2 Le palier N4
Le réacteur 1 de Chooz B est la tranche tête de série du palier N4 des réacteurs de 1450 MWe, les réacteurs les plus récents du parc nucléaire d'EDF. Le palier comprend les réacteurs 1 et 2 de Chooz B et les réacteurs 1 et 2 de Civaux. Concernant la sûreté, la conception du palier N4 est proche de celle des réacteurs de 1300 MWe avec des améliorations de sûreté issues notamment de la prise en compte de l'expérience acquise sur les centrales en service de types 900 MWe et 1300 MWe.
Parmi ces améliorations, on peut citer l'adoption de nouvelles règles d'études d'accidents et l'utilisation pour le dernier réacteur du palier d'un béton amélioré dit " hautes performances " pour l'enceinte de confinement. Lune des innovations du palier N4 a été l'adoption d'une salle de commande entièrement informatisée : la conduite s'effectue à partir de claviers et d'écrans, et les informations et les ordres sont transmis par des ordinateurs alors que les paliers précédents étaient dits " classiques " (conduite à partir d'interrupteurs, de manettes, de cadrans et de voyants reliés par des fils aux différents matériels de la centrale). En ce qui concerne la chaudière (circuits primaire et secondaire principaux), des améliorations notables ont visé la fabrication des matériels majeurs sur Chooz et Civaux. En outre, le constructeur Framatome a remis à la demande de l'Autorité de sûreté une étude d'un type nouveau sur la robustesse des circuits, qui apportera un éclairage supplémentaire sur le champ du programme de surveillance de ces circuits.
Début 1998, le réacteur 1 de Chooz B avait entamé son premier cycle d'exploitation et le réacteur 2 avait reçu l'autorisation de dépasser 90 % de la puissance nominale et effectuait ses essais de démarrage. La DSIN avait d'autre part autorisé le 27 novembre 1997 le premier démarrage du réacteur 1 de Civaux. Le réacteur 2 de Civaux effectuait ses essais hydrauliques avant son premier approvisionnement en combustible.
Au cours de l'année, EDF a rencontré plusieurs difficultés à caractère générique qui ont conduit à retarder les opérations de démarrage et de mise en service des réacteurs du palier N4.
La première difficulté a été l'arrêt anticipé du réacteur 1 de Chooz B dû au dépassement de la durée maximum de fonctionnement à puissance intermédiaire autorisée dans les spécifications techniques d'exploitation. La DSIN a alors instruit le dossier présenté par EDF pour justifier l'innocuité d'un dépassement de cette durée.
Puis un incident n'affectant pas la partie nucléaire de l'installation, découvert sur la turbine du réacteur 2 de Chooz B, a contraint l'exploitant à arrêter ce réacteur, afin de procéder à la réparation de la turbine. L'anomalie détectée sur la turbine s'est avérée être un problème générique qui a conduit l'exploitant à réparer les turbines des réacteurs 1 et 2 de Chooz B et du réacteur 1 de Civaux, et à prévoir pour le réacteur 2 de Civaux une modification de la conception de la turbine.
Enfin, le 12 mai 1998, alors que le réacteur 1 de Civaux était à l'arrêt depuis le 9 mai, l'exploitant détectait une fuite sur l'une des voies du circuit de refroidissement à l'arrêt (RRA). La mise en évidence d'un phénomène de fatigue thermique dans la zone de mélange entre eau chaude et eau froide du circuit et le caractère potentiellement générique du défaut ont conduit l'exploitant à procéder au déchargement du combustible des réacteurs 1 et 2 de Chooz B et du réacteur 1 de Civaux.
EDF a conclu à un cuit et a proposé de mettre en place un nouveau tracé du circuit RRA sur les réacteurs de 1450 MWe.
Cette nouvelle disposition comporte des améliorations. en termes de fabrication et de dessin du circuit. favorables à une meilleure robustesse mécanique du circuit et à une plus grande stabilité des écoulements dans la zone de mélange.
De plus, l'exploitant a proposé un programme de contrôles et des mesures complémentaires pour l'exploitation du circuit RRA. Ces dispositions visent notamment à une meilleure connaissance de l'état initial du circuit, un meilleur suivi des conditions de fonctionnement du circuit et une restriction du temps d'utilisation de ce circuit en régime de forts écarts de température.
L'Autorité de sûreté a demandé à l"exploitant de compléter ces mesures et notamment:
- de renforcer le programme de contrôle proposé (contrôles complémentaires sur le circuit puis contrôles en service);
- de renforcer la surveillance du circuit en exploitation par la mise en place de caméras de surveillance;
- d'améliorer la conduite du réacteur en diminuant les sollicitations du circuit RRA en situations normale et accidentelle et en mettant en œuvre en particulier un conditionnement plus progressif de ce circuit avant son utilisation.
Les contrôles réalisés à la demande de l'Autorité de sûreté pour vérifier l'état initial du circuit ont mis en évidence des fissures sur une deuxième zone de mélange soumise au même phénomène de fatigue thermique que la zone où est survenue la fuite.
La DSIN a décidé d'accepter l'utilisation de ce nouveau tracé du circuit RRA pour un cycle de fonctionnement et a autorisé en novembre 1998 le rechargement du combustible du réacteur 1 de Chooz B qui a été le premier modifié.
Néanmoins, considérant que l'état des résultats et analyses présentés par l'exploitant ne permet pas encore de se prononcer sur la pérennité, au-delà d'un cycle de fonctionnement, de la nouvelle solution, la DSIN a demandé à l'exploitant de poursuivre et d'intensifier ses expérimentations et analyses afin que soit acquise, avant la fin de l'année 1999, la pérennité de la nouvelle conception.
Dans ce cadre, la DSIN a exigé, pour autoriser le rechargement du réacteur 1 de Civaux, la mise en place d'une instrumentation particulière du circuit RRA, dont l'objectif est d'appréhender les phénomènes physiques et de fournir des informations nécessaires à la démonstration de la pérennité du nouveau circuit.
Enfin, la DSIN a réaffirmé à l'exploitant la nécessité de procéder à des investigations sur les circuits de refroidissement à l'arrêt de réacteurs de 900 MWe et 1300 MWe.