Comité
intersyndical du Livre parisien Ouvriers, employés et cadres des Journaux officiels |
>> on ne négocie pas la mort de l'imprimé ! |
0n a d'abord cru à une raffarinade, un de ces aphorismes sentencieux, entre dicton du terroir et plaisanterie de fin de banquet, qui formaient l'alpha et l'oméga de la communication politique du gouvernement Raffarin II. Il a pourtant fallu se rendre à l'évidence: par la voix de son Premier ministre, l'Etat prenait la décision d'abandonner l'impression des Lois et décrets au profit du tout internet. Cette mort symbolique de l'imprimé, nous, travailleurs du Livre, nous ne pouvons l'accepter. Depuis le XVe siècle, l'imprimé se confond avec l'écrit, Le changement radical qu'a induit l'imprimé dans la transmission du savoir a été l'une des raisons du basculement du monde occidental dans la modernité. Nous sommes les héritiers et les artisans de cette évolution. " Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement ", psalmodiaient nos vieux maîtres d'école. Ce qui s'énonce se compose, se corrige, s'imprime bien, se concevra donc bien. Il ne s'agit pas là seulement de l'application mécanique de règles de métier. Il s'agit de notre place dans l'histoire de l'écriture et de la transmission du savoir et des responsabilités qu'elle nous impose. Nous, travailleurs du Livre, n'entendons pas être de simples exécutants, mais, appuyés sur une tradition multiséculaire dont nous sommes fiers' nous nous voulons les garants du respect que l'on doit aux textes. Imaginons un instant que, encouragés par l'orientation donnée par les plus hautes sphères de l'Etat, les patrons des grands groupes de presse, plus préoccupés aujourd'hui par le retour sur investissements que par la diffusion d'une information de qualité, se détournent peu à peu du support papier. A quel niveau serait relégué le débat démocratique si le recul nécessaire, le temps de réflexion, la distance que seul l'imprimé permet venait à disparaître ? Les travailleurs du Livre et leurs organisations ne peuvent accepter de donner la moindre caution au choix exclusif d'Internet qui, loin d'être anodin quand les trois quarts de la population ne sont pas encore connectés, engage les générations futures. Qu'un président, au détour d'un bon mot, en dénonçant l'Etat papivore, mette les rieurs de son côté ; qu'un Premier ministre, au prétexte fallacieux de la cherté du papier (alors que, recyclé, il est d'un prix minime et que la sophistication des machines d'impression nous prémunit aujourd'hui de tout gâchis), puisse décider la fin de l'impression des actes de la nation, ce n'est pas seulement une bévue politique, c'est un véritable coup porté à la langue française, à la culture, à la démocratie. |
(extrait d'un document distribué dans les rues de Paris le 6 mai 2004)