LOI FACILITANT L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES
ET DES HOMMES AU MANDAT DE CONSEILLER GÉNÉRAL
Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, le 12 février 2008, par M. Jean-Pierre Bel, Mme Jacqueline Alquier, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Mme Christiane Demontès, MM. Jean Desessard, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Mmes Odette Herviaux, Sandrine Hurel, Annie JarraudVergnolle, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Serge Larcher, Mme Raymonde Le Texier, MM. André Lejeune, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropeano, André Vantomme et Richard Yung, sénateurs ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, modifié notamment par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 15 février 2008 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général comporte un article unique ; que celui-ci modifie l'article L. 221 du code électoral, relatif au remplacement des conseillers généraux, en insérant dans son premier alinéa un renvoi à l'article LO 151-1 du même code ; qu'il prévoit ainsi que, lorsqu'un parlementaire élu conseiller général démissionne de ce dernier mandat pour cause de cumul, son remplaçant lui succède sans qu'il soit besoin d'organiser une élection partielle ;
2. Considérant que les sénateurs requérants contestent la conformité à la Constitution de cette disposition en invoquant, en premier lieu, une tradition républicaine en vertu de laquelle les règles électorales ne pourraient être modifiées dans l'année qui précède un scrutin et, a fortiori, lorsque le processus électoral a débuté ; qu'ils estiment que cet usage aurait acquis la force d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, lequel n'aurait pas été respecté en l'espèce ; qu'ils font valoir, en deuxième lieu, que la loi porterait atteinte à la liberté de choix des électeurs en créant une incertitude sur l'identité de la personne qui exercera effectivement le mandat ; qu'ils dénoncent, en troisième lieu, une méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'ils ajoutent, enfin, que la loi violerait le principe d'égalité devant le suffrage et altérerait la sincérité du scrutin ;
3. Considérant, en premier lieu, que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l'alinéa premier du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que le principe invoqué par les requérants ne résulte d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946 ; que diverses lois antérieures ont, au contraire, modifié les règles électorales dans l'année précédant le scrutin ; qu'ainsi, la prohibition de telles modifications ne saurait être regardée comme constituant un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que, par suite, le grief invoqué est inopérant ; qu'en tout état de cause, la loi déférée ne modifie pas les règles législatives applicables à l'organisation, au déroulement et au mode de scrutin, mais se borne, dans un cas particulier, à adapter les règles qui fixent le remplacement des conseillers généraux ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les électeurs connaissent, dès la déclaration de candidature, tant l'identité des candidats que celle de leurs remplaçants éventuels ; qu'ils n'ignorent pas si le candidat est, par ailleurs, déjà parlementaire ; que, par suite, la loi déférée ne porte pas atteinte à leur liberté de choix ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la loi est précise et non équivoque ; qu'elle ne méconnaît donc pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'un élu local qui choisit, pour respecter la législation relative au cumul, d'abandonner son mandat de conseiller général à la suite de son élection au Parlement, et un parlementaire élu conseiller général, qui renonce à ce dernier mandat pour le même motif, ne sont pas dans une situation identique ; que le législateur pouvait, par suite, sans méconnaître le principe d'égalité, se borner à modifier la règle de remplacement du parlementaire en situation d'incompatibilité du fait de son élection au conseil général ;
7. Considérant, enfin, que la loi ne favorise pas, par elle-même, les manœuvres électorales ; qu'il appartiendrait au juge de l'élection, saisi d'un tel grief, d'apprécier si la candidature d'un parlementaire qui n'aurait jamais eu l'intention de siéger au conseil général, à la seule fin de faciliter l'élection de son remplaçant, a ou non altéré, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin ;
8. Considérant qu'il s'ensuit que la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution,
Décide :
La loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général n'est pas contraire à la Constitution.
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 février 2008, où siégeaient : Mme Dominique Schnapper, exerçant les fonctions de président, MM. Guy Canivet, Renaud Denoix de Saint Marc et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Jean-Louis Pezant et Pierre Steinmetz.
Le président,
Jean-Louis Debré