L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs à l'égard des réseaux et services de communications électroniques (« directive service universel ») ;
Vu la recommandation 2005/698/CE de la Commission du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre réglementaire pour les communications électroniques ;
Vu la position commune ERG (05)29 de 2005 du groupe des régulateurs européens « Guidelines for implementing the Commission Recommendation C(2005) 3480 on Accounting Separation & Cost Accounting Systems under the regulatory framework for electronic communications » ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (CPCE), et notamment ses articles L. 32-1, L. 35, L. 35-3, L. 36-7, L. 38, L. 38-1, R. 20-31 à R. 20-40, D. 303 à D. 314 ;
Vu l'arrêté du ministre en charge des télécommunications du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866 et dont le siège social est situé au 6, Place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, ci-après dénommée « France Télécom » ;
Vu les arrêtés du ministre en charge des communications électroniques du 3 mars 2005 portant désignation de l'opérateur chargé de fournir les composantes du service universel prévues aux 1°, 2°, et 3° de l'article L. 35-1 du CPCE ;
Vu la décision n° 2005-0280 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional ;
Vu la décision n° 2005-0281 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 juillet 2005 portant sur la définition du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations qui lui sont imposées ;
Vu la décision n° 2005-0571 modifiée de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2005-1079 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 6 décembre 2005 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les coûts et les tarifs des activités fixes régulées de France Télécom pour les années 2006 et 2007 ;
Vu la décision n° 2006-0592 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 26 septembre 2006 portant sur la définition des marchés pertinents des services de capacité, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;
Vu la décision n° 2006-1062 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 4 mai 2006 spécifiant les modalités techniques et tarifaires de l'offre de vente en gros de l'accès au service téléphonique ;
Vu la décision n° 2007-0834 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 10 octobre 2007 relative à la fixation de la valeur définitive du taux de rémunération du capital pour le calcul du coût net définitif du service universel pour l'année 2006 prévu par l'article R. 20-37 du code des postes et communications électroniques ;
Vu la consultation publique de l'Autorité sur le projet de décision portant sur la détermination du taux de rémunération du capital des activités régulées du secteur fixe, du secteur mobile et du secteur de la télédiffusion, lancée le 3 décembre 2007 et clôturée le 11 janvier 2008 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Après en avoir délibéré le 7 février 2008,
I. - Cadre juridique
Le cadre légal et réglementaire en vigueur impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateurs disposant d'une influence significative sur ces marchés et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.
Conformément à ce dispositif réglementaire, l'Autorité a mené :
― l'analyse des marchés de la téléphonie fixe correspondant aux marchés 1 à 10 définis par la Commission européenne. A ce titre, l'Autorité a imposé pour les prestations desdits marchés de gros de France Télécom l'obligation d'orientation vers les coûts et de comptabilisation des coûts et aux prestations desdits marchés de détail l'obligation de comptabilisation des coûts ;
― l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional et a imposé à France Télécom l'obligation d'orientation vers les coûts, ainsi que celle de comptabilisation des coûts ;
― l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national et a imposé à France Télécom l'obligation de comptabilisation des coûts.
Par ailleurs, les offres associées à la fourniture d'une des composantes du service universel sont soumises à l'obligation d'orientation vers les coûts au titre de l'article R. 20-30-11 du CPCE.
Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.
Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital à fin de comptabilisation des coûts, comme le précise l'article D. 312 du CPCE :
« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
II. - Décisions antérieures
Pour l'année 2006, l'Autorité avait fixé dans sa décision 2007-0834 susvisée le taux de rémunération du capital employé à 10 % pour le calcul du coût net définitif du service universel.
Pour les années 2006 et 2007, l'Autorité avait fixé dans sa décision n° 2005-1079 susvisée le taux prévisionnel de rémunération du capital employé à 9,8 % pour les coûts et les tarifs des activités régulées.
III. - Méthode employée par l'Autorité
La méthode
La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité a sollicité des expertises extérieures durant plusieurs années. Elle a notamment confié des études à des cabinets spécialisés en finance.
Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont ainsi permis de consolider et d'améliorer la méthode, fondée sur le coût moyen pondéré du capital et le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du GRE sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés.
Par ailleurs, l'Autorité a mené une consultation publique (4 décembre 2007-11 janvier 2008) portant sur le taux de rémunération du capital des activités fixe, mobile et télédiffusion, dont il ressort un consensus sur la méthode.
Les contingences dans l'évaluation de certains paramètres
Il est apparu depuis quelques années que plusieurs paramètres utilisés par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.
Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), il est apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres « télécoms », rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché, qui peuvent être affectées par des comportements spéculatifs ou des événements conjoncturels.
Par ailleurs, les évolutions de valorisation et de structure de capital de France Télécom au cours des années récentes, ainsi que la stratégie de cet opérateur à l'international, sont autant d'éléments qui viennent perturber l'évaluation du coût du capital pertinent pour les activités régulées.
La mise en œuvre d'une approche de long terme
Sur la base de ces constats, l'Autorité a cherché, à méthode constante, à prendre en compte des paramètres évalués dans une perspective de plus long terme et fondés sur des raisonnements moins contingents.
Cette évolution avait été préparée notamment à travers différents échanges :
― échanges multilatéraux avec le secteur ;
― séminaire public ;
― appels à commentaires.
La méthode et les raisonnements développés pour l'estimation des paramètres suite à ces travaux ont vocation à s'appliquer aussi bien au secteur mobile et au secteur de la télédiffusion qu'au secteur fixe. De même, plusieurs paramètres sont identiques pour les trois secteurs : le taux sans risque, la prime de marché, le taux marginal d'imposition sont des paramètres généraux de l'économie qui ne diffèrent pas d'un secteur à l'autre.
Par ailleurs, le processus de consultation publique mené par l'Autorité a permis de confirmer que les acteurs considéraient également cette approche comme pertinente.
L'Autorité considère ainsi qu'une approche de long terme reste souhaitable pour le secteur, conformément à la pratique établie depuis 2003.
IV. - Evaluation du taux pour les années 2008 et 2009
Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :
― le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;
― le coût de la dette de l'opérateur.
Cette pondération est basée sur une structure d'endettement cible.
La mesure du coût des capitaux propres
Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué, selon le MEDAF, par la formule :
ke = Rf + b (Rm ― Rf)
et nécessite l'établissement des paramètres suivants :
― Le taux sans risque (Rf) : la valeur du taux sans risque de référence choisie par l'Autorité est celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à 10 ans). L'Autorité a retenu pour les années 2008 et 2009 un taux sans risque de 4,3 %. L'Autorité observe qu'entre la date de la mise en consultation et la date de la prise de décision la valeur du taux sans risque a progressé de 4,4 % à 4,5 %, puis est redescendue à 4,1 %, ce qui montre qu'une valeur instantanée, si elle reflète les meilleures anticipations du marché, reste très contingente à sa date d'observation. L'Autorité retient la valeur de 4,3 % qui correspond à la dernière valeur de la moyenne mobile sur six mois. La valeur du taux sans risque retenue reflète la hausse des taux d'intérêt observée sur l'année 2007, puisque le taux sans risque retenu pour les années 2006 et 2007 était de 3,7 %.
― la prime de marché (Rm ― Rf) : l'Autorité s'est appuyée sur les différentes études et analyses dont elle a eu connaissance pour retenir la prime de marché correspondant au taux de rentabilité attendu par les investisseurs. Elle a retenu une prime de marché de 5 % ;
― le risque spécifique de l'investissement b (bêta) lié à l'activité fixe : pour évaluer ce risque, l'Autorité a comparé les données financières disponibles pour France Télécom à des échantillons d'opérateurs européens comparables. Elle a par ailleurs confronté ce résultat aux valeurs retenues par différents régulateurs européens pour le calcul de taux de rémunération comparables. Enfin, les différentes évaluations du bêta sur données financières, réalisées par l'Autorité ainsi que les éléments fournis par France Telecom dans le cadre de la réponse à la consultation publique, confirment la pertinence de l'approche retenue dans les décisions précédentes. En conséquence, l'Autorité retient un bêta de 1.
Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 14,2 %.
La mesure du coût de la dette
L'Autorité a déterminé le coût de la dette à partir du taux sans risque défini précédemment, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise. Ce coût de la dette avant impôt a été évalué à 5,6 % pour les années 2008 et 2009. Il incorpore une prime de dette de 1,25 %, cohérente avec le levier d'endettement cible, et qui tient compte des conditions de financement plus « resserrées » que lors du dernier exercice de fixation du taux de rémunération du capital.
V. - Taux de rémunération du capital
Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée de ces deux valeurs, soit 10,7 %.
L'évolution du niveau de ce taux par rapport à celui établi par la décision n° 2005-1079 susvisée résulte de la hausse observée du taux sans risque, ainsi que celle de la prime de dette.
VI. - Champ d'application de la décision
Le taux de rémunération fixé dans cette décision repose sur une évaluation du risque global de l'activité fixe de France Télécom. Il a donc vocation à s'appliquer à toutes les offres régulées de France Télécom reposant sur l'utilisation de son réseau fixe, lorsque ces offres sont soumises à une obligation d'orientation vers les coûts ou de comptabilisation des coûts,
Décide :
Le taux de rémunération du capital nominal avant impôt, utilisé pour évaluer les coûts et les tarifs des activités fixes régulées de France Télécom, est fixé à 10,7 % pour les années 2008 et 2009.
Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à France Télécom.
Fait à Paris, le 7 février 2008.
Le président,
P. Champsaur