Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil
Constitutionnel la loi de réglementation des télécommunications en soutenant
que ses articles 6, 8 et 15 comportent des dispositions entachées
d'inconstitutionnalité;
que l'article 43-3 dispose que les personnes dont
l'activité est d'offrir un service de connexion, ne sont pas pénalement
responsables des infractions résultant du contenu des messages diffusés par
un service de communication audiovisuelle auquel elles donnent accès si
elles ont respecté les dispositions de l'article 43-1 et si ce service n'a
pas fait l'objet d'un avis défavorable publié au journal officiel en
application de l'article 43-2, sauf s'il est établi que ces personnes ont,
en connaissance de cause, personnellement commis l'infraction ou participé à
sa commission;
Considérant
- que les auteurs de la saisine soutiennent que les
dispositions de l'article 15 doivent être regardées à plusieurs titres comme
inconstitutionnelles;
- que le Comité supérieur de la télématique se trouverait
doté de pouvoirs propres en méconnaissance de l'article 34 de la
Constitution et des articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen;
- qu'ils soutiennent que l'élaboration par le Conseil
supérieur de l'audiovisuel de règles déontologiques porterait ainsi atteinte
à la compétence exclusive du législateur pour fixer les règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques;
- qu'en particulier la loi ne saurait déléguer à une
autorité administrative une telle compétence sans indiquer le champ
d'application précis de ces règles déontologiques et qu'il appartenait au
législateur de définir la composition d'un comité intervenant dans un
domaine touchant aux libertés publiques et la procédure d'adoption d'avis
relatifs au respect des recommandations déontologiques par les services
télématiques contrevient à plusieurs règles de nature constitutionnelle;
- que
la définition d'une déontologie servant de base à l'adoption d'avis faisant
grief, qui seraient propres à fonder des poursuites pénales, s'apparenterait
à l'édiction déguisée d'une procédure d'autorisation préalable;
- qu'une
instance créée au sein d'une autorité dont les compositions respectives ne
sont pas définies par la loi serait ainsi appelée à donner un avis
susceptible de déclencher d'éventuelles poursuites pénales;
- que le Comité
supérieur de la télématique serait doté d'un pouvoir d'interprétation de la
loi pénale et indirectement de déclenchement des poursuites pénales et que
le juge pénal serait lié par cette interprétation;
- que le principe de
légalité des délits et des peines serait méconnu en ce que les avis
défavorables dudit Comité, qui ont des conséquences pénales, seront pris au
motif de la méconnaissance de règles déontologiques dont le contenu serait
"imprécis et pour tout dire inconnu";
- qu'enfin le droit au recours effectif
et les droits de la défense seraient manifestement violés;
Considérant
- qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la
loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques;
- qu'il appartient au législateur d'assurer la sauvegarde des droits et
libertés constitutionnellement garantis;
- que s'il peut déléguer la mise en
oeuvre de cette sauvegarde au pouvoir réglementaire, il doit toutefois
déterminer lui-même la nature des garanties nécessaires;
- que, s'agissant de
la liberté de communication, il lui revient de concilier, en l'état actuel
des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de cette liberté telle
qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et
du Citoyen, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux
moyens de communication concernés et, d'autre part, les objectifs de valeur
constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la
liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants
d'expression socioculturels;
Considérant
- que la loi a confié au Comité supérieur de la
télématique le soin d'élaborer et de proposer à l'adoption du Conseil
supérieur de l'audiovisuel, auprès duquel il est placé, des recommandations
propres à assurer le respect par certains services de communication de
règles déontologiques, sans fixer à la détermination de ces recommandations,
au regard desquelles des avis susceptibles d'avoir des incidences pénales
pourront être émis, d'autres limites que celles, de caractère très général,
résultant de l'article 1er de la loi susvisée du 30 septembre 1986;
- qu'ainsi
le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la
Constitution;
- que dès lors doivent être regardées comme contraires à la
Constitution les dispositions du 1er alinéa de l'article 43-2 inséré dans la
loi susvisée du 30 septembre 1986;
- que les dispositions des autres alinéas
dudit article et celles de l'article 43-3 en sont en tout état de cause
inséparables;
- que les articles 43-2 et 43-3 introduits par l'article 15 dans
la loi susvisée du 30 septembre 1986 doivent par suite être déclarée
contraires à la Constitution;
Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de
soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne
les autres dispositions de la loi soumise à son examen;
DECIDE
Article 1er
Sont déclarés contraires à la Constitution:
- les articles 43-2 et 43-3 introduits par l'article 15 de la loi
déférée dans la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de
communication.
Article 2
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la
République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juillet
1996 où siégeaient: MM. Roland DUMAS, Président, Maurice FAURE, Georges
ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT, Alain LANCELOT et Mme
Noëlle LENOIR.
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