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Le Président de la République, Sur le rapport du Premier ministre, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre du budget et du ministre des départements et territoires d'outre-mer, Vu la Constitution, notamment son article 38; Vu le code de l'organisation judiciaire; Vu la loi no 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis-et-Futuna le statut de territoire d'outre-mer; Vu la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales; Vu la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifiée notamment par la loi no 90-1259 du 31 décembre 1990; Vu la loi no 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut du territoire de la Polynésie française; Vu la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988 modifiée portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998; Vu la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique; Vu la loi no 92-11 du 4 janvier 1992 d'habilitation relative à l'adaptation de la législation applicable dans les territoires d'outre-mer; Vu le décret no 384 du 22 août 1928 modifié fixant dans les territoires d'outre-mer la nomenclature des cours et tribunaux; Vu le décret no 62-189 du 19 février 1962 modifié relatif à l'organisation de la juridiction de droit commun instituée sur le territoire des îles Wallis-et-Futuna; Vu l'avis du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie en date du 19 août 1992; Vu l'avis du comité consultatif de la Nouvelle-Calédonie en date du 3 septembre 1992; Après consultation de l'assemblée territoriale de Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna; Le Conseil d'Etat entendu, Le conseil des ministres entendu,
Ordonne:
Art. 1er. - Dans les territoires d'outre-mer de Polynésie française, des îles Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie, l'aide juridictionnelle en matière pénale est instituée conformément aux dispositions de la présente ordonnance.
TITRE Ier L'ACCES A L'AIDE JURIDICTIONNELLE EN MATIERE PENALE
Art. 2. - Les personnes physiques, quelles que soient leur nationalité et les conditions de leur résidence dans le territoire d'outre-mer concerné, dont les ressources sont insuffisantes pour assurer leur défense devant une juridiction pénale d'instruction ou de jugement, lorsqu'elles sont mineures, témoins assistés, inculpées, prévenues, accusées ou condamnées peuvent bénéficier d'une aide juridictionnelle. Cette aide est totale ou partielle.
Art. 3. - Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles personnelles sont inférieures ou égales à des montants déterminés par décret distincts selon qu'il s'agit d'aide juridictionnelle totale ou partielle. Ces plafonds sont fixés par référence au montant du salaire minimum en vigueur dans chacun des territoires. Ils sont affectés de correctifs pour charges de famille.
Art. 4. - Pour l'application de l'article 3, sont prises en considération les ressources de toute nature dont le demandeur a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition à l'exclusion des prestations familiales et des prestations sociales à objet spécialisé définies par décret en Conseil d'Etat. Il est tenu compte des éléments extérieurs du train de vie. Il est tenu compte de l'existence de biens, meubles ou immeubles, même non productifs de revenus à l'exclusion de ceux qui ne pourraient être vendus ou donnés en gage sans entraîner un trouble grave pour l'intéressé. Il est encore tenu compte, dans l'appréciation des ressources, de celles du conjoint du demandeur à l'aide juridictionnelle ainsi que de celles des personnes vivant habituellement au même foyer, sauf si la procédure oppose entre eux les conjoints ou les personnes vivant habituellement au même foyer, ou s'il existe entre eux, eu égard à l'objet du litige, une divergence d'intérêt rendant nécessaire une appréciation distincte des ressources.
Art. 5. - L'aide juridictionnelle peut, à titre exceptionnel, être accordée aux personnes ne remplissant pas les conditions fixées à l'article 3, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès.
Art. 6. - Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours.
TITRE II L'ADMISSION A L'AIDE JURIDICTIONNELLE EN MATIERE PENALE
Art. 7. - Pour l'ensemble des juridictions du territoire de la Nouvelle-Calédonie et du territoire de la Polynésie française, l'admission à l'aide juridictionnelle est décidée par le bureau d'aide juridictionnelle institué auprès de la cour d'appel du ressort. Ce bureau est présidé soit par un magistrat du ressort de la cour d'appel, soit par un magistrat honoraire ou par un ancien magistrat; il comprend aussi un avocat désigné par le bâtonnier, deux fonctionnaires et une personne désignée au titre des usagers.
Art. 8. - Pour l'ensemble des juridictions du territoire des îles Wallis-et-Futuna, l'admission à l'aide juridictionnelle est décidée par le président du tribunal de première instance. Les dispositions de la présente ordonnance relatives au bureau d'aide juridictionnelle sont applicables à ce magistrat.
Art. 9. - Les membres des bureaux d'aide juridictionnelle et le personnel de leurs services sont soumis au secret professionnel défini par l'article 378 du code pénal.
Art. 10. - L'avocat dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française, l'avocat ou la personne agréée, dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, choisi ou commis d'office, peut saisir le bureau d'aide juridictionnelle au lieu et place de la personne qu'il assiste ou a assistée.
Art. 11. - Le bureau d'aide juridictionnelle dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française et le président du tribunal de première instance dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna peut recueillir tous renseignements sur la situation financière de l'intéressé. Les services de l'Etat, des territoires et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau ou au président sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. Le bureau ou le président peut, en outre, demander au procureur général communication des pièces du dossier pénal pouvant permettre d'apprécier les ressources de l'intéressé.
Art. 12. - Les décisions du bureau d'aide juridictionnelle dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française et du président du tribunal de première instance dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna peuvent être déférées au premier président de la cour d'appel concernée, qui statue sans recours par le ministère public ou par l'intéressé lui-même lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été retiré. L'intéressé peut demander une nouvelle délibération du bureau ou du président lorsque le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé en application des articles 3 et 4.
TITRE III LES EFFETS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE EN MATIERE PENALE
Art. 13. - Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française. Il a droit, dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, à l'assistance d'un avocat ou à celle d'une personne agréée par le président de la juridiction d'appel du ressort pour exercer les attributions dévolues par le code de procédure pénale aux conseils des parties. Hors les cas de commission d'office, l'avocat ou la personne agréée est choisi par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. A défaut de choix, l'avocat est désigné dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française par le bâtonnier. Dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, l'avocat ou la personne agréée est désigné par le président du tribunal de première instance. L'avocat ou la personne agréée qui prêtait son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle avant que celle-ci ait été accordée doit continuer de le lui prêter. Il ne pourra en être déchargé qu'exceptionnellement et dans les conditions fixées par le bâtonnier quand il s'agit d'un avocat dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie ou dans le territoire de la Polynésie française et par le président du tribunal de première instance quand il s'agit d'un avocat ou d'une personne agréée dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna.
Art. 14. - En cas d'appel, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est assisté ou représenté par l'avocat qui lui avait prêté son concours en première instance au titre de cette aide, sauf choix contraire de la partie ou refus de l'avocat ou de la personne agréée.
Art. 15. - L'avocat ou la personne agréée qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit de l'Etat, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, une contribution dont le montant et les modalités de paiement sont fixés conformément à un barème prévu par ce même décret. A compter du 1er mars 1994, l'Etat affecte chaque année au barreau du territoire de la Nouvelle-Calédonie et à celui de la Polynésie française une dotation annuelle qui est fonction du nombre de missions accomplies par les avocats du barreau et du montant des contributions mentionnées à l'alinéa précédent. Les modalités et le montant du paiement à l'avocat de la part contributive de l'Etat sont déterminés par le règlement intérieur du barreau. Toutefois, pour l'aide juridictionnelle partielle, le montant de la part contributive de l'Etat revenant à l'avocat est calculé selon les modalités qui servent à déterminer la dotation. En ce qui concerne les règles de gestion financière et comptable des fonds, le règlement intérieur doit être conforme à un règlement type établi par décret en Conseil d'Etat.
Art. 16. - La dotation est versée sur un compte spécial de la caisse des règlements pécuniaires prévue au 9o de l'article 53 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Elle est intégralement affectée au paiement des avocats effectuant des missions d'aide juridictionnelle en matière pénale.
Art. 17. - La caisse des règlements pécuniaires désigne un commissaire aux comptes et un suppléant choisis sur la liste mentionnée à l'article 219 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, non modifiée par la loi no 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, pour une durée de six exercices. Les dispositions concernant les fonctions de commissaire aux comptes suppléant prévues à l'article 223 de cette loi sont applicables. Ne peuvent être choisis comme commissaires aux comptes: 1o Les conjoints, ascendants ou descendants et collatéraux, au quatrième degré inclusivement, du président et des administrateurs de la caisse, du bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre; 2o Les personnes qui, directement ou indirectement ou par personne interposée, reçoivent de la caisse ou de son président une rémunération quelconque à raison d'une autre activité que celle de commissaire aux comptes; 3o Les sociétés de commissaires aux comptes dont l'un des associés, actionnaire ou dirigeants se trouve dans l'une des situations prévues aux alinéas précédents; 4o Les conjoints des personnes qui, en raison d'une activité autre que celle de commissaire aux comptes, reçoivent de la caisse ou de son président une rémunération en raison de l'exercice d'une activité permanente; 5o Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l'un des dirigeants, soit l'associé ou actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux comptes au nom de la société a son conjoint qui se trouve dans l'une des situations prévues au 4o. Le commissaire aux comptes vérifie que la dotation de l'Etat a été versée sur un compte spécial établi chaque année à cet effet dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et qu'elle a été utilisée conformément à la présente ordonnance. Les dispositions des articles 229, 233, 234, 235, 456 et 457 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 précitée sont applicables. Les dispositions de l'article 455 de ladite loi sont applicables au président de la caisse et celles de l'article 458 de la même loi au président de la caisse et à toute personne au service de celle-ci. Art. 18. - La contribution de l'Etat visée à l'article 16 est exclusive de toute autre rémunération, sous réserve des dispositions de l'article 22. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Art. 19. - Les honoraires ainsi que les provisions versées à ce titre avant l'admission à l'aide juridictionnelle totale par son bénéficiaire viennent en déduction de la contribution de l'Etat. Lorsqu'une rémunération a déjà été versée à un auxiliaire de justice avant une demande d'aide juridictionnelle, aucune contribution n'est due par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale si les sommes déjà reçues à titre d'émoluments ou d'honoraires sont au moins égales à celles qu'il aurait perçues à ce titre. Lorsque la rémunération déjà versée par le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est inférieure à la contribution par l'Etat prévue à ce titre, l'auxiliaire de justice ne peut prétendre à un complément qui aurait pour effet de dépasser le montant de cette contribution. Art. 20. - En cas d'aide juridictionnelle partielle, l'avocat ou la personne agréée perçoit de l'Etat une fraction de la contribution visée à l'article 16, inversement proportionnelle aux ressources du bénéficiaire, et déterminée par un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. Art. 21. - Dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dans le territoire de la Polynésie française, en cas d'aide juridictionnelle partielle, l'avocat a droit, en outre, de la part du bénéficiaire, à un honoraire complémentaire librement négocié. Une convention écrite préalable fixe, en tenant compte de la complexité du dossier, des diligences et des frais imposés par la nature de l'affaire, le montant et les modalités de paiement de ce complément d'honoraires, dans des conditions compatibles avec les ressources et le patrimoine du bénéficiaire. La convention rappelle le montant de la part contributive due par l'Etat. Elle indique les voies de recours ouvertes en cas de contestation. A peine de nullité, elle est communiquée dans les quinze jours de sa signature au bâtonnier, qui contrôle sa régularité ainsi que le montant du complément d'honoraires. Dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, en cas d'aide juridictionnelle partielle, l'avocat ou la personne agréée perçoit du bénéficiaire un complément d'honoraires dont le montant est déterminé par le président du tribunal de première instance, en fonction des ressources du plaideur.
TITRE IV LE RETRAIT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE EN MATIERE PENALE
Art. 22. - Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est retiré si ce bénéfice a été obtenu à la suite de déclaration ou au vu de pièces inexactes, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé. Il peut être retiré d'office ou sur demande du ministère public par le bureau d'aide juridictionnelle qui a accordé l'aide, en tout ou partie, s'il survient au bénéficiaire, pendant le cours de la procédure, des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci n'aurait pas été accordée, même partiellement.
Art. 23. - Le retrait de l'aide juridictionnelle rend immédiatement exigibles, dans les limites fixées par la décision de retrait, les honoraires dont le bénéficiaire avait été dispensé. Il emporte obligation pour le bénéficiaire de restituer à l'Etat les sommes versées à l'avocat ou à la personne agréée.
TITRE V DISPOSITIONS DIVERSES
Art. 24. - Sont abrogées toutes les dispositions contraires à la présente ordonnance.
Art. 25. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de la présente ordonnance notamment: 1o Les prestations familiales et les prestations sociales à objet spécialisé exclus de l'appréciation des ressources, ainsi que la période pendant laquelle les ressources sont prises en considération; 2o L'organisation et le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle ainsi que les modalités de nomination et de désignation de leurs membres; 3o Les modalités de paiement de la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats; 4o Les conditions d'agrément des personnes mentionnées dans l'article 14; 5o Le règlement type fixant les règles de gestion financière et comptable des fonds versés au Compte spécial des caisses chargées de cette gestion, en application de l'article 17; 6o Les modalités d'exercice du contrôle des commissaires aux comptes prévues à l'article 18. Les modalités d'indemnisation des frais de déplacement que les conseils prêtant leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en matière pénale dans les conditions prévues par la présente ordonnance exposent pour se rendre aux audiences foraines ou aux audiences des sections détachées ouvrent droit à remboursement par l'Etat dans des conditions fixées par décret.
Art. 26. - La présente ordonnance entrera en vigueur le 1er mars 1993. Toutefois, les avocats et les personnes agréées commis d'office à compter du 1er janvier 1991 percevront, sur leur demande, dans les cas et conditions déterminés par décret en Conseil d'Etat des indemnités forfaitaires exclusives de toute autre rémunération lorsqu'ils auront prêté leur concours à des personnes dont les ressources sont inférieures ou égales à des montants déterminés par ce décret.
Art. 27. - Le Premier ministre, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre du budget et le ministre des départements et territoires d'outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 12 octobre 1992.