J.O. 185 du 11 août 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision du 4 juin 2004 se prononçant sur un différend qui oppose la société Clariant Huningue à la SAEML Hunélec relatif aux conditions financières d'acheminement de l'énergie électrique pour son usine de fabrication de produits chimiques


NOR : CREX0407424S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 9 avril 2004 sous le numéro 04-38-05, présentée par la société Clariant Huningue, société par actions simplifiées, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Mulhouse sous le numéro B 302 305 529, dont le siège social est situé 45, avenue de Bâle, 68330 Huningue, prise en la personne de son représentant légal, M. Renaud Spitz, ayant pour conseil M. Jean Lhoiry, président de la société Experts en tarification de l'énergie (ETE), 38660 Le Touvet.

La société Clariant Huningue a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la SAEML Hunélec sur les conditions financières d'acheminement de l'énergie électrique pour son usine de fabrication de produits chimiques de Huningue (Haut-Rhin).

Elle soutient qu'en omettant de l'avertir de son intention d'appliquer un tarif d'acheminement de l'énergie électrique différent de celui publié par Electricité de France, la société Hunélec n'a pas négocié de bonne foi et a abusé de sa situation de monopole, en méconnaissance des dispositions de l'article 20.2 de la directive 96/92 /CE du 19 décembre 1996 et du dernier alinéa de l'article 1er de la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 18 mai 2000. La société Clariant Huningue considère qu'en augmentant unilatéralement le tarif d'acheminement, la société Hunélec a cherché à la pénaliser pour avoir fait jouer la concurrence, ce qui constitue une violation du 2° du II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 modifiée, qui interdit toute discrimination pour l'accès aux réseaux publics de transport et de distribution.

La société Clariant Huningue considère que le surcoût qui lui a ainsi été imposé n'est pas justifié dans son principe, dès lors qu'il appartenait à la société Hunélec, conformément aux dispositions combinées du 2° du II de l'article 2 et du II de l'article 5 de la loi du 10 février 2000, de saisir le fonds de péréquation de l'électricité si elle estimait que le barème transitoire d'Electricité de France ne couvrait pas les coûts de transport jusqu'à son site industriel. Elle soutient que le barème spécifique mis en place par la société Hunélec doit être regardé comme inapplicable, quelle que soit la date à laquelle il a été déposé auprès de la Commission de régulation de l'énergie et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La société Clariant Huningue rappelle à ce titre qu'avant la loi du 10 février 2000, les dispositions combinées de l'ordonnance du 1er décembre 1986, du décret du 29 juillet 1988 et de l'arrêté du 17 février 1993 interdisaient de pratiquer des tarifs supérieurs à ceux d'Electricité de France. Elle indique que depuis la loi du 10 février 2000 et avant la publication du décret du 26 avril 2001, aucun barème spécifique ne pouvait être appliqué, le premier alinéa du II de l'article 4 de la loi précitée ne prévoyant pas de calcul réseau par réseau. Elle estime, enfin, qu'après la publication du décret du 26 avril 2001, et en l'absence de décret fixant les premiers tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, la société Hunélec n'avait pas le droit d'appliquer son barème.

La société Clariant Huningue soutient, en outre, que le montant du surcoût est injustifié, alors que les décrets du 29 juillet 1988 et du 26 avril 2001 sont très précis sur les paramètres de tarification et qu'en l'espèce, en raison de leur proximité avec le poste mixte, les coûts réels liés à la desserte de ses installations sont inférieurs au coût moyen d'un client national pour lequel le tarif transitoire RSTA est applicable.

La société Clariant Huningue demande à la Commission de régulation de l'énergie :

- de dire que la société Hunélec ne pouvait pas légalement mettre en place et appliquer un barème transitoire d'acheminement de l'énergie électrique supérieur à celui publié par Electricité de France pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 ;

- de dire que les factures payées à la société Hunélec du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 devront être régularisées sur la base du barème transitoire RSTA publié par Electricité de France et que le surcoût, soit 75 000 euros hors taxes, devra lui être remboursé majoré des intérêts au taux légal depuis le 1er novembre 2001.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 6 mai 2004, présentées par la société Hunélec, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution, société anonyme d'économie mixte locale (SAEML), inscrite au registre du commerce et des sociétés de Mulhouse sous le numéro TI B 377 817 473, dont le siège social est situé à l'hôtel de ville, 2, rue de Saint-Louis, 68330 Huningue, représentée par son directeur général, M. Benoît Kirba.

La société Hunélec indique avoir mis en place, avant l'entrée en vigueur du décret du 19 juillet 2002, un tarif spécifique tenant compte de ses coûts de distribution, parce que le barème transitoire d'Electricité de France ne lui permettait pas de couvrir ses charges. Elle assure ne s'être jamais écartée des dispositions réglementaires dans l'élaboration et la diffusion de ses tarifs et rappelle n'avoir reçu aucune observation des pouvoirs publics sur cette question.

Elle fait remarquer que les particularités historiques du site industriel de la société Clariant Huningue ont conduit à l'adoption de solutions d'alimentation sécurisées, qui ont longtemps satisfait les deux parties, et qu'il convient de tenir compte de ce contexte. La société Hunélec précise s'être toujours attachée à justifier le bien-fondé de ses positions, dont la légalité et la légitimité lui paraissent incontestables, et considère que la société Clariant Huningue ne saurait prétendre avoir subi la moindre discrimination.

La société Hunélec soutient que le barème transitoire contesté a été adopté pour éviter tout amalgame entre les activités d'acheminement et celles de fourniture et qu'il a été appliqué de façon non discriminatoire à tout client éligible. Elle ajoute que ce barème reflétait exactement ses coûts, les calculs étant menés par niveau de tension selon une logique de péréquation géographique et non sous la forme d'un coût marginal d'alimentation de la société Clariant Huningue. La société Hunélec considère que sur la période transitoire 2000-2002 l'ouverture du marché a profité à la société Clariant Huningue qui a bénéficié, en exerçant son éligibilité, d'une baisse sensible de ses charges d'électricité.

Elle soutient que la société Clariant Huningue n'est pas fondée à remettre en cause sa bonne foi dans le cadre des négociations relatives à la fourniture d'énergie, alors que la réglementation issue de la loi du 10 février 2000 n'imposait pas de négocier le tarif d'accès, qui devait simplement refléter les coûts de chaque distributeur avant d'être fixé au plan national par le décret du 19 juillet 2002.

La société Hunélec soutient que la société Clariant Huningue fait une fausse interprétation de la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 18 mai 2000, qui ne concerne pas les tarifs de transport, mais les négociations sur les contrats des clients éligibles. Elle soutient que la société Clariant Huningue ne saurait invoquer la moindre discrimination, dans la mesure où elle était, à l'époque où ont été établies les factures, la seule à avoir exercé son éligibilité et se trouvait ainsi dans une situation différente de celle des autres clients de son réseau. Elle fait remarquer qu'en communiquant le décompte précis de ses charges, elle s'est conformée aux dispositions de la loi du 10 février 2000, selon lesquelles le tarif doit refléter l'ensemble des coûts de distribution. Elle ajoute que, si en 2000 elle s'en est tenue au tarif provisoire d'Electricité de France qui n'avait aucune force légale, ce n'est qu'afin de disposer du temps nécessaire pour élaborer son propre tarif.

Elle considère que la société Clariant Huningue ne saurait prétendre qu'il lui appartenait de saisir le fonds de péréquation de l'électricité prévu au II de l'article 5 de la loi du 10 février 2000 si le barème transitoire d'Electricité de France ne couvrait pas l'ensemble de ses coûts, alors que ces dispositions renvoient au péage, et non à un quelconque tarif provisoire, et que son tarif reflétait précisément ses coûts. Elle indique avoir déposé son tarif auprès de la Commission de régulation de l'énergie, de la direction du gaz, de l'électricité et du charbon ainsi que de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le 30 octobre 2001.

La société Hunélec considère qu'en vertu des dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, elle était en droit, en l'absence de tarif fixé par décret, d'appliquer son propre barème avec un niveau tarifaire tenant compte des spécificités de son réseau et n'avait pas l'obligation de s'aligner sur celui d'Electricité de France. Elle soutient que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à la mise en place de tarifs spécifiques à chaque réseau de distribution. Elle considère qu'il est inutile de se référer à l'ordonnance du 1er décembre 1986, puisque chaque gestionnaire de réseau de distribution demeure autonome et qu'il n'y a pas de concurrence entre eux. Elle affirme que son tarif reflétait l'ensemble de ses charges, conformément aux dispositions du décret du 26 avril 2001, qui n'imposent pas l'adoption de tarifs nationaux uniformes.

Elle soutient que la société Clariant Huningue ne peut utilement se prévaloir de la proximité de ses installations par rapport au réseau pour la détermination du tarif applicable.

La société Hunélec indique que, pour l'élaboration de son propre barème, elle s'est strictement conformée aux dispositions du décret du 26 avril 2001, qui n'impose pas de s'aligner sur les tarifs provisoires d'Electricité de France, qui n'ont aucune valeur légale. Elle rappelle que, si l'article 8 du décret précité renvoie à un arrêté pour la fixation des premiers tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution, cet arrêté ne saurait être appliqué de façon rétroactive.

La société Hunélec soutient avoir élaboré un tarif à partir de ses coûts réels d'un niveau raisonnable, puisqu'il s'est révélé très proche des tarifs actuels d'utilisation des réseaux publics. Elle précise que, en application de la loi du 19 juillet 1993, ce tarif a été transmis le 29 octobre 2001 à la Commission de régulation de l'énergie, à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à la direction du gaz, de l'électricité et du charbon, ainsi qu'à l'Association nationale des régies de services publics et des organismes constitués par les collectivités locales. La société Hunélec rappelle que pour la saison 2000-2001, soit avant la mise en oeuvre de son tarif spécifique, la société Clariant Huningue a bénéficié du barème transitoire d'Electricité de France, puis, pour la saison 2001-2002, du tarif élaboré par ses soins, reflétant fidèlement ses coûts de distribution et qui s'est avéré proche de celui publié par le décret du 19 juillet 2002. Elle estime qu'en définitive la société Clariant Huningue n'a supporté qu'un surcoût de 20 000 euros du fait de l'application de ce tarif spécifique.

Elle considère qu'en appliquant un tel tarif, elle n'a pas fait obstacle à l'exercice par la société Clariant Huningue de son éligibilité.

La société Hunélec conclut donc au rejet de l'ensemble des demandes de la société Clariant Huningue.


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 26 mai 2004, présentées par la société Clariant Huningue, qui persiste dans ses précédentes conclusions.

La société Clariant Huningue remarque que dans ses observations en défense la société Hunélec n'a pas répondu au moyen tiré de l'impossibilité pour une entreprise locale de distribution de pratiquer des prix supérieurs à ceux d'Electricité de France. En ce qui concerne le contexte particulier, dont la société Hunélec entend se prévaloir, la société Clariant Huningue précise que le présent différend a été précédé de plusieurs autres litiges relatifs aux tarifs, au coût du secours ou à la qualité de la fourniture, qui se sont multipliés lors de l'installation d'une centrale de cogénération sur son site industriel ou à l'occasion de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité en 2000.

La société Clariant Huningue soutient que la société Hunélec a abusé de sa position dominante en tant que distributeur unique sur sa zone de desserte, en appliquant des tarifs injustifiés et discriminatoires qui se sont traduits pour elle par un surcoût sur la période de novembre 2001 à octobre 2002. Elle indique qu'en raison d'un accord tripartite conclu avec la société Hunélec et la société Dalkia, qui exploite la centrale de cogénération installée sur son site, elle a été contrainte de signer le contrat de fourniture du 2 novembre 2000 malgré une offre plus intéressante d'Electricité de France. Elle précise que ce contrat, qui prévoyait l'application du tarif d'acheminement pratiqué par Electricité de France dans l'attente de la publication des nouveaux tarifs pris en vertu de la loi du 10 février 2000, n'a pas été reconduit l'année suivante. La société Clariant Huningue soutient avoir été contrainte, pour la même raison, de conclure un nouveau contrat de fourniture le 26 octobre 2001, qui prévoyait l'application d'un tarif calé sur celui de Réseau de transport d'électricité, et que rien ne lui laissait penser que la société Hunélec allait modifier et augmenter sensiblement son prix d'acheminement. Elle affirme n'avoir jamais signé de contrat d'accès au réseau sur cette période, puisque la société Hunélec ne lui en a pas proposé. La société Clariant Huningue estime n'avoir bénéficié que d'une baisse partielle du coût d'achat de l'électricité comparée aux offres accessibles sur le marché de novembre 2000 à octobre 2001 et de novembre 2001 à octobre 2002.

Elle soutient que la société Hunélec a manqué à son obligation de conseil en ne lui donnant aucune information sur le tarif de péage avant la conclusion du contrat de fourniture du 26 octobre 2001. Elle précise que, selon la communication de la Commission de régulation de l'énergie du 18 mai 2000, la conclusion des contrats d'accès au réseau, comme la renégociation des contrats intégrés, doivent s'effectuer de façon non discriminatoire. Elle ajoute que les contrats de fourniture des clients éligibles sont librement négociés, dès lors qu'ils ne sont pas liés à une convention avec le fournisseur historique.

La société Clariant Huningue soutient que le principe de non-discrimination posé par la directive européenne du 19 décembre 1996, transposé par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et ses décrets d'application, ne saurait être appliqué réseau par réseau. Elle rappelle que les tarifs sont calculés sur la base de l'ensemble des coûts des réseaux et considère que la société Hunélec ne justifie pas le montant de ses charges. Elle soutient que la société Hunélec ne pouvait méconnaître les dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 10 février 2000 et du décret du 26 avril 2001, comme le confirme la réponse du ministre de l'industrie à trois questions écrites de parlementaires, et devait faire appel au fonds de péréquation.

La société Clariant Huningue observe que le barème provisoire de la société Hunélec a été déposé à la Commission de régulation de l'énergie, à la direction de la demande et des marchés énergétiques et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes par une simple lettre du 29 octobre 2001 et lui a été immédiatement appliqué, sans avoir été publié, alors qu'il s'agit d'une condition préalable à l'application de tout acte réglementaire.

Elle rappelle qu'en vertu du décret du 26 avril 2001 portant application de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et renvoyant à un décret ultérieur, à savoir le décret du 19 juillet 2002, il n'est pas possible d'établir plusieurs tarifs de distribution, dès lors qu'une seule grille tarifaire applicable à tous les réseaux a été prévue. Elle rappelle que l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne traite pas seulement de la concurrence, mais aussi des situations de monopole dans lesquelles un décret réglemente les prix, puisque le Conseil de la concurrence a indiqué dans un avis du 18 septembre 1987 que dans cette situation de monopole les distributeurs non nationalisés se trouvent dans une grande dépendance vis-à-vis du secteur nationalisé. La société Clariant Huningue estime que la société Hunélec ne saurait, sans se contredire, admettre l'existence de tarifs nationaux en vertu du décret du 19 juillet 2002, pris en application de l'article 4 de la loi du 10 février 2000, et prétendre que ce même article 4 permettrait d'établir des tarifs différents réseau par réseau.

Elle indique que seul le tarif d'Elecricité de France a été reconnu par la Commission de régulation de l'énergie, la direction de la demande et des marchés énergétiques et le Conseil de la concurrence. Elle rappelle que, dans le cadre de la péréquation nationale, les tarifs d'utilisation en vigueur au 1er novembre 2002 ont été fixés de manière uniforme sur tout le territoire et considère qu'il devrait en aller de même pour la tarification transitoire. La société Clariant Huningue fait observer que seule la société Hunélec a construit son propre barème.

La société Clariant Huningue observe que, dans le cadre de la période contractuelle allant de novembre 2000 à octobre 2003, le barème d'Electricité de France pouvait être augmenté ou diminué de la moitié de l'écart entre le tarif transitoire et le nouveau tarif décidé par les pouvoirs publics. Elle soutient que la société Hunélec a élaboré son tarif provisoire en contradiction avec l'article 9 du contrat de fourniture du 2 novembre 2000. Elle indique que la société Hunélec a attendu la signature du contrat de fourniture pour envoyer son barème sans projet de contrat d'accès. Elle précise que la loi du 19 juillet 1993 a instauré une procédure particulière visant à assurer la transparence des prix au consommateur final industriel d'électricité et n'a pas vocation à organiser les conditions de dépôt des barèmes établis par les gestionnaires de réseaux auprès des pouvoirs publics. La société Clariant Huningue ajoute que si elle avait eu connaissance du tarif de la société Hunélec dès septembre 2001, l'issue des négociations sur le contrat de fourniture aurait probablement été différente. Elle assure ne pas avoir bénéficié d'un tarif particulièrement favorable pour la période 2000-2001, puisqu'il était appliqué par Electricité de France sur tout le territoire national, et maintient avoir supporté, pour la saison 2001-2002, un surcoût d'un montant supérieur à celui de 20 000 euros avancé par la société Hunélec.


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Vu les autres pièces des dossiers remis par les parties ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la Commission de régulation de l'énergie relative au règlement intérieur de la commission ;

Vu la décision du 9 avril 2004 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;

Vu la directive 96/92 /CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité ;

Vu la loi no 93-914 du 19 juillet 1993 portant transposition de la directive du conseil (CEE) no 90-377 du 29 juin 1990 instaurant une procédure communautaire assurant la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d'électricité ;

Vu l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence codifiée aux articles L. 410-1 et suivants du code de commerce ;

Vu le décret no 88-850 du 29 juillet 1988 relatif au prix de l'électricité ;

Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu l'arrêté du 17 février 1993 relatif au prix de l'électricité ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue le 4 juin 2004, en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Eric Dyèvre, Michel Lapeyre et Bruno Léchevin, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;

Mme Nathalie Dostert, rapporteur, et M. Laurent Schwebel, rapporteur adjoint ;

M. Xavier Wittevrongel, Mme Françoise Gaudrel, et MM. Jean Lhoiry et Joël Cocaud, pour la société Clariant Huningue ;

M. Benoît Kirba, et MM. Dominique Gruchet et Didier Rebischung, pour la société Hunélec.

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Nathalie Dostert, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de M. Xavier Wittevrongel, Mme Françoise Gaudrel, et MM. Jean Lhoiry et Joël Cocaud, pour la société Clariant Huningue : la société Clariant Huningue persiste dans ses conclusions et moyens ; elle conteste le découpage par niveaux de tension effectué par la société Hunélec pour l'application de son barème transitoire, en observant que le tarif est plus élevé pour les clients en 20 kV que pour ceux en 6,3 kV, ce qui lui paraît contraire à la logique selon laquelle le tarif d'acheminement est inversement proportionnel au niveau de tension ; elle considère que le poste PIC, qui a été mis intégralement à la charge des clients en 20 kV, devrait être réparti entre l'ensemble des utilisateurs, dès lors qu'il concourt au renforcement du réseau ; elle souligne que, selon ses calculs effectués sur la base des éléments fournis par la société Hunélec, après redistribution des charges financières du poste PIC, le coût d'acheminement est inférieur au barème provisoire d'Electricité de France ; elle reproche à la société Hunélec de ne pas avoir agi de bonne foi en s'abstenant, lors des négociations sur son contrat de fourniture, de l'avertir de son intention d'appliquer un barème spécifique pour l'acheminement ;

- les observations de M. Benoît Kirba et de M. Dominique Gruchet, pour la société Hunélec : la société Hunélec persiste dans ses conclusions et moyens ; elle fait observer que la société Clariant Huningue, qui représente 35 % des besoins en énergie électrique de son réseau, était le seul client à avoir exercé son éligibilité jusqu'à la fin de l'année 2003 ; elle estime qu'il est légitime de recenser les puissances utilisées à chaque niveau de tension ; elle rappelle que le tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité était connu des opérateurs bien avant sa parution et que son souci a été de mettre en place un barème transitoire le plus proche possible de ce tarif ; elle précise que si elle n'a pas proposé à la société Clariant Huningue de contrat d'accès à son réseau public de distribution, c'est parce qu'elle n'avait pas encore conclu elle-même de contrat d'accès avec le gestionnaire du réseau public de transport ; elle indique qu'avec deux alimentations à deux niveaux de tension différents, une alimentation en provenance de l'étranger et un dispositif de secours, le site de la société Clariant Huningue est particulièrement difficile à gérer ; elle estime que le barème provisoire d'Electricité de France était dépourvu de base légale ; elle précise que, s'il est logique que le tarif soit inversement proportionnel au niveau de tension sur un réseau national maillé, ce principe peut être inversé dans le cas d'un petit réseau public de distribution comme le sien, compte tenu de ses caractéristiques particulières ; en réponse à une question posée au cours de la séance publique, elle indique que son barème transitoire a été adopté par son conseil d'administration, présidé par le maire de Huningue, et qu'elle était compétente, en tant que concessionnaire du réseau public de distribution d'électricité, pour proposer un tarif aux autorités communales concédantes ;

La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 4 juin 2004, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.


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Les faits :

La société Clariant Huningue exploite une usine de fabrication de produits chimiques à Huningue, alimentée électriquement en 20 kV à partir du réseau public de distribution géré par la société Hunélec.

La société Clariant Huningue, dont la consommation annuelle d'électricité est d'environ 35 GWh, a fait jouer son éligibilité le 10 juillet 2000. Elle a régulièrement, chaque année, renouvelé sa demande et obtenu un récépissé de déclaration.

Le 2 novembre 2000, la société Clariant Huningue a conclu avec la société Hunélec un « contrat pour la fourniture d'énergie électrique à un client éligible - production, transport, distribution », valable pour trois ans à compter du 1er novembre 2000. Les parties sont convenues de se rencontrer chaque année afin de redéfinir les conditions financières applicables à la période de fourniture suivante, le contrat pouvant être résilié avant son terme en cas de désaccord. Au titre de l'acheminement de l'énergie électrique, la société Hunélec a appliqué le barème provisoire d'Electricité de France.

En septembre 2001, la société Clariant Huningue a organisé une procédure de mise en concurrence des fournisseurs d'électricité, au terme de laquelle elle a conclu un nouveau contrat de fourniture avec la société Hunélec le 22 octobre 2001. Il n'y a cependant pas eu de négociations sur l'acheminement, la société Clariant Huningue estimant qu'en l'absence de décret fixant les tarifs dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi du 10 février 2000, le barème provisoire d'Electricité de France devait continuer à s'appliquer.

Le 30 octobre 2001, un barème spécifique pour l'acheminement en 20 kV a été notifié par la société Hunélec à la société Clariant Huningue, applicable dès le 1er novembre 2001. Ce barème entraînait une hausse d'environ 1,5 centime de franc par kWh par rapport au barème transitoire d'Electricité de France, appliqué précédemment. Pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002, les conditions financières de l'accès au réseau public de la société Clariant Huningue ont ainsi combiné, d'une part, le barème transitoire appliqué par Réseau de transport d'électricité pour la livraison en 63 kV, et d'autre part, le barème spécifique de la société Hunélec pour l'acheminement en 20 kV.

Tout en réglant ses factures d'accès au réseau sur la base de ce nouveau barème, la société Clariant Huningue a fait part à la société Hunélec de son désaccord par une lettre du 30 janvier 2002.

Ce désaccord a été réitéré le 20 juin 2002, au cours d'une réunion qui s'est tenue avec Electricité de Strasbourg, nouvel opérateur de la société Hunélec.

La société Clariant Huningue évalue à 75 000 euros hors taxes le surcoût correspondant à l'application du barème transitoire de la société Hunélec avant la publication du décret du 19 juillet 2002 fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.

Devant le refus de la société Hunélec de lui rembourser cette somme, la société Clariant Huningue a saisi la Commission de régulation de l'énergie, le 9 avril 2004, d'une demande de règlement du différend relatif à l'application, pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002, d'un barème provisoire pour l'acheminement de l'énergie électrique.

Sur le respect du contradictoire :

En vertu du premier alinéa de l'article 3 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000, « la Commission de régulation de l'énergie assure la communication à chacune des parties des observations et pièces déposées par les autres parties et fixe le délai dans lequel il devra y être répondu ». Selon le deuxième alinéa de l'article 4 du même décret, « le rapporteur a pour mission d'instruire l'affaire, en toute indépendance, dans le respect du principe du contradictoire ».

Aux termes de l'article 13 du règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie, « si le délai le permet, l'échange entre les parties se poursuit jusqu'à la date d'envoi des convocations de la commission qui délibérera sur la demande ».

Il résulte de ces dispositions que l'instruction et l'examen des demandes de règlement de différend doivent se dérouler dans le respect du principe du contradictoire. Toute pièce produite au dossier qui n'a pu être communiquée aux autres parties doit donc être écartée par la Commission de régulation de l'énergie.

Le procédure d'instruction écrite des demandes de règlement de différend s'achève à la date d'envoi des convocations à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, au cours de laquelle le débat contradictoire se poursuit oralement. Toute pièce produite postérieurement à la date d'envoi des convocations à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie doit donc, également, être écartée.

Les pièces de l'annexe 1 produites par la société Hunélec le 6 mai 2004 à l'appui de ses observations en défense n'ont pu être communiquées à la société Clariant Huningue en raison de leur caractère confidentiel. Elles doivent donc être écartées.

Les pièces produites au dossier par la société Clariant Huningue après le 27 mai 2004, date d'envoi des convocations à la séance de la Commission de régulation de l'énergie, doivent, également, être écartées.

Sur le barème appliqué par la société Hunélec à la société Clariant Huningue du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 au titre de l'accès au réseau public :

La société Clariant Huningue soutient que le barème transitoire que lui a appliqué la société Hunélec du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 pour l'accès au réseau public est discriminatoire et n'est pas justifié. Elle considère que ce barème, qui, à sa connaissance, n'a pas été publié, ne lui est pas opposable.

Aux termes de l'article 4 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, transposant la directive 96/92 /CE du 19 décembre 1996, « I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent [...] aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution. II. - [...] Les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux. III. - [...] Les décisions sur les tarifs et plafonds de prix sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie pour les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution ».

En vertu des dispositions des articles 2 et 3 du décret du 26 avril 2001, « les tarifs d'utilisation des réseaux publics sont calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux [...]. Les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution permettent de répartir de façon non discriminatoire les coûts [...] entre : 1° Les consommateurs d'électricité qui sont raccordés aux réseaux publics et qui prélèvent de l'électricité sur ces réseaux ; 2° Les producteurs qui sont raccordés aux réseaux publics et qui injectent de l'électricité sur ces réseaux ; 3° Les producteurs ou les consommateurs qui ont recours aux services de réglage et d'équilibrage mis en oeuvre par les gestionnaires des réseaux publics ».

Conformément à l'article 8 du décret du 26 avril 2001, « les premiers tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés par décret en Conseil d'Etat, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie et après avis du Conseil de la concurrence ».

Il résulte des dispositions précitées :

- que les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution doivent être calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux et permettre d'en répartir la charge de façon non discriminatoire entre les utilisateurs ;

- qu'en transposant la directive 96/92 /CE du 19 décembre 1996, le législateur français a entendu mettre en place un régime tarifaire spécifique pour l'accès des clients éligibles qui ont exercé leur éligibilité aux réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, distinct de celui résultant du décret du 29 juillet 1988 pris en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour les autres clients ;

- que, dans l'attente du décret fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, et afin de permettre aux clients éligibles d'exercer le droit d'accès qui leur a été conféré par la loi, il appartenait aux gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'appliquer le prix de leur prestation d'acheminement, conformément aux principes de transparence et de non-discrimination issus des dispositions combinées de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et du décret du 26 avril 2001, transposant la directive 96/92 /CE du 19 décembre 1996.

C'est donc à tort que, pour contester le bien-fondé du barème transitoire appliqué par la société Hunélec du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002, la société Clariant Huningue se prévaut des dispositions combinées du décret du 29 juillet 1988 et de l'arrêté ministériel du 17 février 1993, qui ne s'appliquent qu'aux contrats intégrés des clients non éligibles ou qui n'ont pas exercé leur éligibilité et ne valent, au demeurant, que pour l'année 1993.

La société Clariant Huningue ne peut pas soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'un traitement discriminatoire entre les utilisateurs du réseau. En effet, elle est le seul utilisateur du réseau géré par la société Hunélec à avoir fait jouer son éligibilité en 2000. Elle se trouve ainsi dans une situation différente de celle des autres clients situés dans la zone de desserte exclusive de la société Hunélec, et il appartenait bien à cette dernière de facturer l'accès au réseau dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi du 10 février 2000.

Contrairement à ce que prétend la société Clariant Huningue, la société Hunélec n'était pas tenue de saisir le fonds de péréquation de l'électricité dans les conditions prévues au II de l'article 5 de la loi du 10 février 2000, dans la mesure où il n'est pas établi que le barème transitoire ne couvrait pas l'ensemble de ses coûts, conformément aux dispositions combinées de l'article 4 de la même loi et du décret du 26 avril 2001.

En outre, il ressort des pièces du dossier que la société Hunélec a communiqué son barème transitoire au ministre chargé de l'énergie par une lettre du 29 octobre 2001, conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1993 portant transposition de la directive du Conseil (CEE) du 29 juin 1990 instaurant une procédure communautaire assurant la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d'électricité, qui prévoit que « les entreprises ainsi que les organismes de distribution mentionnés à l'article 23 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, qui assurent la fourniture de gaz ou d'électricité aux consommateurs finals de l'industrie, communiquent à l'autorité admininistrative les éléments et informations statistiques suivants : 1° Leurs prix et conditions de vente aux consommateurs industriels finals de gaz ou d'électricité ; 2° Les systèmes de prix en vigueur et les informations relatives à leur élaboration ; 3° La répartition des consommateurs et des volumes correspondants par catégories de consommation, sans que soit compromis le caractère confidentiel des contrats ». La société Hunélec a, en outre, notifié son barème transitoire à la société Clariant Huningue, par une lettre recommandée du 30 octobre 2001. Cette transmission à l'autorité administrative et cette notification ont constitué une publicité suffisante de nature à rendre le barème en cause opposable à la société Clariant Huningue. Celle-ci ne peut donc soutenir que le barème en cause n'a pas été régulièrement publié et ne lui serait, par conséquent, pas opposable.

Sur la demande de remboursement du surcoût résultant de l'application du barème, augmenté des intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2001 :

La société Clariant Huningue soutient que le niveau du barème transitoire pratiqué par la société Hunélec du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 est injustifié. Elle considère qu'en décidant d'appliquer ce barème après la conclusion de son nouveau contrat de fourniture, la société Hunélec a manqué à son obligation de négocier de bonne foi. Elle demande donc à la Commission de régulation de l'énergie de dire que les factures payées à la société Hunélec pour la période en cause devront être régularisées sur la base du barème transitoire publié par Electricité de France et que le surcoût correspondant, soit 75 000 euros hors taxes, devra lui être remboursé avec application du taux d'intérêt légal depuis le 1er novembre 2001.

En ce qui concerne le niveau du barème transitoire appliqué par la société Hunélec, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait contraire aux principes posés par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et le décret du 26 avril 2001 et ne refléterait pas l'ensemble de ses coûts. En outre, si, au cours de la séance d'examen du différend, la société Clariant Huningue a soutenu, en particulier, que le tarif d'acheminement doit être inversement proportionnel au niveau de tension, la société Hunélec a justifié que son barème transitoire ne réponde pas à un tel principe en raison des caractéristiques particulières de son réseau. Comme le fait valoir la société Hunélec, s'il est logique que le tarif soit inversement proportionnel au niveau de tension sur un réseau national maillé, ce principe peut, en effet, être inversé dans le cas d'un petit réseau public de distribution comme celui de Huningue. La vétusté des ouvrages ou la charge éventuelle des amortissements liés aux investissements peuvent ainsi justifier l'application d'un barème supérieur sur la partie du réseau à la tension la plus élevée. Au demeurant, la Commission de régulation de l'énergie constate que ce barème s'est révélé ultérieurement proche du premier tarif national d'utilisation des réseaux publics.

Par suite, la société Clariant Huningue, qui a d'ailleurs procédé au paiement sans réserve de ses factures pour son accès au réseau, n'est pas fondée à soutenir que le niveau du barème transitoire en cause n'était pas justifié.

En ce qui concerne les conditions d'application du barème transitoire par la société Hunélec, la société Clariant Huningue ne saurait utilement critiquer le fait qu'il n'a pas été négocié avec elle. Ce barème devait, en effet, uniquement faire application des principes issus de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et du décret du 26 avril 2001. Il n'avait pas, dans ces conditions, à faire l'objet de négociation.

Il résulte de tout ce qui précède que la société Hunélec était fondée à appliquer, entre le 1er novembre 2001 et le 31 octobre 2002, un barème transitoire, et que ce barème n'a pas méconnu les principes de tarification posés par la loi du 10 février 2000 et le décret du 26 avril 2001. Par suite, les conclusions de la société Clariant Huningue tendant à ce que les factures payées à la société Hunélec au titre de l'accès au réseau pour la période du 1er novembre 2001 au 31 octobre 2002 soient régularisées sur la base du barème transitoire d'Electricité de France et à ce que le surcoût de 75 000 euros hors taxes lui soit remboursé, avec application du taux d'intérêt legal depuis le 1er novembre 2001, doivent être rejetées.

Toutefois, il résulte de l'instruction contradictoire que la société Hunélec disposait dans le courant de l'été 2001 des éléments qui ont présidé à l'élaboratoin de son barème transitoire et qu'elle n'a notifié ce barème à la société Clariant Huningue que le 30 octobre 2001, après la signature du contrat de fourniture du 22 octobre précédent. La Commission de régulation de l'énergie relève qu'en s'abstenant d'avertir la société Clariant Huningue, lors de la négociation de son nouveau contrat de fourniture, de son intention d'appliquer à compter du 1er novembre 2001 un barème transitoire plus élevé que celui qui était appliqué jusqu'alors, la société Hunélec a manqué à l'obligation de négocier de bonne foi qui pesait sur elle en vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil. En omettant ainsi de communiquer à la société Clariant Huningue des informations essentielles, susceptibles d'influer sur le choix arrêté à l'issue de la procédure de mise en concurrence, la société Hunélec l'a privée des moyens d'apprécier parfaitement la portée de ses engagements. Si la société Clariant Huningue considère que ce comportement fautif lui a causé un préjudice, il lui revient d'en demander réparation devant le juge compétent, la Commission de régulation de l'énergie n'ayant pas compétence, en vertu de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, pour statuer, dans le cadre d'un règlement de différend, sur une telle demande.

Si la société Clariant Huningue soutient, par ailleurs, que le comportement de la société Hunélec, gestionnaire du réseau public de distribution, est constitutif d'un abus de position dominante, il lui appartient, si elle s'y croit recevable et fondée, de saisir le Conseil de la concurrence. La Commission de régulation de l'énergie ne peut, en effet, statuer, lorsqu'elle est saisie sur le fondement de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 modifiée, sur le caractère anticoncurrentiel d'une pratique,

Décide :


Article 1


La demande de la société Clariant Huningue est rejetée.

Article 2


La présente décision sera notifiée à la société Clariant Huningue et à la société Hunélec et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 4 juin 2004.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

J. Syrota