La commission émet l'avis suivant :
I. ― Par lettres en date des 26 janvier 2006, 25 octobre 2007 et 18 janvier 2008, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, en vue du transfert au secteur privé de la société Développement des agro-industries du Sud (DAGRIS), dont le capital est détenu par l'Etat à hauteur de 64,67 %.
L'article 108 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 a ajouté DAGRIS à la liste, figurant en annexe de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 modifiée de privatisation, des entreprises dans lesquelles les participations de l'Etat seront transférées au secteur privé. Le transfert au secteur privé de DAGRIS a été autorisé par le décret n° 2005-268 du 24 mars 2005.
Une première procédure de cession n'ayant pas été menée à son terme, le ministre a décidé en octobre 2007 que l'Etat céderait de gré à gré 51 % du capital de DAGRIS, le solde de sa participation ayant vocation à être transféré à l'Agence française de développement à laquelle sera laissé le soin de rechercher une association des acteurs africains à la gestion des filières cotonnières et l'entrée de ceux-ci au capital de DAGRIS.
En application des dispositions de l'article 1er (2°) du décret n° 93-1041 du 3 septembre 1993, le ou les acquéreurs sont sélectionnés par le ministre, sur avis conforme de la commission, sur la base d'un cahier des charges. La commission a émis sur ce cahier des charges l'avis n° 2007-AC-4 du 25 octobre 2007.
Un avis du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi relatif à la vente de gré à gré par l'Etat de 51 % du capital de DAGRIS et précisant les conditions de retrait du cahier des charges a été publié au Journal officiel du 9 novembre 2007.
A la suite de cet appel d'offres, trois candidats ont déposé le 21 décembre 2007 une offre ferme :
― la société Advens (offre conjointe avec CMA-CGM) ;
― la société Agro Energie Développement ;
― la société SOFIPROTEOL (offre conjointe avec l'IDI et M. Antoine Gendry).
S'agissant d'une cession hors marché, l'avis conforme de la commission sur le choix des acquéreurs et les conditions de la cession est requis aux termes de l'article 4 de la loi du 6 août 1986 susvisée.
II. ― La société DAGRIS, anciennement Compagnie française de développement du textile, a été créée en 1949 en vue de développer la filière cotonnière en Afrique subsaharienne. Elle se présente aujourd'hui comme un groupe agro-industriel intégré présent, en amont de la filature, sur l'ensemble de la chaîne de valeur du coton et implanté principalement en Afrique.
Le groupe DAGRIS a ainsi développé quatre métiers :
― la production de fibres de coton et de semences à travers ses participations dans des sociétés locales (dont les principales sont SOCOMA au Burkina Faso, SODEFITEX au Sénégal et CMDT au Mali) ;
― la commercialisation de la fibre de coton (COPACO) et le contrôle de sa qualité (SOSEA) ;
― la production et la commercialisation de produits oléagineux à travers ses participations dans des sociétés locales (Nioto au Togo et SN CITEC au Burkina Faso) ;
― la fourniture de prestations logistiques et d'ingénierie aux filières de production cotonnière et oléagineuse.
La société DAGRIS SA, société mère du groupe, a développé pour sa part des activités de conseil et d'ingénierie industrielle, ainsi que des activités de financement.
Depuis sa création, DAGRIS a apporté une contribution importante à certains des pays les plus pauvres du monde où la filière cotonnière est devenue un des vecteurs principaux de développement et de cohésion sociale des zones rurales.
Le groupe DAGRIS, qui emploie environ 2 000 personnes, a réalisé durant l'exercice 2006 un chiffre d'affaires consolidé de 303 millions d'euros.
Le capital de DAGRIS est réparti de la manière suivante :
― Etat français : 64,67 % ;
― salariés : 7,97 % ;
― fédérations textiles françaises : 9,57 % ;
― autres actionnaires : 17,79 %.
III. ― L'activité du groupe DAGRIS a été affectée au cours des dernières années par la mauvaise conjoncture cotonnière, malgré la hausse de la demande mondiale. L'augmentation des amortissements et provisions d'exploitation rendue nécessaire par cette évolution a entraîné une dégradation de la rentabilité du groupe. L'activité des sociétés productrices africaines est grevée par la faiblesse du prix du coton qui résulte principalement de l'évolution à la baisse du dollar, monnaie dans laquelle le prix international du coton est exprimé, et de la distorsion du marché qu'engendrent les subventions accordées par certains pays riches à leurs propres producteurs de coton.
Au cours des derniers mois, le cours international du coton s'est redressé mais ce mouvement reste en partie contrebalancé par la persistance de la faiblesse du dollar. Le prix du coton reste ainsi déprimé par rapport au coût de production en Afrique, suscitant le recul de la production. Les fonds de régularisation du prix du coton qui devaient être créés par les autorités publiques de plusieurs pays producteurs sont par ailleurs mis en place avec retard.
Durant l'exercice 2006, qui est le dernier dont les comptes ont été arrêtés et audités, la société DAGRIS SA a réalisé un chiffre d'affaires de 24,3 millions d'euros (― 3 % par rapport à 2005). La dégradation de la situation des filiales de production en Afrique a rendu nécessaire la constitution d'un volume important de provisions (plus de 42 millions), d'exploitation et hors exploitation, en vue de constater les risques de pertes tant sur les titres de participation que sur certaines créances détenues sur des filiales dont l'équilibre financier et d'exploitation est devenu très compromis. De ce fait, le résultat d'exploitation de DAGRIS SA pour l'exercice 2006 a été rendu déficitaire de 37,8 millions d'euros (contre 6,4 en 2005) et une perte nette de 42,2 millions a été enregistrée, alors que l'exercice 2005 avait été bénéficiaire de 6,6 millions grâce à des plus-values de cessions d'actifs (bénéfice distribué aux actionnaires).
En 2006, le chiffre d'affaires consolidé du groupe DAGRIS s'est élevé à 303 millions d'euros (― 10 % par rapport à 2005). Il est réalisé principalement à travers la société de commercialisation de coton COPACO. Des provisions importantes, concernant en particulier la société SOCOMA au Burkina Faso, ont rendu le résultat d'exploitation (― 32 millions d'euros contre ― 12 en 2005) et le résultat net (― 70 millions contre un profit de 3 millions en 2005) consolidés très déficitaires.
Le premier semestre 2007 illustre la poursuite des difficultés du groupe. Si au niveau consolidé le chiffre d'affaires n'est qu'en légère baisse, il diminue de moitié au niveau de DAGRIS SA par rapport au premier semestre 2006. Cette baisse est due en presque totalité à la réduction des revenus de l'ingénierie, du fait de la non-réalisation dans le contexte économique actuel de projets, en particulier d'égrenage et d'estérification au Burkina Faso. Compte tenu de la nécessité de poursuivre le provisionnement des titres des filiales dont la situation est compromise ainsi que de certaines des créances détenues sur elles, DAGRIS SA a enregistré dans ses comptes une nouvelle perte d'exploitation de 8,7 millions d'euros sur les six premiers mois de 2007 et une perte nette de 7,5 millions. Les comptes consolidés pour la même période font apparaître une perte d'exploitation de 5,7 millions et une perte nette de 21,2 millions d'euros.
Les fonds propres de DAGRIS SA s'élèvent au 30 juin 2007 à 38,7 millions d'euros et sur une base consolidée à 11,1 millions (part du groupe). La dégradation de sa situation financière a conduit DAGRIS SA à donner aux banques qui financent DAGRIS SA et SOCOMA des garanties hypothécaires en novembre 2007.
La commission a eu communication du compte de résultat prévisionnel révisé établi par DAGRIS SA pour l'ensemble de l'exercice 2007. Celui-ci prévoit un chiffre d'affaires global pour 2007 de 11 millions d'euros (― 55 % par rapport à 2006), un déficit d'exploitation de 7,5 millions et une perte nette de 8,1 millions. Les charges d'exploitation, élevées, n'ont pas été maîtrisées.
IV. ― La décision de l'Etat de céder à un acquéreur de gré à gré 51 % du capital de DAGRIS ayant été publiée, comme il est dit au point I du présent avis, au Journal officiel du 9 novembre 2007, les intéressés ont pu accéder au cahier des charges de la cession.
Ce dernier précise notamment que « l'Etat entend procéder au transfert dans des conditions financières conformes à ses intérêts patrimoniaux, et dans des conditions permettant d'assurer le développement à long terme de la société, dans le cadre d'un projet industriel et social cohérent ».
En vue de sélectionner l'acquéreur, « l'Etat privilégiera les offres fermes :
― optimisant les conditions financières de cession de la société ;
― permettant à la société de disposer des capacités techniques et financières nécessaires à son développement industriel et stratégique à long terme ;
― préservant le rôle de DAGRIS SA en tant qu'acteur historique des filières cotonnières et oléagineuses dans de nombreux pays africains, en cohérence avec les valeurs et objectifs du groupe et son rôle dans les économies des pays du Sud, et favorisant son insertion dans les économies locales ;
― offrant les meilleures perspectives en matière sociale et en matière d'actionnariat salarié, notamment les mécanismes permettant d'assurer la liquidité des titres DAGRIS SA détenus par les salariés ;
― garantissant un actionnariat stable et pérenne de la société ».
Le cahier des charges prévoit que le paiement des actions cédées par l'Etat devra se faire exclusivement en numéraire. Les offres fermes ne devront par ailleurs comporter aucune demande de garanties d'actifs ni de passifs. Enfin, « le candidat recevable devra prendre un engagement de détention des actions acquises dans DAGRIS SA de trois ans au minimum ».
Les candidats intéressés à l'acquisition devaient se faire connaître au plus tard le 26 novembre 2007. Six candidats se sont manifestés : Advens (offre conjointe avec CMA-CGM), Agro Energie Développement (groupe LMBO), BOA Group, Olam (Singapour), SOFIPROTEOL (offre conjointe avec l'IDI et M. Antoine Gendry) et SOMDIAA.
Les six candidats ont été considérés comme recevables au regard des critères énumérés au cahier des charges. Ils ont eu accès à une salle d'informations (data room), ouverte du 27 novembre au 12 décembre, ainsi qu'à des entretiens avec les dirigeants de DAGRIS et avec l'Agence française de développement. A l'issue de cette procédure, ils ont été invités à remettre leur offre ferme, irrévocable et inconditionnelle le 21 décembre 2007. Trois offres ont été déposées à cette date par Advens (offre conjointe avec CMA-CGM), Agro Energie Développement et SOFIPROTEOL (offre conjointe avec l'IDI et M. Antoine Gendry).
L'examen des offres a conduit à l'envoi aux trois candidats le 8 janvier 2008 de demandes de clarifications, auxquelles ils ont répondu. Ces demandes portaient notamment sur les conséquences financières éventuelles de litiges en cours.
La ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, par note du 18 janvier 2008, a saisi la commission d'une proposition visant à retenir comme acquéreur de la participation cédée par l'Etat dans DAGRIS, au vu des énonciations de son offre, le consortium constitué par les groupes Advens et CMA-CGM. Cette recommandation est fondée sur une analyse des conditions d'acquisition proposées par le candidat, sur son projet industriel et sur sa capacité à le mettre en œuvre.
V. ― La commission a procédé à l'examen des trois offres et à l'audition des candidats.
a) Offre conjointe d'Advens et CMA-CGM :
L'offre d'acquisition de la société Advens est déposée conjointement avec la société CMA-CGM. L'achat des actions de DAGRIS cédées par l'Etat serait réalisée par la société Geocoton Holding détenue par les deux partenaires à hauteur de respectivement 51 % pour Advens et 49 % pour CMA-CGM.
Advens a été créé en 1988 par M. Abbas Jaber. A l'origine société de négoce vers l'Afrique de l'Ouest et centrale, Advens s'est développé dans des activités industrielles, logistiques et de transport au Sénégal et au Mali. Advens a pris notamment le contrôle de deux sociétés de production : Suneor, première entreprise sénégalaise de produits oléagineux, et Sétuna, unité d'aliments de bétail. Sur le plan logistique, Advens contrôle le chemin de fer Dakar―Bamako et a obtenu la concession d'exploitation du terminal céréalier du port de Dakar.
Le groupe CMA-CGM résulte de la fusion de deux compagnies maritimes, la CMA, créée en 1978 par M. Jacques Saade, et la CGM, privatisée en 1996. Il constitue le troisième groupe mondial de transport maritime et offre à ses clients les services complémentaires au transport. Le groupe est fortement implanté en Afrique, notamment au travers de sa filiale Delmas.
Le consortium propose d'acquérir la participation cédée par l'Etat au prix de 12 749 275,72 EUR, soit 12,236 EUR par action.
L'acquéreur prévoit des modalités particulières d'acquisition concernant les actions détenues par les salariés. Il propose aux autres minoritaires l'acquisition de leurs actions de DAGRIS au même prix que celles de l'Etat.
Le projet industriel consiste à constituer entre Advens et DAGRIS un ensemble agro-industriel fondé sur deux filières principales : le coton, à destination de l'industrie textile, et l'huile, à destination de l'industrie alimentaire. L'objectif est de maîtriser la chaîne de valeur de la production agricole jusqu'à la distribution, pour chacune des filières, en les faisant bénéficier des synergies transversales. Le groupe recherchera l'amélioration de la productivité agricole, la valorisation des produits et des sous-produits, ainsi qu'une diversification tant des cultures (arachide, jatropha, tournesol) que des débouchés (bioénergies). L'outil industriel sera rendu plus flexible pour répondre à cette stratégie. Advens apportera à DAGRIS ses compétences en négoce et la logistique sera revue et optimisée en partenariat avec CMA-CGM. L'assistance technique sera redéployée pour répondre de façon plus adaptée aux besoins. Les financements de l'activité du groupe seront restructurés.
La réorganisation de DAGRIS pourrait avoir des impacts sur l'emploi, qui se traduiraient par des redéploiements et, le cas échéant, des réductions d'effectifs qui auraient lieu sous forme de départs volontaires.
b) Offre de Agro Energie Développement :
Agro Energie Développement est détenue à 51 % par la société LMBO Finances, les autres actionnaires étant des personnes physiques. Elle a été constituée pour la production de bioénergies et le développement d'autres productions alimentaires et non alimentaires dans les pays en développement, dans le cadre de filières complètes. Pour sa part, le groupe LMBO, créé en 1986, est spécialisé dans les opérations de création ou de transmission d'entreprises familiales de taille moyenne, principalement dans les activités de distribution et de services.
Agro Energie Développement propose d'acquérir la participation cédée par l'Etat au prix de 1 020 000 EUR, soit 0,98 EUR par action.
Le projet industriel prévoit une vision élargie de la filière coton. S'agissant des cultures, il envisage une augmentation des surfaces et des rendements ainsi qu'une diversification des cultures (tournesol ou jatropha) pour faire face aux difficultés actuelles. Pour les huileries et autres installations industrielles et logistiques, seront recherchés de nouvelles sources d'approvisionnement et de nouveaux débouchés, alimentaires et non alimentaires (biocarburants et bio-électricité).
Du point de vue social, l'objectif est de maintenir au maximum l'emploi et de développer la formation du personnel et la mobilité au sein du groupe. L'offre ne donne pas de précisions sur le traitement de l'actionnariat salarié.
c) Offre conjointe de SOFIPROTEOL, l'IDI et M. Antoine Gendry :
L'offre d'acquisition de la société SOFIPROTEOL est déposée conjointement avec l'IDI et M. Antoine Gendry. Le consortium a indiqué que SOFIPROTEOL et l'IDI détiendront chacun 47,5 % du capital de la société SODACO qui contrôlera DAGRIS, l'autre associé étant M. Antoine Gendry, qui sera appelé à prendre la direction opérationnelle de DAGRIS.
SOFIPROTEOL est l'établissement financier de la filière française des huiles et des protéines végétales. Il assure la gestion de plusieurs fonds financiers qui lui permettent d'intervenir sur chaque maillon de la chaîne de la filière. Il détient par ailleurs des participations majoritaires dans des entreprises qui se répartissent en deux pôles d'activité : la transformation des oléagineux (Saipol pour la trituration avec 80 % de la capacité nationale, Lesieur pour l'alimentation et Diester pour le biodiesel) et l'alimentation animale (Glon Sanders, leader du secteur, a été acquis en 2007).
L'IDI (Institut du développement industriel), créé par l'Etat en 1970 puis racheté par ses dirigeants, est un fonds d'investissement qui gère environ 250 millions d'euros de capitaux propres. Il intervient dans des secteurs d'activité variés, principalement en France mais aussi dans des pays émergents.
M. Antoine Gendry a été dirigeant opérationnel de plusieurs sociétés industrielles dont certaines avaient une importante implantation en Afrique.
Le consortium propose d'acquérir la participation cédée par l'Etat au prix de 5 095 125,72 EUR, soit 4,89 EUR par action.
L'acquéreur prévoit des modalités particulières d'acquisition concernant les actions détenues par les salariés.
Le projet industriel du consortium s'appuie sur le développement des métiers traditionnels de DAGRIS et le transfert à la société de l'expérience et du savoir-faire de ses membres, notamment dans les filières interprofessionnelles et dans la valorisation des huiles, tant pour les usages alimentaires que non alimentaires (biocarburants) ainsi que des tourteaux pour l'alimentation animale. Il prévoit la cession de l'immeuble du siège social et une augmentation de capital social.
Le projet social n'exclut pas la mise en œuvre de mesures de réduction d'effectifs.
VI. ― Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de DAGRIS en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
A cette fin, elle a disposé du rapport de Rothschild, banque conseil de l'Etat, qui présente une évaluation de DAGRIS fondée sur la somme de deux éléments :
― l'actualisation des flux d'exploitation de DAGRIS SA jusqu'en 2011 (à titre complémentaire la valeur de l'exploitation de DAGRIS SA a été estimée sur la base des multiples implicites de l'offre d'Olam sur Queensland) ;
― la valorisation des actifs et passifs (immeuble du siège social, titres de participations, actifs et passifs financiers).
Pour cette analyse, la banque conseil a pris en considération trois scenarii qualifiés « optimiste », « central » et « conservateur ».
S'agissant de l'actualisation des flux, la banque conseil a établi un plan d'affaires actualisé et complété jusqu'en 2011 de l'entreprise. Ce plan se fonde sur une reprise en 2008 de l'activité de DAGRIS SA au niveau des chiffres d'affaires des années antérieures à 2007, puis d'une légère croissance. En raison des incertitudes sur la capacité à restaurer la rentabilité opérationnelle, la banque ne prend pas en compte de valeur résiduelle en 2011. Les trois scenarii se distinguent par les hypothèses retenues en matière de réduction des charges, le cas optimiste prévoyant un retour de l'exploitation à l'équilibre en 2011.
S'agissant des actifs et passifs, la banque conseil a estimé la plus-value réalisable en cas de cession de l'immeuble du siège social et elle a déterminé les risques financiers pesant sur la société, notamment au titre des garanties données relatives à la filiale SOCOMA au Burkina Faso. Pour les titres de participations, ainsi que les comptes courants et créances sur les filiales de production, la banque a repris l'analyse selon trois scenarii : celui « optimiste » consiste à retenir pour l'essentiel les valeurs nettes comptables des actifs à l'arrêté du 30 juin 2007, et les deux autres se distinguent par l'ampleur des corrections de valeur complémentaires auxquelles procède la banque. Enfin, l'incidence des déficits fiscaux est prise en compte.
Sur ces bases, la banque conseil évalue DAGRIS selon les trois scenarii retenus à 25,8 millions d'euros, 10,4 millions et ― 4 millions.
VII. ― La commission note que la reprise en octobre 2007, après l'interruption de l'été, du processus de cession du contrôle de la société DAGRIS, suivant la méthode de l'appel d'offres avec cahier des charges, a permis à trois candidatures de se manifester au terme d'un processus ouvert, transparent et non discriminatoire.
Il appartient à la commission, aux termes de la loi, d'évaluer la valeur de l'entreprise dont la cession est projetée. L'évaluation de DAGRIS est rendue difficile, tant pour les candidats à l'acquisition que pour la commission elle-même, en raison de la dégradation de la situation du groupe principalement dans ses filiales de production africaines. D'abord affectées par la faiblesse du prix du coton, ces sociétés ont subi ensuite les effets défavorables de la hausse du cours du franc CFA, dont la parité est fixe avec l'euro, par rapport au dollar, monnaie dans laquelle est exprimé le cours du coton sur le marché international. Elles n'ont pu ainsi bénéficier de la reprise récente des cours en dollars. Le groupe se trouve donc confronté à une situation complexe et empreinte d'incertitude en ce qui concerne tant l'apurement du passé que la mise en œuvre de mesures de lissage des cours dans le secteur cotonnier. Il dépend largement de l'évolution de l'économie mondiale du marché du coton et des décisions politiques des Etats africains concernés.
Si, pour l'exercice 2006 et à nouveau pour l'arrêté des comptes du premier semestre 2007, des corrections de valeurs très importantes (plus de 50 millions d'euros) ont été dotées pour déprécier tant la valeur des titres de filiales à la situation financière compromise que les avances à elles faites par DAGRIS, les montants de ces provisions demeurent sujets à une marge d'appréciation importante. La présentation par la banque conseil de trois évaluations selon le degré d'optimisme des hypothèses retenues en est une illustration. Les délais importants de production des comptes des filiales, et donc des comptes consolidés, ajoutent à ces incertitudes.
Les comptes annuels certifiés pour 2006 et les comptes du premier trimestre 2007 examinés par les commissaires aux comptes constituent toutefois une base objective sur laquelle la commission s'est appuyée, en les corrigeant des éléments de réévaluation ou de prise en compte de risques supplémentaires avérés appropriés. La commission a noté que la cession est opérée par l'Etat sans octroi d'aucune garantie financière à l'acheteur. Elle a pris en considération la valeur de cette clause qui est importante dans la situation d'incertitude où se trouve la société.
Sur ces bases, et en l'absence de charge demeurant au secteur public après la cession, la commission a évalué la valeur de l'entreprise.
Saisie par le ministre de la proposition de retenir comme acquéreur de 51 % du capital de la société DAGRIS le groupe Advens, selon les termes de son offre conjointe avec CMA-CGM, la commission constate que cette offre est du point de vue patrimonial nettement la mieux-disante pour l'Etat et qu'elle respecte la valeur de l'entreprise. Elle est la seule à proposer une solution complète pour la sortie du capital des autres actionnaires qui le souhaiteraient.
Le projet industriel d'Advens, visant à constituer un ensemble agro-industriel cohérent fondé sur deux filières principales, le coton et l'huile, paraît susceptible de répondre aux enjeux auxquels le groupe DAGRIS fait face et rejoint, en les amplifiant, des orientations qu'il avait lui-même ébauchées. L'attention apportée par le projet aux cultures, à l'outil industriel, à la logistique, au négoce et aux financements, accompagnée de propositions détaillées dans tous ces domaines, paraît adaptée à la situation de DAGRIS. Enfin le groupe Advens, comme CMA-CGM, ont une grande expérience de la zone géographique dans laquelle s'exerce l'activité de DAGRIS.
L'offre d'Advens et CMA-CGM répond donc aux objectifs poursuivis par l'Etat et aux conditions fixées par le cahier des charges, sans qu'à cet égard une des deux autres offres puisse être considérée comme lui étant supérieure.
Une objection pourrait survenir quant au bon moment pour opérer la cession, DAGRIS étant encore incontestablement dans une période défavorable de son activité. La commission s'est interrogée sur un éventuel report du processus de cession. Un tel report ne lui est apparu ni réaliste ni conforme à l'intérêt patrimonial de DAGRIS et de son actionnaire l'Etat.
En effet :
― la détention de la majorité du capital de DAGRIS par l'Etat français est perçue par de nombreux partenaires de la société comme un élément d'ambiguïté de nature à gêner l'activité et les investissements de DAGRIS alors que l'ensemble de la filière coton s'inscrit dans un contexte de privatisation et de vive concurrence ;
― la gestion de DAGRIS doit impérativement être redressée, ce que le secteur privé paraît mieux à même de réaliser.
Enfin, la commission a noté que l'Etat entend confier le soin à l'Agence française de développement d'associer des acteurs africains à la gestion des filières cotonnières et de permettre l'entrée de ceux-ci au capital de DAGRIS. Elle a aussi noté que les candidats à l'acquisition avaient été informés que l'agence était prête à prendre sa part des efforts de redressement de certaines filiales de production en Afrique, en particulier SOCOMA, dans des conditions qui restent à déterminer avec le nouvel actionnaire majoritaire de DAGRIS.
Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable à la proposition de la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi de retenir comme acquéreur de la participation de 51 % cédée par l'Etat dans DAGRIS le consortium constitué par les sociétés Advens et CMA-CGM, ainsi qu'au projet d'arrêté annexé au présent avis.