Face aux mutations économiques et sociales en cours, le Ministère de l'Industrie, grâce, notamment à son appareil de formation, n'est pas dépourvu d'atouts pour y faire face.
Les transformations engagées
Plusieurs constats ont été effectués:
a) L'accès de nouveaux pays industrialisés sur la scène mondiale exacerbe la concurrence en même temps qu'il ouvre des marchés. Par ailleurs, l'arrivée incessante de nouvelles technologies, spécialement en matière d'information, transforme le contenu et les rythmes du travail.
Ces deux phénomènes vont se traduire par des déplacements accrus dans l'espace national et international, la mobilité professionnelle va également augmenter, les individus devront exercer leurs compétences dans des situations diversifiées. L'emploi à temps partiel se développera, les frontières de l'entreprise deviendront floues et les limites du temps de travail strictement productif seront de plus en plus difficiles à cerner : il intégrera, en effet, du temps d 'information, de communication et de formation.
Dans cette situation, la formation est une composante essentielle pour préparer l'avenir. La réactivité, la capacité à échanger et à négocier, la créativité, la responsabilité prendront de l'importance dans la construction des compétences de demain. Il faut préparer chacun à mobiliser les différentes formes de son savoir dans des situations variées, changeantes, souvent neuves. L'objectif visé est de permettre à toute personne de bâtir ses compétences de façon permanente tout au long de sa vie, ce qui suppose une conception renouvelée du système éducatif et de la formation continue. Au-delà de l'action irremplaçable de l'école, ce sont tous les temps et les modes de construction de compétences qui sont à développer.
b) Le nombre d'ingénieurs et de cadres techniques a fortement augmenté ces dernières années conduisant à une hausse du niveau de formation initiale. Mais ce sont les emplois dans le secteur informatique qui ont connu un essor exceptionnel car ils ont été multipliés par 2,5 en 10 ans alors que les ingénieurs de production ont régressé.
Ce développement dans le domaine de l'informatique et dans une moindre mesure en recherche, études, essais se déroule parallèlement à un redéploiement des postes vers le secteur tertiaire, lié à l'essor des services marchands offerts aux entreprises. Désormais, le secteur d'activité où les ingénieurs sont les plus nombreux n'est plus dans l'industrie mais celui des cabinets d!études et de travaux informatiques. Ce ne sont plus l'Aérospatiale ou Alcatel qui embauchent le plus d'ingénieurs en France mais Altran qui n'existait pas en 1980. Cette entreprise d'ingéniérie de 1500 salariés a recruté près de 500 ingénieurs en 1995 pour répondre aux besoins d'externalisation des entreprises en matière de projet technologique.
c) Les compétences et connaissances dans les domaines de la prospective des qualifications et l'identification des métiers existent mais elles sont dispersées, mai connues, peu exploitées. La réflexion prospective s'est développée dans les régions, les branches professionnelles et les entreprises. Les études réalisées ouvrent la voie, elles montrent comment exploiter l'information statistique disponible, mettre en relation des données, cerner un problème particulier mais elles sont souvent peu précises et donc d'une utilité partielle.
d) D'une façon générale, le marché de l'emploi des jeunes ingénieurs semble avoir perdu son caractère régulier et se caractérise de plus en plus par un excédent des diplômés par rapport à la demande au sens le plus large.
Par ailleurs, plusieurs tendances structurelles affectent ce secteur. Les voies de formation se diversifient, notamment avec la création des nouvelles formations d'ingénieurs (NFI), aboutissant à un paysage peu lisible surtout pour les employeurs étrangers, l'équivalence diplôme égaie statut est en train de s'atténuer pouvant aller jusqu'à la remise en cause de la notion de cadre, la précarité des emplois s'accroît en raison de l'augmentation du chômage et des contrats à durée déterminée, la concurrence entre les filières, spécialement avec l'université, et entre les écoles se développe, enfin cette concurrence est de plus en plus mondiale.
e) Toutefois, comme les dernières enquêtes réalisées le montrent, ce sont les ingénieurs et tout particulièrement ceux le plus en phase avec les besoins de l'industrie qui résistent le mieux à ces facteurs d'évolution défavorable. Ceci est particulièrement vrai en matière de durée de recherche d'emploi, de rémunération, de statut professionnel.
2) Les atouts du Ministère de l'Industrie
25 écoles d'ingénieurs - 6 écoles des Mines, 17 écoles consulaires, l'Ecole Supérieure d'Electricité, l'Ecole Supérieure des Pétroles et des Moteurs - rattachées directement ou indirectement au Ministère lui permettent d'assurer la formation de plus de 1 0 % du nombre total d'ingénieurs.
Même si l'organisation de l'Administration Centrale est trop morcelée en matière de formation et le Ministère insuffisamment présent dans les débats interministériels sur ce sujet, c'est avant tout sur les écoles qu'il doit s'appuyer pour promouvoir une politique à la hauteur des défis à venir.
Il est clair, en effet, que la formation participe à la mission de base du Ministère de créer les conditions d'un bon développement des entreprises industrielles ou des services associés, dès lors qu'elle pparaît comme un facteur clé de celui-ci à côté de questions comme l'accès aux technologies, la normalisation... La formation est une condition d'une meilleure compétitivité à long terme ou du maintien de celle-ci face aux concurrents ou aux crises diverses qui peuvent survenir.
Par ailleurs, le Ministère à une approche spécifique à défendre, compte tenu de ses liens avec le monde industriel et de sa culture de base. Il dispose notamment d'une certaine vision des besoins, liée à une réelle expérience du terrain, à une bonne appréhension des phénomènes industriels ainsi qu'à une écoute véritable des évolutions internationales. Le récent ouvrage sur les "100 technologies clés pour l'industrie française à l'horizon 2000" est là pour le montrer.
Il s'agit, dès lors, de relancer une véritable politique de formation pour atteindre trois objectifs:
L'éducation et la formation ont aussi pour fonction l'intégration sociale et le développement personnel, par le partage de valeurs communes, la transmission d'un patrimoine culturel et l'apprentissage de l'autonomie.
Pour cela, une ou plusieurs recommandations sont proposées dans treize domaines différents.
Les conditions de mutation d'une économie de plus en plus internationalisée engendrent une forte incertitude sur l'évolution du niveau global de l'emploi, sur la place de la France dans la division internationale du travail, sur la manière dont interagiront changements technologiques et contenus d'emploi, sur les déterminants des choix de localisation des activités.
Par ailleurs, la précarité des emplois augmente, la durée d'insertion s'accroît les métiers sont moins identifiés, des phénomènes de déqualification apparaissent.
Dans ce contexte, les divers exemples cités ont montré qu'il n'était guère réaliste d'espérer que des prévisions chiffrées et détaillées à long terme des effectifs et des besoins de recrutement par professions puissent permettre la détermination de flux optima au sein du système de formation, initiale et continue.
Ces arguments ne plaident pas pour l'abandon de méthodes de prospection quantitative globale mais conduisent à préciser la nature des fonctions que ces instruments doivent remplir.
La plupart des pays développés ont recours à ces méthodes, ne serait-ce que sous la pression des décideurs politiques.
Le Ministère de l'Industrie pourrait prendre l'initiative de saisir le Commissariat Général au Plan, lieu par excellence de débat et de confrontation des points de vue, pour, comme l'avaient déjà proposé G. CHACORNAC et J. FREYSSINET, engager trois actions:
Une instance nationale pourrait réunir chaque année les représentants des pouvoirs publics nationaux et régionaux, les acteurs sociaux, et les organismes techniquement compétents, pour examiner les travaux prospectifs présentés par ces derniers, adopter un scénario de référence, accompagné de variantes, définir des priorités pour les recherches à engager.
Les travaux de cette instance seraient préparés puis diffusés par une structure de coopération prenant la forme d'un Groupement d'intérêt public (GIP), rassemblant des organismes, producteurs de statistiques ou de modèles macroéconomiques, de recherche et d'étude en matière de métiers et de qualifications, responsables du système de formation initiale ou continue, assurant des fonctions d'information et d'orientation professionnelle.
Il ne s'agit donc pas de créer ni un grand organisme qui fusionnerait l'ensemble de ces activités, ni une structure additionnelle qui ne ferait qu'accroître la complexité du dispositif, l'hétérogénéité des productions et les conflits de compétence. L'objectif est de réunir l'ensemble des ressources existantes sans provoquer une coupure avec les organismes à compétences plus larges qui fournissent la capacité d'expertise, les sources d'information, statistique et qualitative et les moyens de diffusion.
De nombreuses informations existent, une certaine capacité d'expertise également. Il manque une documentation de synthèse qui pourrait constituer l'instrument de référence de tous les organismes, publics, paritaires ou privés, qui, dans le cadre du système de formation initiale ou continue, ou de la gestion du marché du travail exercent des fonctions d'information, d'orientation professionnelle ou de recherche.
La responsabilité de la production d'un tel ouvrage devrait relever de la structure de coordination évoquée ci-dessus. Il serait possible de s'appuyer, dans un premier temps, sur la documentation déjà existante (CEREQ, ANPE, APEC, ONISEP, contrats d'études prévisionnelles... ) permettant la réalisation de fascicules par professions.
Face au développement d'un enseignement de masse et à la concurrence entre systèmes éducatifs, les attributions et les moyens de la CTI apparaissent aujourd'hui bien inadaptés.
Plusieurs points sont à revoir:
Le Ministère pourrait proposer ces différentes mesures au Ministère de l'Education Nationale et à la CTI, notamment à la nouvelle équipe issue du récent renouvellement.
Pour pouvoir assurer efficacement cette importarlte fonction, trois propositions sont formulées:
Une autre possibilité serait la création d'un conseil consultatif spécifique tel qu'il a été proposé MM. LAVENIR et MAURY dans leur rapport. composé de directeurs d'écoles, d'enseignants, d'industriels, d'experts et de représentants d'organismes scientifiques, d'organisations syndicales et de Ministères, il serait un lieu de libre discussion sur les grandes orientations du Ministère en matière de formation et pourrait formuler des avis sur demande dans tel ou tel domaine.
Enfin, cette concertation pourrait s'effectuer également dans le cadre du Commissariat au Plan mais il s'agirait alors d'une structure beaucoup plus lourde et qui risquerait d'en rester à un certain niveau de généralité.
L'objectif est de tisser un vaste réseau pouvant, peut-être à terme, déboucher sur une base de données. Des liens pourraient être établis avec l'INSEE, le CEREQ, le CEFI, les services d'études et d'évaluation des Ministères de l'Education Nationale et du Travail mais aussi avec ceux formant des cadres techniques pour l'industrie (Défense, Equipement, Agriculture). Les apports viendraient également des écoles, des CCI, des branches professionnelles, de l'Union Européenne et bien évidemment des services sectoriels de la DGSI et des DRIRE.
Le service statistique du Ministère, le SESSI, pourrait apporter une aide déterminante pour le recueil et le traitement de l'information. Tout naturellement, ce travail trouverait sa place à l'intérieur du service de la formation.
D'ores et déjà, diverses études et initiatives intéressantes ont été lancées. Par exemple, une recherche réalisée en 1995 dans le cadre de l'Union Européenne par plus d'une centaine d'experts montre que de fortes demandes existent dans des domaines comme la santé et les soins, l'amélioration du cadre de vie et la protection contre les risques, les loisirs, la culture, l'approfondissement des connaissances, le multimédia... Bruxelles travaille également sur l'éducation et la formation, le marché du travail et le chômage.
La Mission a, de son côté, confié une étude au CEFI sur les profils de métiers afin de croiser les fonctions exercées dans l'entreprise et les secteurs d'activités. Le CEREQ devrait, quant à lui, examiner plus particulièrement les parcours professionnels des cadres industriels récemment embauchés. La mission interministérielle confiée à M. DUBY sur les nouveaux métiers fait suite au rapport sur les 100 technologies clés. Les CCI ont organisé à Strasbourg en janvier 1996 les premières journées nationales des observatoires prospectifs des compétences et des métiers et envisagent trois actions : la mise en place d'un outil de veille technologique des emplois et des besoins en compétence, la réalisation d'une enquête prospective nationale auprès des entreprises sur les besoins en métiers et sur la relation emploi-formation, le lancement d'un activité de conseil en développement pour aider les chefs d'entreprise dans la gestion prévisionnelle de leurs emplois.
La sensibilité du sujet, les multiples implications notamment sociales font comme l'analyse du CEFI l'a montré, qu'il est difficile de faire accepter un message allant à l'encontre de la pensée dominante.
- Toutefois le déséquilibre entre l'offre de cadres techniques diplômés et la demande des
entreprises conduit à prôner une politique de stabilisation après l'important effort accompli ces
dernières années.
Cette orientation recueille l'accord de la quasi-totalité des acteurs du monde de la formation et a
commencé à se traduire dans les faits. Selon les statistiques du Ministère de l'Education Nationale,
le rythme de progression des effectifs des écoles d'ingénieurs a été de 2,5 % en 1995-1996 contre
3,5 % en 1994-1995.
S'agissant plus particulièrement des écoles relevant du Ministère, il n'existe pas de problème spécifique pour les écoles des télécommunications pour qui la croissance est désormais terminée. Les écoles des CCI semblent vouloir stabiliser leurs effectifs au niveau atteint en 1995- 1996. La difficulté pourrait venir des écoles des Mines qui sont les seules relevant des différents Ministères dont le nombre d'étudiants en formation initiale continue à progresser fortement. La solution n'est pas simple. La recherche d'une stabilisation globale ne doit Pas entraver la montée en charge des nouvelles écoles de façon à leur permettre d'atteindre la taille critique nécessaire. Cette question se pose également à certains nouveaux établissements mis en place par les CCI.
La révision du plan décennal des écoles des Mines, actuellement en cours de discussion, devrait intégrer ces diverses contraintes en revoyant l'objectif initial, tout en accentuant l'effort sur la formation continue, les formations spécialisées et le nombre de chercheurs.
D'une façon générale, Pour l'avenir, deux mesures sont proposées :
Il n'est ainsi, par exemple, pas inutile de noter que même si elle doit connaître une croissance annuelle moyenne supérieure à 3 % dans un avenir proche, la profession de la plasturgie considère que quatre pôles d'excellence de formation des ingénieurs sont suffisants tandis que, après un développement soutenu de création de sections de techniciens supérieurs, accroître encore les effectifs en BTS serait source de gaspillage en formateurs et en matériel tout en faisant apparaître des problèmes d'emploi.
Il est donc nécessaire d'améliorer la visibilité et l'efficience des écoles françaises. 24 000 ingénieurs diplômés dans 237 écoles, cela fait 100 ingénieurs par école ; en réalité, un nombre plus près de 50 en enlevant les quelques plus grandes, ce qui est notoirement insuffisant alors que nos principaux partenaires disposent eux de grands établissements d'enseignement supérieur.
Pour les écoles qui souhaiteront s'inscrire dans une perspective non seulement régionale, un mouvement de modernisation, d'adaptation ne pourra se réaliser sans recherche d'alliances, de synergies, rationalisation, concentration, redéploiement voire restructuration.
3 voies principales apparaissent possibles :
Des alliances dans des domaines semblables peuvent aussi être conçues dans une optique internationale. Ainsi l'école des Mines de Nancy souhaite nouer des coopérations avec les universités de Strasbourg et de Montpellier pour se ménager des ouvertures en direction respectivement des pays de l'Est et du Sud.
Ces différentes options pourraient être examinées dans le cadre des projets d'établissement élaborés par les écoles.
Pour s'en tenir aux écoles d'ingénieurs, leur principal atout est d'être, avant tout, des établissements liés à l'industrie, associant l'entreprise à tous les stades de la formation, conscientes des grandes évolutions, capables d'accompagner l'entreprise en pleine mutation par leurs capacités de recherche et de transfert technologique et d'assurer de bons résultats en matière d'insertion professionnelle.
Cette proximité avec l'entreprise, qui prend diverses formes résumées dans le rapport, mais qui fonde la légitimité du Ministère et des CCI, la volonté de former des ingénieurs pour l'industrie et de leur fournir des débouchés, le souhait de jouer un rôle dans le développement local, peuvent constituer des principes fédérateurs pour l'ensemble des écoles du Ministère transcendant les différences qui existent entre elles.
En effet, elles ne recrutent pas toutes au même niveau, la plupart sont généralistes, certaines plus spécialisées ; les activités de recherche sont plus ou moins importantes, certaines font plutôt de l'assistance technique et les nouvelles ont du mal à mettre en place des laboratoires ; les formations continues sont différemment développées, de même que les stages à l'étranger ...
Le statut juridique des écoles et des personnels n'est pas similaire : transformées en établissements publics, les écoles des Mines sont sous la tutelle directe du Ministère de l'industrie qui nomme les personnels et assure le financement alors que les écoles consulaires dépendent, bien évidemment en premier lieu, des CCI, assemblées d'élus du monde industriel et commercial.
Même si la baisse de la taxe d'apprentissage et les difficultés des collectivités locales pèsent sur l'ensemble des établissements, les écoles des Mines ont une situation plus favorable en matière de financement malgré la rigueur budgétaire. Conformément à leur vocation d'écoles publiques, elles peuvent réclamer des frais de scolarité modérés alors que les écoles consulaires sont obligées de trouver un équilibre, bien souvent instable, entre IATP, frais de scolarité, taxe d'apprentissage, formation continue, contrats de recherche. Le système consulaire est donc davantage soumis aux aléas du marché de la formation et beaucoup plus dépendant de la concurrence.
La définition des critères de labellisation devrait faire l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des parties concernées (directeurs d'écoles, chefs d'entreprises, enseignants, élèves, chercheurs, experts... ).
L'attribution du label qui confirmera l'adhésion à la charte et l'appartenance à un réseau serait prononcée par le Ministère de l'industrie sur proposition d'un comité comprenant des représentants des établissements de formation français et étrangers, des industriels et les instances administratives concernées. Les écoles feraient l'objet d'un suivi et d'une démarche permanente d'évaluation et d'orientation.
Le Ministère pourrait ensuite contribuer à la Promotion des écoles labellisées en favorisant, par exemple, les expérimentations pédagogiques ou les nouveaux projets, en encourageant la mobilité des personnels, les partenariats avec les entreprises ou le fonctionnement en réseau.
Il serait opportun de s'appuyer fortement sur les DRIRE et les CCI pour la réussite de ce projet.
- A titre d'exemple, 6 critères pourraient figurer dans la charte :
L'exercice n'est pas aisé : il conviendrait d'y associer, s'ils le souhaitent, l'Union européenne, les Ministères de l'Education Nationale et du Travail mais surtout il s'agit de constater un état présent pour lancer ou plutôt amplifier une dynamique de progrès.
Ceci passe par la mise au point de véritables projets pour les écoles, élaborés avec les partenaires locaux et examinés ensuite par l'instance de labellisation.
Les entreprises, les experts, et même certains enseignants insistent à l'envie sur le trop grand individualisme et le manque de savoir-faire des étudiants.
La formation initiale n'apprend guère à travailler en équipe. Cette orientation vers le labeur solitaire se renforce dans les classes préparatoires aux grandes écoles : la réussite au concours d'entrée résulte du travail personnel, acharné et secret mené dans les "prépas" où le voisin est un rival. Cet individualisme se combine souvent avec le caractère abstrait de la formation initiale et la primauté des mathématiques pour écarter les étudiants des disciplines orientées vers les applications industrielles. Des diplômés, peu familiers des réalités de l'entreprise, voire qui en redoutent le contact, choisiront le travail de conception ou de recherche-développement de préférence à l'activité des ateliers.
De plus, la prodigieuse explosion des connaissances transforme la nature même de l'enseignement. Il ne s'agit plus seulement d'apprendre des données factuelles, devenues beaucoup trop abondantes, mais d'acquérir les bases méthodologiques qui permettent de les trouver, d'apprendre à s'orienter, à naviguer dans ce savoir qui prend les proportions d'un océan. Les industries de l'information avec leurs immenses banques de données interconnectées à travers toute la planète offrent les moyens de cette navigation. Mais encore faut-il avoir les instruments intellectuels qui permettent de faire le point, de trouver sa route et d'arriver à un bon port. Or, la navigation dans le savoir n'est pas un savoir, mais bien un savoir-faire.
Enfin, face au bouillonnement informationnel, il faut être capable de s'adapter, de modifier ses orientations, de réviser ses points de vue mais aussi de tenir ferme face à une tentative de désinformation. Tout ceci exige une autre conception de la formation ; il ne s'agit plus d'une période limitée de la vie, après laquelle chacun était censé posséder définitivement tout le savoir qui lui était à priori nécessaire.
Désormais, l'apprentissage est permanent, il fait partie de l'exercice même de la profession : il faut sans cesse se maintenir à flot, se tenir au courant des évolutions.
Dans cette perspective, le prestige du diplôme risque de beaucoup souffrir. La personne sera jugée non sur ses titres mais sur ses compétences réelles, non sur ses connaissances théoriques mais sur son sens des réalités, sur sa capacité à s'adapter, à apprendre, à se perfectionner.
Comme l'a dit un responsable universitaire : "plus que des connaissances, on demande à un ingénieur des compétences, plus qu'un savoir, on lui demande un savoir-faire et une capacité à l'action".
Trois pistes sont proposées dans cette optique :
Tout ceci ne s'enseigne pas comme des équations du second degré. Il s'agit de communiquer une tournure d'esprit. Pour forger celle-ci, ce sont les méthodes qui ont un rôle capital. Il faut une pédagogie ouverte, concrète ou l'expérimental et l'extra-scolaire jouent un grand rôle, avec de forts liens entre maîtres et élèves, de nombreux contacts avec le monde extérieur.
C'est un enseignement fondé non sur l'imitation des modèles mais sur leur invention, non sur la passivité et la docilité mais sur l'initiative et la créativité. Un enseignement adapté à la fois à la mouvance et à la complexité, les deux caractères majeurs de la modernité. Il s'efforce de donner des repères, des grilles, des méthodes d'investigation et de hiérarchisation des informations plutôt que des analyses clés en main.
Certains spécialistes vont jusqu'à estimer qu'une bonne formation devrait comprendre 65% de connaissances scientifiques et académiques et 35 % de savoirs-être.
C'est ce que fait, par exemple, l'Ecole des Mines d'Alès à partir des stages, avec l'aide de la DPIRE qui prend en charge une partie de la rémunération des stagiaires qui acceptent d'aller dans les PME de la Région.
Tout ceci dessine un portrait du jeune ingénieur diplômé avec deux grandescaractéristiques:
Ces deux types de compétence doivent évidemment permettre à l'ingénieur débutant de devenir un acteur efficace pour l'évolution de son entreprise.
Les écoles ont intérêt à rationaliser leurs processus de recrutement car, outre le fait que l'organisation d'un concours national avec de nombreux centres d'examen est coûteux et pose des problèmes de calendrier, les élèves ont tendance à se présenter exclusivement à un ou deux concours donnant accès à plusieurs écoles. Par ailleurs, les écoles ne peuvent que s'enrichir en recrutant des élèves à profil différent.
Enfin, la réflexion sur le niveau de recrutement pourrait être poursuivie. Plusieurs écoles consulaires ou des Mines ont choisi une sélection à BAC ou BAC+1. En fonction du profil d'ingénieur choisi, le passage par les classes préparatoires n'est pas indispensable et ce d'autant plus qu'il s'agit d'un ingénieur proche de l'entreprise.
Le rapprochement avec l'entreprise conduit à prôner le développement des formules d'alternance et d'apprentissage. En 1994-1995, le Ministère de l'Education Nationale recense 250 000 apprentis dont 12 500 dans l'enseignement supérieur et, en particulier, 3 500 préparant un diplôme de niveau BAC+3 ou plus.
Mais, l'apprentissage étant souvent l'antichambre de l'embauche, l'entreprise connait déjà le futur diplômé qui sera plus rapidement opérationnel et mieux impliqué dans son travail.
Les étudiants acquièrent une formation proche de la réalité économique (pédagogie de l'induction) ainsi que les qualités exigées par leurs futurs employeurs, d'initiative, d'adaptabilité, d'aptitude au travail en groupe. Cette première expérience professionnelle facilite grandement l'insertion économique des jeunes diplômés qui ont également bénéficié d'études rémunérées.
L'école renforce ses liens avec l'entreprise, ce qui peut conduire à un renouvellement des programmes et des méthodes pédagogiques et par ailleurs faciliter les questions de financement.
La question de la reconnaissance de la spécificité des étudiants ayant effectué un cursus en alternance se pose également : les salaires et responsabilités correspondront-ils à une expérience professionnelle de deux ans ou bien ces étudiants seront-ils considérés seulement comme de très bons diplômés ?
L'apprentissage européen qui commence à se développer est prometteur. Un étudiant ayant travaillé pendant plusieurs années dans différents pays européens sera très recherché par une entreprise possédant des implantations dans ces pays, ce qui est le cas des multinationales européennes. Ce parcours est encore plus intéressant s'il s'effectue au sein de la même entreprise, dans ses différentes localisations éümgères. Là encore, les échanges de professeurs, l'effet retour induit par les étudiants provenant d'institutions éducatives étrangères, permettent crêtre à la pointe des enseignements.
Cet apprentissage européen est le vecteur d'une coopération économique et sociale, s'inscrivant au coeur des enjeux de l'Europe unie, en renforçant les liens entre système éducatif, reflet des mentalités d'un pays, et système productif.
Le foisonnement des connaissances et l'accent mis sur l'acquisition des savoirs-faire nécessitent plus que jamais d'élaborer des projets personnels.
Diverses expériences existent déjà : l'ESIEE a ainsi opté pour un contrat pédagogique entre l'étudiant et l'école. La notion de cours annuel obligatoire est remplacée par le système des unités de valeur. Les étudiants ont la possibilité de se construire un profil spécifique, se spécialisant dans telle ou telle matière, s'organisant pour concilier acquisition de connaissances, stages en entreprises et activités sociales. Chaque parcours devient unique, sur mesure.
A l'Ecole des Mines de Nancy, dès les premiers mois, l'élève s'informe pour découvrir les multiples métiers de l'ingénieur et la vie de l'entreprise. Il est ensuite amené progressivement à formuler un projet d'orientation professionnelle pour concevoir et dérouler son propre projet de formation. Il dispose pour l'aider d'un tuteur choisi parmi les personnels de l'école. Il peut alors faire des choix de cours et d'activités qui conviennent à son projet.
De même, plusieurs universités (Toulouse, Strasbourg, Toulon, Paris-Sorbonne) ont mis sur pied avec l'UIMM un module destiné à proposer aux étudiants une méthodologie leur permettant d'effectuer des choix d'itinéraires professionnels et universitaires selon leurs aspirations et la réalité économique. L'évaluation de cette expérience, qui intervient au tout début du premier cycle et qui donne lieu à une note de recherche, montre que plus de 80 % des étudiants ont précisé leur projet et 73 % ont été plus actifs dans la recherche d'informations. D'une façon générale, l'exercice modifie la perception du monde socioprofessionnel, ce qui est favorable à une meilleure construction de l'avenir professionnel de l'étudiant, donne plus de sens aux études poursuivies mais ne réduit pas l'inquiétude sur le futur.
Selon l'enquête de l'ESIEE sur l'insertion Professionnelle des jeunes diplômés en 1994, le projet professionnel n'est pas seulement un ensemble de connaissances en vue d'un emploi, c'est aussi apprendre à connaître et vendre ses atouts et avoir confiance en soi. il faut manifester son ouverture d'esprit tout en ciblant ses recherches et être motivé.
Il n'est ainsi pas inutile de savoir qu'une entreprise comme EDF, à l'intérieur de quatre familles de métiers (recherche-développement ; exploitation-maintenance ; ingénierie ; gestion, commercial, juridique, finance) retient cinq critères de recrutement : le sens, du client (ouverture, aptitude à la négociation), du collectif (travail en équipe, communication), de l'efficacité (atteindre un résultat), entrepreneurial (initiative, innovation, décision, responsabilité), et de l'adaptabilité (réactivité, résistance à la pression).
Les écoles et les associations pourraient également mieux suivre la trajectoire personnelle des anciens élèves en effectuant, comme cela a été le cas à l'ESIM, des enquêtes trois ou quatre ans après leur sortie.
Les écoles ont déjà lancé de nombreuses actions pour développer la qualité de la formation qu'elles délivrent. Il convient de poursuivre sans cesse cet effort, notamment dans les domaines suivants:
Mais le monde du travail, comme le rapport l'a montré, évolue. Les débouchés sont difficiles à trouver, de nouveaux besoins apparaissent les carrières seront de plus en plus discontinues. Les étudiants doivent être armés, connaître l'entreprise et son mode de fonctionnement, avoir le goût de se lancer dans la bataille, du risque, envie de se réaliser à plusieurs en dehors des projets touchant à l'humanitaire et au festif.
La collaboration avec les ESC devrait aussi permettre d'apprendre à monter un dossier, de le défendre et de s'y retrouver dans le dédale des formalités administratives.
Plusieurs écoles des Mines ou consulaires ont mis en place, avec les collectivités locales, des structures de type incubateur ou pépinière qui donnent la possibilité à des porteurs de projets de trouver un lieu d'accueil et d'appui, un environnement institutionnel, le temps de mûrir leur projet. L'apport est axé surtout sur la faisabilité technique et économique du projet, sur les études de marché et l'approche commerciale. A Bayonne, sur sept projets, deux ont abouti.
Par ailleurs, les diplômes d'ingénieurs français sont quelque peu hétérodoxes par rapport à la culture anglo-saxonne aux yeux des grandes entreprises multinationales. Ces sociétés recherchent des produits plus calibrés : Master ou Ph.D. Le titre d'ingénieur français est supérieur au Bachelor mais pas tout à fait équivalent au Master.
En attendant une harmonisation, les initiatives individuelles se multiplient : ainsi la FEANI (Fédération européenne des associations nationales d'ingénieurs) a créé un titre d'ingénieur européen; l'ESITE d'Epinal fait partie de ce réseau. Le programme ENTREE, créé à l'initiative de l'ESIEE, regroupe 17 grandes écoles et universités européennes dans le domaine du génie électrique. L'Union européenne promeut le système ECTS d'unités capitalisables, transférables dans toute la Communauté entre 145 écoles. Il suppose l'existence de descriptions transparentes des programmes d'enseignement, la quantification de la charge de travail demandée aux étudiants, la conclusion d'accords entre l'établissement d'origine, celui d'accueil et l'étudiant sur le programme d'étude à suivre.
La venue d'étrangers dans les écoles françaises permet ensuite de faire connaître celles-ci dans les entreprises des pays d'origine des étudiants. La mise sur pied de réseaux développant des actions comme l'échange d'enseignants, la création de cursus ou de diplômes communs, l'utilisation de moyens de recherche à plusieurs, est à encourager. L'objectif est d'arriver à constituer de véritables pôles de compétence reconnus au niveau international.
Le dynamisme des grands groupes français à l'international permettra aussi aux formations d'ingénieurs de se faire apprécier à l'étranger. L'effet de référence du système américain étant bien évidemment lié au nombre de ses diplômés et à la puissance économique du pays.
C'est véritablement une action essentielle pour intégrer efficacement les préoccupations des entreprises et notamment suivre l'évolution des techniques et procédés. Les écoles en sont à des stades différents selon leur vocation propre et leur ancienneté mais il convient de faire un effort tout particulier dans ce domaine. Les formes peuvent être très variées :
Alors qu'une politique vigoureuse serait nécessaire pour développer la formation tout au long de la vie, vingt-cinq ans après la loi de 197 1, la réussite n'est pas vraiment au rendez-vous. Si la plupart des grandes entreprises consacrent plus de 5 % de leur masse salariale à la formation, pour beaucoup de PME-PMI, celle-ci reste coûteuse, inadaptée et consommatrice de trop de temps. La mutualisation des fonds de la formation professionnelle a surtout bénéficié aux grandes entreprises. Les plans de formation sont de plus en plus souvent utilisés pour former les salariés uniquement aux exigences directes de leur poste de travail. C'est loin d'être inintéressant pour les salariés et évidemment les entreprises mais la formation ainsi gérée devient plus utilitaire et correspond moins à la construction d'un itinéraire professionnel choisi par le salarié. Seul véritable droit individuel de formation reconnu aux salariés, le congé individuel de formation (CIF) est mis à mal aujourd'hui.
L'Etat a supprimé son aide au financement des formations CIF de longue durée et le Parlement a transféré à l'apprentissage une partie des fonds alors que les salariés étaient déjà de plus en plus réticents à en faire la demande de peur de ne pas retrouver leur emploi après la formation.
Or, deux grands dossiers sont lancés actuellement:
Par ailleurs, les entreprises et les partenaires sociaux devraient négocier les objectifs de développement de la formation en alternance sous contrat de travail : contrats d'apprentissage et de qualification.
Enfin, le rapport propose d'améliorer la qualité des formations tout en simplifiant les dispositifs.
Au-delà des débats sur la possibilité de mettre en place un référentiel national des qualifications et des compétences pouvant modifier profondément la procédure des titres homologués et notamment le rôle de la Commission technique d'homologation, l'ambition réside dans le passage d'un raisonnement en terme de formation à une approche en terme de compétence, donnant ainsi plus de poids à l'évolution dans et hors l'entreprise et par là-mème relativisant la place du diplôme.
De plus, les CCI ont un rôle important en tant que fortnateur et ont une fonction de collecte des fonds, en particulier sur le quota de la taxe d'apprentissage.
Le Ministère pourrait, soit présenter directement des dossiers, soit inciter les écoles à le faire, éligibles au programme européen LEONARDO, destiné à appuyer le développement d'actions innovatrices en matière de formation professionnelle.