Christine Boutin : Une candidature conservateur(e) sociale pour 2002 www.abc-politique.com
15 décembre 2000

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  ANALYSE & INTERVIEW
Christine Boutin : Une candidature « conservateur(e) sociale » pour 2002

Louis est d'accord ! : Christine Boutin est résolue à se présenter à la prochaine élection présidentielle. Elle l'a fait savoir le 28 novembre à ses collègues députés UDF, quelques jours avant que François Bayrou ne fasse ratifier implicitement le principe de sa candidature présidentielle par l'UDF. Elle n'en a pas parlé avec le président de l'UDF mais d'abord avec son mari, Louis, qui l'approuve. Les 500 parrainages ? Cela ne lui fait pas peur. « Je les aurai », dit-elle. En revanche, il faut qu'elle se dote de structures. Elle dispose déjà de dix collaborateurs, d'une vingtaine d'experts qu'elle consulte souvent. « Beaucoup d'entre eux travaillent en bénévoles mais cela ne pourra pas durer. » Il lui faudra aussi trouver un local. 
Pour Christine Boutin, bien connue des Français depuis le vote du Pacs dont elle fut la plus farouche opposante, la plus grande difficulté consistera à trouver entre deux et trois millions de francs nécessaires pour financer sa campagne.
Pour l'instant, la députée des Yvelines est en pré-campagne jusqu'à juin/septembre 2001. Mais tout porte à croire que cette femme, volontaire et convaincue, qui fut proche de Raymond Barre, ira jusqu'au bout pour défendre ses idées. Elle ne voit « dans le champ politique », personne qui porte les valeurs du « conservatisme social » avec autant de transparence et de conviction qu'elle souhaite le faire elle-même. 
Plus de 300 000 personnes se reconnaissent, d'ores et déjà, dans ses idées à travers l'association Alliance pour le droit de la vie qui n'est pas un parti politique mais qui défend les mêmes idées qu'elle porte à l'Assemblée nationale. Cette association est présente dans 60 départements et presque tout le territoire va être couvert. Une « force de frappe » non négligeable. « J'ai fait distribuer, souligne-t-elle, plus d'un million d'exemplaires, le week-end dernier, d'un tract contre l'avortement… ce qu'aucun parti politique de l'opposition n'est capable de faire aujourd'hui ! »
La démonstration est faite. Christine Boutin est décidée à se présenter à la prochaine élection présidentielle. Même François Hollande prend sa candidature au sérieux.


Ne croyez-vous pas que votre candidature présidentielle puisse être considérée comme une candidature sous influence religieuse face aux éventuels débordements de la science ?
Christine BoutinJe ne suis pas le porte-voix du Vatican ni de l'église catholique. Il se trouve que mes convictions personnelles sont celles que j'affirme
comme députée et que je crois en une cohérence au plus profond de moi. C'est le résultat non d'un dogmatisme ou d’un fanatisme mais d'années de travail qui me permettent de dire que si l'on ne sait pas mettre des limites, on va vers des dérapages que toute la morale condamne. J'ai la chance d'avoir une cohérence réelle qui est le résultat d'analyses, de rencontres avec des chercheurs, des philosophes, avec des familles aussi. Je sais trop, comme législateur, que si l'on ouvre la brèche, on va vers des dérives qui sont incontrôlables. Les gens savent qui je suis, ce n'est déjà pas mal. 
Je ne renie pas ma foi, mon appartenance religieuse, mais je ne suis pas du tout la représentante d'une droite religieuse comme certains l'ont écrit. Je porte un certain nombre de valeurs fondées sur la dignité de la personne humaine et je me positionnerai comme « conservateur(e) sociale ». Conservateur(e) dans la mesure où je m'appuie sur notre histoire mais avec toute une dimension sociale. Je suis heurtée par ce monde où, de plus en plus, se creuse le clivage entre ceux qui possèdent la richesse et ceux qui sont dans la pauvreté. En France, 10% de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Je ne peux l'accepter. Ce que je proposerai, débordera la France engagée religieusement.

Quel pourrait être, selon vous, votre électorat?
D'après les sondages, je suis très agréablement surprise de constater que je mords assez peu sur l'extrême droite contrairement à ce que l'on peut croire. J'ai un électorat indépendant, artisan, commerçant, professions libérales.

Et catholique ?
Je pense que j'aurai des gens qui voteront pour moi et qui ne sont pas catholiques et d'autres qui voteront pour moi parce que je suis catholique !

Le Pacs paraît maintenant être passé dans les mœurs. Quelle leçon tirez-vous de cette acceptation générale, y compris parmi vos collègues de l'opposition ?
Mes collèges de l'opposition ont tous voté contre le Pacs et, pour un parlementaire, l'acte posé, c'est le vote et pas les bavasseries qui peuvent suivre après. A part deux ou trois, les membres de l'opposition ont été unanimes sur cette affaire. Le reste n'est que du bavardage. Par rapport à l'opinion publique, je souhaite que l'on prenne un peu de recul. Quand on se fonde sur les sondages pour dire que 70% des Français sont favorables au Pacs, je ne pense pas qu'ils y soient favorables. Cela ne les concerne pas, ils s'en fichent. C'est trop tôt pour en tirer des conclusions.

Et les revendications pour l'adoption ou la procréation des couples homosexuels ?
Il fallait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne pas l'avoir anticipé. Les associations de personnes lesbiennes ou gays font cette réclamation-là. Je ne vois pas au nom de quel principe on pourrait interdire l'adoption aux homosexuels. J'espère que si l'opposition revient au pouvoir, elle inscrira clairement dans la loi l'interdiction de l'adoption pour les personnes homosexuelles. Mais tous comptes faits, on nous avait parlé de 5 millions de personnes. On en a  46 000. Il y a une marge. Plus on s'éloigne de l'adoption de la loi sur le Pacs, moins il y en a. 23 000 Pacs en tout : ce n'était pas une attente de la population française aussi grande qu'on nous l'avait dit !

Avec les nouvelles découvertes scientifiques, estimez-vous que chacun d'entre nous doit pouvoir avoir accès aux moyens existants pour procréer, avorter ou mettre fin à sa vie comme viennent de le décider les Néerlandais ?
Si vous me dites : « Êtes-vous pour le développement des sciences ? » Je réponds : oui ! Cela dit, je ne crois pas que l'on puisse faire n'importe quoi. Je suis très attachée à la dignité de la personne humaine, dès la conception jusqu'à la mort naturelle. Je n'accepte pas que l'on puisse donner, d'une façon ou d'une autre, le droit à certains hommes de pouvoir manipuler certains autres quel que soit le degré de développement, l'âge, la santé, la race d'un autre homme. Quant à l'IVG, après vingt-cinq ans d'application de la loi de 1975, il faut faire le bilan. Il n'y a aucune mesure prise pour les femmes en difficulté qui veulent poursuivre leur grossesse. Les femmes subissent des pressions incroyables non seulement de leur mari mais de leur famille et de leur employeur. Je propose un fonds de solidarité pour les femmes enceintes ou en difficulté. 

Ne faudrait-il pas aussi développer l'éducation sexuelle à l'école ?
La France a des efforts à faire à ce niveau-là. De mon temps, il n'y avait pas d'éducation sexuelle. J'en ai eu une, cependant, épanouie. Je n'ai pas eu besoin pour cela de cours spécialisés ! Il est normal cependant que l'Éducation nationale apporte un certain nombre d'enseignements d'éducation sexuelle mais c'est quand même dans la famille que cette éducation peut être le plus facilement transmissible.

Propos recueillis par François Gervais
Publié dans Horizons Politiques N°81