J.O. 302 du 29 décembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2005-0452 du 14 juin 2005 concernant le projet de décret relatif aux redevances assorties à l'occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées prévus par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code des postes et des communications électroniques


NOR : ARTJ0500063V



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la directive 2002/20 /CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques ;

Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil en date du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code du domaine de l'Etat ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l'économie numérique ;

Vu le décret no 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévues par les articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications ;

Vu l'avis no 97-24 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 5 mars 1997, sur le projet de décret d'application des articles L. 47 et L. 48 du code des postes et des télécommunications ;

Vu l'avis no 97-112 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 28 avril 1997, sur le projet de décret portant application des articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications ;

Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie, en date du 13 mai 2005 ;

Après en avoir délibéré le 14 juin 2005,



I. - ÉLÉMENTS DE CONTEXTE



La loi no 96-659 du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications a introduit dans le code des postes et télécommunications un article L. 47 relatif aux modalités d'occupation du domaine public routier.

Le législateur renvoyait à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer le montant maximum des redevances dues par l'opérateur à la collectivité publique concernée.

A cette fin, le Premier ministre a adopté le 30 mai 1997 le décret no 97-683 du 30 mai 1997 susvisé au terme duquel se trouvait institué un mécanisme de plafonnement du montant annuel des redevances applicables au titre de l'occupation privative du domaine public routier.

Le 21 mars 2003, dans un arrêt « SIPPEREC », le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation des articles R. 20-45 à R. 20-54 du code des postes et télécommunications dans la mesure où, en l'absence de toute justification apportée par l'administration, « l'écart entre le montant de la redevance due pour les autoroutes et le montant de la redevance due pour les routes nationales, départementales et communales ne peut être regardé comme respectant le principe d'égalité ».

A la suite de cette décision, un nouveau projet de décret a été élaboré, puis soumis à une phase de consultation publique à partir du mois de septembre 2004.

Ce projet de texte tient également compte des modifications apportées par la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle en tant qu'elle introduit à l'article L. 45-1 du code des postes et des communications électroniques le principe d'un plafonnement des redevances assorties à l'occupation du domaine public non routier.

Le présent projet de décret apporte encore, en application des dispositions de l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques, certaines précisions réglementaires relatives au régime juridique des servitudes qui peuvent être instituées sur les propriétés privées. Les modifications envisagées restent cependant marginales.

En conséquence, le projet de décret d'application des articles L. 45-1, L. 47 et L. 48 du code s'attache essentiellement à établir le plafond des redevances dues au titre de l'occupation privative du domaine public routier et de l'occupation privative du domaine public non routier.



II. - SUR LES NIVEAUX DE REDEVANCE



1. En ce qui concerne les écarts

entre les différents montants de redevance


L'article R. 56 du code du domaine de l'Etat dispose que « toute redevance stipulée au profit du trésor doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ». Par la suite, la jurisprudence administrative est venue préciser cette règle en posant le principe selon lequel la redevance doit être calculée en fonction de la valeur locative d'une propriété privée comparable, mais également en fonction de l'avantage spécifique que tire l'occupant de la jouissance privative du domaine public. Le juge administratif admet encore que seul le critère de l'avantage retiré peut être pris en considération par l'administration pour fixer le montant d'une redevance.

Par ailleurs, dans une décision récente, le juge administratif a rappelé que lorsque d'importantes incertitudes entachaient la détermination des avantages que les opérateurs de réseaux de communications électroniques étaient supposés retirer de l'occupation du domaine public fluvial et du domaine public routier, le montant réclamé n'apparaissait pas juridiquement fondé (1). Au cas d'espèce, le juge avait pu tirer toutes les conséquences du fait que le gestionnaire du domaine a reconnu l'existence d'un rapport de 10 à 25 entre les tarifs des redevances pratiqués sur le domaine public routier et sur le domaine public non routier.

En outre, l'Autorité indique que l'évaluation de l'avantage retiré par l'occupant privatif du domaine peut être fonction de la nécessité de réaliser ou non des travaux de génie civil. L'utilisation par un opérateur donné des tranchées existantes, réalisées le cas échéant par la collectivité elle-même, peut expliquer le montant plus élevé des redevances dans la mesure où les coûts afférents aux travaux d'installation n'ont pas été supportés par l'opérateur.

Dans ces conditions, il apparaîtrait souhaitable que les niveaux des redevances plafonds fixées par le décret soient fondés sur des explications tenant à la différence d'évaluation des avantages retirés par les opérateurs dont les installations se situent sur les différentes dépendances de l'un ou l'autre des deux domaines.

Or l'Autorité constate que :

- le projet de texte prévoit des écarts de redevances entre les différents domaines plus importants que ceux ayant conduit à l'annulation du précédent décret par le Conseil d'Etat, ou que ceux ayant permis au tribunal administratif dans l'affaire précitée de constater que le montant réclamé n'apparaissait pas fondé. En effet, le projet de décret instaure un barème qui conduit à mettre en place des redevances sur le domaine public routier et non routier dont les tarifs varient dans une proportion allant de 1 à 100 ;

- le rapport au Premier ministre, joint au présent projet de décret, semble relativement fragile dans la mesure où, s'agissant du domaine public autoroutier et du domaine public fluvial, les arguments tirés de la continuité du domaine, de la surveillance du réseau et de l'existence d'un interlocuteur unique sont indifféremment avancés pour déterminer l'avantage retiré par l'occupant privatif. Pourtant, le projet de décret ne semble pas en tirer les conséquences et s'abstient d'aligner au même niveau le montant des redevances perçues au titre de l'occupation des dépendances correspondantes. En effet, il ressort du projet d'article R. 20-52 que les sommes varient dans un rapport de 1 à 3 selon qu'il s'agit d'occuper respectivement le domaine public autoroutier ou le domaine public fluvial.

Il pourrait dès lors apparaître souhaitable, soit de réduire les écarts entre les niveaux de redevance assortis à l'occupation des différents types de domaines, soit d'en étayer les motifs de justification.


(1) Tribunal administratif de Lyon, ordonnance du 24 février 2005, Compagnie nationale du Rhône, req. no 0406250.

2. Effets sur les opérateurs de communications électroniques


Les opérateurs de communications électroniques interrogés par l'Autorité ont estimé que si la fixation de montants plafonds pouvait être considérée comme un moyen permettant de limiter la propension du gestionnaire à relever le niveau des redevances, elle pouvait également les amener à imposer de manière systématique un niveau de redevance égal au plafond prévu.

L'effet du nouveau décret sur chaque opérateur dépend de la situation particulière de son réseau. Le tableau ci-après simule un opérateur alternatif ayant établi un réseau d'environ 15 000 km, en utilisant les règles suivantes :

- le réseau national ou interrégional représente environ 5 000 km, répartis en trois tiers égaux entre voies navigables, réseau ferré et réseau autoroutier ; sur ces axes, 5 fourreaux sont posés initialement ;

- le réseau interurbain et infrarégional représente également 5 000 km et est construit exclusivement sur routes ; 5 fourreaux ont également été posés ;

- le réseau local, urbain, représente 5 000 km, et est posé au tiers sur le domaine public routier et aux deux tiers sur d'autres dépendances, comme les égouts ; seuls trois fourreaux sont posés initialement.

Dans le tableau ci-dessous, l'estimation des niveaux de redevances actuelles repose sur une analyse des cas connus par l'Autorité.




Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 302 du 29/12/2005 texte numéro 127



Les résultats de cette simulation montrent que l'impact des nouveaux niveaux de redevance prévus par le projet de décret pour un opérateur qui aurait déployé un réseau de communications électroniques sur l'ensemble des domaines considérés n'est pas négligeable.

Certains opérateurs alternatifs ayant essentiellement déployé leur réseau sur l'une des dépendances du domaine public supportent par voie de conséquence une charge financière très lourde. Ainsi, pour un réseau essentiellement déployé sur le domaine public fluvial, les projections indiquent une aggravation du poids des redevances dans les coûts d'exploitation du réseau d'un facteur 4.

Le paiement de redevances dont l'assiette serait rapportée à chaque fourreau reviendrait à faire supporter aux opérateurs les plus capillaires le paiement d'une somme annuelle proche de 40 millions d'euros.

S'agissant de France Télécom, il apparaît que son réseau de collecte est constitué d'un peu plus de 100 000 km et son réseau de desserte d'à peu près 700 000 km. Une partie importante du réseau est vraisemblablement située sur le domaine routier. Il en ressort que la prise en compte des nouveaux niveaux de redevance au niveau du seul domaine public routier aura un impact important, de l'ordre de 20 %.

L'effet du nouveau décret sur les opérateurs n'est donc pas négligeable. Cet effet global est le résultat :

- d'une modification des plafonds autorisés, par rapport aux plafonds précédents ou aux pratiques conventionnelles telles que décrites par les opérateurs ; la diminution de certains d'entre eux tendrait néanmoins à diminuer le montant total des redevances, hors domaine public routier ;

- à une augmentation de l'impact financier supporté par les opérateurs en raison de la généralisation de la taxation à l'artère, définie comme un tube de protection contenant ou non un câble, à l'ensemble des domaines considérés, contrairement à certaines pratiques conventionnelles décrites par les opérateurs ; cette modification a un impact considérable ; la partie III du présent avis revient sur cet aspect du décret.


3. Conclusion


Le dispositif du nouveau décret peut conduire à des augmentations de redevance importantes, tant pour les opérateurs alternatifs que pour l'opérateur historique A ce sujet, l'Autorité s'interroge sur la logique de telles augmentations à l'heure où l'extension des réseaux de communications électroniques est généralement considérée comme un élément favorable au développement de l'économie dans son ensemble.

Le législateur a d'ailleurs retenu cette conception en introduisant dans le code général des collectivités territoriales l'article L. 1425-1 afin de permettre aux collectivités d'établir et d'exploiter des infrastructures et des réseaux pour favoriser le développement de leur territoire.

Par ailleurs, compte tenu des montants en jeu, le risque contentieux ne saurait être ignoré.

En l'état, les justifications des écarts entre les plafonds applicables aux différents types de domaines, de un à dix entre les routes et autoroutes, de un à trois entre les autoroutes et les voies navigables, et de un à cent entre les routes et les voies ferrées, pourraient être renforcées.



III. - SUR LA DÉFINITION DES ARTÈRES

ET LA PERCEPTION DE REDEVANCES SUR LES FOURREAUX



1. Situation actuelle


Avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2004 précitée, aucune disposition législative ne renvoyait à un décret le soin de déterminer le montant maximum des redevances perçues à raison de l'occupation privative du domaine public non routier. Seul le montant des redevances liées à l'occupation du domaine public routier donnait lieu à la détermination par voie réglementaire d'un seuil maximum.

Dans ce cadre, les dispositions du décret du 30 mai 1997 susvisé rapportaient le montant dont était redevable l'opérateur à la distance mesurée en kilomètres et à la notion d'artère définie comme étant « dans le cas d'une utilisation du sous-sol, un tube de protection contenant ou non des câbles, ou un câble en pleine terre ; dans les autres cas, l'ensemble des câbles tirés entre deux supports ».

S'agissant du domaine public non routier, les tarifs étaient fixés par voie de convention particulière entre le gestionnaire et l'occupant. Par suite, les pratiques constatées révèlent que, selon les cas, la détermination du montant des redevances est fonction, soit du nombre de bottes de fourreaux, soit du nombre de fourreaux.

Dans ces conditions, l'échelle de calcul de la redevance a pu varier considérablement d'un gestionnaire à un autre. Ainsi, sur le domaine de Réseau ferré de France, la botte de trois fourreaux constitue la valeur de base destinée à établir le montant de la redevance.

Sur le domaine de Voies navigables de France, la part de redevance qui est fonction du linéaire de parcours, correspond à des infrastructures comprenant un fourreau de 100 mm de diamètre ou quatre fourreaux de 50 mm de diamètre maximum.

Il sera exposé ci-après les raisons pour lesquelles le projet de décret pourrait être l'occasion d'abandonner la référence à la notion d'artère, telle qu'elle est définie dans le texte du 30 mai 1997 et dont les termes sont à nouveau repris dans le présent projet de décret.


2. Nécessité de disposer d'un parc de fourreaux vides


Près de 70 % du coût des réseaux de communications électroniques est constitué de coûts de génie civil, et notamment de travaux de tranchées, sur les réseaux routiers ou non routiers.

Lors de travaux de génie civil, la différence de coût entre la pose d'un ou de plusieurs fourreaux est relativement faible, de l'ordre de un à deux euros par mètre et par fourreau, soit moins de 5 % du coût global.

La pose de fourreaux vide ne présente pas d'intérêt à court terme pour l'opérateur, et peut être considéré comme un poste de coûts inutiles. A moyen et long terme en revanche, les fourreaux vides révèlent toute leur utilité :

- l'opérateur peut développer son activité et avoir besoin de poser de nouvelles fibres optiques ; s'il dispose de fourreaux vides, il ne sera pas dans l'obligation d'ouvrir une nouvelle tranchée, et pourra y tirer un nouveau câble, pour une fraction du coût complet ;

- un autre opérateur peut souhaiter déployer un réseau sur le même tracé ; la collectivité gestionnaire du domaine peut alors inviter les opérateurs à partager leurs infrastructures afin de minimiser les nuisances liées aux travaux. Or, ce partage, encouragé au demeurant par les dispositions législatives, n'est possible que s'il existe des fourreaux disponibles.

Dans les prochaines années, deux facteurs structurels vont renforcer l'intérêt des opérateurs privés et des autorités publiques pour disposer de parcs de fourreaux vides importants.

En premier lieu, la zone de concurrence effective par les réseaux alternatifs est appelée à s'étendre. Cette extension de la concurrence des centres-villes vers les zones périurbaines et les petites villes est un objectif prioritaire pour la compétitivité des entreprises et l'accès des ménages à l'internet haut débit.

En second lieu, il est probable que la France, comme d'autres pays, connaîtra une nouvelle vague de déploiement de boucle locale vers les utilisateurs finaux. Le réseau local en cuivre a vraisemblablement vocation à être remplacé par une boucle optique. La fibre s'est jusqu'à présent développée sur certains segments des réseaux télécoms : réseaux longue distance, réseaux de collecte, raccordement de centres d'affaires. Elle est susceptible, à moyen terme, de se développer dans les réseaux d'accès, sous diverses formes (filières d'accès FTTx).

A l'échelle mondiale, le nombre de points d'accès raccordés en fibre optique était estimé à 1,9 million au 1er trimestre 2004, dont 78 % sont localisés en Asie. Une dynamique se confirme aux Etats-Unis sous l'impulsion d'opérateurs majeurs (Verizon, SBC, Bell South) enclenchant ainsi une baisse des coûts des équipements. Si les déploiements FTTx en Europe restent encore très marginaux, l'intérêt pour des accès à très haut débit se manifeste sur le segment entreprise et les zones d'activités et se généralisera dans les années à venir. Ce mouvement sera d'autant plus facile que les opérateurs, notamment l'opérateur historique, auront posé ou auront accès à des fourreaux vides préexistants.


3. Risques inhérents au projet de décret


D'une manière générale, l'Autorité constate que le nombre de fourreaux disponibles, c'est-à-dire ceux qui ont été posés vides par anticipation, est d'ores et déjà souvent insuffisant. Les cas où des travaux de génie civil sont nécessaires pour déployer un nouveau réseau alors même que des travaux similaires ont pu être réalisés peu avant pour le compte d'un autre opérateur restent fréquents.

Or, le coût de pose par anticipation d'un fourreau vide est relativement modeste et peut être estimé à environ un euro par mètre. Le projet de décret conduit à soumettre au paiement de redevances les fourreaux vides posés sur le domaine routier à hauteur de 0,03 EUR par mètre et par an, et jusqu'à 3 EUR par mètre et par an sur certaines dépendances du domaine public.

Ainsi, en considérant que la période de trente ans correspond à la durée pendant laquelle aucune intervention majeure n'est nécessaire sur une tranchée, le coût de pose d'un fourreau vide par anticipation pour un opérateur réalisant des travaux de génie civil se décomposerait, en cas d'adoption du projet de décret, en :

1 EUR par mètre de coût technique payé initialement ;

Entre 0,9 EUR et 90 EUR de redevances d'occupation du domaine public.

Les opérateurs de réseaux qui se trouveraient soumis au paiement de redevances pour des gaines vides posées par anticipation, souvent à la demande même du gestionnaire, pourraient alors être tentés de renoncer ou de limiter l'installation de fourreaux ne contenant pas de câble.

Par ailleurs, l'augmentation sensible du niveau plafond en ce qui concerne l'occupation en aérien des dépendances du domaine public routier peut être de nature à pénaliser plus fortement l'opérateur historique dans la mesure où la majeure partie de son réseau se déploie à partir d'infrastructures aériennes alors que les opérateurs alternatifs utilisent plus souvent le sol ou le sous-sol du domaine public.

Au surplus, il n'est pas exclu qu'une telle orientation entre en contradiction avec les principes juridiques les mieux établis.

Ainsi, il convient de souligner que, dans l'intérêt du domaine, le législateur a souhaité indiquer à l'article L. 45-1 in fine du code des postes et des communications électroniques que « l'installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l'environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public ». En dépit de cette préoccupation, le projet de décret pourrait aboutir à la multiplication des travaux de génie civil sur le domaine public, compte tenu de la forte désincitation à la mise en place de capacité de réserve par les opérateurs premiers occupants du domaine.

De même, les textes législatifs et réglementaires ont toujours prévu des mécanismes destinés à encourager le partage des installations, y compris dans l'actuel projet d'article R. 20-48. Or, en raison des redevances susceptibles d'être exigées à raison de chaque fourreau vide, les capacités de mutualisation entre opérateurs se trouveront rapidement réduites.

Par ailleurs, il est admis par la jurisprudence administrative que l'autorité compétente peut adapter le niveau de la redevance à l'usage effectif du domaine dans la mesure où, conformément aux règles de la domanialité publique, la redevance se conçoit comme la contrepartie des avantages retirés par l'occupant privatif. Or, il pourrait être soutenu que l'avantage retiré de la pose d'un fourreau vide ne peut donner lieu au paiement d'une redevance d'un montant identique à celui qui serait perçu dans le cas de l'installation d'une gaine contenant un câble.

Enfin, l'Autorité qui, en application des dispositions de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, est notamment chargée de veiller au développement de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques, considère que l'arrêt probable de tout déploiement de fourreaux par anticipation pourrait gravement obérer à brève échéance le déploiement de réseaux de fibres sur le segment de l'accès, notamment dans le cadre des filières FTTx.


4. Conclusion


L'Autorité souhaite alerter le pouvoir réglementaire sur l'absence d'efficacité économique et le risque d'incohérence juridique qui résulteraient du maintien et de la généralisation à l'ensemble des dépendances du domaine public d'un mécanisme permettant de soumettre l'occupant privatif au paiement de redevances à raison des artères mises en place, y compris lorsqu'il s'agit de fourreaux vides.

Afin de permettre la réalisation des objectifs d'aménagement du territoire et de promotion de la société de l'information, l'Autorité estime que le projet de décret devrait être l'occasion d'abandonner la notion d'artère, telle que définie dans le décret de 1997 et de tendre vers une notion définie comme « une tranchée contenant un ou plusieurs fourreaux de câbles parallèles ».

Cette définition n'aurait pas pour effet de restreindre la possibilité de fixer éventuellement les plafonds de redevances à un niveau supérieur par tranchée, en tenant compte du nombre actuel moyen de fourreaux par artère. En toute hypothèse, elle permettrait d'éviter, à flux financiers constants, le mouvement de désincitation des opérateurs à constituer des fonds de réserve de fourreaux vides, ménageant ainsi leur propre avenir et, le cas échéant, celui d'autres opérateurs.

Par conséquent, l'Autorité fait part de ses plus vives réserves quant à la mise en oeuvre d'un dispositif susceptible, non seulement d'entraver le développement des réseaux de communications électroniques, mais également de nuire à la gestion efficace du domaine public.



IV. - REMARQUES INCIDENTES



1. En ce qui concerne la portée des plafonds

indiqués par le décret


Le projet de décret d'application pourrait utilement comporter une formule signalant au gestionnaire qu'il n'y a pas lieu de recourir à l'application systématique des plafonds réglementaires et que l'intérêt du domaine peut, au contraire, justifier le choix d'un montant de redevance moins élevé.

A ce titre, la rédaction précédente qui résultait de l'article R. 20-53 du code des postes et télécommunications pourrait être maintenue puisqu'elle mentionnait explicitement que le niveau prescrit « est un barème maximum. Il s'applique en l'absence de détermination de montants inférieurs par le ministre chargé du domaine pour les redevances dues à raison de l'occupation du domaine public de l'Etat et par l'organe délibérant des collectivités territoriales pour les redevances dues à raison de l'occupation de leur domaine public ».


2. En ce qui concerne les termes employés


L'alinéa 9 du projet d'article R. 20-45 confère aux seuls maires et président de communauté la compétence pour délivrer les permissions de voirie. Afin de mieux prendre en compte la variété des formules de regroupement intercommunal, l'Autorité préconise de substituer aux mots « le président de la communauté » les mots « le président de l'établissement public de coopération intercommunale ».

Au dernier alinéa du projet d'article R. 20-45, les mots « exploitants de réseaux ouverts au public » pourront être préférés à la formule obsolète « opérateurs autorisés ».

Enfin, dans le texte du projet d'article R. 20-54-1, il conviendra de substituer au mot « télécommunication » la formule retenue par le législateur : « communications électroniques ».


3. En ce qui concerne le degré de précision

de la cartographie demandée


Les dispositions du 7° de l'article R. 20-47 imposent à l'exploitant de présenter, parmi les pièces du dossier technique constitué en vue d'obtenir la permission de voirie, les indications sous forme numérique des ouvrages de génie civil qui constituent l'infrastructure du réseau. Des précisions relatives au format des fichiers et à la représentation graphique des ouvrages de génie civil peuvent donner lieu à un arrêté conjoint des ministres compétents.

Cette disposition constitue une avancée significative, prenant d'une part acte du développement de la société de l'information, et permettant aux gestionnaires de domaine public d'en optimiser à moyen terme la gestion.

Toutefois, la marge de tolérance de 20 cm admise en ce qui concerne les cotes relatives aux installations de communications électroniques concernées semble être un objectif difficilement atteignable, compte tenu des connaissances effectives des opérateurs sur la localisation de leur réseau.


4. En ce qui concerne la situation des stations radioélectriques


Le projet d'article R. 20-52-I (3°) n'impose aucun plafond en ce qui concerne l'utilisation du domaine public routier par les stations radioélectriques. S'agissant du domaine public non routier, les dispositions du a (3°), b (3°) et c (3°) du projet d'article R. 20-52-II maintiennent le principe de l'absence de tout plafonnement.

Les opérateurs mobiles sont ainsi directement concernés par le régime juridique particulier qui pourrait résulter de l'adoption de ces dispositions. Dès lors, l'Autorité remarque que, dans la mesure où ces derniers ne sont visés par aucun mécanisme de plafonnement, le risque d'une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ne doit pas être négligé.



V. - CONCLUSION GÉNÉRALE



L'Autorité émet un avis défavorable sur le projet de décret dans la mesure où :

- le texte prévoit le maintien et la généralisation du paiement de redevance en fonction de l'artère installée, y compris lorsqu'elle demeure vide, quelles que soient les dépendances du domaine public occupé ;

- la constitution de capacités de réserve par les opérateurs est d'autant plus importante que les réseaux sont en phase de déploiement et que le futur équipement des entreprises en fibre optique nécessitera la mise à disposition de nombreux fourreaux.

L'Autorité note par ailleurs que la fixation d'un prix plafond est susceptible de constituer pour le gestionnaire intéressé une incitation forte à imposer directement aux opérateurs le niveau maximum. Une formule explicite pourrait rappeler que l'intérêt même du domaine peut justifier le choix d'un montant moins élevé.

Enfin, l'Autorité ne peut qu'attirer l'attention du pouvoir réglementaire sur la nécessité de renforcer la justification des écarts de plafond proposés pour les redevances applicables aux différents types de domaine.

Le présent avis sera transmis au ministre délégué à l'industrie et publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 14 juin 2005.



Le président,

P. Champsaur