L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive postale 97/67/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, et notamment ses articles 14 et 15 ;
Vu la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 10 juin 2002 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 2, L. 5-2 (6°), R. 1-1-14 ;
Vu la décision n° 2007-0443 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 15 mai 2007 relative aux spécifications des systèmes de comptabilisation, en application de l'article L. 5-2 (6°) du code des postes et des communications électroniques ;
Vu le document « Le système de comptabilité réglementaire de La Poste » transmis par celle-ci par courrier en date du 29 décembre 2006 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité sur le projet de décision relative aux règles de comptabilisation de La Poste, en application de l'article L. 5-2 (6°) du code des postes et des communications électroniques, menée du 29 novembre 2007 au 11 janvier 2008 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Après en avoir délibéré le 12 février 2008,
La présente décision porte sur les règles de comptabilisation du système de comptabilité réglementaire de La Poste. Elle s'inscrit dans le cadre d'une consultation publique et fait suite à un travail préliminaire avec La Poste sur les caractéristiques de son système de comptabilisation et des règles d'allocation des coûts.
Elle tient compte de l'organisation actuelle de La Poste et s'appuie sur la présentation faite par La Poste de son système de comptabilisation à travers le document « Le système de comptabilité réglementaire de La Poste ».
Elle précise les règles applicables à partir des comptes relatifs à l'année 2007. Cette décision sera, le cas échéant, complétée ou amendée pour la production des comptes relatifs aux années ultérieures.
I. ― Le cadre réglementaire
Selon les dispositions de l'article 14 de la directive postale 97/67/CE modifiée :
« 2. Les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés au moins pour chacun des services compris dans le secteur réservé, d'une part, et pour les services non réservés, d'autre part. Les comptes relatifs aux services non réservés doivent établir une nette distinction entre les services qui font partie du service universel et ceux qui n'en font pas partie. Cette comptabilité interne se fonde sur l'application cohérente des principes de la comptabilité analytique, qui peuvent être objectivement justifiés.
3. Sans préjudice du paragraphe 4, la comptabilité visée au paragraphe 2 répartit les coûts entre tous les services réservés et les services non réservés de la façon suivante :
a) les coûts qui peuvent être directement affectés à un service particulier le sont ;
b) les coûts communs, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être directement affectés à un service particulier, sont répartis comme suit :
i) chaque fois que cela est possible, les coûts communs sont répartis sur la base d'une analyse directe de l'origine des coûts eux-mêmes ;
ii) lorsqu'une analyse directe n'est pas possible, les catégories de coûts communs sont affectées sur la base d'un rapport indirect à une autre catégorie de coûts ou à un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels une affectation ou imputation directe est possible ; le rapport indirect est fondé sur des structures de coût comparables ;
iii) lorsqu'il n'y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte, la catégorie de coûts est imputée sur la base d'un facteur de répartition général calculé en établissant le rapport entre, d'une part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées à chacun des services réservés et, d'autre part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées aux autres services.
4. D'autres systèmes de comptabilité analytique ne peuvent être appliqués que s'ils sont compatibles avec les dispositions du paragraphe 2 et s'ils ont été approuvés par l'autorité réglementaire nationale. La Commission est informée avant l'application de ces autres systèmes. »
Conformément à l'article R. 1-1-14 du code des postes et des communications électroniques : « La Poste présente une comptabilité analytique comportant des comptes séparés pour chacun des services dont l'exclusivité lui est réservée et distinguant, parmi les autres services, ceux qui relèvent de l'offre de service universel, de la mission de transport de la presse bénéficiant de l'agrément de la commission paritaire des publications et agences de presse et de ses autres activités. »
Aux termes de l'article L. 5-2 (6°) du même code, l'Autorité, « (...) afin de mettre en œuvre les principes de séparation et de transparence des comptes, en particulier pour garantir les conditions de financement du service universel, précise les règles de comptabilisation des coûts, établit les spécifications des systèmes de comptabilisation et veille au respect, par le prestataire du service universel, des obligations relatives à la comptabilité analytique fixées dans le décret prévu à l'article L. 2. A ce titre, dans le champ du service universel, l'Autorité reçoit communication des résultats des vérifications des commissaires aux comptes, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle fait vérifier annuellement, aux frais du prestataire du service universel, par un organisme qu'elle agrée, compétent et indépendant du prestataire du service universel, la conformité des comptes du prestataire du service universel aux règles qu'elle a établies. Elle veille à la publication, par les soins de l'organisme indépendant agréé, d'une déclaration de conformité (...) ».
En application de ces dispositions, l'Autorité précise les règles de comptabilisation des coûts.
II. ― Les objectifs poursuivis par l'Autorité
Aux termes de l'article L. 5-2 (6°) précité du code des postes et des communications électroniques, il appartient à l'Autorité de « mettre en œuvre les principes de séparation et de transparence des comptes, en particulier pour garantir les conditions de financement du service universel ».
L'Autorité doit donc être en mesure d'analyser l'équilibre économique du service universel et d'apprécier le respect des principes tarifaires des prestations.
De plus, aux termes des dispositions de l'article 12 de la directive 97/67/CE modifiée « Les Etats membres prennent des mesures pour que les tarifs de chacun des services faisant partie de la prestation du service universel soient conformes aux principes suivants : (...) les prix doivent être orientés sur les coûts (...).
― les tarifs doivent être transparents et non discriminatoires ;
― lorsqu'ils appliquent des tarifs spéciaux, par exemple pour les services aux entreprises, aux expéditeurs d'envois en nombre ou aux intermédiaires chargés de grouper les envois de plusieurs clients, les prestataires du service universel sont tenus de respecter les principes de transparence et de non-discrimination en ce qui concerne tant les tarifs proprement dits que les conditions qui s'y rapportent. Lesdits tarifs tiennent compte des coûts évités par rapport aux services traditionnels comprenant la totalité des prestations proposées concernant la levée, le transport, le tri et la distribution des correspondances individuelles (...) ».
Pour mettre en œuvre ces missions et au regard des formats de restitution demandés à La Poste, dans la décision n° 2007-0443, l'Autorité doit déterminer quels sont les coûts engagés pour chacune des prestations du service universel. Pour cela, le système de comptabilité de La Poste doit respecter le principe de séparation comptable et être capable d'attribuer l'ensemble des charges sur chacune des prestations postales selon des règles de comptabilisation reflétant au mieux leur consommation réelle. Il paraît également important à l'Autorité que ces règles d'allocation s'inscrivent dans un système comptable dont la cohérence interne soit assurée.
III. ― Analyse du système de comptabilisation
des coûts de La Poste
La Poste a déjà mis en place un système de comptabilisation des coûts. L'Autorité s'est dès lors attachée à vérifier les principes et les hypothèses qui sous tendent la construction des comptes réglementaires.
III. ― 1. Le périmètre
Le groupe La Poste est constitué par l'établissement public La Poste et un ensemble de filiales en France et à l'étranger exerçant des activités n'appartenant pas au service universel postal. L'activité du groupe peut être divisée en cinq grand métiers : le courrier, le colis, La Poste Grand Public (réseau des guichets), l'express, les services financiers (devenus La Banque postale au 1er janvier 2006). L'express est entièrement filialisé et assuré par le sous-groupe Geopost (composé en particulier par Chronopost, DPD, Exapaq, Parceline et Seur). Les services financiers sont également entièrement filialisés et assurés par La Banque postale depuis le 1er janvier 2006. Outre la filialisation de ces deux métiers, La Poste a créé, en 2005, une filiale immobilière Poste Immo, qui assure la gestion du parc immobilier de manière indépendante par rapport aux métiers de La Poste, pour lesquels elle réalise des prestations.
Les activités de service universel sont entièrement pilotées par l'établissement public La Poste. C'est pourquoi, en l'état actuel, le périmètre comptable dans lequel s'inscrit le système de comptabilité réglementaire est celui des comptes de l'établissement public La Poste. Ce périmètre est un peu plus large que celui délimitant les activités du service universel.
Les coûts issus des comptes réglementaires servent de base à l'établissement de « conventions de services ». Ces dernières sont conclues entre l'établissement La Poste et ses filiales au titre des facturations des prestations réciproques réalisées.
III. ― 2. Spécificité du système de comptabilité
réglementaire actuel de La Poste
La comptabilité réglementaire de La Poste se confond avec la comptabilité analytique de l'établissement public. En effet, les charges qui alimentent la comptabilité réglementaire de La Poste sont celles de la comptabilité analytique de l'établissement public, sans qu'aucun retraitement ne soit appliqué. Les charges et les produits qui alimentent cette dernière correspondent aux charges réelles de La Poste, du fait d'un système d'information intégré de la comptabilité générale et de la comptabilité analytique. A ce stade, l'Autorité ne remet pas en cause cette identité.
L'architecture de la comptabilité réglementaire repose sur les principes suivants de déversement des masses de charges. Les charges sont d'abord enregistrées selon cinq domaines de pilotage (activités de La Poste qui pilotent des entités comptables) : les métiers « courrier », « colis » et « La Poste Grand Public » (réseau des guichets) et les deux centres de responsabilités transversales (les « services supports » et la « tête de groupe »). Les charges générées par les services supports sont réparties sur les métiers courrier, colis et La Poste Grand Public selon leur consommation effective des prestations des services supports. Les charges liées à la tête de groupe (y compris la part provenant des services supports) sont considérées comme non attribuables.
Pour répartir les charges du réseau des guichets, le système comptable identifie la part attribuable à la mission du service universel du fait des obligations du service universel et d'aménagement du territoire édictées par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005. Cette dernière est supportée par les prestations couvertes par le monopole postal. Le reste des charges est partagé entre les métiers courrier, colis et les services financiers. Dans le cadre de la création de La Banque postale, cette méthode de répartition des coûts du réseau a fait l'objet d'un examen par la Commission européenne en 2005, au terme duquel ces principes de répartition n'ont pas été remis en question. A ce stade, ils ne sont pas, non plus, remis en cause par l'Autorité. Néanmoins, dans la perspective de l'ouverture du marché postal, qui conduira à la suppression du monopole, ces principes feront l'objet d'un réexamen par l'Autorité.
Les charges des métiers courrier et colis sont ensuite réparties selon les processus (« Collecte-concentration », « Tri-transit », « Transport », « Travaux intérieurs », « Travaux extérieurs »), puis les charges de processus sont réparties sur des produits techniques par l'intermédiaire d'inducteurs de coûts. Un produit technique correspond à une prestation type jugée homogène en termes de gamme commerciale, de facteurs de coûts (donc d'urgence, de catégorie de poids) et de catégorie réglementaire. Cette construction repose essentiellement sur le découpage de l'activité de La Poste par processus et par produit technique. Ce découpage paraît à la fois fondé au regard de l'organisation de La Poste et pertinent au regard de l'économie du secteur. Il n'est pas remis en question.
Les coûts des produits commerciaux sont reconstitués à partir des coûts des différents produits techniques. La nomenclature des produits techniques ne coïncide pas toujours avec celle des produits commerciaux. En particulier, la tarification postale est traditionnellement divisée en de nombreux segments de poids, alors que le système comptable appréhende trois catégories de poids : les envois inférieurs à 50 g, les envois compris entre 50 g et 250 g et enfin les envois supérieurs à 250 g.
En cela, le système de comptabilisation de La Poste présente la particularité de n'être pas orienté vers une restitution directe en produits commerciaux. L'avantage est de permettre une consolidation plus simple des comptes réglementaires.
III. ― 3. Analyse des méthodes d'allocation des charges
Pour apprécier la pertinence du système de comptabilisation réglementaire, il convient de détailler les inducteurs et d'étudier comment ils sont mis en œuvre. Cette analyse a été faite au niveau de chacun des processus suivants : « collecte-concentration », « transport », « tri-transit » et « distribution (travaux intérieurs et travaux extérieurs) ».
1. Processus collecte-concentration
Ce processus désigne l'ensemble des traitements effectués en amont du réseau postal. Il se décompose en sept sous-processus : « collecte redressage (mise à l'endroit) - timbrage et tri de concentration », « accueil et vérification du courrier sous contrat chez le client », « accueil et vérification du courrier sous contrat en centre de tri », « guichets entreprise », « cabine courrier départ », « manutention départ », « courrier international sous contrat TIM (treatment of international mail) ». Les produits consomment en proportion différente chacun de ces sous-processus. De manière générale, la répartition des charges du processus collecte-concentration s'appuie sur trois facteurs : la nature des flux, le niveau de recommandation et le type de flux géographique. La nature des flux (égrené timbre poste, égrené machine à affranchir ou industriel) conditionne le lieu d'entrée dans le réseau et les traitements à réaliser. Le niveau de recommandation entraîne la consommation de charges de cabine ou non. Le type de flux géographique conditionne le passage ou non du courrier dans un établissement spécialisé pour isoler le courrier international sous contrat. Au regard de l'analyse des activités des processus et des explications apportées par La Poste, l'Autorité ne considère pas qu'il y ait lieu de remettre en question le choix de ces inducteurs.
La ventilation des charges des sous-processus aux produits techniques est faite selon le trafic des produits (c'est-à-dire selon le nombre d'objets), à l'exception du sous-processus « collecte redressage - timbrage et tri de concentration ». Les charges du processus de collecte étant identifiées comme variables, une règle de répartition au prorata des trafics paraît naturelle.
La répartition des charges du sous-processus « collecte redressage - timbrage et tri de concentration » est faite à partir d'un index qui attribue des coefficients différents aux produits selon leurs lieux d'entrées dans le réseau (boîtes jaunes, bureau de poste, cellules courrier ou centre de tri). Ces coefficients tiennent compte des traitements différents à appliquer à chaque produit du fait de son entrée dans le réseau. L'élaboration de la valeur numérique de ces coefficients ne repose pas sur des études suffisamment étayées, sans pour autant être infondées au regard de la pratique postale. Les enjeux relatifs à cette répartition des charges étant modérés, l'Autorité ne remet pas en cause l'utilisation de ces coefficients pour l'élaboration des comptes.
2. Processus transport
Ce processus désigne les différents flux reliant les établissements de production en aval de la collecte-concentration et en amont de la distribution. Quatre variables sont employées pour les coûts de transport : le type de liaison, le poids/format, l'urgence et le lieu de concentration.
Les liens de causalité, tels qu'expliqués par La Poste, entre ces inducteurs et les coûts des produits techniques ne semblent pas devoir être remis en cause. En effet, l'étendue des parcours types des envois impacte naturellement le coût de transport du produit concerné. De même, le lieu de concentration a une incidence sur le coût dans l'organisation actuelle de La Poste, car, selon l'endroit où a lieu la collecte du courrier, le nombre de passages dans « le sous-réseau » (liaisons routières entre les bureaux de poste et le centre de tri) est différent. Il y a deux passages lorsque les objets sont collectés en bureaux de poste et un seul pour les autres lieux de concentration.
L'impact du format sur le coût du transport est appréhendé à travers l'utilisation d'un index reflétant la contenance moyenne par catégories de poids/format d'un conteneur. Trois catégories sont définies dans la comptabilité réglementaire : le petit format, le grand format et l'encombrant. Le petit format définit la catégorie des objets dont le poids est inférieur à 50 g. Cette première catégorie correspond aux envois constituant le secteur réservé. Le grand format définit la catégorie des objets dont le poids est compris entre 50 g et 250 g tandis que l'encombrant définit celle des objets dont le poids est supérieur à 250 g. L'attribution par l'index d'un coefficient plus fort aux objets plus lourds résulte en un coût unitaire plus élevé pour ces objets.
L'urgence est un inducteur de coût car elle détermine le passage sur les liaisons aériennes des seuls produits urgents, plus coûteuses que les autres moyens de transport. Ce critère englobe implicitement celui du mode de transport.
Les règles de répartition de ces inducteurs ne sont pas remises en question. Néanmoins, l'inducteur poids/format est mis en œuvre à travers l'utilisation d'un index attribuant un coefficient de 1 aux envois petits formats, de 2 aux envois grands formats et de 10 aux encombrants. Cette pondération, qui a une influence sur la construction des coûts des prestations du secteur réservé, repose sur des dires d'expert. Compte tenu de l'enjeu de coûts entre le secteur réservé et le secteur concurrentiel du service universel, il apparaît indispensable que des études viennent étayer cette clé de répartition.
3. Processus tri-transit
Ce processus regroupe, d'une part, les opérations de tri et, d'autre part, les opérations de transit-ventilation où les objets sont traités mais ne sont pas sortis de leurs contenants (objets prétriés).
Les coûts du processus tri-transit se répartissent sur trois sous-processus : chantiers annexes amont, chantiers directeurs et chantiers annexes aval, par l'intermédiaire de cinq inducteurs : le type de flux (intra ou extra-département), l'urgence, le niveau de préparation au dépôt (égrené, lots homogènes, industriel), le critère poids/format et un critère « autre » lié au caractère mécanisable, au passage en cabine, à l'utilisation du TG3 (tri par tournée de facteur). Les produits techniques consomment en proportion différente les charges des chantiers.
La pertinence de ces inducteurs de coûts ainsi que leur méthode de mise en œuvre ne sont pas remises en question par l'Autorité. En effet, le type de flux (intra et extradépartemental) conditionne un nombre de passages en centre de tri et a donc bien une influence sur le coût de tri/transit. Le niveau d'urgence conditionne le moment du traitement (jour ou nuit). Les produits urgents étant traités essentiellement la nuit, ils coûtent plus cher en termes de tri. Le degré de préparation des objets et leur format conditionnent leur conteneurisation, le type de traitement qu'ils auront à subir ainsi que le taux de remplissage moyen des contenants. Les règles d'allocation des inducteurs reposent sur les coûts observés des travaux effectués.
4. Processus travaux intérieurs
Les travaux intérieurs désignent l'ensemble des activités de préparation du courrier préalables à la tournée de distribution. Ils se décomposent en quatre sous-processus : manutention arrivée, domicile, tri Cedex et cabine. Les charges de ces sous-processus sont ventilées selon trois inducteurs : le poids/format (petit format, grand format, encombrant), le type de chantier (cabine, domicile, Cedex), et le degré de préparation (tri réalisé par tournées ou non).
Le poids/format a une incidence sur le coût des travaux intérieurs, car les temps de tri sont plus longs avec les catégories de courrier « grand format » et « encombrant ». Le type de chantier conditionne le passage et donc la consommation de charges sur l'un des chantiers.
Le degré de préparation influence le coût des travaux intérieurs, car le tri par tournée a déjà pu être fait au centre de tri pour certains produits, ce qui économise pour ces derniers les charges de cette activité.
Les charges de manutention arrivée sont consommées par tous les produits en proportion des trafics. Les charges de tri Cedex sont attribuées uniquement au courrier des entreprises ayant signé un contrat Cedex au prorata du trafic des produits Cedex. Les charges des chantiers domicile et cabine sont réparties selon le temps de traitement relatif des produits. Dans ces trois cas, la démarche n'est pas remise en cause par l'Autorité.
En revanche, l'inducteur poids/format est mis en œuvre par l'utilisation d'un index attribuant des coefficients différents pour chacun des trois types de format. Dans le cas présent, ces coefficients sont fixés sur la base d'études statistiques et de dires d'expert. Compte tenu de l'importance du montant des coûts du processus des travaux intérieurs et de l'enjeu de l'inducteur poids/format dans la construction des coûts des prestations du secteur réservé, de nouvelles études paraissent indispensables à l'Autorité pour consolider et actualiser la méthode de construction de cet index et son application.
5. Processus travaux extérieurs
Le processus travaux extérieurs regroupe les quatre activités nécessaires à la distribution du courrier : le « haut-le-pied », qui correspond à l'action de se rendre du bureau de poste au premier point de distribution, et au retour du dernier point de distribution vers le bureau, le « parcours actif », qui désigne la distance parcourue par un facteur dans sa tournée, l'« arrêt », qui désigne l'action de dévier du parcours actif pour visiter un point de distribution (garer le véhicule, pénétrer dans un immeuble ou emprunter un chemin privatif), et la « remise », qui correspond aux opérations de dépôt des objets dans les boîtes. La distribution du courrier est assurée selon trois modes de locomotion : piéton, vélo et voiture.
Etant donné le trafic actuel distribué par La Poste, il est possible de considérer que seules les charges de remise sont des charges variables et que le parcours actif proprement dit mais également le haut-le-pied et l'arrêt sont fixes. La Poste justifie la fixité de ces charges de la manière suivante : les tournées mixtes (courrier et colis) étant saturées, une variation raisonnable du trafic n'entraîne pas de variation du trajet du facteur ni de son nombre d'arrêts.
La simplification de La Poste consistant à considérer l'arrêt comme un coût fixe est étayée par des travaux théoriques (voir Robert H. Cohen, Edward H. Chu, « A Measure of Scale Economies for Postal Systems », in Michael A. Crew, Paul R. Kleindorfer [éd.], Managing Change in the Postal Industries, Kluwer Academic Publishers, 1997), où il est souligné que seulement 6 % du coût de l'arrêt est variable ; l'effet des variations du volume des trafics postaux en France, qui se situent actuellement autour de 1 %, se limiterait donc à 0,06 % du coût de l'arrêt. A ce stade, il n'a pas semblé à l'Autorité nécessaire de remettre en question la fixité du coût de l'arrêt. La fixité du haut-le-pied n'est pas non plus remise en question.
Trois inducteurs de coûts sous-tendent la ventilation des charges de travaux extérieurs sur les produits : l'urgence, le type de remise et le critère poids/format. Concernant les charges de remise, des temps de remise standards sont évalués en fonction du format et du niveau de recommandation des produits et permettent la ventilation des charges sur les produits. L'Autorité ne remet pas en question cette démarche.
La ventilation des charges fixes des travaux extérieurs s'effectue en deux étapes : les charges sont d'abord réparties selon les niveaux d'urgence puis selon les catégories de poids/format.
Le degré d'urgence est considéré comme conditionnant l'organisation de La Poste dans le sens où, sans le courrier (J + 1) à distribuer, les tournées n'auraient pas lieu d'être réalisées tous les jours. Les charges sont réparties sur les trois niveaux d'urgence selon une logique de coûts incrémentaux. Si seuls des courriers (J + 3) et (J + 7) devaient être distribués, 3 tournées par semaine suffiraient et seule la moitié du parcours actif serait mobilisée. Le coût incrémental porté par le courrier (J + 1) est donc de 50 % du coût du parcours actif.
Les autres 50 % sont ventilés en proportion des coûts de fourniture isolée. Dans le cas où des courriers (J + 1), (J + 3) et (J + 7) devraient être distribués séparément, il y aurait au total 10 tournées à effectuer : 6 concernant le produit (J + 1), 3 concernant le produit (J + 3) et 1 concernant le produit (J + 7). Ainsi 30 % (6/10 × 50 %) sont imputés de nouveau au courrier (J + 1), 15 % (3/10 × 50 %) au courrier (J + 3) et 5 % (1/10 × 50 %) au courrier (J + 7). Au final, 80 % des charges fixes sont supportées par le courrier (J + 1) ; 15 % par le courrier (J + 3) et 5 % par le courrier (J + 7).
Pour chacun des niveaux d'urgence, les charges sont ensuite réparties sur les trois catégories de poids/format : petit format, grand format et encombrant. La variable poids/format a une incidence sur les travaux extérieurs car elle conditionne le nombre d'objets qu'un facteur peut transporter. Cette allocation est faite au prorata des coûts de fourniture isolée. Ces coûts par catégorie de poids sont calculés par une modélisation qui simule l'ensemble des tournées nécessaires pour distribuer séparément chacun des trois formats (petit format, grand format et encombrant) et qui détermine pour chaque produit le pourcentage de son coût de distribution isolée par rapport au coût total des distributions isolées des trois catégories.
Il est souhaitable que des études supplémentaires étayent la méthode d'application de l'inducteur poids/format de manière plus approfondie. Sous cette réserve, le choix de cet inducteur n'est pas à ce stade remis en question par l'Autorité.
En revanche, la règle d'allocation relative à l'urgence utilisée par La Poste nécessite d'être modifiée. Il convient de rappeler que l'urgence est une variable importante, car elle structure l'organisation de La Poste. En effet, elle conditionne la fréquence des tournées, le recours à des tris et des transports de nuit. Les coûts en jeu au niveau du processus des travaux extérieurs représentent une proportion importante de la chaîne postale.
La méthode d'allocation retenue par l'Autorité doit conduire à des allocations qui soient exemptes de subventions croisées, c'est-à-dire des allocations telles qu'aucun produit, ni aucun groupe de produits ne se voit imputer davantage que son coût de fourniture isolée. Dès lors que cette contrainte est respectée, tout produit se voit également imputer un coût supérieur à son coût incrémental en sus de la fourniture de tous les autres produits. L'ensemble de ces méthodes est assez vaste :
― à un extrême, la totalité des coûts fixes de travaux extérieurs d'un système de 6 tournées pourrait être allouée aux produits urgents. Cette allocation correspondrait à la séquence incrémentale suivie par un opérateur dont la démarche serait de rentrer sur le marché en offrant d'abord des produits J + 1 (qui nécessitent une organisation à 6 tournées) puis des produits en J + 3 (organisation à 3 tournées) et enfin des produits à J + 7 (qui ne requièrent qu'une tournée).
― à un autre extrême, les produits urgents pourraient supporter uniquement 50 % des coûts fixes des travaux extérieurs d'un système de 6 tournées et les produits non urgents supporteraient les 50 % restants. Cette allocation correspondrait à la séquence incrémentale suivie par un opérateur dont la démarche serait de rentrer sur le marché en offrant d'abord des produits J + 7 (qui nécessitent une organisation à une tournée) puis des produits en J + 3 (2 tournées supplémentaires) et enfin des produits urgents (3 tournées supplémentaires).
L'Autorité considère que cette seconde allocation est celle qui correspond le mieux au développement de la concurrence dans le secteur postal. Elle priverait toutefois La Poste de la faculté de récupérer ses économies d'envergure sur tous les produits non urgents, le coût alloué au produit J + 7 n'étant pas strictement inférieur au coût d'une tournée. C'est pourquoi l'Autorité préconise la méthode décrite ci-après qui, à la fois, prend en compte la référence concurrentielle et redistribue les économies d'envergure égalitairement (en valeur relative) entre les trois produits.
Dans une situation de fourniture isolée, c'est-à-dire le cas où les produits J + 1, J + 3 et J + 7 sont distribués séparément, 6 tournées seraient nécessaires pour le J + 1, 3 tournées pour le J + 3 et 1 tournée pour le J + 7. Il y aurait au total 10 tournées à effectuer.
En revanche, quand les tournées sont assurées conjointement, l'organisation exige uniquement 6 tournées. La distribution jointe des trois catégories de produits procure à cet opérateur une économie d'envergure de 4 tournées.
Dans ces conditions, l'Autorité retient :
― au premier ordre, une règle d'allocation qui attribue à chacun des produits son coût de fourniture isolée ; ce qui correspond, d'une part, au montant maximal imposé par l'absence de subventions croisées et, d'autre part, à la référence concurrentielle pertinente selon l'Autorité pour les produits J + 3 et J + 7.
― au second ordre, une correction à la baisse de l'allocation déjà effectuée qui redistribue à chaque produit une quote-part de l'économie d'envergure rendue possible par la distribution conjointe. Ces quote-parts sont calculées au prorata des allocations de premier ordre, c'est-à-dire des coûts de fourniture isolée, de manière à consentir le même taux d'économie à chacun des produits distribués de manière jointe plutôt qu'isolément.
Cette procédure conduit à imputer aux produits J + 1, J + 3 et J + 7 le coût, respectivement, de 3,6 tournées, 1,8 tournée, 0,6 tournée :
J + 1 : 6T ― [(6/10) × 4T] = 3,6T
J + 3 : 3T ― [(3/10) × 4T] = 1,8T
J + 7 : 1T ― [(1/10) × 4T] = 0,6T
L'allocation ainsi obtenue permet à La Poste de répercuter ses économies d'envergure sur l'ensemble des ses produits tout en étant suffisamment proche de la référence concurrentielle (laquelle conduirait à imputer aux produits J + 1, J + 3 et J + 7 le coût, respectivement, de 3 tournées, 2 tournées, 1 tournée).
En outre, La Poste conserve le bénéfice de ses économies d'échelle.
Ainsi, la règle retenue par l'Autorité fait supporter 60 % des coûts aux produits J + 1, 30 % aux produits J + 3 et 10 % aux produits J + 7.
IV. ― Conclusion
Au terme de cette analyse, l'Autorité demande à La Poste de modifier la répartition des charges fixes des travaux extérieurs entre les trois niveaux d'urgence.
L'Autorité rappelle que ce dispositif est de nature réglementaire et n'a pas pour objet de modifier les règles de pilotage et de gestion adoptées par l'entreprise. Il a pour seule finalité de produire une restitution de coûts réglementaires jugée plus pertinente que la précédente pour rendre compte de l'économie des offres de La Poste.
Par ailleurs, l'Autorité observe que l'effet du facteur « poids/format » mériterait d'être mieux étayé. Elle ne remet pas en cause à ce stade les valorisations adoptées par La Poste mais invite cette dernière à produire rapidement des études complémentaires dans un calendrier à définir. Compte tenu de l'importance de ce facteur, ces études devraient porter sur l'ensemble des processus, avec une priorité sur la distribution,
Décide :
Les règles de comptabilisation des coûts que La Poste doit appliquer à compter de l'exercice 2007 sont celles définies en annexe de la présente décision, sous réserve de la modification introduite par les dispositions de l'article 2.
La Poste doit allouer les coûts fixes des travaux extérieurs sur les trois niveaux d'urgence, (J + 1), (J + 3) et (J + 7)) selon la règle d'allocation définie dans le 5° du III-3 de la présente décision, de manière à ce que 60 % des coûts fixes soient imputés aux produits (J + 1), 30 % aux produits (J + 3) et 10 % aux produits (J + 7).
Outre la production des comptes réglementaires établis conformément à la présente décision, La Poste produira également pour l'exercice 2007 les comptes 2006 pro forma avec application des nouvelles règles comptables.
Le directeur général est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera notifiée à La Poste et publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 12 février 2008.
Le président,
P. Champsaur