M. Cocude
La réponse est simple : la santé des mineurs est pour
nous une préoccupation majeure et la réunion d'un colloque
est un bon moyen pour appeler l'attention sur le sujet.
Le risque est grand en effet, étant donné l'incontestable
déclin des charbonnages, de considérer ce sujet comme secondaire
(on n'ose dire "mineur"). Il n'en est rien. La baisse puis la cessation
de l'activité charbonnière ne supprime pas du jour au lendemain
les malades dont de nouveaux cas sont répertoriés chaque
jour. Au-delà de ce secteur, les cas de pneumoconiose ne sont pas
rares dans les autres branches d'activité extractive et dans nombre
de secteurs industriels. Enfin, travailler ce sujet ne peut qu'être
utile pour d'autres pathologies pulmonaires environnementales.
Un écueil redoutable dans notre cas est la démobilisation
qu'amène l'absence de progrès thérapeutique notable
alors que la médecine fait des avancées spectaculaires dans
d'autres domaines. A ceci nous opposons une volonté délibérée
d'explorer tous les possibles. Un retour sur les avancées des dernières
décennies devrait d'ailleurs nous encourager à aller de l'avant.
Un des moyens pour faire apparaître de nouveaux possibles est
d'opérer un changement complet d'approche. Nous avons choisi de
changer de contexte culturel en nous intéressant à une médecine
orientale.
C'est bien en effet l'intérêt d'un colloque : faire le
point de ce qui se fait et de ce qui peut se faire en confrontant les expériences,
élargir autant que faire se peut les modes d'approche ; ici, en
appelant autour de la table les porteurs d'une tout autre tradition culturelle.
2 - Pourquoi la médecine chinoise ?
Il y a de nombreuses raisons.
La médecine chinoise nous oblige à un grand effort de
"décentration". C'est pour nous un choc culturel et nous noterons
pour l'anecdote que ce choc avait été particulièrement
sensible à l'un de nos grands anciens, M. l'Inspecteur général
des Mines LOCHARD, Président en 1945-1946 de notre Commission -
qui s'appelait alors la Commission du Grisou - après avoir été
Chef du service des mines de l'Indochine. Les Charbonnages du Tonkin ont
été on peut le rappeler une des richesses de la colonie française
puis du Vietnam d'aujourd'hui.
La raison majeure de ce choix réside dans le fait que la Chine
est aujourd'hui le plus grand producteur de charbon au monde avec un milliard
de tonnes produites chaque année. Cet ordre de grandeur est plus
de dix fois supérieur à celui atteint par les charbonnages
français au plus haut de leur activité. On y compte aussi
corrélativement le plus grand nombre de pneumoconiotiques
reconnus : plusieurs centaines de milliers. (En France, nous en comptons
aujourd'hui quelque 25000 après un pic du double vingt ans auparavant).
La prévention et le traitement des malades y sont donc des préoccupations
majeures et nous ne pouvons que tirer avantage à regarder ce qui
se fait en ce domaine et notamment en matière de médecine
traditionnelle. La combinaison de cette médecine avec la médecine
occidentale fait d'ailleurs actuellement l'objet de nombreuses recherches
en Chine même.
En outre, la médecine chinoise est une des médecines non
conventionnelles (alternatives et /ou complémentaires) dont le parlement
européen a recommandé l'étude à la Commission
Européenne en menant les travaux nécessaires à leur
validation et en y affectant des crédits dès 1994.
Lors de la séance du jeudi 29 mai 1997 le Parlement invitait
notamment le Conseil "à favoriser le développement de programmes
de recherche dans le domaine des médecines non conventionnelles
intégrant l'approche individuelle et holistique, le rôle préventif
ainsi que les spécificités des disciplines médicales
non conventionnelles,…."
Nous espérons donc au terme de notre exercice d'aujourd'hui
apporter une contribution positive à une réflexion
menée au niveau de l'Union Européenne.
Le colloque organisé par la CORSS comportera deux grandes parties
:
La première sera une présentation de ce que sont les pneumoconioses
et pathologies associées.
Ensuite seront présentés les méthodes de suivi
des pneumoconiotiques et les soins qui leur sont dispensés. Un retour
sur les cinquante dernières années (depuis la nationalisation
de l'industrie charbonnière au lendemain de la 2ème guerre
mondiale) montrera les progrès accomplis pendant cette période.
La réhabilitation respiratoire fera l'objet d'une présentation
spéciale.
Un troisième volet sera la présentation des travaux et
recherches en cours dans la médecine occidentale et les perspectives
qui s'y dessinent.
La seconde partie traitera de l'approche chinoise de la maladie
et des malades.
Trois grandes modalités de la médecine chinoise, acupuncture,
qi gong, pharmacopée seront examinées… Il y en a d'autres
telles que les massages ou la moxibustion que faute de temps nous n'aborderons
pas, sauf incidemment. Pour chacune des modalités retenues, il sera
effectué une présentation générale de cette
modalité avec l'indication de ses problèmes et critères
de validation au regard des exigences de la science contemporaine.
L'apport des thérapeutiques au cas des pneumoconioses et plus
généralement au cas des pathologies pulmonaires sera discuté
ainsi que les perspectives d'avenir, les recherches à entreprendre
et expériences à mener.