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ANALYSE
& INTERVIEW
Christine
Boutin : Une candidature « conservateur(e) sociale »
pour 2002
Louis
est d'accord ! : Christine Boutin est résolue à se présenter
à la prochaine élection présidentielle. Elle l'a fait
savoir le 28 novembre à ses collègues députés
UDF, quelques jours avant que François Bayrou ne fasse ratifier
implicitement le principe de sa candidature présidentielle par l'UDF.
Elle n'en a pas parlé avec le président de l'UDF mais d'abord
avec son mari, Louis, qui l'approuve. Les 500 parrainages ? Cela ne lui
fait pas peur. « Je les aurai », dit-elle. En revanche, il
faut qu'elle se dote de structures. Elle dispose déjà de
dix collaborateurs, d'une vingtaine d'experts qu'elle consulte souvent.
« Beaucoup d'entre eux travaillent en bénévoles mais
cela ne pourra pas durer. » Il lui faudra aussi trouver un local.
Pour
Christine Boutin, bien connue des Français depuis le vote du Pacs
dont elle fut la plus farouche opposante, la plus grande difficulté
consistera à trouver entre deux et trois millions de francs nécessaires
pour financer sa campagne.
Pour
l'instant, la députée des Yvelines est en pré-campagne
jusqu'à juin/septembre 2001. Mais tout porte à croire que
cette femme, volontaire et convaincue, qui fut proche de Raymond Barre,
ira jusqu'au bout pour défendre ses idées. Elle ne voit «
dans le champ politique », personne qui porte les valeurs du «
conservatisme social » avec autant de transparence et de conviction
qu'elle souhaite le faire elle-même.
Plus
de 300 000 personnes se reconnaissent, d'ores et déjà, dans
ses idées à travers l'association Alliance pour le droit
de la vie qui n'est pas un parti politique mais qui défend les mêmes
idées qu'elle porte à l'Assemblée nationale. Cette
association est présente dans 60 départements et presque
tout le territoire va être couvert. Une « force de frappe »
non négligeable. « J'ai fait distribuer, souligne-t-elle,
plus d'un million d'exemplaires, le week-end dernier, d'un tract contre
l'avortement… ce qu'aucun parti politique de l'opposition n'est capable
de faire aujourd'hui ! »
La
démonstration est faite. Christine Boutin est décidée
à se présenter à la prochaine élection présidentielle.
Même François Hollande prend sa candidature au sérieux.
Ne
croyez-vous pas que votre candidature présidentielle puisse être
considérée comme une candidature sous influence religieuse
face aux éventuels débordements de la science ?
Je
ne suis pas le porte-voix du Vatican ni de l'église catholique.
Il se trouve que mes convictions personnelles sont celles que j'affirme
comme
députée et que je crois en une cohérence au plus profond
de moi. C'est le résultat non d'un dogmatisme ou d’un fanatisme
mais d'années de travail qui me permettent de dire que si l'on ne
sait pas mettre des limites, on va vers des dérapages que toute
la morale condamne. J'ai la chance d'avoir une cohérence réelle
qui est le résultat d'analyses, de rencontres avec des chercheurs,
des philosophes, avec des familles aussi. Je sais trop, comme législateur,
que si l'on ouvre la brèche, on va vers des dérives qui sont
incontrôlables. Les gens savent qui je suis, ce n'est déjà
pas mal.
Je
ne renie pas ma foi, mon appartenance religieuse, mais je ne suis pas du
tout la représentante d'une droite religieuse comme certains l'ont
écrit. Je porte un certain nombre de valeurs fondées sur
la dignité de la personne humaine et je me positionnerai comme «
conservateur(e) sociale ». Conservateur(e) dans la mesure où
je m'appuie sur notre histoire mais avec toute une dimension sociale. Je
suis heurtée par ce monde où, de plus en plus, se creuse
le clivage entre ceux qui possèdent la richesse et ceux qui sont
dans la pauvreté. En France, 10% de la population vit au-dessous
du seuil de pauvreté. Je ne peux l'accepter. Ce que je proposerai,
débordera la France engagée religieusement.
Quel
pourrait être, selon vous, votre électorat?
D'après
les sondages, je suis très agréablement surprise de constater
que je mords assez peu sur l'extrême droite contrairement à
ce que l'on peut croire. J'ai un électorat indépendant, artisan,
commerçant, professions libérales.
Et
catholique ?
Je
pense que j'aurai des gens qui voteront pour moi et qui ne sont pas catholiques
et d'autres qui voteront pour moi parce que je suis catholique !
Le
Pacs paraît maintenant être passé dans les mœurs. Quelle
leçon tirez-vous de cette acceptation générale, y
compris parmi vos collègues de l'opposition ?
Mes
collèges de l'opposition ont tous voté contre le Pacs et,
pour un parlementaire, l'acte posé, c'est le vote et pas les bavasseries
qui peuvent suivre après. A part deux ou trois, les membres de l'opposition
ont été unanimes sur cette affaire. Le reste n'est que du
bavardage. Par rapport à l'opinion publique, je souhaite que l'on
prenne un peu de recul. Quand on se fonde sur les sondages pour dire que
70% des Français sont favorables au Pacs, je ne pense pas qu'ils
y soient favorables. Cela ne les concerne pas, ils s'en fichent. C'est
trop tôt pour en tirer des conclusions.
Et
les revendications pour l'adoption ou la procréation des couples
homosexuels ?
Il
fallait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas l'avoir anticipé.
Les associations de personnes lesbiennes ou gays font cette réclamation-là.
Je ne vois pas au nom de quel principe on pourrait interdire l'adoption
aux homosexuels. J'espère que si l'opposition revient au pouvoir,
elle inscrira clairement dans la loi l'interdiction de l'adoption pour
les personnes homosexuelles. Mais tous comptes faits, on nous avait parlé
de 5 millions de personnes. On en a 46 000. Il y a une marge. Plus
on s'éloigne de l'adoption de la loi sur le Pacs, moins il y en
a. 23 000 Pacs en tout : ce n'était pas une attente de la population
française aussi grande qu'on nous l'avait dit !
Avec
les nouvelles découvertes scientifiques, estimez-vous que chacun
d'entre nous doit pouvoir avoir accès aux moyens existants pour
procréer, avorter ou mettre fin à sa vie comme viennent de
le décider les Néerlandais ?
Si
vous me dites : « Êtes-vous pour le développement des
sciences ? » Je réponds : oui ! Cela dit, je ne crois pas
que l'on puisse faire n'importe quoi. Je suis très attachée
à la dignité de la personne humaine, dès la conception
jusqu'à la mort naturelle. Je n'accepte pas que l'on puisse donner,
d'une façon ou d'une autre, le droit à certains hommes de
pouvoir manipuler certains autres quel que soit le degré de développement,
l'âge, la santé, la race d'un autre homme. Quant à
l'IVG, après vingt-cinq ans d'application de la loi de 1975, il
faut faire le bilan. Il n'y a aucune mesure prise pour les femmes en difficulté
qui veulent poursuivre leur grossesse. Les femmes subissent des pressions
incroyables non seulement de leur mari mais de leur famille et de leur
employeur. Je propose un fonds de solidarité pour les femmes enceintes
ou en difficulté.
Ne
faudrait-il pas aussi développer l'éducation sexuelle à
l'école ?
La
France a des efforts à faire à ce niveau-là. De mon
temps, il n'y avait pas d'éducation sexuelle. J'en ai eu une, cependant,
épanouie. Je n'ai pas eu besoin pour cela de cours spécialisés
! Il est normal cependant que l'Éducation nationale apporte un certain
nombre d'enseignements d'éducation sexuelle mais c'est quand même
dans la famille que cette éducation peut être le plus facilement
transmissible.
Propos
recueillis par François Gervais
Publié
dans Horizons Politiques N°81
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