4 Les conditions de travail et la sûreté dans les installations nucléaires
Les conditions de travail des intervenants dans les installations nucléaires, en particulier les horaires de travail et la dosimétrie, ne sont pas sans conséquences sur la sûreté. En effet, une dosimétrie élevée impose que le temps d'exposition des intervenants soit limité en conséquence, ce qui conduit à réaliser les travaux le plus rapidement possible et, éventuellement, à faire se succéder plusieurs intervenants pour une même tâche. Il s'ensuit des contraintes dans le déroulement des activités qui ne peuvent qu'être défavorables à la qualité de leur réalisation, et donc à la sûreté si elle est concernée par ces activités. De la même manière, si les intervenants sont soumis à des dépassements des horaires légaux, la fatigue qui en résultera accroîtra le risque d'erreurs. L'Autorité de sûreté est donc attentive aux conditions de travail des intervenants dans les installations nucléaires.
Deux points sont à souligner. Le premier est que ces intervenants sont souvent des salariés d'entreprises prestataires auxquelles font appel les exploitants du fait notamment du caractère saisonnier des activités. C'est ainsi que, pour réaliser la maintenance des centrales nucléaires, essentiellement pendant les arrêts de tranche, EDF a recours à 22 000 salariés sous-traitants qui effectuent 80 % des travaux, ce qui par ailleurs explique que les doses reçues par ces salariés soient plus importantes que celles reçues par le personnel d'EDF. Le deuxième point est que les dépassements d'horaire sont souvent le résultat de pressions exercées pour respecter les échéances que l'exploitant s'est fixées.
Pour ce qui concerne les laboratoires et usines, un des thèmes prioritaires des inspections effectuées en 1997 était la radioprotection. La synthèse en a été tirée en 1998 et des demandes complémentaires ont été adressées aux exploitants, dont certaines
touchent très concrètement les conditions de travail du personnel d'exploitation, y compris le personnel des sociétés extérieures intervenantes. Au-delà de ces actions particulières, les conditions de sécurité aux postes de travail sont analysées dans le cadre de l'examen de la sûreté de conception et d'exploitation de chacune des installations, tant sous l'angle de la radioprotection que des risques classiques. Ces derniers doivent particulièrement être pris en compte pour les chantiers de démantèlement des installations.
Pour ce que concerne l'industrie du cycle du combustible, l'Autorité de sûreté a demandé à EDF de présenter une évaluation des conséquences sur la radioprotection des travailleurs des évolutions des combustibles, telles que la mise en œuvre de matières recyclées ou l'accroissement du taux de combustion. A l'amont du cycle, l'utilisation d'uranium de retraitement et de plutonium modifie les conditions radiologiques dans lesquelles sont réalisées les opérations de conversion et de fabrication. Ces conditions sont sensibles aux compositions isotopiques des matériaux utilisés, car les opérations se font au plus près de la matière. A l'aval du cycle, les opérateurs ne travaillant pas au contact de la matière, les modifications seront de moindre portée. Par ailleurs, une attention particulière sera portée à l'adéquation des emballages de transport aux matières transportées, en particulier quant à la protection radiologique.
Pour ce qui concerne les centrales nucléaires, les conditions de travail, trop peu examinées dans le passé, ont fait l'objet d'une attention accrue ces dernières années. En 1998, la DSIN a d'une part lancé une opération de recueil d'informations relatives aux interventions réalisées en arrêt de tranche, et d'autre part engagé un examen de la prise en compte de la radioprotection lors de certaines opérations de maintenance. Dans ce cadre, des dispositions réglementaires sont en préparation pour imposer à EDF de rendre compte de l'impact dosimétrique des opérations de maintenance envisagées sur les circuits primaire et secondaire principaux des réacteurs. Pour une première expérimentation de ces dispositions, deux opérations ont fait l'objet d'un examen par l'Autorité de sûreté.
En 1999, ces actions de surveillance des conditions de travail seront poursuivies, voire amplifiées dans le cas des centrales nucléaires.