective des étapes ultérieures de la mise à l'arrêt définitif puis du démantèlement.

3.10. Périodicité des contrôles
La périodicité des contrôles, inventaires et bilans mentionnés aux points 3.4, 3.6 et 3.7 ci-dessus sera fixée par le directeur de la sûreté des installations nucléaires, après avis du directeur général de la santé.

Art. 4. - Pendant les opérations de mise à l'arrêt définitif prévues à l'article 2, les procédures de modification et d'approbation des documents relatifs à la sûreté du réacteur resteront celles qui étaient en vigueur durant la période d'exploitation du réacteur.
Pour chaque catégorie de travaux de démontage et de vidange de sodium susceptibles de provoquer des risques d'irradiation ou de contamination pour les intervenants ou l'environnement, l'exploitant établira, avant tout début d'exécution, une analyse de sûreté décrivant et justifiant les modalités pratiques de réalisation prévues pour éliminer les risques ou en atténuer les conséquences potentielles.
Dans chaque dossier de sûreté relatif aux opérations prévues par le présent décret, l'exploitant présentera le cas échéant une démonstration détaillée de la maîtrise des risques liés à l'hydrogène, en tenant compte de toutes les incertitudes intervenant dans l'appréciation des risques et de l'expérience des fuites et feux de sodium à basse température.
A l'issue des opérations de mise à l'arrêt définitif prévues à l'article 2, l'exploitant veillera, en attente de l'autorisation de réaliser les travaux suivants de la mise à l'arrêt définitif, à maintenir l'installation en conformité avec les documents de sûreté qui auront été, si nécessaire, mis à jour.

Art. 5. - Electricité de France est autorisée à exploiter au lieu et place de la société NERSA :
- la centrale nucléaire à neutrons rapides de 1 200 MWe de Creys-Malville (département de l'Isère) ;
- l'atelier pour l'évacuation du combustible de la centrale nucléaire de Creys-Malville.

Art. 6. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 30 décembre 1998.


Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie,
Dominique Strauss-Kahn
La ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement,
Dominique Voynet
Le secrétaire d'Etat à l'industrie,
Christian Pierret