Peut-on évaluer l'aptitude à l'emploi des produits industriels par des
critères simples ? Techniquement oui. Mais les efforts réalisés pour
généraliser celle démarche et imposer l'étiquetage des informations
correspondantes ont avorté.
Il s'agit pourtant d'une véritable mission de service public dans une
économie libérale.
par Yves Martin |
Pour les industriels, la qualité a d'abord été une mode venue du Japon ; elle est ensuite devenue une évidence incontournable, puis, avec l'introduction des normes ISO 9000, une contrainte forte pour accéder à certains marchés importants. Pour un Etat, quelles sont les interventions pertinentes, en économie libérale, en matière de qualité des produits industriels ? Ma vie professionnelle m'a souvent amené à constater le manque d'informations des acheteurs, consommateurs finals ou acheteurs industriels, sur l'aptitude à l'emploi des produits industriels disponibles sur le marché, et à prendre conscience des avantages importants qu'offrirait une meilleure information. L'objet de cet article est de présenter les différentes étapes de cette prise de conscience, ainsi que diverses tentatives pour promouvoir une véritable politique de qualification des produits, c'est-à-dire pour généraliser l'évaluation de l'aptitude à l'emploi des produits industriels et organiser l'information des acheteurs correspondants.
Si, au ministère de l'industrie, 500 personnes se consacraient à PrOtéger efficacement les consommateun contre (Ln risque de fraude sur les quantités des produits, personne n'était chargé de les informer sur l'aptitude à l'emploi de ces produits |
Toujours à la recherche d'une politique de l'innovation, nous avions commandé un audit sur les trois centres techniques professionnels de la filière textile, à savoir l'Institut textile de France (ITF), centre technique des filateurs, des tisseurs, ainsi que des ennoblisseurs qui assurent la teinture-apprêt des tissus, le Centre technique des industries de l'habillement (CTIH) qui, comme son nom l'indique, porte sur la confection, enfin le Centre technique de la teinture et du nettoyage (CTTN) qui couvre l'aval de cette filière, de la grande blanchisserie industrielle à la boutique de nettoyage à sec bien connue de tous les consommateurs. Nous examinions l'opportunité de fusionner ces trois centres techniques, et par cet audit, nous cherchions à savoir comment ces centres avaient contribué à susciter l'innovation et à accroître la compétitivité de leur profession respective. La conclusion de cet audit a été fort intéressante. L'ITF avait fait progresser les constructeurs de machines textiles, mais avait eu peu d'action directe sur l'amélioration des industries textiles ; le CTIH avait fait progresser ces industries textiles, et de la même manière, les industries de l'habillement s'étaient améliorées grâce au CTTN. En donnant à sa propre profession les moyens d'être exigeante vis à vis de ses fournisseurs, chacun de ces centres techniques avait permis de faire progresser la profession située en amont. Il ne fallait donc pas fusionner ces trois organismes, mais introduire une représentation des clients clans les conseils d'administration de tous les centres techniques professionnels : une clientèle exigeante est un moyen efficace pour élever le niveau de compétitivité d'une industrie.
A la même époque, mon directeur m'avait demandé d'analyser en détail le fonctionnement du service des Instruments de mesure. Ce service consacrait des moyens importants à évaluer l'aptitude à l'emploi des instruments de mesure, avec une finalité importante : s'assurer que les consommateurs n'étaient pas trompés de plus de 1 % sur la quantité des produits ven dus en France, que cette quantité se mesure en longueur, en surface, en volume ou en masse. Mais si, au ministère de l'industrie, 500 personnes se consacraient ainsi à protéger efficacement les consommateurs contre un risque de fraude sur les quantités des produits, personne n'était chargé de les informer sur les services que leur rendait chaque quantité unitaire de ces produits, en d'autres termes sur leur aptitude à l'emploi. Le consommateur final ne connaît en général que le prix, dont l'affichage est obligatoire, l'aspect extérieur et parfois l'image de marque des produits qu'il achète.
A cette époque, le consumérisme était à la mode. L'Institut national de la consommation et l'Association française d'étiquetage informatif venaient d'être créés, la pratique des essais comparatifs émergeait. Parmi les syndicats de salariés, FO était conscient de l'élévation du niveau de vie que pourraient connaître ses adhérents si on les aidait à consommer correctement. J'ai alors encouragé le Commissaire général au Plan à créer une commission de la consommation, qui a été présidée par Jean-Pierre Fourcade, ancien ministre des Finance,. Cette commission a largement débattu de la nécessité d'informer systématiquement les consommateurs sur l'aptitude à l'emploi des produits : ce type d'information pouvait-il être obtenu de façon simple ? Les consommateurs seraient-ils aptes à l'utiliser correctement ? Les milieux professionnels étaient partagés ; certains y etaient favorables, d'autres, inquiets de voir dans une telle information un moyen d'aiguiser la concurrence, y étaient opposés. Beaucoup affirmaient que les consommateurs rie sauraient interpréter ces informations ; des représentants de l'Éducation nationale ont dit leur intérêt pour inclure un apprentissage à la consommation dans l'enseignement secondaire, mais ont déploré l'absence de matière à ensei gner : on ne trouve nulle part de description objective de l'aptitude à l'emploi d'un produit.
Fournir aux consommateurs des informations sur l'aptitude à l'emploi des chaussures revenait à déplacer complètement le champ de la concurrence entre industriels, pour l'orienter vers l'utilité objective des objets fabriqués |
Une occasion nous a été donnée de démontrer, dans le cas particulier de la chaussure, la faisabilité technique de la politique que nous envisagions. Toujours à la même époque, vers 1975, les industriels français de la chaussure ont demandé instamment au ministère de l'Industrie l'instauration d'un label Chaussure de France pour les protéger contre des importations massives, jugées déloyales, de chaussures italiennes. La profession voulait ainsi être aidée à promouvoir ses productions sous l'étendard d'un label de conception traditionnelle classant les chaussures de façon binaire simpliste et selon des critères plus ou moins occultes. Le ministère a proposé à la profession d'organiser un véritable étiquetage informatif, et a confié une étude au Centre technique du cuir sur l'évaluation de l'aptitude à l'emploi des chaussures. Un groupe de travail a donc été instauré, réunissant des organisations de consommateurs, des producteurs et des distributeurs spécialisés, pour réfléchir aux moyens de caractériser l'aptitude à l'emploi des chaussures, et de la mesurer de façon reproductible et fiable. Ce groupe s'est attaché à résoudre le problème dans les cas de la chaussure de ville pour homme et de la chaussure tous usages pour garçonnet. Sept paramètres ont été choisis, parmi lesquels la résistance de la semelle à l'abrasion, la résistance de la tige à la pliure du dessus du pied (quand on marche), la solidité des assemblages, un critère d'étanchéité, un paramètre d'isolation thermique, et le résultat d'un essai approprié permettant de tester "le chaussant de la chaussure -, c'est-à-dire sa capacité à mouler le pied d'une façon qui tienne bien, qui soit élastique et non agressive. Les sceptiques s'interrogeaient sur la pertinence de ces tests au regard de la satisfaction du consommateur, selon le raisonnement classique : - il n'y a pas deux consommateurs qui utilisent leurs chaussures de la même façon ; un ensemble de quelques tests est nécessairement réducteur et ne pourra, en aucune façon, décrire les besoins du marché .. Le ministère a alors financé une série d'essais - au porter -, qui ont démontré une bonne corrélation entre le comportement effectif des chaussures et les essais de laboratoire. Nous tenions la solution de notre problème : la normalisation de ces sept tests et un étiquetage généralisé de leurs résultats dans les points de vente devaient permettre aux consommateurs de comparer les différentes chaussures entre elles, non seulement sur le plan du prix et de l'aspect extérieur, mais également sur une série de propriétés caractéristiques du service qu'on est en droit d'attendre d'une paire de chaussures.
Fournir ainsi aux consommateurs des informations sur l'aptitude à l'emploi des chaussures revenait à déplacer complètement le champ de la concurrence entre industriels, pour l'orienter vers l'utilité objective des produits fabriqués. L'idéal à l'époque, en 1975, aurait été, par la diffusion expérimentale d'un étiquetage facultatif, de sensibiliser progressivement l'industrie française de la chaussure à l'utilisation de ces tests et d'habituer les consommateurs à l'étiquetage correspondant sur une période par exemple de deux ou trois ans, puis de rendre cet étiquetage obligatoire. Non seulement, nous aurions défendu notre marché intelligemment, mais la position concurrentielle de notre industrie sur le marché international aurait pu être améliorée. Un certificat de qualification a été instauré par la profession.
Le meilleur service que les pouvoirs publics auraient pu rendre aux entreprises aurait été de mettre à leur disposition des moyens d'évaluer l'aptitude à l'emploi des équipements qu'elles achetaient |
Avant de quitter Lyon, en 1986, j'ai voulu savoir ce qu'il était advenu de la politique engagée dix ans plus tôt. Comme le Centre technique du cuir et nombre de fabricants de chaussures étaient installés dans la région Rhône-Alpes, je n'ai eu aucun mal à réunir les principaux publics acteurs concernés. Cette réunion s'est avérée fort intéressante. D'abord, sur le plan commercial, l'étiquetage informatif s'est révélé un échec. En effet, quelques industriels avaient bien essayé d'informer les clients des bons résultats obtenus par leurs chaussures aux tests en question, mais cet étiquetage n'était pas généralisé, les clients n'avaient aucun moyen de comparer les chaussures en question avec les chaussures concurrentes, et donc de tirer avantage de cet étiquetage. En revanche, la plupart des industriels présents ont indiqué qu'ils ne mettaient pas une collection de chaussures en fabrication sans avoir, au préalable, demandé au Centre technique du cuir d'évaluer leur aptitude à l'emploi par la méthode qui avait été mise au point dans les années 1974-1975. On citait même un grand distributeur par correspondance qui ne mettait aucune collection de chaussures pour homme ou pour garçonnet dans son catalogue sans avoir fait procéder, à ses frais, à l'évaluation de leur aptitude à l'emploi ; mais ces informations n'étaient pas retranscrites dans le catalogue en question et n'atteignaient donc jamais le consommateur final.
Revenu à Paris en 1986, j'ai eu l'occasion d'analyser en détail les activités de l'Agence de l'Informatique. En effet, quand Alain Madelin, alors ministre de l'industrie, a supprimé cette agence d'un trait de plume, j'ai été chargé de la tâche ingrate de la liquider. J'ai pu constater que cette Agence avait en partie raté sa cible. Si elle avait consacré tous ses moyens à évaluer, en toute neutralité, l'aptitude à l'emploi des matériels et des logiciels disponibles sur le marché, et diffusé largement les informations correspondantes, cette Agence aurait joué un rôle précieux aussi bien auprès des entreprises qu'auprès des particuliers. Mais sa mission fut entachée d'une redoutable ambiguïté : l'Agence fut à la fois chargée de faciliter l'accès de notre société à l'informatique et de promouvoir l'informatique française, ce qui faussa sa neutralité. Cette agence n'a pas suffisamment soutenu des initiatives extérieures comme celle de l'association CXP qui avait 'engagé une politique d'évaluation de l'aptitude à l'emploi de logiciels ; cette association éditait un catalogue où tous les logiciels du marché pouvaient figurer à condition que leurs auteurs présentent ces logiciels selon une grille de critères très complète. Ce catalogue permettait ainsi aux lecteurs de se faire une idée sur les services rendus par les différents logiciels et de les comparer entre eux.
L'expérience montre que, pour des biens de consommation, une demi-douzaine de paramètres suffisent, dans la quasi-totalité des cas, à caractériser leur aptitude à l'emploi |
Enfin, plus récemment, s'est développé un besoin d'informations sur l'aptitude à l'emploi des produits dans le domaine de l'environnement. En effet, de nombreux responsables ont cherché à faire l'écobilan de produits industriels, c'est-à-dire à évaluer l'impact cumulé sur l'environnement de chacun de ces produits, depuis leur fabrication jusqu'à leur traitement comme déchet en fin de vie. Mais pour pouvoir être valablement comparés entre eux, ces écobilans doivent être rapportés à ce que Bruno Heintz appelle l'unité fonctionnelle, c'est-à-dire la quantité de services cumulée que le produit a apporté pendant sa durée de vie. En l'absence de ce dénominateur, ces écobilans peuvent rarement constituer de véritables outils de comparaisons de produits ou de filières. Or, l'aptitude à l'emploi des produits constitue l'élément de base pour la détermination de cette unité fonctionnelle.
Le premier niveau, à mon avis le plus important, consiste à définir un langage commun entre toutes les parties prenantes, c'est-à-dire à choisir, pour chaque produit, les paramètres caractéristiques de son aptitude à l'emploi et les méthodes d'essais permettant de les mesurer. Ces paramètres doivent être pertinents sans être trop nombreux. L'expérience montre que, pour des biens de consommation, une demidouzaine de paramètres suffisent, dans la quasi-totalité des cas, à caractériser leur aptitude à l'emploi ; la mesure de ces paramètres conduit à une grille d'évaluation qui se corrèle correctement avec la satisfaction des utilisateurs des biens correspondants. Ce niveau d'intervention correspond fondamentalement au rôle de la normalisation. Or, les instances de normalisation travaillaient très peu dans cette voie à l'époque, et à mon avis, ne s'en préoccupent pas encore suffisamment aujourd'hui
. Le deuxième niveau d'intervention est de rendre obligatoire l'étiquetage des produits, fondé sur les méthodes normalisées d'évaluation de leur aptitude à l'emploi. La généralisation de l'étiquetage est en effet indispensable pour permettre aux consommateurs de comparer immédiatement tous les produits exposés devant eux dans un point de vente. On a vu, dans le cas des chaussures, qu'une information intelligente mais ponctuelle ne constituait pas en soi un argument déterminant de la vente ; pour qu'elle soit efficace, il' faut qu'elle soit, sinon générale du moins largement utilisée, pour permettre aux clients de comparer. Or, la généralisation d'un étiquetage est loin d'être spontanée. L'exemple de l'étiquetage des prix montre que la généralisation doit être imposée, et suppose une pression forte et durable des pouvoirs publics pour la faire entrer dans les moeurs.
Le troisième niveau d'intervention consiste à certifier l'exactitude des informations fournies par les producteurs dans leurs notices ou étiquettes. La foi Scrivener a réglementé les conditions d'attribution des certificats de qualification (ou label) par lesquels un tiers indépendant certifie l'exactitude des informations fournies ; en outre, cette réglementation a voulu éviter que les labels ne soient des attestations de qualité, classant les produits de façon binaire sans expliciter clairement leurs niveaux de performance effective. Simultanément notre pays a beaucoup progressé dans l'organisation et la crédibilité de ses laboratoires d'essais et centres techniques regroupés dans le Réseau national d'essais.
Enfin, le quatrième niveau d'intervention consiste, dans certains cas, à restreindre la liberté de choix des consommateurs, c'est-à-dire à éliminer du marché les produits qui ne présentent pas un niveau de performance minimal sur tel ou tel paramètre. Il s'agit là du domaine classique de la réglementation où les administrations françaises sont très actives. Or, si une telle réglementation binaire, qui agrée ou rejette les produits, est indispensable en matière de santé (médicaments. ) ou de sécurité (automobiles... ); elle n'est pas utile dans la plupart des secteurs. même dans les secteurs où un seuil minimum de performance est exigé, une obligation d'affichage de la performance obtenue est utile si l'on ne veut pas que l'évaluation binaire constitue un frein au progrès, les constructeurs se contentant de caler leurs produits juste au-dessus du seuil. En outre, cette approche réglementaire peut avoir des effets pervers ; en ne s'intéressant qu'à une seule caractéristique du produit (sa consommation d'énergie, son niveau de bruit, sa résistance aux chocs, ... ), sans donner d'information sur l'ensemble des caractéristiques de l'aptitude à l'emploi, on biaise le choix des consommateurs d'une façon qui n'est pas optimale. Ainsi imposer une limite au niveau de bruit d'un marteau piqueur, sans prendre en considération l'ensemble des paramètres caractérisant l'aptitude à l'emploi de ces appareils, risque d'éliminer du marché les seuls appareils capables, sur un chantier, de casser en peu de temps un béton particulièrement bien fait. Or une pollution sonore ne se mesure pas seulement à l'intensité du bruit instantané mais également à sa durée, et seule une analyse multicritère permettrait de savoir quel marteau piqueur doit être préféré sur tel ou tel chantier.
En conclusion, une véritable politique de qualification des produits industriels devrait conduire les pouvoirs publics à généraliser la recherche des paramètres et des tests permettant d'évaluer l'aptitude à l'emploi des produits industriels, à rendre leur étiquetage obligatoire, à contrôler l'exactitude des informations affichées, et au contraire à alléger la réglementation là où elle ne s'impose pas.
Le Squalpi a donc été créé par arrêté du 13 novembre 1975, avec quatre missions : susciter une concertation entre les professionnels concernés et les consommateurs pour définir et éventuellement normaliser les descriptions de l'aptitude à l'emploi des produits industriels ainsi que les procédures d'essais qui s'y rapportent; promouvoir un étiquetage informatif en s'appuyant sur les organismes intéressés en la matière et préparer, le cas échéant, les règlements destinés à rendre un tel étiquetage obligatoire ; élaborer et appliquer la réglementation relative aux conditions de délivrance des certificats de qualité ; enfin, suivre et coordonner, dans le domaine de la qualification des produits industriels, les actions des laboratoires d'essais et des autres centres techniques professionnels. On reconnaît là les trois premiers niveaux d'intervention des pouvoirs publics, selon moi les plus importants, en matière de qualification des produits. Mais ces orientations initiales ont été assez largement oubliées. D'abord dans la dénomination du Squalpi, le terme qualification, jugé trop compliqué, a été remplacé par celui de qualité. Puis le ministère de l'industrie a été entièrement réorganisé, et je suis parti en Rhône-Alpes comme directeur régional de l'industrie et de la Recherche. Parallèlement, les instances patronales qui avaient activement participé à la commission du Plan sur la consommation, présidée Jean-Pierre Fourcade, ont cherché à éviter ce qu'elles percevaient comme un moyen dérangeant d'accroître la concurrence. En outre, le consumérisme est quelque peu passé de mode. Le ministère de l'industrie a abandonné toute politique de qualification des produits pour s'engager dans une action militante consistant à . apprendre . aux industriels à - faire de la qualité -, c'est-à-dire à resserrer leurs tolérances de fabrication : fabriquer de grandes séries de produits identiques, conformes aux spécifications, au moindre coût. Et depuis vingt ans, le Squalpi s'est voué qvec efficacité à ce rôle pédagogique.
Ne devrait-il pas aujourd'hui faire porter l'essentiel de son action sur une véritable politique de qualification des produits qui nécessite une pression extrêmement forte des pouvoirs publics ? Et, comme nous l'avons vu plus haut, les enjeux sont considérables en termes de développement de l'innovation, de protection des consommateurs, d'augmentation de leur pouvoir d'achat, de loyauté dans la concurrence entre les entreprises, d'efficacité des investissements en biens d'équipement et de protection de l'environnement. Cette politique me paraît faire partie de ce qu'une administration technique, à la charnière entre l'industrie et la société, pourrait considérer comme une de ses missions fortes. Nous pouvons regretter que notre pays n'ait pas vigoureusement plaidé à Bruxelles, alors que se mettaient en place les règles du marché unique, pour une politique communautaire de qualification des produits telle que définie ci-dessus. L'Union européenne paraît avoir été fortement inspirée par le modèle allemand fondé sur des normes binaires, sensées séparer le bon grain de l'ivraie, sans se préoccuper d'informer vraiment les consommateurs. Elle a même introduit des entraves à la liberté, pour un pays membre, d'imposer un étiquetage informatif sur son propre marché..
Une économie qui se veut de plus en plus libérale peut-elle fonctionner sans que tous les opérateurs soient aussi bien informés que possible ? Nos concitoyens ne devaient-ils pas consacrer à mieux consommer une part du temps qu'ils ne passent plus à travailler ? Une politique de qualification des produits industriels présente, à notre époque, toutes les caractéristiques d'une véritable mission de service public.
Depuis vingt ans, le Squalpi s'est voué à un rôle pédagogique. Ne devrait-il pas, aujourd'hui, porter l'essentiel de son action sur une véritable politique de qualification des produits, qui nécessite une pression extrêmement forte des pouvoirs publics ? |