RESPONSABILITÉ & ENVIRONNEMENT |
N° 7
EDITORIAL |
Les vicissitudes des écolabels, dont nous présentons une analyse dans ce numéro, illustrent les difficultés que présente souvent la traduction concrète en actes de la vie quotidienne de choix en faveur de la protection de l'environnement qui font l'unanimité au stade de l'idée.
Pourtant, au fur et à mesure que les grandes sources de pollution clairement attribuables à des organisations, entreprises, sites, organismes publics, sont réduites, le poids relatif des pollutions diffuses et des actes individuels va s'accroître. Agir sur les prix est certainement un des moyens les plus efficaces comme l'ont montré les économies d'énergie provoquées par la croissance brutale du prix du pétrole en 1973 et 1979. Mais les prix se définissent sur un marché mondial et les coûts environnementaux sont rarement pris en compte. Même un ensemble comme la Communauté européenne peut très difficilement se singulariser sans menacer, ou au moins sans qu'on dise qu'elle menace, la compétitivité de son industrie. Pour jouer sur d'autres ressorts il faut qu'évolue le cadre culturel dans lequel baignent les individus. C'est une rude tâche car là aussi la mondialisation est omniprésente. Reste quand même l'école et l'éducation, et il est certainement regrettable que notre système français soit aussi imprégné de théorie et d'abstraction. Comment faire comprendre l'intérêt du label vert d'un produit quand on n'a jamais appris à observer et à connaître la nature, ses beautés, ses équilibres et sa fragilité ? Comment obtenir un comportement responsable, que ce soit pour ne pas jeter n'importe quoi n'importe où ou pour faire l'effort de quelques minutes de marche au lieu de mettre en marche le moteur de sa voiture, quand on juge démodé l'apprentissage de l'instruction civique et qu'on rejette allègrement la notion de responsabilité individuelle ? Les règlements et les taxes ne seront pas suffisants pour aller vers le développement durable. Certes l'industrie, comme le dit dans ce numéro le patron de DuPont, peut montrer la voie. Mais elle ne peut pas aller de front contre les demandes de ses clients. Que nous partagions ou non toutes ou certaines de leurs vues, écoutons attentivement ce que nous disent ceux qui, au nom de l'écologie, cherchent à définir de nouvelles façons de vivre ensemble et avec la nature. Nous avons encore le temps mais, comme le souligne le dernier rapport sur l'énergie de l'Académie des Sciences, nous sommes sûrs que notre système actuel ne pourra plus exister dans un siècle, c'est-à-dire désormais à peu près dans la durée de vie d'un homme.
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SOMMAIRE DU NUMÉRO 7 |
Opinion
Le développement durable John A. KrolRéactions
Perplexités au sujet de la sécurité du tunnel sous la Manche Claude Froger Les conditions de développement d'un écolabel de produit Alain NadaïInformations - Actualités
Natura 2000 Marc SansonDossier : Les outils de management de l'environnement
La responsabilité du fait des produits défectueux : les règles en vigueur en droit interne français et les règles européennes Xavier Leducq La France devait intégrer la directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité des produits défectueux avant le 30 juillet 1988. Douze ans plus tard, l'intégration n'est toujours pas effective. Comment expliquer une telle lenteur?La réponse n'est pas à chercher dans les pertubations qu'aurait engendré le passage brutal d'un système normatif à un autre : la tentative d'intégration se soldera, en effet, par la persistance de deux systèmes de responsabilité distincts.
Elle n'est pas plus imputable aux ambitions de l'avant projet initial d'intégration au droit français (juillet 1987) qui prévoyait, afin d'harmoniser les deux régimes, un toilettage complet du système national de nature à expliquer des délais à leur hauteur : la tentative n'a pas abouti. Les véritables raisons du retard français sont donc ailleurs.
La logique de la responsabilité, version nationale, est une logique de la responsabilité présumée qui privilégie la protection de la victime et une mise en oeuvre facile de la responsabilité de l'auteur du dommage. La directive européenne, fondée elle aussi sur le principe d'une responsabilité objective, mais sur une période limitée et selon des conditions de mise en oeuvre précises, ouvre cependant la porte aux causes d'exonération. L'exonération pour risque de développement, en particulier, qui permet d'exonérer l'auteur du dommage pour impossibilité de déceler le défaut en l'état des connaissances, fut longtemps un frein au programme d'intégration de la directive. Un amendement, adopté le 12 mars 1997, et qui prévoit, pour le producteur, une véritable obligation de surveillance et de prévention en cas de manifestation du dommage, obligation dont le non respect ferait perdre le bénéfice de l'exonération pour risque de développement, permit de surmonter l'obstacle.
Suivi d'expérimentation collective : prise en compte et définition Bruno Latour La crise écologique nous engage à faire le deuil d'une conception comtienne de la science et de l'ancienne distinction faits et valeurs, nature et culture.Le savant a fait place aujourd'hui au chercheur. Les premier, retranché derrière la neutralité scientifique, définissait les objets sans jamais croiser la question des valeurs. Le second, acteur parmi d'autres et engagé dans l'expérimentation collective, ne prétend pas mettre fin à l'incertitude.
La crise écologique fait de la crise de la science - la crise des faits - un "moment qui ajoute à la perplexité" en modifiant la forme même des objets et l'ancienne épistémologie : nous passons des objets de la nature, parfaitement stabilisés, à des "quasi-objets"incertains. Elle fait de la crise des valeurs et de l'ancienne éthique, un "moment qui permet la définition" et renouvelle - en ne la limitant pas à l'humain - la vieille question du politique : ceux qui composent à un moment donné le collectif, peuvent-ils et veulent-ils vivre ensemble harmonieusement? En effaçant la distinction entre ce que sont les choses et comment devraient vivre les humains, elle nous invite à vivre avec des quasi-objets qui engagent à la fois la définition du cosmos et celle de la société.
Renault une entreprise pilote en matière de recyclage Jean-Paul Vallat A compter de 2002, les véhicules automobiles retirés de la circulation devront être valorisables à 90%. Pour atteindre cet objectif Renault travaille dans deux directions : l'utilisation de nouveaux matériaux recyclables et la valorisation énergétique des résidus de broyage. Le recyclage est aujourd'hui un paramètre à part entière, intégré dès la conception d'un véhicule. Un paramètre qui a conduit à la limitation des familles de matériaux utilisés et au choix de familles revalorisables et recyclables. En témoignent l'utilisation des matériaux plastiques - et, parmi eux, des polyoléfines - comme la proportion de matériaux recyclés dans l'ensemble de la gamme Renault. Quant à la deuxième piste, la valorisation énergétique des résidus de broyage, elle a conduit à explorer toutes les pistes possibles et notamment dans l'industrie cimentière. Les recherches ont porté, tout à la fois, sur la préparation du combustible et sur les procédés techniques d'utilisation dans les chaudières. Il s'agit, quel que soit l'évolution des matériaux, du meilleur moyen de limiter la mise en décharge.Dossier : Les biotechnologies
"Le vivant nouveau que produit le génie génétique est, au départ, beaucoup plus prévisible." Axel Kahn La décision française d'interdire la culture du maïs transgénique s'explique par le retrait des industriels et des scientifiques face à l'offensive des opposants au génie génétique, confortés auprès de l'opinion par l'affaire de la vache folle.Une opinion devenue soupçonneuse car victime d'une double méprise. Sur le rôle de l'expert, sommé de prédire l'avenir quand il ne peut garantir que le sérieux de l'expertise. Sur l'appréciation des risques liés au génie génétique, cette nouvelle façon de produire du vivant se révélant beaucoup plus fiable que les méthodes traditionnelles. Introduire du vivant dans du vivant comporte toujours un risque, mais le génie génétique est, au départ, beaucoup plus prévisible. Faut-il renoncer à ces nouvelles techniques - dont le niveau de prévoyance est bien supérieur à ce qui est exigé des industries chimiques ou nucléaires- quand leur utilisation pourrait aider à relever le défi alimentaire des décennies à venir.
"Un droit à l'inventaire des progrès techniques." Réponse à Axel Kahn. Marie-Angèle Hermitte "C'est parce qu'il na pas de pouvoir légal que le comité est indépendant." Lucien Sève Né en 1983 du constat que la science avait pris du retard sur l'homme, le Comité consultatif national d'éthique a pour mission de formuler des avis éthiques et purement consultatifs sur des questions inédites suscitées par la recherche biologique et les innovations médicales. Loin du comité d'experts siégeant dans les allées du pouvoir, le CCNE se définit comme une assemblée de citoyens ouverte sur le monde et dont les travaux sont, chaque année, exposés au public. La nomination de ses membres ( par un assez grand nombre d'instances diverses) ne lui permet pas de prétendre à un quelconque pouvoir légal et c'est bien ce qui assure son indépendance. Le danger : le voir perdurer alors que sa mission pédagogique auprès du public serait achevée et que l'opinion aurait été mise en mesure de rattraper la science. Une évolution qui signerait la fin du CCNE comme lieu et vecteur de démocratie citoyenne pour en faire un aéropage d'experts justifiant aussi bien que conseillant les décisions du pouvoir. Pour éviter cette dérive : lui donner une dernière mission en le chargeant d'animer un grand débat civique à l'occasion du réexamen par le Parlementdes lois "bioéthiques" en 1999. Biodiversité et biotechnologies au travers de la Convention sur la diversité biologique Michel Chauvet Protéger la biodiverdité ce n'est pas interdire l'accès au ressources et un bon usage des biotechnologies peut, en retour, aider à sa conservation. La Convention sur la biodiversité biologique en prend acte, qui relie fortement préoccupations de conservation de la biodiversité et utilisation de cette biodiversité au travers des biotechnologies. Reste, pour mettre en oeuvre cette Convention à développer une approche globale qui intègre aussi bien la protection de la nature que l'utilisation agricole ou industrielle des biotechnologies. L'une n'ira pas sans l'autre.Evènements
Publications
Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, Olivier Godard Sciences et pouvoirs, Isabelle Stengers La recherche scientifique et technique dans le domaine de l'énergie, rapport de l'Académie des sciencesRapports
Déchets municipaux : coopérer pour prévenir. Un rapport de la cellule prospective et stratégie du ministère de l'Environnement, résumé par Dominique Dron Examen des performances environnementales de l'Espagne. Conclusions et recommandations. Un rapport de l'OCDEManifestations
Résumés étrangers