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RESPONSABILITÉ
&
ENVIRONNEMENT

N° 8

EDITORIAL

Le théâtre de l'été s'est ouvert sur une nouvelle scène autour de la Hague, avec les acteurs habituels : la Cogema, Greenpeace, le ministre de l'environnement mais aussi de nouveaux intervenants qui constatent les dégâts bien réels qu'entraîne ce spectacle pour l'économie locale qui attend vainement ses touristes.

Puis la canicule exceptionnelle du mois d'août a provoqué le déclenchement de l'alerte à la pollution dans un Paris pourtant vide de ses voitures. Le nouveau ministre de l'Environnement a fort justement fait remarquer que chacun portait sa part de responsabilité puisque ce sont bien des personnes qui conduisent les voitures et que seule une action sur le long terme peut améliorer la situation. Mais elle a aussi osé toucher au tabou en mettant en cause les avantages fiscaux du carburant diesel. La réplique des autres acteurs fut sans surprise : ne touchez pas à nos avantages car sans eux nous ne seront plus compétitifs. En France, comme au plan mondial, dans ces débats sur l'atmosphère des villes ou l'effet de serre, la morale de La Fontaine commande toujours : "La raison du plus fort est toujours la meilleure". Elle traitait d'ailleurs d'une plainte de riverain pour la pollution de son eau.

La vie suivant son cours, l'été a apporté son lot d'accidents, confirmant que les plus fréquents sont ceux dont on parle le moins et, eût dit M. de La Palisse, les plus prévisibles. Accidents de la circulation, explosion d'un silo à blé qui a ému la France parce qu'il a fait onze victimes. Et pour finir ces deux informations venues des Etats-Unis.

Les inspecteurs fédéraux ont imposé le retrait et la destruction de douze mille tonnes de viande hachée contaminée par une variante particulièrement virulente d'Escherichia Coli. Au passage on apprend que les produits avariés, surtout la viande, tuent près de 10 000 personnes par an dans ce pays. Pourtant malgré des rappels à l'ordre nombreux pour négligence, l'entreprise n'avait d'elle-même pris aucune mesure corrective. Mais au fait combien de morts en France ? Un rapport paru aussi cet été a décrit les horreurs rencontrées par les inspecteurs dans les cuisines de certains restaurants. Un article paru dans le New-york Times indique qu'il suffirait de traiter par irradiation ces viandes pour éradiquer le risque. Mais l'irradiation des aliments est devenue synonyme de risque nucléaire et comme telle rejetée par les consommateurs. A rapprocher de l'impossibilité pour Dow-Corning de trouver une solution, même au prix de 15 milliards de francs, aux poursuites engagées contre elle pour des implants mammaires alors que les juges ont pourtant reconnu n'être pas convaincus qu'ils puissent causer des maladies.

Certes nous savons tous que nous ne sommes jamais rationnels dans nos choix, surtout quand nous nous sentons personnellement menacés. Mais ne faut-il pas quand même mettre parfois un peu de bon sens, et de bonne foi, dans des débats où la passion peut entraîner de graves dérives ? Les magistrats eux-mêmes le reconnaissent lorsqu'ils débattent avec les ingénieurs à l'occasion d'un colloque comme celui que la Société de chimie industrielle et l'Institut européen de cyndinique ont récemment organisé à Lyon et dont Responsabilité et Environnement publie les actes.

Michel TURPIN
Président du Comité d'Orientation

SOMMAIRE DU NUMÉRO 8

Réactions

Comportements et stratégies des acteurs dans la délégation des services publics de l'eau : difficultés et perspectives de régulation
Jean-Michel Salles, Armelle Guilloux, Jérome Inglès, Christian Poncet

Informations-Actualités

Amsterdam : un nouveau traité plus vert
Mathieu Wemaëre

Dossier : effet de serre

Les négociations internationales concernant l'effet de serre et les changements de climat
Pierre Chemillier

1992 : 160 pays s'engagent à Rio dans une convention cadre à surveiller leurs émissions de gaz à effet de serre et, pour les pays développés, à fournir une aide technique et financière aux pays en développement tout en ramenant leurs émissions au niveau de 1990 à l'horizon 2000.
1995 : la première "Conférence des parties" décide d'aller plus loin par la mise au point d'un protocole engageant les pays développés sur des objectifs quantifiés de limitation - les pays en développement n'étant pas tenus à de nouveaux engagements - qui devait être signé en décembre 1997 à Kyoto.
Quel pourra être le contenu de ce protocole ?
Quand on connaît les difficultés à réduire les émissions de CO2 et les efforts déjà faits, quand on y ajoute l'augmentation prévisible des populations dans les pays en développement et l'essor de leurs économies, on imagine l'ampleur de l'effort qui est à faire pour les pays développés. Et si toutes les parties se déclarent solidaires et disposées à appliquer le principe de précaution, elles se préoccupent aussi de ne pas entraver leur croissance ni la compétitivité de leur industrie.
Au vu des divergences des thèses en présence - pays en développement, Etats-Unis, Union européenne, Japon et pays exportateurs de pétrole et de gaz - il est difficile aujourd'hui de prévoir le contenu du protocole. Quoi qu'il en soit Kyoto n'est qu'une étape sur une route qui sera longue.


Enjeux explicites et implicites de la conférence de Kyoto
Jean-Charles Hourcade

La conférence de Kyoto doit décider d'objectifs contraignants pour les pays développés en matière de réduction des gazs à effet de serre.

Elle doit aussi déterminer, parmi les nombreux instruments mis sur la table, les mieux adaptée pour atteindre ces objectifs. Les futurs signataires ont-ils bien mesuré les implications de ce qu'ils risquent de parapher. En effet, vouloir quantifier dans ce domaine impliquerait nécessairement des harmonisations techniques et diplomatiques - donc des limitations de souveraineté pour les Etats. Sans compter des impacts économiques difficilement appréciables aujourd'hui. Ainsi des permis d'émission négociables qui peuvent prendre des formes très différentes et dont les conséquences pourraient ne pas être maîtrisables s'ils n'étaient encadrés d'un minimum de garde-fous et de règles de coordination. Les délégations sauront-elles les poser ?

Sauront-elles trouver des formules qui permettent à la fois de lancer des actions significatives et de pallier les risques de mécanismes institutionnels non maîtrisés. C'est l'un des enjeux de Kyoto. Relever le défi de l'effet de serre par le marché ? Mythe ou réalité, éthique et efficacité François Falloux La 3ème conférence de la convention cadre sur le changement climatique prévue à Kyoto en décembre prochain testera la volonté des gouvernements de la planète à s'engager sur des objectifs précis de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. En cas de succès, quels pourraient-être alors les instruments environnementalement et économiquement les plus efficaces - qui soient aussi socialement et politiquement acceptables ? Des mécanismes de marché pourraient-ils contribuer à la réduction du GES ? Dans une telle hypothèse ne serait-ce pas, pour les pays riches, un moyen d'éviter des décision difficiles chez eux en se déchargeant de leur responsabilité sur les pays pauvres ? Serait-ce une solution éthiquement acceptable ? Cette proposition ne traduit-elle par l'impact de l'hégémonie américaine ? Ne risquerait-on pas de voir les pays riches diminuer leur aide ? Qu'en penseraient les pays en développement ? Quel rôle, enfin, pourrait jouer des institutions comme la Banque Mondiale. Position de l'industrie pétrolière européenne Europia sur le réchauffement climatique Alain Heilbrunn En dépit d'incertitudes scientifiques qui demeurent, les gouvernements de la planète ont décidé d'agir contre le changement climatique en s'engageant à limiter les émissions de CO2. En 1995 l'Union européenne ouvrait la voie en décidant de stabiliser en l'an 2000 le niveau des émissions de CO2 à son niveau de 1990. Au sommet Rio +5 en juillet dernier, les chefs de gouvernements européens plaidaient en faveur d'une réduction de 15 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2010.

Or, ces émissions continuent à augmenter en Europe. Pour tenir le calendrier et enrayer la hausse, l'industrie pétrolière ne voit que deux moyens : une diminution significative de l'activité économique et un effort drastique des consommateurs. A cette voie, jugée irréaliste, elle propose une alternative en 5 points. Ce ne sont pas les objectifs proposés en matière de réduction des émissions qu'elle conteste, mais la précipitation à les tenir : pour de multiples raisons, notamment économiques et sociales, elle réclame du temps. Changements climatiques et effet de serre - Des solutions existent... reste à les mettre en oeuvre Antoine Bonduelle et Hélène Connor Les auteurs commencent par rappeler les trois principales positions en présence.

Celle des Etats-Iles, pays les plus menacés et qui réclament une réduction uniforme des émissions de CO2 de -20 % en 2005, a rallié l'ensemble des ONG du monde entier.

Celle de l'Union européenne, qui propose une réduction homogène de 15 % a, pour les ONG, le mérite d'avoir remis la négociation de Kyoto sur de bons rails même si subsistent de sérieuses ambiguïtés.

Enfin, la position des Etats-Unis, dont le refus de tout engagement fait douter les ONG de leur réelle volonté de tenir les engagements signés à Rio.

Un contexte qui peut faire craindre que la conférence ne se termine par un compromis au rabais. D'où un souhait : que les ONG saisissent l'occasion de Kyoto pour placer les gouvernements devant leurs responsabilités et obtenir enfin du concret, 5 ans après Rio.

Dossier : facteur humain et responsabilité pénale

Les accidents techniques, facteur humain et responsabilité pénale
Pierre Tanguy

Aujourd'hui, après une catastrophe, l'indemnisation des victimes ne suffit plus : l'opinion publique exige que des coupables soient désignés et sanctionnés.

Les responsables s'abritaient jusqu'alors derrière deux remparts : le respect des règles, et l'acceptation par la société d'un risque résiduel lié à certaines activités. Ces remparts ne jouent plus leur rôle dans le débat public et le débat juridique lui-même se trouve "sous influence" de l'opinion. La prise en compte des connaissances en matière de facteur humain dans le processus judiciaire, la compatibilité de l'indispensable retour d'expérience et du secret de l'instruction et la dissociation de l'indemnisation des victimes de la responsabilité pénale : trois thèmes abordés dans le colloque pour tenter de concilier exigences de l'opinion publique, impératifs d'une bonne justice et nécessaires progrès de la sécurité. Les acquis des précédents colloques Nicole Wanner et Denis Mondon Si un certain nombre d'acquis ont pu être assez aisément dégagés au fil des trois premiers colloques, restent deux questions plus délicates que les précédentes journées sont loin d'avoir épuisées : la recherche des responsabilités pénales dans les systèmes complexes et les insuffisances de la distinction erreur/faute.

L'analyse de la première fait aussitôt surgir deux paradoxes : la franchise nécessaire à la recherche de la vérité se trouvant contrariée par la peur d' éventuelles sanctions, c'est la responsabilité pénale qui vient jouer contre la sécurité ; quant à la prééminence de l'expert judiciaire, justifiée par l'impartialité de l'autorité qui l'a désigné, loin de renforcer l'autorité du juge, elle conduit à une véritable substitution des rôles : l'expert devient "juge".

L'examen de la seconde fait apparaître le manque de pertinence d'une distinction à première vue séduisante. S'il est clair pour l'instance judiciaire que la justice n'a pas vocation à énoncer des jugements moraux mais à sanctionner des infractions, seule, dans l'esprit de l'ingénieur, la faute volontaire qui implique un élément intentionnel mérite d'être sanctionnée par le droit pénal et non pas ce qui reste, à ses yeux, une simple erreur. D'où l'une des pistes suggérées par le colloque : civiliser en partie le droit pénal des infractions d'imprudence. Sous-dossier : risque admissible L'acceptabilité du risque : entre choix individuel et construction sociale Gilles Hériard-Dubreuil Toute action humaine comporte une dimension de risque : dans quelle mesure et sous quelles conditions un risque peut-il être considéré comme acceptable par celui ou ceux qui peuvent en subir les conséquences? C'est ce que se propose d'analyser l'auteur. Il s'attache, dans un premier temps, à définir les conditions dans lesquelles il est possible de parler d'acceptabilité du risque. Une seconde partie propose différents critères d'acceptabilité dans la perspective d'une prise de risque individuelle. La troisième partie analyse les mécanismes de construction sociale de l'acceptabilité du risque. L'auteur passe alors à l'examen des différents facteurs qui contribuent à mettre progressivement en cause les mécanismes antérieurs de coordination, appellant un retour de la responsabilité dans la construction sociale de l'acceptabilité. Enfin, la mise en perspective de ces différentes approches permet de dégager les difficultés associées à l'articulation entre l'acceptabilité individuelle du risque, conçue comme élément d'un choix, et les différentes acceptions sociales de l'acceptabilité. Risque thérapeutique admissible Elisabeth Hérail Une médecine de plus en plus performante mais des risques de plus en plus importants, une technologie médicale de plus en plus efficace mais susceptible d'entrainer des catastrophes collectives : des paradoxes difficiles à admettre dans une société qui aspire au risque zéro et où la sécurité due au patient est la priorité. En témoigne largement l'évolution du droit avec l'extension de la responsabilité sans faute qui vise avant tout à faciliter l'indemnisation des victimes.

La réponse du corps médical passe par un respect de règles déontologiques et sanitaires qui se traduit en termes juridiques par l'obligation de moyens. Celle des pouvoirs publics par la mise en place d'un dispositif qui garantisse la sécurité sanitaire des produits et des activités. Le médicament en offre l'exemple le plus accompli avec une véritable chaîne de sécurité qui assure évaluation, contrôle et alerte et dont s'est inspiré le dispositif qui s'applique désormais aux produits biologiques. La société ne pourra, en effet, admettre le risque sanitaire qu'avec la garantie que les moyens les plus adaptés sont utilisés dans l'intérêt des patients. La notion de risque admissible Pierre Lecomte Le risque est-il admissible? Peut-on, dans une société, supprimer tout risque inhérent aux activités humaines? Cette illusion - la sécurité intrinsèque- dominait dans l'industrie il y a quelques 30 ans. Aujourd'hui, persiste encore chez certains, la conviction que le risque zéro est à portée de réglements et de procédures. Mais, l'importance des dangers encourus, l'apparition de systèmes très complexes ou l'exploration de nouveaux domaines d'activité ont favorisé le développement d'une nouvelle approche qui vise à identifier et à quantifier les risques pour les réduire. Plus sure et plus réaliste que celle de l'autruche, cette nouvelle méthode est aussi l'aveu que l'accident est prévisible et que le risque existe. Comment définir alors un risque admissible? Une fois récusées trois sources - la fatalité, l'opinion publique et le législateur - l'auteur propose "la moins mauvaise des solutions possible" : un consensus des experts de portée internationale. Sous-dossier : à la recherche des responsables Comment combattre les erreurs Jean-Claude Wanner Violation volontaire et consciente de la règle, la faute appelle légitimement la sanction. Appliquer le même traitement à l'erreur, qui exclut tout élément intentionnel, ne peut être que parfaitement inopérant. Seule l'analyse est à même d'en réduire la fréquence. D'où un double impératif : identifier, dans un premier temps, les erreurs de l'opérateur par le biais de rapports d'incident, non pour dégager des responsabilités individuelles mais pour rechercher les causes des anomalies; puis, dans un second temps, analyser les incidents afin de détecter les erreurs en amont, c'est-à-dire les défauts de conception du système, pour y porter remède. C'est là l'objet du retour d'expérience : ni accuser, ni excuser, mais expliquer pour appliquer les mesures de sécurité justifiées. Complexité de l'approche prévention des accidents aériens Jean Forestier Prévenir ( des accidents analogues), réparer ( les dommages), sanctionner ( les responsables), trois problèmes distincts que soulève tout accident et qui exigent tous une longue et complexe recherche des éléments naturels, techniques ou humains ayant pu concourir à l'accident. Une recherche longue puisqu'elle doit prendre en compte la multiplicité des partenaires impliqués dans le transport aérien : créateurs des matériels utilisés, opérateurs, contrôleurs sans compter les certificateurs et les pollueurs. Une recherche d'autant plus complexe que s'y ajoute une composante omniprésente et cruciale dans ce secteur : l'intervention humaine. Systèmes complexes et responsabilité Brice Robin Comment localiser ou identifier les responsables à la suite d'accidents intervenus dans des systèmes complexes? Trois questions en résument les difficultés.

Est-il possible, pour un homme seul, d'appréhender intellectuellement ou d'avoir une vision globale précise d'un tel système?

La mise en oeuvre de la responsabilité pénale en cas d'accidents est-elle toujours indispensable? Si oui, la responsabilité de la personne morale n'est-elle pas plus adaptée?Tout système complexe est en effet une oeuvre collective : est-il raisonnable d'imputer pénalement à quelques individus la pleine responsabilité des conséquences de son dysfonctionnement?

Enfin, ne conviendrait-il pas de revoir la notion de faute pénale et celle de lien de causalité entre le dommage subi par la ou les victimes et la faute commise par le ou les responsables?

Événements

Publications

Déchets ménagers, une publication de l'Ademe Critical issues in the Economics of Climate Change, un ouvrage de l'IPIECA

Rapports

Examen des performances environnementales de la Corée, Conclusions et recommandations, un rapport de l'OCDE The Environmental Management of Industrial Estates, Un rapport du PNUE

Manifestations

Résumés étrangers